vendredi 31 juillet 2009

Santa-Fe (NM), le 31 Juillet 2009

De Flint à la Nouvelle-Orléans il doit y avoir 2000 miles, c’est à dire plus de 3500 km. Ces deux villes se situent pratiquement à la frontière canadienne pour la première et, comme on sait, tout à fait au Sud pour la seconde. C’est ce qui s’appelait avant 1763 la «Nouvelle France», territoire qui comprenait également une grande partie du Canada.

Après avoir traversé le Michigan, l’Indiana, l’Arkansas, puis le Mississippi on arrive enfin en Louisiane et à la Nouvelle-Orléans. C’est long, très long, surtout en voiture. Mais on voit du pays, comme on dit; cela étant c’est un pays qui est très monotone à la longue. En réalité c’est là que l’on se rend compte à quel point nous autres, Français où Européens, sommes gâtés par la variétés de nos contrées sur un territoire somme toute peu étendu. Tandis que dans le cas qui nous intéresse, tout au long de ces 3000 où 4000 km j’ai dû voir deux paysages véritablement différents l’un de l’autre, naturellement accompagné d’un changement de climat notable. A frontière de l’Illinois, du Tennessee et du Mississippi le climat et le paysage deviennent nettement tropicaux.


«Nouvelle France». Tout au long de cette longue route les noms des villes nous rappellent cette présence française: Saint Louis, Terre Haute, Louisville, Detroit... sans compter la Nouvelle-Orléans bien entendu. Cette ville est tout à fait à part, que ce soit dans l’Etat de Louisiane où dans le pays. Elle est d’abord tout à fait atypique en raison de son plan urbanistique hérité directement des Français, je parle ici du coeur de la ville, c’est à dire le vieux quartier où French Quarter situé au bord du Mississippi; ce lieu reste le centre touristique par excellence aux USA non seulement pour les étrangers mais aussi pour les Américains, pour la bonne raison qu’il est encore complètement non-Américain. En effet nul part ailleurs aux USA on ne peut trouver un endroit aussi différent, si exotique. Certes il s’agit de ce «vieux quartier» mais également de la mentalité qui y règne, de la vie qui s’y déroule comme un long tapis jamais usé, comme si par une sorte de miracle auquel personne ne prenait garde le tapis en question restait toujours aussi frais que lorsqu’il avait été installé. Ce quartier forme lui-même une enclave au sein de la ville, retranchée du reste, séparé de tout ce qui s’est construit après lui comme s’il s’était enfermé pour toujours pour échapper à tout ce qui se déchaînait à sa porte. Un des habitants de ce French Quarter me disait que ceux qui y habitent et qui y travaillent n’en sortent jamais que pour des raisons pratiques, par exemple un achat que l’on ne peut pas faire ailleurs; mais aucun de ces habitants n’envisagerait une seconde d’habiter hors de ce havre, non pas de paix mais d’incongruité. C’est plutôt cela le terme véritable: ce quartier est totalement incongru, jamais on ne s’attendrait à déboucher au détour d’une tour horrible de 50 étages sur un quartier de ce genre. Tout à coup on se trouve littéralement ailleurs. Comment, pourquoi, on n’en sait rien mais en trois secondes on est sur une autre planète.


Soudain disparus les atroces gratte-ciel sans âme, au loin les autoroutes à huit voies et leurs cortèges de voitures et de camions tonitruants, plus de trace du harcèlement publicitaire omniprésent, plus de trace non plus du clinquant et du bling bling de pacotille dont on est abreuvé où que l’on aille dans le pays. Au détour d’une rue on se retrouve tout à coup dans une ville, une vraie ville avec des rues étroites, une ville où il y a des piétons qui marchent dans les rues et sur les trottoirs, une ville où ils y a des gens qui s’interpellent dans la rue, où des diseuses de bonne aventure vous attirent sur un tabouret pour vous raconter votre vie, une ville où il y a des bistrots aux tables desquels on peut s’asseoir et discuter où bien regarder les passants. Bref une ville où la vie s’écoule comme un fleuve qui charrie le limon qui fécondera les rivages qui le bordent.

Les maisons sont basses, construites en briques, encadrées de balcons en fer forgé qui s’avancent souvent largement au-dessus des trottoirs, soutenus par des colonnettes qui descendent des toits pour venir se poser par terre, permettant ainsi aux passants de s’abriter des pluies soudaines, comme c’est le cas en ce moment lors de la saison des pluies... Les portes à double ventaux cachent souvent des cours intérieures envahies de plantes luxuriantes, qui suspendues aux plafonds comme des lustres, qui en pots posés à même le sol les uns à coté des autres, comme on en voit dans tous les pays tropicaux, des jardins intérieurs échappant au brouhaha de la rue, propices à la conversation où au farniente. Les façades sont souvent assez simples, parfois même banales car c’est seulement derrière leurs portes fermées que se révèlent les véritables trésors du quartier. Plus à l’Est du quartier français, à dix minutes à pied, se trouve un autre quartier, résidentiel celui-là. Les maisons y sont plus basses que dans le centre, construites principalement en bois, les façades peintes de couleurs vives, les fenêtres protégées de persiennes et des chaises en rotin souvent installées devant la façade de la maison de manière à profiter de se qui se passe dans la rue. Il règne dans ces petites rues mal éclairées le soir un silence et un calme reposant après l’agitation du centre ville, surtout rue Bourbon où se trouvent de nombreux bars dans lesquels la musique «on live» se déchaîne et se répand dans toute la rue. Il est certain, à mon avis, qu’il vaut mieux loger dans cette partie de la ville plutôt que dans le centre en raison du calme exquis qui y règne et de la vie «au ralenti» qui s’y déroule, comme un film muet d’avant guerre mais en couleur.

Lorsque l’on s’aventure dans la partie qui fût la plus touchée par Katrina en 2005, c’est à dire la partie située tout à fait à l’Est du quartier français, il faut sortir des grands axes pour voir encore des maisons en bois à l’abandon, recouvertes de plantes qui prennent possession des lieux. Ces maisons, pas aussi nombreuses que je ne le pensais, ont été abandonnées par leurs propriétaires qui souvent ne sont tout simplement pas revenus habiter la ville. Il parait que celle-ci a perdu la moitié de ses habitants depuis 2005. De nombreuses maisons ont été détruites et emportées par la tornade, d’autres furent abattues par la ville, mais d’autres encore furent restaurées où sont en train de l’être; on peut le deviner aux couleurs vives dont elles sont souvent repeintes en deux tons. Plus on se rapproche du quartier français moins on voit de traces du passage de la tornade. Les quartiers qui furent les plus touchés par Katrina sont des terrains qui se situent en-dessous du niveau de la mer, ce qui n’est pas le cas du quartier français. Cela explique pourquoi ce dernier ne connut pas le désastre de ses voisins, même s’il fut inondé en partie. En revanche, on reste un peu perplexe lorsque l’on voit des constructions nouvelles s’élever à l’endroit même où la catastrophe fût la plus sévère en raison de la dénivellation du terrain.


La Nouvelle-Orléans, où plus précisément le quartier français, lorsque l’on a déjà passé plusieurs mois aux USA, apparaît totalement surréaliste tant cette ville diffère de tout ce que l’on peut voir dans le reste du pays: les gens qui y vivent, les habitudes, la vie qu’on y mène, rien n’a son équivalent. C’est alors qu’on se demande comment tout cela a survécu aux ravages de la marchandisation généralisée qui sévit partout ailleurs. Pourquoi ce fléau s’est-il arrêté aux portes du quartier français ? Par quel miracle ?

La réponse serait-elle dans ce que m’a dit cette jeune femme charmante rencontrée dans un bar qui ne l’était pas moins ? Lorsque je lui demandais comment elle était arrivée là, elle m’a répondu: «je suis venu pour deux jours et je suis resté; cela fait vingt ans maintenant.» Et je suis certain qu’elle ne pourrait habiter nul part ailleurs aux USA. Cette opinion me fut confirmée par d’autres américains autochtones à qui je demandais s’il pourrait vivre ailleurs que dans cette ville; la réponse fût toujours la même: oui à l’étranger. En exagérant à peine, on pourrait émettre l’hypothèse que la Nouvelle Orléans est le refuge de tous ceux qui ne supportent plus de vivre ailleurs dans leurs pays mais qui ne veulent pas le quitter. Pour le moment. Ils finissent donc par atterrir ici avec leurs congénères ce qui fait que seuls des individus qui ne veulent pas que cela change peuplent le quartier, d’étranges bipèdes qui font tout ce qu’ils peuvent pour préserver ce qui existe, c’est à dire leur manière de vivre qui ne peut en aucun cas s’adapter à ce qui arrive partout ailleurs aux USA. En fin de compte la Nouvelle-Orléans est peut-être le seul refuge qui reste aux USA, en tant que ville, pour Américains refusant d’être transformés consommateurs, c’est à dire en produit de consommation eux-mêmes.

