vendredi 30 avril 2010

Goldman Sachs, le Sénateur Carl Levin et the "collapse of values"

Avant hier avait lieu l’audition des dirigeants de GS devant la Commission dirigée par le Sénateur Carl Levin. Cette Commission fût établie il y a un an et demi afin de mettre en lumière les causes du désastre économique, nommé depuis la « grande récession » mais qui, selon certains, s’apparenterait plutôt à une grande dépression. Voilà comment le Sénateur Levin a résumé les travaux de sa Commission hier devant le Sénat :


Our goal has been to construct a record of the facts in order to try to deepen understanding of what went wrong; to inform the legislative debate about the need for financial reform; and to provide a foundation for building better defenses to protect Main Street from Wall Street. (Sources: Senate Floor Statement of Senator Carl Levin on the Financial Regulatory Reform Bill - 28.04.2010)


A cette fin le Sénateur et la Commission qu’il dirige ont entendu des centaines de témoins et ont brassé des milliers de documents provenant des banques, des agences de notation etc, bref de tous ceux qui étaient impliqués dans ces affaires de mortgages, cdo et compagnie. Pour finir cette longue enquête la Commission organisa quatre séances d’audition, chacune d’entre elles portant sur une des causes principales qui mena au désastre, à savoir :


  • L’impact des prêts immobilier à haut risques, avec pour illustration le cas de la banque Washington Mutual.


Our first hearing dealt with the impact of high- risk mortgage lending, focused on a case study, as our committee does, this time Washington Mutual bank, known as WaMu, a thrift whose leaders embarked on a reckless strategy to pursue higher profits by emphasizing high-risk loans. These are not loans that were just likely to fail. These loans also created real hardships for the borrowers as well as the risk for the bank itself. There was basically a conveyor belt that fed toxic, bad, reckless mortgages into a financial system just like a polluter dumps poison into a river. The package that they came downstream in was a mortgage-backed security that WaMu sold to get the enormous risk of these mortgages off its own books and shifted it to somebody else. (Sources: Senate Floor Statement of Senator Carl Levin on the Financial Regulatory Reform Bill - 28.04.2010)


  • La passivité des instances de régulations fédérales qui, en toute connaissance de cause, ne firent rien pour faire cesser les excès des banques.


The second hearing examined how federal regulators at the Office of Thrift Supervision watched, observed WaMu, saw the problems year after year and did nothing to stop them. Supervision that should have been conducted at arm’s length, instead was done arm in arm with the bank it was supposed to be regulating. (Sources: Senate Floor Statement of Senator Carl Levin on the Financial Regulatory Reform Bill - 28.04.2010)


  • La complicité des agences de notations, S&P et Moody’s en particulier, par leurs notations AAA de produits hautement toxiques, dues notamment à un conflit d'intérêt criant puisqu’elles étaient payées par ceux qui avaient besoin de leurs notes favorables pour écouler leurs poisons (c’est à dire les banques d’investissement).


The third hearing dealt with credit rating agencies. These are specific case studies of Standard & Poor's and Moody’s. And while WaMu and other lenders dumped these bad loans, credit rating agencies were assuring everybody that the poison water was safe to drink. Triple-A ratings were slapped on bottles of high-risk financial products. So that was the third hearing. We’ve got to do something about the inherent conflict of interest that is involved when credit rating agencies are paid by the people whose products they are rating. There is an inherent built-in conflict of interest. (Sources: Senate Floor Statement of Senator Carl Levin on the Financial Regulatory Reform Bill - 28.04.2010)


  • Le rôle des banques d’investissement dans le développement de la crise, avec GS au premier rang.


