dimanche 31 mai 2009

NY le 31 Mai 2009

Reuters – 29 May 2009: U.S. consumer mood highest in 8 months.

A lire les journaux, à entendre les médias, à écouter les politiciens ou les économistes, tout semble aller mieux, bien qu’avec prudence, une prudence nouvelle qui est loin des affirmations assurées sur « la reprise au coin de la rue » que l’on nous servait il y a quelques semaines à peine. Néanmoins, selon l’agence Reuters, il parait que les « consommateurs », c'est-à-dire nous tous, vous et moi, puisque nous faisons partie aux yeux de nos gouvernants bien-aimés de cette espèce récente qui se définit en fonction de ce qu’elle est capable d’ingurgiter et de gaspiller ; il apparait donc, en vertu d’un de ces oracles version moderniste appelé « sondage », que la confiance des dits « consommateurs » américains n’a jamais été aussi haute depuis huit mois. Quel progrès lorsqu’on sait qu’il y a huit mois justement cette dernière n’avait jamais été aussi bas depuis plusieurs décennies ! Il est vrai qu’il fait plutôt beau ces temps-ci, ce qui serait une bonne explication à cela. D’ailleurs il n’y a pas d’autres explications plausibles si l’on se donne la peine de regarder ce qui se passe, et encore moins si l’on prend un peu de son temps si précieux à écouter ce que les gens ont à dire.

- Deux phénomènes propres à augmenter notre confiance à tous dans un avenir immaculé sont observables : le rendement des bonds du Trésor américains à long terme (30 ans) a monté et ceux des bills (3 mois) ont baissé passant sous la barre du zéro ! Qu’est ce que cela signifie ? Cela signifie d’une part que les Chinois ont cessé d’acheter des bonds du Trésor à long terme alors qu’ils en étaient les plus gros acheteurs jusque là, et qu’ils sont passé à l’achat dans les bills à trois mois. D’où l’évolution des rendements inverses de ces deux valeurs, l’une devenant plus attractive, pour mieux s’en échapper en cas de danger, et l’autre moins attrayante d’où la nécessité d’en élever le rendement pour attirer des pigeons. Ces derniers sont aujourd’hui principalement des américains qui se sont remis à épargner (3-4% du PIB), en quête d’une supposée sécurité, et la Fed comme on sait. Malheureusement la situation financière du gouvernement américain est effroyable et il est inévitable qu’il ne se trouve un jour ou l’autre en cessation de paiement lorsque les détenteurs de bonds du Trésor se rendront compte du danger que représente la détention de papier ne valant pas un clou. Alors ce sera la ruée vers la sortie et la fin de toute possibilité de vivre à crédit pour le gouvernement américain. Rappelons que ce dernier a prévu des revenus pour l’année de $ 1900 milliards (fourchette optimiste si l’on prend en compte la chute des revenus fiscaux enregistrée en Avril) et des dépenses de $ 3.600 milliards (là encore perspective très optimiste).
- Autre excellente nouvelle : la chute des prix de l’immobilier a atteint 18,7 % selon Reuters entre le début de l’année et début Avril et selon la même agence les emprunteurs les plus solvables et les plus sûrs jusque là commencent à être en retard sur leurs remboursements, les défauts de payements de ces derniers ayant doublé depuis un an, atteignant le taux de 6% contre 12% pour l’ensemble du marché. Ces « prime borrowers », la crème de la crème, considérés comme ne représentant aucun risque pour les banques sont désormais en cessation de payement en raison de perte d’emploi ou de baisse de salaires. On voit donc mal comment ce nombre grandissant de gens insolvables pourraient faire repartir l’économie en dépensant de l’argent qu’ils n’ont pas, et ce d’autant moins que lorsqu’il leur en reste ils cherchent par tous les moyens à le conserver. D’où le taux d’épargne en augmentation.
- Autre motif de réjouissance : l’Etat de Californie (première économie du pays) est désormais quasiment en faillite officielle après que la loi de finance proposée par le gouverneur ait été rejetée par les électeurs, alors que la plupart des autres Etats fédérés ne sont pas loin d’être dans la même situation ; cela entraîne partout des coupes sombres dans les effectifs du personnel éducatifs et de la police, des fonds alloués aux écoles, des remboursements de Medicaid, généralement les premiers à faire les frais de ces tentatives d’éviter la faillite.
- Autre nouvelle de nature à faire monter la confiance générale pour l’avenir : GM se mettra sous la protection du chapitre 11, c'est-à-dire en banqueroute, probablement dés Lundi ce qui, selon les « experts », mènera au chômage au moins 150.000 personnes supplémentaires, sans compter les « dommages collatéraux » provoqués dans tout le réseau d’entreprises dépendant de GM et Chrysler, dont la résurrection n’est pas du tout assurée.
- Quoi d’autre pour chauffer un peu notre optimisme ? Eh bien selon Bloomberg le chômage a dépassé les 9,2 % au mois de Mai. Ce chiffre excellent est bien entendu un chiffre officiel qui n’a pas grand-chose à voir avec la réalité qui, selon certains, se situerait autour de 15%.