Où sinon dans le quartier français aurais-je pu voir, dans le bar cité plus haut, arriver un bonhomme, s’installant au bar où je me trouvais, commander un verre et se mettre à fumer une cigarette le plus naturellement du monde ? Inutile de dire qu’à NY on aurait appelé la Garde Nationale et que le type se serait retrouvé illico à Guatanamo pour attentat contre la santé des USA... sans parler de la sécurité évidemment !

Cela m’a rasséréné quelque peu... trop peu malheureusement.


lundi 27 juillet 2009

Joe Biden: «it’s a very difficult thing to deal with loss of empire...»

On prend les même et on recommence !

Cette fois il ne s’agissait pas d’annoncer au monde et aux Israéliens qu’ils avaient le feu vert du gouvernement US pour attaquer l’Iran en toute impunité mais plutôt de démontrer que les Russes étaient à la merci des Américains et qu’ils feraient ce que ces derniers leur commanderaient sans bouger une oreille (Sources: WST - 25.07.09).


Certes cette interview est intéressante en ce qu’elle révèle non seulement le degrés effrayant d’ignorance de la situation du monde d’aujourd’hui de la part du Vice-Président des USA mais aussi, bien entendu, de son aveuglement sur l’état des USA. Cela va de pair. Mais ce serait une erreur de penser qu’il serait le seul à partager cette conception de la situation. Cet état d’esprit, si l’on peut parler d’esprit en l'occurrence, se situe dans la droite ligne de ce que le monde a du subir pendant huit ans lorsque Wolfowitz où Cheney et consorts nous faisaient profiter de la subtilité de leurs compréhensions des relations internationales; ainsi de la fameuse: «vieille Europe versus jeune Europe»., où encore: «tous ceux qui ne sont pas avec nous sont contre nous», sans compter tout le reste dont on pourrait faire une anthologie.

Cela est d’autant plus affligeant que nombreux sont ceux qui croyaient par ignorance être débarrassé de ce genre de bouffons dangereux avec l’accession des démocrates au pouvoir. En réalité il ne s’agit pas de républicain versus démocrates. Il s’agit d’une mentalité répandue dans toute la société américaine, un état d’esprit qui transcende toutes les barrières politiques où sociales, ce qui ne veut pas dire qu’elle soit partagée par tout le monde

C’est un complexe mélange de certitude (avec tout ce que cela comporte de fragilité) de sa propre supériorité sur tout ce qui existe, d’incapacité complète à se remettre en question, le tout basé sur une ignorance crasse de tout ce qui n’est «pas comme nous». En effet pourquoi chercher à connaître ce qui n’est pas comme soi puisque, étant le sel de la terre, non seulement tout le monde doit devenir comme eux mais ce ne peut-être évidemment que le voeu le plus cher du monde entier. Peut-être cela explique-t’il en partie cette absence totale de sentiment de culpabilité et cette impossibilité d’un quelconque «mea culpa» où de reconnaissance d’un échec. Cela remettrait trop en question le fait d’être d’une essence supérieure au reste du monde, le fait que les lois qui s’appliquent au reste du monde ne s’appliquent pas à soi et à ce qu’on représente, c’est à dire les représentants du progrès et de la vérité incarnés sur cette terre, en bref le «peuple élu», «The town upon a hill».

Encore une fois, répétons-le, tout le monde n’est pas affligée de cette mentalité aux USA mais celle-ci est suffisamment répandue pour ne pas être celle d’une minorité, loin de là. En réalité elle est fréquemment répandue de manière plus diluée et plus naïve, c’est à dire un peu «bon enfant» si l’on veut bien, et il arrive souvent que ceux qui la partagent de la sorte soient parfaitement capables et volontaires pour corriger une vision des choses qui leur apparaîtrait tout à coup fausse. Tout le monde n’est pas aussi caricatural que Biden, Cheney et le reste. Malheureusement c’est Biden qui est Vice-Président des USA.


Pour conclure il ne faudrait pas croire que seul Biden est affligé de cette mentalité dans la nouvelle administration, et encore moins au Congrès, quel que soit le parti. Certes non, mais c’est le seul qui a une «grande gueule» et qui l’ouvre dés que personne n’est là pour l’en empêcher. La différence est que les autres se tiennent peut être plus à carreau car ils sentent confusément sous la pression de la crise que la situation très préoccupante de leur pays ne leur permet plus d’agir comme ils le voudraient en leur fort intérieur.

Comme l’a très bien résumé Biden lors de l’interview:


"It's a very difficult thing to deal with, loss of empire. The empire was not justified, but still, you're sitting there and all of a sudden...this country Russia is in a very different circumstance than it has been any time in the last 40 years, or longer."


A l’exception du mot «Russia» auquel le discours ne s’applique plus (entre 1992-1995 cela aurait été une autre question) tout le reste décrit parfaitement la situation actuelle...

... des USA.


dimanche 26 juillet 2009

Youngstown, Flint, les «shrinking cities» et le soit disant modèle urbain américain: quelle solution ?

Faîtes preuve d’imagination !

Imaginez que vous pesez 160 kg (oui, oui, je sais...).

Bon maintenant imaginez qu’en quelques jours vous perdiez tant de poids que vous finissiez à 80 kg.

Comment faire pour réadapter vos vêtements à votre nouvelle corpulence ?

C’est à peu près le problème que se posent une cinquantaine de villes aux USA aujourd’hui: celles que l’on appelle les «shrinking cities».


Généralement parlant les « shrinking cities » sont des villes qui font parties de la « rust belt », c’est à dire ces villes qui furent au coeur de l'essor industriel des USA à la fin du XIXeme et au début du XXeme siècle, puis qui ont décliné dés la fin des années cinquante pour finir par mourir dans les années 70, victime de la désindustrialisation du pays. C’est ainsi que nous pouvons citer Youngstown, Pittsburgh, Cleveland, Saint Louis, Flint, Detroit parmi beaucoup d’autres.

Toutes ces villes ont vu leur population se réduire de manière spectaculaire depuis trente ans en raison de la fermeture des industries qui les faisaient vivre. Les gens sont tout simplement partis en laissant leurs habitations derrière eux lorsqu’ils ne parvenaient pas à les vendre. C’est ainsi que certaines de ces villes ont pu perdre de 40 à 50% de leur population en quelques années, laissant derrière elles des quartiers entier abandonnés, des quartiers fantômes qui continuent à coûter des fortunes aux mairies en raison du fait que les services municipaux doivent maintenir l'éclairage de rues inhabitées et de collecter les poubelles pour les rares habitants restés sur place malgré le fait que plus de la moitié voire plus des maisons de leur quartier soient abandonnées. Celles-ci d’ailleurs finissent par devenir des lieux de ralliement pour les drogués où pour la prostitution.

D’où la question: comment faire pour réadapter le vêtement devenu trop grand?


Yougstown (Ohio) est la ville d’où est parti l’idée originale qui commence désormais à faire école aux USA pour régler ce problème.


Le 19 Septembre 1977 the « Youngstown Sheet and Tube’s Campbell Works » ferma ses portes du jour au lendemain laissant 5.000 personnes sur le carreau et mettant un terme à la principale activité de la ville depuis cent ans: la sidérurgie. Youngstown était la troisième ville des USA pour la production d’acier. Au cours des années suivant le «black Friday» 50.000 personnes perdirent leur emploi tandis que tous les fourneaux fermèrent les uns après les autres. Depuis, la vallée qui naguère se vantait d’avoir « Thirty Mills in Thirty Miles » n’en possède plus un seul, Youngstown a perdu la moitié de sa population, passée de 170.000 à 80.000, les saisies immobilières sont montées jusqu’au ciel, les impôts impayés également. Mais cela a eu d’autres conséquences. Aujourd’hui seuls 10% des résidents de Youngstown possèdent un «Bachelor’s degree» et seulement la moitié d’entre eux ont du travail. De plus on estime qu’environ 35% des habitants de Yougstown sont illettrés, ce qui reflète assez bien ce qu’on appelle aux USA une « National crisis in literacy ». Cela engendre de grandes difficultés à trouver du travail, et lorsque cela arrive les salaires sont généralement parmi les plus bas. Il n’est donc pas étonnant que le taux de criminalité et de délinquance soit parmi les plus élevés du pays.