Yesterday's hearing explored the role of investment banks. We focused on the actions during 2007, when the housing bubble burst, of Goldman Sachs, one of the oldest firms on Wall Street. Goldman's documents made it very clear that it was betting against the housing market while it was aggressively selling investments in the housing market to its own clients. It was selling to clients high-risk, mortgage-backed securities and what they call CDOs and synthetic CDOs that they wanted to get off their books. They wanted to get securities off the books. They were selling them. They were reaching out with one hand to prospective buyers and saying, here. But with the other hand they were betting against those same securities. (Sources: Senate Floor Statement of Senator Carl Levin on the Financial Regulatory Reform Bill - 28.04.2010)


Entre l’enquête de la SEC et la Commission du sénateur Levin, nous nous demandons si la saison de la chasse ne vient pas d’être ouverte. Il faut tout de même dire qu’à Cochon sur Terre il est généralement admis que l’ouverture de la chasse correspond le plus souvent à une campagne électorale quelconque se profilant à l’horizon.

Dans le cas qui nous occupe il est bien évident que personne ne doute que c’est pure coïncidence si l’ouverture de l’enquête de la SEC à propos des agissements douteux de Goldman Sachs envers ses clients s’est produit au moment où le Congrès doit voter la loi destinée soit-disant à « encadrer » les banques. C’est aussi une pure coïncidence si des élections importantes ont lieu en Novembre prochain et que les démocrates (et le Président avec eux) trépignent d’impatience de montrer aux électeurs combien ils ne sont pas du tout solidaires de Wall Street mais complètement acquis à Main Street.

C’est bien connu.


Cette fois, pourtant, il n’est pas du tout certain que la petite combine fonctionne car il est très probable que dans la période de tensions grandissantes au sein du pays comme au sein des instances dirigeantes, il est donc très possible que l’on assiste à une escalade non maîtrisée de la soif de têtes à couper. C’est ainsi que non seulement GS pourrait servir dans un premier temps de bouc émissaire mais il est bien possible que cela pourrait ne pas être suffisant et que les têtes des quatre autres complices qui agirent de la même manière que la première (JP Morgan Chase, Bank of America, Citibank et Wells Fargo) ne soient réclamées à grand cris par une population de plus en plus en colère. Et ne doutons pas un instant que les membres du Congrès accéderont volontiers aux exigences de leurs électeurs bien-aimés si cela peut leur permettre de se faire réélire.

Dans cette optique comment être sûr que l’enquête de la SEC s’en tienne uniquement à cette affaire GS-Paulson, somme toute modeste et non pénale. Il est au contraire tout à fait possible que sous la pression de l’opinion cette enquête soigneusement ciblée au départ pour éviter toute perte de contrôle, ne finisse par s’élargir inéluctablement en échappant complètement à ceux qui l’avaient conçu. C’est ainsi que cette enquête pourrait finir par déborder de son lit pour aboutir à une mise en cause non seulement des agissements de GS et de ses quatre comparses précédemment cités, c’est à dire de ce qu’il est communément appelé « Wall Street », mais aussi du système tout entier.


Des déclarations comme celle que fit le sénateur Levin au Sénat hier, afin de donner des arguments en faveur du vote de la fameuse loi pour « encadrer » les banques, révèlent la direction que pourrait prendre toute cette affaire sous la pression de l’opinion publique et du désir des élus de sauver leur tête en Novembre:


These findings are deeply troubling. They show a Wall Street culture that, while it may once have focused on serving clients and promoting commerce, is now all too often simply self-serving. The ultimate harm here is not just to clients poorly served by their investment bank. It’s to all of us. The toxic mortgages and related instruments that these firms injected into our financial system have done incalculable harm to people who had never heard of a mortgage-backed security or a CDO, and who have no defenses against the harm such exotic Wall Street creations can cause. (Sources: Senate Floor Statement of Senator Carl Levin on the Financial Regulatory Reform Bill - 28.04.2010)