Bref tout indique que la situation est en voie d’amélioration très nette ce qui justifie on ne peut plus cet optimisme rendu par l’oracle de Reuter et compagnie.

En ce qui me concerne, et d’après ce que j’ai pu voir et entendre ici à NY, rien ne vient corroborer cette supposée confiance. Au contraire il semblerait plutôt qu’une sourde inquiétude ne fasse place progressivement à la volonté d’éviter d’affronter la gravité de la situation. Mais comment ne pas remarquer les innombrables espaces commerciaux parsemant la ville en attente de locataires illusoires ? Comment ne pas se dire qu’immanquablement ce nombre va se multiplier dans les prochains mois lorsque l’on voit à quel point les survivants sont désertés par les foules de consommateurs transformées tout à coup par la grâce, non pas de la confiance mais bien de l’inquiétude, en économes d’autant plus avides qu’ils avaient dépensé sans compter auparavant ? Comment ne pas être désorienté lorsque, comme me le disaient quatre amis hier soir, les restaurants disparaissent les uns après les autres, parfois du jour au lendemain, et que les rescapés ont toujours de la place sans réservation, ce qui n’était pas envisageable il y a huit mois ? Et comment masquer l’arrêt des chantiers immobiliers qui parsèment la ville, y compris celui du World Trade Center (pas officiellement bien sûr) ? Enfin comment ne pas rester pensif lorsqu’une de vos amies qui n’a rien à faire avec la finance et encore moins avec la bourse, qui possède sa propre société depuis des années et qui ne peut être soupçonnée d’être un Dr Doom, comment ne pas rester perplexe lorsqu’elle vous dit qu’elle a décidé de vendre son portefeuille et ses liquidités pour acheter de … l’or !!! En la questionnant j’ai appris qu’elle avait pris cette décision après avoir reçu ce conseil de plusieurs personnes qui elles-mêmes faisaient la même chose de leur côté. Est-ce un indice de confiance ? C’est d’ailleurs amusant de constater que la même phrase revient dans la bouche de tous ces gens aussi divers par ailleurs : « comme mes grand parents… », « comme ma grand-mère… » etc… Ce penchant soudain pour l’or semble s’être accéléré depuis une ou deux semaines, notamment avec l’annonce de la dégradation de la note de la Grande Bretagne ; j’ai le sentiment que cela a constitué le facteur déclenchant une prise de conscience pour un certain nombre de gens ici ; l’idée que les prochains sur la liste pourraient très bien être les USA commence à faire son chemin. La chute du dollar qui s’en est suivie n’a fait que rendre plus réelle cette perspective qui semblait au plus grand nombre relever de la fiction. Tout à coup celle-ci semble se rapprocher dangereusement de la réalité, et plus rapidement qu’on ne pourrait le croire.
A rappeler que l’once d’or était à $980,30 Vendredi et que le pétrole avait atteint les $66 le baril le même jour, enregistrant sa plus forte hausse en un mois depuis 1999, en parallèle comme il se doit avec la baisse du billet vert. A noter que cette hausse du pétrole, si elle se poursuit comme certains l’envisagent, n’est pas faîte pour améliorer le déficit des USA ni un encouragement pour une hypothétique reprise, et ce d’autant moins en comptant avec un dollar de plus en plus faible ni avec la hausse des taux d’intérêts.

La conclusion de tout cela est que l’on peut se poser la question de savoir si nous ne sommes pas à la veille du retournement du marché, comme l’escomptent la plupart des meilleurs investisseurs qui se sont tous positionnés dans cette perspective.
J’ai l’impression que l’inquiétude s’accroit et que les fausses bonnes nouvelles ne prennent pas autant que le voudraient ceux qui les propagent, où plutôt qu’elles ont désormais de moins en moins d’effets. Il est possible que cette inquiétude grandissante n’ait pas besoin d’un grand cataclysme pour se transformer soudainement en un rush pour se mettre à l’abri de ce que l’on commence à percevoir de manière plus ou plus précise de la situation réelle du pays. Néanmoins la surprise d’être tombé en si peu de temps dans une situation si catastrophique joue encore un rôle de modérateur sur la perception de la situation véritable ; on se dit que ce n’est pas possible, que cela reviendra, que les journaux exagèrent... Mais la chute du dollar, l’abaissement de la note de la GB, la faillite de GM, la faillite de la Californie, la chute ininterrompue des prix de l’immobilier sans compter tout le reste ont finis par agir sur les esprits les plus fermés à la réalité. Et il est à craindre que lorsque ces derniers s’ouvriront soudainement à cette réalité la panique ne les fasse se précipiter vers la sortie de secours en entraînant tout sur leur passage. Ce jour là il vaudra mieux ne pas être en travers du chemin.

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