Pendant des années l’objectif des autorités de la ville fût de redonner à la ville sa gloire passée, c’est à dire de faire en sorte qu’elle se repeuple à son niveau « d’avant » grâce à des implantations diverses d’industries et autres sociétés. En réalité jamais rien ne se concrétisa et la ville continua de sombrer jusqu’au jour où l’ancienne génération disparut et fut remplacée par des individus plus jeunes, c’est à dire des gens qui, n’ayant pas connu l’âge d’or de la ville, ne cherchèrent pas à lui redonner son lustre passé à l’aide de la croissance à tout prix mais au contraire prirent acte de la situation. Youngstown était devenue une petite ville et il fallait en prendre son parti. Il fallait la restructurer en fonction de cette nouvelle donne. D’où le plan (Yougstown 2010) de réduire la taille de la cité et tenter de redonner vie au centre de la ville, complètement déserté et abandonné, au lieu de vouloir à tout prix repeupler les quartiers vidés depuis trente ans.


C’est ainsi que des quartiers entiers sont en train d’être rasé à coup de bulldozers (2000 maisons doivent rasées l’année prochaine) et transformés en parcs où laissés à l’état de nature; plus de 1000 bâtiments ont été démolis jusqu’à maintenant. De plus la mairie offre $50.000 aux survivants de l’exode général afin de les encourager à déménager d’un quartiers promis à la démolition dans un de ceux où la mairie tente de regrouper le maximum de gens. De même en ce qui concerne le centre ville la mairie a déjà abattu de très nombreux immeubles en ruine où abandonnés, les rues ont été nettoyées et réaménagées de manière à attirer la population dans le centre.


Flint (Michigan) est une autre ville emblématique des « shrinking cities ». L’exemple est différent de celui de Youngstown en ce sens que l’industrie qui fit les beaux jours de la ville n’était pas la sidérurgie mais l’automobile.

Flint est synonyme de GM. C’est à Flint que GM avait son siège, c’est à Flint que GM employait 78.000 personnes au début des années 80 au moment de son apogée. C’est à Flint encore que GM avait un complexe industriel nommé « Buick City » réparti sur 80 hectares environ (235 acres), une véritable ville dans la ville, dans laquelle travaillaient 25.000 personnes. Aujourd’hui GM n’emploie plus que 8.000 personnes. Au moment de sa gloire Flint comptait 230.000 habitants; aujourd’hui il en reste 100.000 et plus d’un tiers des maisons sont vides et abandonnées. Déjà plus de 1000 maisons à l’abandon ont été détruites.


Mais contrairement à Youngstown rien n’est encore décidé et aucun plan n’a encore été accepté. En réalité il y a encore beaucoup de politiciens où responsables municipaux, sans parler des habitants eux-mêmes, qui ne parviennent pas à se faire à l’idée de réduire la taille de leur ville en démolissant des maisons pour laisser la place à des champs où à des terrains où la nature a repris ses droits. La controverse a lieu en ce moment même et on ne peut savoir quel en sera le résultat, et ce d’autant moins que la crise n’aide pas à résoudre le problème puisqu’elle provoque encore plus de chômage, et donc plus de charges pour les villes et les Comtés dont les finances sont loin d’être florissantes. C’est un euphémisme. Cela dit réduire la taille des villes qui ont perdu leur population est dans l’air du temps, surtout depuis que le Président Obama a confié à Dan Kildee, trésorier du Genesee County et ardent promoteur du plan en question, le soin de faire la même chose dans les 50 autres villes les plus importantes concernées par ce problème aux USA. Mais pour le moment ce sont des effets d’annonces et rien n’a encore démarré à l’exception de Youngstown qui montre la voie.


Parlons-en.

Le centre ville de Youngston ressemble à n’importe quel centre d’une agglomération aux USA; c’est à dire à rien. Où plutôt à des immeubles paniqués qui tenteraient d’échapper au cannibalisme débridée des routes extra larges qui tentent d’avaler le moindre espace qui ne leur ait pas encore été cédé. En revanche le centre de Youngstown a quelque chose de particulier: en effet les trottoirs sont en état, on a ajouté des fleurs et des arbres au milieu des avenues pour en réduire la largeur, on a aménagé des passages pour piétons afin de leur permettre de traverser les avenues sans risquer la mort à chaque pas, on a réaménagé les immeubles échappés à la destruction, il y a une quantité extraordinaires de parkings et enfin il y a un grand nombre d’espaces vides entre les bâtiments survivants. Mais il manque quelque chose à cette description: il n’y a absolument personne! Lorsque j’y étais Samedi dernier dans l’après-midi tout était vide; si j’y ai croisé 4 voitures ce serait bien le bout du monde et si j’y ai vu une dizaine de personnes ce serait le maximum. j’aurais très bien pu m’asseoir au milieu de Main Street et engager une partie d’échec sans craindre de devoir dégager les lieux avant de l’avoir terminer. En bref c’était tragiquement mort et sinistre. Pourtant me direz-vous beaucoup d’améliorations ont été apportées! Oui des améliorations de façade, c’est le cas de le dire, mais certainement pas de celles qui attirent un humain pour y passer du temps et encore moins pour y habiter.


Je fais le pari que n’importe quel humain logé dans le centre de Youngstown sans voiture mourrait de faim au bout d’une semaine. Pas de soif car il y aurait malgré tout l’eau de la ville. En revanche pour trouver le moindre morceau de pain où le plus quelconque des hamburgers il n’y a aucun choix sinon faire 5 où 6 miles en voiture, c’est à dire se rendre dans un de ces centres commerciaux qui se trouvent à l’entrée de toute agglomération US qui se respecte, s’étendant sur des millions de mètres carrés. C’est d’ailleurs là que se trouvent les restaurants, les garages et tout ce dont on a besoin pour survivre. Mais dans le centre de Youngstown il n’y a rien qui permette de survivre, et encore moins de vivre évidemment puisque cela n’a même jamais été envisagé par quiconque. De toute manière il faudrait encore que quelqu’un ait une vague idée de ce que cela pourrait bien signifier. Pour le moment donc, et bien que ce soit entretenu et en bon état, et malgré les incitations municipales, personne n’a manifesté la volonté de venir s’y installer. On comprend !


Quant aux quartiers situés en dehors du centre c’est une autre histoire. Effectivement on peut se balader longtemps au milieu de quartiers complètement abandonnés, dont les maisons sont murées, bien qu’il y ait de nombreuses exceptions, des maisons en plus où moins bon état, certaines déjà ruinées, les gouttières pendant le long des murs, les portes arrachées de leurs gonds ou les fenêtres brisées. Ce serait l’endroit parfait pour tourner un film dont le sujet serait une ville dont les habitants auraient été décimés par une épidémie de grippe porcine il y a des années, genre « retour vers le futur ». Aucune trace d’hommes et pourtant on le sentait partout, et pour cause; des chaises sur un balcon, une voiture laissée devant la porte, des poubelles oubliées sur un trottoir, une tondeuse abandonnée devant le garage, tout cela désormais envahi par les herbes, les ronces où même des arbres.

Et puis au détour d’un coin de rue, tout à coup il n’y a plus de maisons du tout, à part une où deux aussi esseulées que deux dents au milieu d’une bouche qui n’en contiendrait plus d’autres. Cela fait une impression étrange car il est évident que ces maisons n’ont pas été conçues pour rester isolées, que tous ces bouts de rues ne furent pas crées pour aboutir à rien, c’est à dire à un cul de sac au-delà duquel on se retrouve dans une espèce de terrain vague colonisé par des arbustes et des broussailles. Même les animaux semblaient avoir déserter l’endroit car je n’en n’ai vu aucun à l’exception des oiseaux. Je peux les comprendre car au bout d’un certain temps passé là-dedans on n’a plus qu’une envie: foutre le camps le plus vite possible.


Si ces quartiers abandonnés risquent la désintégration rapide, même sans intervention humaine, les anciennes usines et autres fourneaux (en partie rasés), les montagnes de matériel démonté et les stocks de tubes d’acier en train de rouiller à l’air libre semblent un peu plus résistants que les habitations. Non pas qu’ils dureront quatre mille ans comme les pyramides d’Egypte, mais peut-être bien suffisamment longtemps pour nous faire honte vis à vis de nos successeurs, s’il y en a...