« Deeply troubling », « Wall Street culture », « self serving », « It’s all of us »... C’est touchant non ? Soudain on réalise, soudain on se demande comment tout cela a pu se produire, soudain, bien sûr, on s’indigne. Le « it’s all of us » ne manque pas de sel non plus, il faut bien l’avouer. Et voilà, le peuple et les membres du Congrès unis comme un seul homme contre ces horribles banquiers qui nous ont TOUS trompés, TOUS ensemble, nous TOUS qui sommes si bons et tellement innocents. Nous, les membres du Congrès et nos électeurs bien aimés, nous nous sommes fait rouler par ces immondes requins assoiffés de dollars sonnant et trébuchant. Unissons-nous contre Wall Street, nous les gens de Main Street (c’est à dire les Membres du Congrès, c’est à dire les dignes représentants de ce bon peuple qui va voter pour nous en Novembre).

Well, well... Comme c’est beau... Sortons nos mouchoirs.


Mais si quelques-uns ont un tout petit peu plus de mémoire que les autres il ne leur sera pas difficile de se remémorer que tout ce qui est arrivé n’a été possible que parce-que les estimés membres du Congrès étaient comme larrons en foire avec les non moins estimés à l'époque, membres de Wall Street. Et cela à tel point que les estimés membres du Congrès votèrent tous comme un seul membre les lois que leurs estimés amis de Wall Street, principalement de GS, leur demandèrent de voter. Il faut dire que ces derniers sont les principaux bailleurs de fond des campagnes électorales des premiers. Jusqu’à aujourd’hui en tout cas. Quant à demain, on verra.

Pour ceux qui ignorent encore ce qui fut à l’origine directe de la crise financière permettez-nous de nous citer :


USA - Années 1999-2000 – L’administration Clinton est sur le départ. Un certain Larry Summers, ancien numéro deux du Trésor sous Robert Rubin (ex banquier chez Goldman Sachs pendant 26 ans, Secrétaire au Trésor 1995 – 1er Juillet 1999) promu au poste de Secrétaire au Trésor (1er Juillet 1999-2001) lorsque son supérieur Robert Rubin déjà cité, devint vice-président de Citigroup ; Summers réussit alors à convaincre le Président Clinton de signer certaines propositions de lois d’origine républicaine afin de leur donner force de loi. Ce qui advint. Quelles furent ces lois ?

La première (12 Novembre 1999) consista à abroger la loi de 1933 « Glass-Steagall » qui fût crée et votée en pleine Dépression pour interdire la fusion de banque de dépôt et de banque d’affaire. Même si cette loi était déjà battue en brèche depuis des années la constitution de la banque Citigroup n’aurait pu se faire sans elle (pure coïncidence bien sûr avec le fait que Robert Rubin devint vice-président de cette même banque après avoir été Secrétaire au Trésor.: « In November 1999, senior regulators—including Mr. Greenspan and Mr. Rubin—recommended that Congress permanently strip the CFTC of regulatory authority over derivatives. » (Source : NY Times). Monsieur Rubin démissionna de Citigroup le 9 Janvier 2009 après avoir touché $ 126 millions au cours de ces neuf années passées dans cette banque, probablement pour services rendus…

La seconde loi fût le « Commodity Futures Modernization Act », signée par le Président Clinton le 21 Décembre 2000 ; elle abrogeait le « Shad-Johnson Juridictional Act » de 1982 qui interdisait les « Single stock Futures » et fût fortement recommandée par certains qui ne nous sont pas inconnus :

« In November 1999, senior regulators—including Mr. Greenspan and Mr. Rubin—recommended that Congress permanently strip the CFTC of regulatory authority over derivatives. » (Source: NY Times). Cette seconde loi empêchait l’Agence Gouvernementale US de régulation (CFTC) d’avoir un quelconque contrôle sur le marché des dérivés financiers, tels que les fameux « credit default swaps » qui provoquèrent la catastrophe de AIG, ces mêmes produits que Warren Buffet catalogua comme : « weapons of financial mass destruction ». Cette loi a été citée par de nombreuses personnalités de l’économie comme ayant été à l’origine directe de la faillite d’Enron en 2001 et de la crise générale d’insolvabilité de Septembre 2008 qui mena à la faillite de Lehman Brothers, sans parler des plans massifs de sauvetage de AIG et des banques US sur lesquels nous reviendrons un peu plus loin.