D’immenses structures en ferrailles tordues, d’énormes bâtiments en briques aux toits métalliques rouillés, des montagnes de morceaux de ferrailles aux formes monstrueuses dont je serais bien en peine de dire à quoi cela pouvait bien servir, des camion de toute formes ressemblant à de féroces monstres ante-diluviens, des dizaines de grues géantes alignées les unes à coté des autres mais auxquelles on a retirée leurs pelles, ressemblant désormais à des éléphants sans trompes, des montagnes de pneus de tailles si grandes qu’on se demande à quel genre d’engins ils pouvaient être destinés, sans compter tout le reste. On reste un peu abasourdi face à cette débauche insensée de matériels qui paraissent sortis tout droit du cerveau malade d’un démon de la pire espèce. C’est là que prend toute sa force et toute son acuité la pensée que cette pseudo civilisation que nous connaissons depuis deux cent ans ne peut être qu’un accident monstrueux. C’est curieusement confronté à ce que nous laissons déjà derrière nous que nous pouvons réaliser à quel point nous avons fait fausse route. Rien n’est plus frappant que ces déchets qui pourtant faisaient notre fierté lorsqu’ils étaient en état de marche, car rien n’est plus hideux ni plus révulsif; rien ne peut soulever plus d’effroi que la contemplation de ce spectacle de la ruine de nos rêves de singes mégalomanes.

Imaginons dans quelques siècles la découverte par des explorateurs de nos déchets si prisés au milieu des forêts. Quels seraient leurs sentiments face à ces horreurs ? A contrario quels furent les sentiments de ceux qui découvrirent Angkor Vat au XIXeme ?

Je parie que ce ne seront pas les mêmes...

Malraux avait dit: « notre civilisation ne laissera aucunes ruines derrière elle; elle ne laissera que des déchets. »

Nous y sommes.


A Flint en revanche il n’y a plus d’usines. En effet la fameuse « Buick City » a été rasée peu après sa fermeture définitive en 1999, c’est à dire en 2002. A la place il ne reste qu’un immense espace (80 hectares environ) dont le sol est bétonné et à travers les plaques disjointes duquel poussent des arbustes et des plantes, un espace clos de hautes barrières grillagées attendant un repreneur avec l’espoir que cela reparte comme avant... La partie Sud de ce terrain a été lotie il y a quelques années d’un grand nombre de maison assez luxueuses destinées à la classe moyenne, celle qui avait la faveur des banques car ils étaient réputés être des emprunteurs sûrs. En bref ces gens dont les emprunts sont appelés « prime » et dont la crise, bien plus grave que celle des « subprime », est imminente car nombre d’entre eux, par la perte de leur emploi, sont aujourd’hui pris à la gorge et ne peuvent plus rembourser leurs crédits. Il y a quelques jours, lorsque j’y étais, la mairie plaçait beaucoup d’espoir sur un groupe de logistique qui serait tenté de reprendre l’ex « Buick City » pour en faire son hub pour l’Amérique du Nord. Et la municipalité de vanter l’opportunité merveilleuse pour la ville et bla bla bla.... Occasion si fantastique que cela pourrait mener à la création de... 600 emplois ! Quel progrès là où il y en avait 25.000 dans le même espace il y a quelques années !


A Flint il n’y a que des quartiers à moitié abandonnés, c’est à dire toujours en partie habités et par conséquent en meilleur état que ceux de Youngstown bien que de nombreuses rues ne soient pas goudronnées et que les infrastructures ne soient plus entretenues, où alors au minimum. Malgré leur pauvreté les habitants de ces zones en voie de destruction, en partant du principe que le plan de réduction de la ville soit adopté, tentent toujours de maintenir les abords de leurs maisons le plus proprement possible. Il est rare par exemple de voir des pelouses non tondues, même dans les zones les plus déshéritées. Malgré un des taux de criminalité les plus élevés des USA on ne se sent pas en danger en se baladant dans ces rues; peut-être parce-que malgré tout la vie y est encore présente et qu’il y reste encore un peu d’humanité, ce qui n’empêche nullement de se faire attaquer mais on ne se sent pas menacé. Ce qui n’était pas le cas dans les rues vides de Youngstown où on se sentait carrément mal à l’aise.

Le centre de Flint est lui aussi, malheureusement faudrait-il dire, l’objet de l’attention de la mairie. Les immeubles sont ripolinés, les parkings agrandis, quelques immeubles de bureaux convertis en condominiums, mais là encore nulle trace de magasins, d’épiceries où autres commerces de proximité comme on dit chez nous... En semaine le centre ville est plus actif que celui de Yougstown, bien que ce soit exclusivement une activité de bureaux. Mais au moins il y avait là quelques restaurants et endroits où il était possible de se restaurer même si cela n’est certainement pas suffisant pour permettre d’y vivre. Toujours la même équation: sans voitures on meurt.


En réalité tout le problème d’urbanisme, non seulement de ces villes, Yougstown où Flint, mais de toutes les autres, tout est résumé dans ce seul mot: voiture. Toutes les agglomérations aux USA se sont construites depuis quarante ans par l’évacuation des centre villes au profit des banlieues. Ces banlieues furent à leur tour construites selon un schéma qui séparait rigoureusement les zones d’habitation toujours plus étendues des zones dîtes commerciales. Ce qui aboutit au bout du compte à ne pas pouvoir se passer de sa voiture quel que soit le cas de figure. On a besoin de sa voiture pour aller travailler et on en a besoin pour acheter quoi que ce soit, qu’il s’agisse d’un timbre poste où d’une bouteille d’eau où encore d’une ... voiture. Dans ces immenses banlieues hypertrophiées rien ne peut se faire sans voiture car d’une part il n’existe pas de transport en commun et d’autre part il est impossible de rien faire à pied car tout est beaucoup trop loin.


De plus cette hypertrophie des banlieues a eu pour résultat de rendre impossible la création d’un tissu social minimum; de fait les liens entre voisins, où habitants d’une même rue, voire d’un même quartier sont quasiment inexistants; ils sont complètement étrangers les uns aux autres pour la simple raison qu’il n’y a plus ni rue ni quartier; il n’y a que des sortes de routes, bien entretenues certes, au bord desquelles s’étendent à l’infini des maisons très espacées les unes par rapport aux autres. Tous ces gens agglomérés les uns à proximité des autres ne constituent, encore une fois, qu’un agrégat de particules élémentaires que rien ne maintient ensemble. Combien de fois n’ai-je pas entendu des américains disant qu’ils ne connaissaient pas leurs voisins les plus immédiats. Combien de fois n’ai-je pas entendu parler de l’inconvénient d’avoir des nouveaux venus tous les deux où trois ans, repartant ailleurs une paire d’année après leur arrivée, sans qu’on ait jamais su qui ils étaient. Comment dans ce contexte créer une communauté, comment tisser des liens entre les habitants d’un même quartier, comment créer un intérêt, sans parler de responsabilité, chez les habitants pour une agglomération dans laquelle ils ne vivront pas plus de deux où trois ans ? Même les endroits publics où l’on pouvait se rencontrer et où l’on discutait de tout et de rien (avant la guerre 39-45) y compris de la commune, ont soit disparu là où ils existaient (dans les anciens centre-ville), soit ils n’ont jamais été planifiés dans les banlieues et encore moins dans ces centres commerciaux géants où il est impossible de rencontrer qui que ce soit.


Peut-être que le plan «Youngstown 2010» parviendra à résoudre un des problèmes auquel les «shrinking cities» doivent faire face, c’est à dire se débarrasser des quartiers inhabités. Mais ce sera bien le seul car les problèmes qui concernent le modèle US de développement urbain où suburbain, eux, ne seront pas résolus par ce plan. D’ailleurs ils ne sont même pas envisagés d’une manière où d’une autre. La racine de ce désastre qui touche pratiquement toutes les villes US est la dépendance totale de tout le système à une énergie abondante et bon marché; c’est à dire par ricochet à l’automobile. Si demain, pour une raison où une autre, il y a une pénurie de pétrole où encore si le prix du baril augmente comme il y a un an à plus de $150 le baril pour ne plus redescendre, c’est la famine assurée dans le pays (non ce n’est pas une exagération car l’agriculture US est la première dépendante de l’énergie bon marché).

Rien n’est fait pour tenter de se dégager de cette dépendance. Donnons quelques exemples qui sont généralement pris en considération par tout urbaniste digne de ce nom de nos jours: il n’est nullement envisagé dans ce plan de regrouper des habitations autour d’un centre où chacun pourrait aller à pied (pas plus de 10 minutes); il n’est pas prévu de transport en commun pour relier des agglomérations entre elles où simplement différents quartiers d’une même ville pour éviter de prendre une voiture pour acheter un bouton de pantalon. Dans ce qu’on appelle les centre-ville il n’est pas envisagé trente secondes de créer des zones piétonnières, de réduire la largeur démesurée des boulevards ni de créer une hiérarchie d’avenues, de rues et de ruelles où la circulation des voitures seraient de plus en plus limitées jusqu’à laisser la place aux piétons. Il n’est pas question non plus de mélanger les habitations, les petits commerces et les bureaux de manière à attirer une population diverses socialement et aux intérêts multiples. De même rien n’a été prévu pour augmenter la densité de la population au centre des villes par la création d’habitations de tailles et de conceptions variés afin d’éviter l’uniformité générale, sans parler du remplacement de la laideur ambiante par des architectures plus attrayantes ce qui ne serait vraiment pas du luxe superflu car, loin d’être une fantaisie plus ou moins romantique, cela a une influence réelle sur les habitants. Pour s’en convaincre il suffit de rester quelques temps dans une cité où dans «une boîte à habiter» pour reprendre l’expression de Le Corbusier. N’oubliez pas les prozac!


En conclusion c’est tout le modèle des agglomérations et des «suburbs» US qui est à revoir de fond en comble. Mais cela ne pourra être efficace que si un changement des mentalités se produit. Et cela doit passer par deux étapes principales.

La première est l’abandon de cette notion de «croissance» à tout prix, c’est à dire la fin du gigantisme comme preuve de succès. En clair une correction radicale de la mégalomanie ambiante. C’est ce qui fut à l’origine du retard pris par les «shrinking cities» pour se remettre en cause car les autorité visaient d’abord un retour à leur splendeur passée, refusant de prendre en compte la réalité parce-que cela aurait constitué un aveu d’échec.

La seconde étapes est la prise de conscience du danger de ce modèle US de développement des suburbs et des centres commerciaux. Rien ne pourra se faire d’utile sans la prise de conscience que ce modèle n’est pas soutenable, non pas seulement écologiquement, mais aussi économiquement et socialement.

Jusqu’à aujourd’hui, et d’après ce que j’ai pu constater sur place, seule la première étape est en train de se mettre en place, bien que très lentement. Quant à la seconde elle n’a de réalité que dans les cerveaux très minoritaires de certains bien plus lucides que tous les autres mais dont les avertissements pertinents sont largement ignorés par les gouvernants. Pour le moment pourrions-nous dire mais lorsqu’ils le seront peut-être sera t’il trop tard.

Il est probablement déjà trop tard. Car le facteur décisif désormais c’est la crise dont les ravages n’en sont qu’à leurs débuts. Il suffit pour s’en convaincre de voir à quel point les budgets des Etats fédérés sont déficitaires et comment ceux-ci n’ont d’autres solutions que de couper drastiquement dans leurs dépenses, notamment dans les domaines sociaux, médicaux, policiers ou éducatifs. Ce qui provoque déjà des conséquences sociales catastrophiques. Dans ces conditions comment imaginer pouvoir débloquer des fonds pour restructurer des agglomérations entières alors qu’on est en situation de faillite, obligé de fermer les écoles, de libérer des prisonniers pour alléger les coûts des prisons tandis que dans le même temps on licencie des officiers de police par dizaines ?

Si la crise s’approfondit comme tout le laisse penser, si de surcroît l’énergie devient moins bon marché comme tout le laisse penser, alors il est à craindre que la restructuration des agglomérations US ne se fasse d’elle-même, sans budget et sans plan urbanistique, comme cela s’est déjà produit dans les « shrinking cities ».

On en connaît le résultat.


mardi 21 juillet 2009

Petit bulletin de santé sur les "Green shoots"..

Les «green shoots» se portent à merveille, parait-il. Il semblerait même que celles-ci soient sur le point de se muer en bourgeons qui à leur tour nous donneront des fleurs comme on n'en n'a jamais vu...

Et si vous voulez jouer au sceptique tenez-le vous pour dit en prenant connaissance de ces (des)-informations que l’on peut lire dans tout journal digne de ce nom, sans parler de celles hululées sur les ondes.


  • Tout d’abord les profits du second trimestre réalisés par ces bienfaiteurs de l’humanité: Goldman Sachs et JP Morgan, $ 3.44 billions et $ 2.7 billions respectivement. (Ne posez pas de questions stupides: oui ce sont les mêmes qui étaient en faillite il y a six mois).
  • D’autre part Bank of América a annoncé un profit de $ 3.2 billions et Citigroup de $ 4.3 billions.
  • Autre nouvelle remarquable qui a redonné du punch aux marchés: Caterpillar a réalisé un profit de $ 371 millions ce qui constitue une nouvelle extraordinaire selon nos gourous illuminés puisque cette société peut-être considérée comme un des indicateurs importants sur les tendances économiques à venir en raison de son activité touchant à la construction et aux mines.


La conclusion des Marchés et de nos gouvernants bien-aimés: le pire est dernière nous, nous sommes sauvés, les «green shoots» se portent à merveille et des fleurs magnifiques sont en train d’éclore. Préparez vos vases et vos ciseaux!

Quelques petits détails mineurs sont néanmoins à prendre en compte:


  • Les résultats de Citigroup et Bank of America furent dopés par des opérations qui ne pourront pas se répéter; la première a ainsi vendu sa participation dans Smith Barney Asset Management dans un joint venture avec Morgan-Stanley qui lui a rapporté $ 11.1 billions avant taxes; la seconde a gagné $ 5.3 billions avant taxes en vendant une partie de sa participation dans China Construction Bank. De plus non seulement ces deux banques doivent encore rembourser $100 billions à elles deux au gouvernement US, mais elles doivent désormais faire face à la hausse sans précédent des défaillances sur les cartes de crédits, à la hausse alarmante des arriérés et des saisies sur les crédits «prime» ainsi que sur les prêts à taux variables, sans parler de la crise de l’immobilier commercial qui est sur le point d’exploser. L’exposition de ces banques à ces marchés est considérables ce qui fait douter de très nombreux analystes de leur capacité à résister à ce qui se prépare.
  • En ce qui concerne Caterpillar cette société a en effet fait un profit de $ 371 billions au second trimestre. En revanche ce que l’on oublie de dire est que ce profit est en chute de 66% ($1.1 billions) sur la même période l’année passée et que les ventes de la société ont chutée de 41%. De plus 17.100 personnes ont été licenciées depuis six mois sans compter les 17.000 personnes sous contrats et employés à temps partiels qui n’ont pas été renouvelés.


Vous voyez donc que les nouvelles des «green shoots» sont remarquables et incitent à l’optimisme le plus délirant sur les perspectives économiques des mois à venir. Pour venir renforcer encore un peu notre sentiment de sécurité nous pouvons noter par exemple que les profits de Nokia au second trimestre ont chuté de 73%, Harley Davidson 91% sans compter ceux de GE, Ericson etc...

De plus, ici aux USA, 500.000 chômeurs vont arriver à la fin de leur période d’indemnisation d’ici le mois de Septembre et bien entendu les six ou sept millions qui restent (pour le moment) vont se retrouver bientôt dans le même cas que ces derniers. Tout le monde s’attend d’ailleurs à une recrudescence du chômage dans les mois à venir sans parler des défaillances de banques, de sociétés et du problème grandissant du déficit des Etats eux-mêmes qui devrait cumuler cette année à environ $ 130 - 150 billions. Nous reparlerons de ce problème en détail car les conséquences sont épouvantables.

Mais pour l'instant tout le monde est content à Cochon sur Terre, le meilleur des mondes.



samedi 18 juillet 2009

White Horse (PA), le 18 Juillet 2009

Le Lancaster County et ses habitants « pas comme nous »...


Lancaster County est situé à une soixantaine de km à l’ouest de Philadelphie, autant dire à un jet de pierre, ce qui a eu des conséquences assez dommageables pour le Comté en raison du tourisme que cela y amène.

Quoi qu’il en soit nous sommes dans une région agricole dans laquelle les fermes sont très nombreuses et ou l’activité ne manque pas. Le Lancaster County est le vivant exemple de que dut être l’Etat de New-York au temps de sa prospérité, à la différence près que les terres paraissent plus riches ici que là-bas.

Mais cela n’explique pas le flot continu de touristes dans cette région de la Pennsylvanie. En effet, et c’est fort dommage, on ne peut pas ne pas être incommodé par les files de voitures et les grappes de touristes qui s’agglutinent dans quelques villages bien spécifiques de la région (Intercourse principalement), c’est à dire ceux qui sont indiqués en rouge et en gras dans tous les guides touristiques.

Mais qu’y a t’il donc de si extraordinaire dans le Comté de Lancaster, me demanderez-vous?

Eh bien il y a des gens... pas comme nous...


Venant de Philadelphie, c’est à dire se dirigeant vers l’Ouest en direction de la ville de Lancaster, les paysages que l’on traverse en voiture ne peuvent masquer leur destinée agricole; cela dit ils n’attireraient pas particulièrement l’attention au premier abord pour le conducteur distrait par une radio trop forte, ou encore occupé à manipuler son téléphone portable à la recherche de quelqu’un avec qui gaspiller le temps qui passe.

Ces gens peu observateurs ne verraient que les nombreuses fermes qui parsèment le paysage vallonné et verdoyant, comme autant de grosses fleurs blanches semées au hasard par un bon génie ivre, avec leurs silos à grain caractéristiques qui semblent monter la garde contre d’éventuels envahisseurs peu scrupuleux, leurs immenses étables aux toits en forme de coques de navires renversées par une tempête, ressemblant un peu à leurs cousines de l’Etat de NY mais en moins grandioses, peut-être parce que celles-ci sont plus récentes. Le conducteur distrait noterait peut-être sans le relever les nombreuses barrières blanches bordant des prairies et le nombre tout à fait surprenant de chevaux qui le regarderaient passer. En revanche un observateur quelque peu attentif noterait les diverses races de chevaux: des chevaux d’attelage ou de monte, plutôt élancés et racés, mais aussi des chevaux beaucoup plus trapus et costauds, des chevaux que l’on voyait jadis dans les champs lorsque l’agriculture n’était pas encore mécanisée; des chevaux de traits.

Et c’est à ce moment précis que le conducteur au téléphone avec son agent de change, occupé à comprendre pourquoi il a perdu 40% de son portefeuille alors que la bourse a monté de 30%, c’est donc à ce moment là que le conducteur aperçoit quelque-chose de bizarre, là sur la route juste en face de lui, venant dans la direction opposée... Vraiment très étrange, indeed! Le téléphone lui tombe des mains sous le coup de la surprise, il ralentit jusqu’à s’arrêter pratiquement sur le bord de la route pour regarder passer... un attelage noir tiré par un cheval, mené de main de maître par une femme portant une longue robe foncée lui tombant aux chevilles, une sorte de coiffe blanche juchée sur le chef, accompagnée de 3 ou 4 enfants d’âges variables, tous habillés de la même manière, les garçons d’un côté et les filles de l’autre, et ce quelque soit leur âge puisque les filles portent les mêmes vêtements que leur mère.

Bienvenue chez les Amish people ou les «plain people», nom dont ils sont désignés depuis le 18eme en raison de la couleur uniforme de leurs vêtements.


(Il ne s’agit pas de raconter ici l’histoire des «plain people».

Le site suivant donnera quelques caractéristiques de base à propos de ces communautés: www.800padutch.com/amish.shtml.

Le livre à acheter est: Amish Society by John Hostetler - John Hopkins University Press.)


Le conducteur désormais attentif et stupéfait notera alors beaucoup plus de faits intéressants qu’il n’en n’avait noté au premier abord. Premièrement il verra de plus en plus d’attelages sur les routes, à tel point que des voies spéciales leur sont réservées, ou en tout cas sur les routes principales autour de chez eux, comme la route 340 par exemple. Il notera également que ces attelages possèdent des clignotants, des feux arrières ainsi qu’un grand triangle de signalisation accroché à la malle arrière. D’autre part il aura également la confirmation que tous ces gens s’habillent plus ou moins de la même manière, que tous les individus de sexe mâle portent des chapeaux de paille en été, en feutre noir en hiver, qu’ils sont généralement à cette époque de l’année en chemise à manches longues et pantalons noirs retenus par des bretelles, que ce soit dans les champs ou en ville. Oui, il est vrai, ce ne sont pas des «fashion addicts » car leurs vêtements sont faits maison; Non, je n’ai pas parlé de telle ou telle marque ni de telle ou telle maison, mais « fait maison », c’est à dire confectionné chez eux par leur femme. Pour ne pas être en reste le conducteur désormais très attentif sera estomaqué de découvrir au détour d’un virage un champs dans lequel un attelage de 4 chevaux de front est mené par un jeune homme, tirant derrière lui une machine à ramasser le foin pour en faire des ballots de paille à la suite de laquelle se trouve une remorque sur laquelle ces derniers sont entassés soigneusement par un autre garçon ressemblant étrangement au premier. Ce qui n’est pas étonnant étant donné qu’il n’est pas rare que les Amish aient huit enfants par couples et que toute la famille travaille sur l’exploitation familiale. Et pour achever de désorienter notre visiteur urbain celui-ci pourrait même remarquer que les maisons des Amish ne sont pas reliées à l'électricité.


Bon je sais, on voit venir d’ici les cochons à roulette et à oreillettes, gémissant avec condescendance sur le sort de ces gens qui refusent ce qu’ils appellent le « progrès ». Pensez-vous, ces pauvres arriérés qui refusent par principe tout « progrès », ce qui signifie, pour les cervelas atrophiés des cochons, toute technologie nouvelle quelle qu’elle soit ! Ces êtres pitoyables qui vivent sans téléviseurs, sans radio ou sans ordinateurs ! Ces êtres primitifs qui refusent les moyens de transport modernes, qui n’ont pas de voitures mais des attelages et des chevaux pour les plus stricts d’entre eux ! Sans compter ce scandale abominable de ne pas envoyer leurs enfants dans les écoles publiques et de leur faire arrêter leurs études à 16 ans ! Et n’oublions pas que ces esclavagistes font également travailler leurs enfants dés leur plus jeune âge; par exemple nourrir les poules dés l’âge de 6 ans. N’est-ce pas de l’exploitation pure et simple alors qu’on pourrait les laisser s’abrutir devant la télévision ? Ne serait-il pas mieux de leur retirer leurs enfants pour les confier aux bons soins de l’Etat, comme nous le faisons déjà avec les nôtres, afin qu’ils soient formatés à point pour devenir les meilleurs cochons du meilleur des mondes ? Car ces pauvres enfants exploités, qui ne savent pas qu’ils sont si malheureux, n’attendent-ils pas néanmoins l’intervention de nos bonnes fées carabosses qui savent, elles, ce qui est bon pour eux malgré eux et sans eux? N’ont-ils pas besoin d’être libérés de leurs familles, de leurs traditions et de leurs superstitions afin qu’ils puissent devenir enfin des zombies comme tout cochon qui se respecte? Et n’est-il pas inacceptable que ces gens « pas comme nous » refusent toutes subventions de l’Etat, y compris les pensions de retraite et autres assurances maladies, car ils pensent que ce serait créer un lien avec l’Etat qui non seulement rendraient les générations futures dépendantes de celui-ci mais en plus parce-que cela reviendrait à admettre, selon eux, que l’Etat aurait une responsabilité sur leurs parents ou grand-parents.

N’est-ce pas honteux de ne pas laisser à l’Etat la possibilité de régenter la vie entière de tout individu de la naissance à la mort ? Il faut bien avouer que ce n’est pas très moderne comme attitude, presque archaïque même, voire réactionnaire. Cela mériterait une condamnation et une loi.

En ce qui concerne la question de la technique, et malgré ce que pourraient éructer tous les infâmes cochons à roulette qui se baladent en esclavage partout où ils sont autorisés à le faire, rien dans l’histoire et la manière de vivre des Amish ne trahit un refus pur et simple de toute invention technique quelle qu’elle soit. Mais il est vrai que toute réticence face à une invention technique provoque immanquablement l’accusation d’être un ennemi du « progrès », comme si accepter de voyager en train devait impliquer automatiquement l’acceptation enthousiaste des centrales nucléaires où de la manipulation génétique. Il est certain cela a pour avantage d’éviter toute remise en cause du dogme en question: c’est tout où rien. Pourtant il y a d’autres voies possibles, dont les Amish nous donnent un exemple.

Ils ne sont pas contre la technique per se. Comme déjà dit ils en acceptent une grande partie puisque leur manière de vivre implique bel et bien l’utilisation de techniques mises au point non seulement depuis des milliers d’années mais aussi depuis moins d’un demi siècle, voire moins; sans quoi ils ne vivraient pas dans des maison similaires à celles de leurs voisins, à l’exception près du cordon ombilical électrique qui ne les relie pas au monde, ils n’auraient pas d’attelages ni de lampe à pétrole etc; ils seraient plutôt retournés dans les cavernes, sans feu et sans agriculture, sans silex et sans animaux domestiques... Au contraire les Amish savent parfaitement utiliser les techniques qui leur conviennent et laisser de côté celles qui leur paraissent constituer une menace pour leur mode de vie et leur communauté. Toutes celles qui les aident à conserver ce mode de vie ou à l’améliorer sont adoptées, non sans discussions et dissensions, mais c’est un choix de leur part mûrement réfléchi. Une technique, pour eux, n’est qu’un moyen qui doit servir à une fin bien précise; une technique, et encore plus La technique, est et doit être subordonnée à ce pour quoi on veut l’utiliser dans un cadre défini, cadre qui ne doit pas être déformé et encore moins détruit par son adoption irréfléchi. En résumé la technique n’est pas une fin en elle-même ce n’est qu’un vulgaire moyen qui ne peut en aucun cas menacer l’intégrité de la communauté. C’est en fonction de ce critère que les « plain people » adoptent où non telle où telle nouveauté technique.


Lorsqu’on se retrouve dans le Lancaster County, au milieu de ces gens « pas comme nous » et des touristes qui, malheureusement, viennent les voir comme on va au zoo, qui les photographient comme ils le feraient d’un animateur déguisé dans un parc d’attraction, on ne peut s’empêcher de penser et de voir que la situation n’est peut-être pas celle qu’on pourrait croire. Car la plupart de ces touristes viennent voir des « gens pas comme nous », sous-entendu des gens sous-développés, arriérés où ce que l’on voudra, des gens qui les rassurent à bon compte sur notre soit disant « supériorité » due à notre « progrès ».

De fait on peut ainsi voir dans la rue principale du village d’Intercourse ces représentants de plus de deux cent ans ininterrompus de « progrès » soulever avec peine leurs 100 à 150 kg pour faire quelques pas sur le trottoir, l’indispensable bouteille d’eau à la main, le portable attaché à la ceinture, l’appareil photo autour du cou afin de ne pas rater une occasion de faire un maximum de mauvaises photos de n’importe quoi, le porte monnaie en embuscade prêt à s’ouvrir en grand pour acheter à crédit des souvenirs dont on ne saura plus la provenance dés la fin de l’excursion; euh non « l'expédition » car c’est désormais toute une expédition de sortir de chez soi comme le prouve le nombre de précaution qu’il nous est recommandé de prendre pour ce faire. Et puis on peut encore avoir la joie de retrouver les mêmes dignes représentants du « progrès », littéralement avachis sur une chaise de restaurant, épuisés après l’effort bestial qui consiste à descendre du car, occupés à ingurgiter des montagnes de nourriture arrosées de litres de boissons gazeuses et sucrée destinées à augmenter leur tonnage déjà terrifiant.


Je ne pouvais m’empêcher de penser en voyant ce pathétique spectacle d’une civilisation au bout du rouleau que c’était bien là le produit fini de ce que nous avions célébré depuis deux où trois siècles comme étant une suite de progrès ininterrompus qui se retrouvait sous mes yeux à cet instant précis. Et cela me paraissait d’autant plus épouvantable que j’avais également sous les yeux des gens « pas comme nous » à qui la religion du « progrès » était totalement étrangère; en conséquence ils n’avaient pas suivi le même chemin que nous ce qui, apparemment, leur avait plutôt mieux réussi. Des gens pour qui l’existence ne se mesure pas en terme de quantité mais de qualité, des gens pour qui, comme l’a dit leur meilleur connaisseur John Hosttetler:


«The wisdom of the ages is for the Amish more important than the pronouncements of the modern science. It is more important to do what is morally right than to win acclaim, popularity, or riches, or to survive physically.»


On comprend pour quelle raison ce sont des gens « pas comme nous ».

Aux yeux des Amish il y a deux catégories de gens sur terre: eux et les « English ». Ce qui signifie, dans une perspective grecque, que nous sommes tous des barbares.

Et d’après un autre point vue bien connu: des... COCHONS!

lundi 13 juillet 2009

"Facing the future": les réactionnaires ne sont pas ceux qu'on croit!

Nous vivons à une époque étrange, un moment de notre histoire ou beaucoup d’entre nous ont le sentiment, justifié, que le monde tourne à l’envers, que l’humanité marche sur la tête ou que ce que nous nommons encore notre civilisation est en train de s'effondrer.

Cette vision des choses est consolidée par le travail de mésinformation incessant de ce que l’on appelle «les médias» et de tout ce qui est généralement associé au pouvoir qui engendre pour partie la confusion générale dans laquelle on baigne. Le problème est que ces gens là, ou de manière plus générale ce que l’on nomme «nos gouvernants», ne possèdent plus aucun outil, ni intellectuel, ni philosophique, ni historique et encore moins spirituel, pour comprendre quoi que ce soit à ce qui est en train de se produire sous nos yeux, ce qui a pour conséquence que toutes leurs entreprises ayant pour objet de nous tirer du désastre ambiant ne peuvent que nous y enfoncer encore plus puisqu’ils prennent les causes pour les remèdes; nous parlons de ces articles de foi aussi bien économiques que politiques auxquels ils s’accrochent en désespoir de cause, bien que ceux-ci aient amplement fait la preuve de leur nocivité étant donné que leur application fût la cause directe du désastre général dans lequel se retrouve l’humanité contemporaine.

Pourtant il arrive parfois que se fasse entendre, émergeant au dessus des grossiers gargouillements auxquels nous ont habitué nos dirigeants bien-aimés, un discours cohérent trahissant une pensée solide et par conséquent une vision claire de la situation actuelle. Bien entendu lorsqu’un tel événement se produit, ce qui est rare, les grognements d’indignation des cochons sur terre se font assourdissants, généralement pour tenter de masquer leur ignorance et leur incapacité à comprendre ce qui s’élève ainsi au dessus d’eux, à des hauteurs qui leur sont inaccessibles.


C’est ce qui se produisit le 8 juillet dernier.

Un discours intitulé «Facing the future» fût prononcé à Londres à l’occasion de la Richard Dimbleby Lecture. Si le titre est révélateur de l’intention de l’auteur le contenu, lui, nous dévoile la qualité et la hauteur de vue de ce dernier. Apparemment personne ne releva ce discours dans la presse autre que britannique, ce qui donna l’occasion à de nombreux cochons d’outre-Manche de se déchaîner. Mais il faut les comprendre car l’auteur du discours n’était autre que SAR le Prince de Galles. L’occasion était donc trop belle pour ne pas s’abaisser encore un peu plus ce qui, il faut bien l’avouer, constitue une prouesse étant donné qu’on était déjà dans le caniveau depuis longtemps. Mais ces attaques misérables, et la plupart du temps hors de propos, non seulement n’ont fait que mettre en exergue la qualité du discours et de la pensée de celui qui le prononçait mais en plus n’ont pas pu empêcher de faire ressortir les sentiments de malaise qui torturaient les pauvres cochons en question. Car leurs cervelas atrophiés furent incapables de réconcilier le contenu du discours avec l’identité de son auteur.

Car ce fût bien là ou le bas blessât. En effet ce discours remit soudain en cause toutes les croyances sclérosées et les dogmes trépassés sur lesquelles se reposaient et se reposent encore sur leurs deux oreilles pointues tous les Cochons sur Terre depuis les deux cent dernières années. Qu’est-ce à dire, me demanderez-vous?


Allons, cher lecteur, mettez-vous un peu à leur place! Qu’est-ce qu’un Prince, héritier du trône d’une des plus anciennes monarchie européenne, pouvait bien avoir à dire sinon un tombereau d’insanités toutes plus réactionnaires les unes que les autres ? Qu’est-ce qu’un Prince de Galles pouvait bien avoir à raconter à part exiger des mesures exceptionnelles de coercition afin de faire rendre gorge au bon peuple croupissant dans la misère et l’esclavage pour en tirer encore plus d’argent afin de lui permettre de se vautrer dans le luxe décadent que l’on connaît tous trop bien ? Qu’aurait-il pu faire d’autre sinon se conformer au mythe de la lutte des classes, ce qui revient à abolir toute individualité propre et toute indépendance d’esprit à tout un chacun; c’est à dire dans son cas obéir par réflexe purement conditionné aux instincts à consonance exclusivement matériels de sa classe, comme le chien du professeur Pavlov ? Qu’est ce qu’un Prince de Galles, nécessairement réactionnaire et par conséquent à contre courant du flot irrésistible du progrès, qu’est ce qu’un personnage tel que lui pourrait bien demander sinon, par exemple, le retour des fumeries d’opium du peuple afin de mieux l’asservir bien entendu, ou encore encourager un coup d‘état par l’armée afin de supprimer la démocratie ?

Le discours du Prince de Galles n’avait bien sûr rien à voir avec toutes ces pitreries d’un autre âge. Ce qu’avait à dire l’héritier du trône d’Angleterre était au contraire peut-être trop en avance pour son époque, ou plutôt pour les cervelas de Cochon sur Terre. En effet le contenu du discours était tout à fait, et même remarquablement, approprié aux problèmes de notre époque mais pas du tout aux cervelas sclérosés de Cochon sur Terre. Le Prince de Galles est donc de son temps ce qui n’est pas le cas de nos cochons à prothèses cérébrales.


Ce qui ressort en premier lieu de ce discours est sa vision globale de la situation contemporaine de l’humanité, c’est à dire le lien que l’auteur crée entre les différentes crises qui secoue aujourd’hui l’humanité pour aboutir à LA crise générale contenant toutes les autres; c’est à dire à ce que certains ont appelé très à propos la crise systémique globale. En d’autres termes le Prince Charles ne commet pas l’erreur de dissocier la crise écologique de la crise économique ni de la crise philosophique ou spirituelle que nous traversons. Non seulement il ne les sépare pas les unes des autres, ce que le cerveau mécaniste de nos dirigeants bien-aimés ne cesse de faire, mais surtout il les fait interagir les unes sur les autres ce qui interdit toute possibilité de guérir l’une sans tenir compte de l’autre ce qui, là encore, constitue la méthode, devrions-nous dire Coué?, de nos brillants dirigeants. Et c’est d’ailleurs pour cette raison que toutes leurs tentatives sont et seront vouées à l’échec comme nous risquons d’en avoir une preuve supplémentaire dans les tout prochains mois.


Le Prince de Galles n’hésite pas à remettre en cause le système économique qui nous domine, à notre connaissance le seul responsable politique à l’avoir fait si ouvertement et si précisément. Il l’accuse, à juste titre, non seulement d’être à l’origine de la catastrophe écologique à laquelle l’humanité est confrontée mais aussi des désastres sociaux et économiques qui ont résulté de la mutation des moyens en fins. En d’autres termes le système économique est devenu une fin en soi au lieu de rester un simple moyen pour améliorer le sort de l'espèce humaine, entraînant de ce fait son expansion toujours plus grande à toutes les activités humaines, comme Marx l’avait bien vu; ou encore ce que l’on a appelé la marchandisation généralisée de tous les domaines de l’existence, dont l’ultime aboutissement fût la société de consommation telle que nous l’avons connu ces dernières années. Tout est monnayable, tout est marchandise y compris l’homme lui-même. Tout cela n’a pu se faire au cours des trois derniers siècles que par l’élimination progressive, et souvent brutale, de toutes les croyances et coutumes traditionnelles, c’est à dire par la destruction de toutes les sociétés traditionnelles par les forces déstructurantes du marché, c’est à dire par le règne du nihilisme le plus radical.


Bien entendu cela n’a pu avoir lieu que par la pensée sous-jacente que l’homme était le maître de la nature et que cette dernière n’était là que pour satisfaire ses besoins. Cette conception de l’homme se situant hors de la Nature nous vient de la tradition judéo-chrétienne, c’est à dire de la tradition biblique. Le Prince Charles n’a pas souligné l’origine de cette attitude de l’homme occidental, et désormais de tout homme touché par le virus du développement économique à tous crins. En revanche il a relevé sans ambiguïté que la principale origine de la catastrophe écologique venait de cette conception non seulement fausse mais pervertie du rôle et de la place de l’homme dans la nature, couplée à la perception mécaniste qui s’est emparée de l’homme moderne à partir du 17eme siècle entraînant le discrédit de toute conception philosophique et spirituelle; en bref cette conception matérialiste que l’homme moderne possède désormais de la nature mais aussi de lui-même a envahi les domaines de la philosophie et de la spiritualité en prétendant intégrer ces derniers dans son champs d’investigation alors qu’ils ne relèvent d’elle en aucun cas.


Ce discours, même si ce ne fût pas intentionnellement, met à nu tous les rapports politiques établis depuis deux cent ans, comme déjà indiqués plus haut. Nous pourrions même dire qu’il flanque à la poubelle, en révélant sa complète inadéquation à notre époque et aux enjeux contemporains, cette séparation artificielle des forces politiques actuelles entre gauche et droite. Ce discours révèle le noyau autour duquel se créera ce qui deviendra la nouvelle opposition au système que nous connaissons; c’est à dire ce qui constituera désormais la nouvelle ligne de fracture politique fondamentale qui s’affirmera de plus en plus dans les années à venir au fur et à mesure de la dégradation de la situation due aux échecs répétés de nos gouvernants à trouver des solutions aux problèmes inextricables créés par notre type d’organisation politique et économique actuel.


Ce discours a révélé au grand jour une nouvelle force qui n’est pas encore politiquement constituée mais qui est appelée à le devenir et avec laquelle il faudra désormais compter. Car elle constituera la nouvelle opposition, et la seule véritable, aux partis que nous connaissons, dits de droite et de gauche, mais qui sont et qui ont toujours été fondamentalement dans le même camp depuis l’origine, malgré le fait qu’ils n’aient pas cessé de prétendre le contraire, malgré le fait qu’ils n’aient pas cessé non plus de s’opposer l’un à l’autre, puisqu’ils reposent toutes deux sur les mêmes prémisses philosophiques héritées des Lumières. En réalité ces entités politiques, dites de droite et de gauche, vont désormais se retrouver officiellement du même bord par la force des choses en raison, précisément, de l’apparition de cette nouvelle mouvance sur la scène politique qui prendra toute sa place de parti d’opposition unique au système politique et économique que nous connaissons encore.


Le Prince Charles montre également à quel point cette force nouvelle, un jour prochain organisée politiquement, présente un potentiel de transformation du monde que nous connaissons encore mais qui s’écroule sous nos yeux. Il ne s’agit nullement d’un vague changement de gouvernance, il n’est pas question non plus d’une réforme économique de plus, nous ne parlons pas de forme de régime politique ou même de réforme sociale... Non il s’agit de tout autre chose ou, si l’on veut, de tout cela à la fois et plus encore. Qu’est-ce à dire?

Il s’agit d’un changement radical de notre mode de penser, de notre conception de la place de l’homme sur terre, de notre perception de la condition humaine; en bref cela implique un remplacement de toutes les prémisses philosophiques qui servaient de béquilles à la société que nous connaissons depuis bientôt 400 ans. Et s’il reste encore quelque chose à transformer lorsque nous en serons là alors oui cela engendrera bien évidemment des implications sociales, économiques et politiques. Mais c’est secondaire car il s’agit d’abord que les mentalités évoluent, ce qu’elles sont en train de faire rapidement, comme on peut déjà en voir les «green shoots» aux USA même si ce n’est encore le fait que d’une minorité de gens, mais une minorité grandissante.


Il est donc logique de conclure que si l’on veut résoudre les problèmes terribles que nous avons crée il nous faut désormais rejeter les anciennes manière de penser qui ont conditionné nos comportements irresponsables et suicidaires. En conséquence c’est d’un problème philosophique et spirituel qu’il s’agit et non pas seulement d’un problème économique et écologique. Tout se tient, comme déjà dit, mais c’est en remettant en cause nos croyances perverties en nous-mêmes et sur nous-mêmes, c’est à dire notre place dans le monde, que nous parviendrons peut-être à corriger nos erreurs, notamment vis à vis de notre environnement. A condition de nous y prendre dés maintenant puisqu’il semblerait qu’il ne reste que 96 mois avant que la situation ne devienne hors de contrôle.

En espérant que ce ne soit pas déjà le cas...


En attendant les cochons qui ont entendus ou lus le discours du Prince de Galles furent profondément troublés et psychologiquement très secoués. En effet tout à coup toutes leurs superstitions politiques se retrouvaient cul par dessus tête. Comment quelqu’un comme l’orateur en question pouvait bien faire un discours de ce genre alors qu’ils attendaient de tels propos de ce qu'ils appellent un «progressiste» pur jus...

Le discours ne correspondait pas dans leurs cervelas atrophié au personnage qui le prononçait. C’est pourquoi il y eut de nombreuses congestions cérébrales ce we en Angleterre à tel point que l’on crut un instant à une attaque terroriste d’un nouveau genre... Un coup des monarchistes réactionnaires contre les forces de progrès! Vous imaginez...

Soyez charitables, cher lecteur! Pendant deux cent ans et plus ces gens se sont imaginés comme les seuls illustres représentants des forces de progrès et voilà soudain que leurs superstitions sont découvertes; voilà soudain que les auto-proclamés «progressistes» sont mis à nu, à défaut du roi! Nous vous le disions c’est le monde à l’envers! Voilà soudain que non seulement le Prince de Galles n’est plus le réactionnaire qu’ils croyaient mais qu’au contraire il serait bien plutôt un véritable représentant de l’avenir... tandis qu’eux, les soit-disant «progressistes» de gauche seraient bel et bien des hommes du passé tout autant que leurs confrères de droite.

En bref les réactionnaires ne seraient peut-être pas ceux qu’on croyait.

Aie aie, aie!


Vous pouvez trouver le discours prononcé par le Prince de Galles sur son site: www.princeofwales.gov.org