L’actuel Secrétaire d’Etat au Trésor Timothy Geithner, quant à lui, servira sous deux de ses prédécesseurs de 1999 à 2001 : Robert Rubin et Larry Summers, désormais lui-même « Obama’s Chief Economic Advisor ». Ce qui permet d’affirmer que ceux que l’on a chargé d’endiguer la crise sont les mêmes que ceux qui l’ont provoqué en faisant passer des lois qui abrogèrent toutes les régulations antérieures qui avaient permis de protéger l’économie et les marchés contre les excès dus à la cupidité humaine qui engendre souvent des prises de risques irresponsables.

(Chronique de Cochon sur Terre - 7 Avril 2009 - Petite histoire de la crise financière pour les saints d’esprit)


Ceux qui feignent aujourd'hui de découvrir les agissements de Wall Street sont les mêmes qui les ont autorisé légalement hier en abrogeant les lois que leurs prédécesseurs avaient établis afin d’éviter que ne recommence ce qui était arrivé en 1929. Mais étant donné que nous sommes des singes particulièrement évolués nous n’avons pu résister à faire en 2008 à la puissance 1000 ce que nos ancêtres stupides avaient déjà fait en 1929. C’est bien connu nous sommes des singes supérieurs, c’est une affirmation purement gratuite de notre part n’en doutons pas, puisque nous sommes censés tirer les leçons des erreurs commises par nous dans le passé.

Encore faudrait-il s’en souvenir !


En 1934 les membres de la Commission Pecora aboutirent à la conclusion suivante :


“The results of the unregulated activities of the investment bankers … were disastrous.”

Cette conclusion permit le vote du « Glass and Steagall Act » qui fût abrogé par ceux qui parlent aujourd’hui même de « réguler » l’activité des banques, c’est à dire les estimés Membres du Congrès, à l’exception des républicains qui s’opposent à la loi. Cette fameuse loi si dure pour les banques, cette loi qui contient l’amendement déposé par Blanche Lincoln qui priverait les banques de la possibilité de trader les produits dérivés, c’est à dire qui les priverait de la plus grande partie de leurs revenus et qui en obligerait un certain nombre à mettre leur clé sous la porte, comme JP Morgan par exemple. Mais heureusement les lobbyists appointés par Wall Street ont bien fait leur travail et sont parvenus à faire entendre raison à Blanche Lincoln, ainsi que le rapporte Andrew Cockburn:


(...) it is hardly possible that Lincoln, still less her fellow Democratic senators, have really decided to usher in the communist revolution by wiping out the banks’ major source of trading profits. Nor will the White House or Treasury permit this to happen. We know this because New York Senator Kirsten Gilliband has been telling emissaries from Barclays Plc so, adding that it would never get through the senate anyway. This was very welcome news for the emissaries, conscious as they were that the top five Wall Street banks made $28 billion in profits from derivatives trading last year, and they rushed to pass on the good news to clients.
Lincoln’s populist lunge hasn’t done her much good in Arkansas, where the latest polls put “Bailout Blanche” further behind her primary (May 18) and general election opponents than ever.

For a few days this week it looked as if the senate Democrats could afford to pose as the flails of Wall Street while the Republicans obligingly blocked debate on the reform bill. Now that the Republicans have abandoned that strategy, we can assume that Blanche’s provision will be taken into a back room and quietly smothered in the interests of bipartisanship. (Sources: Andrew Cockburn - Counterpunch - 29.04.2010)


Tout comme la loi sur la Santé, celle sur la régulation des banques est présentée par l’Administration comme un combat acharné contre Wall Street afin de libérer Main Street, le pays, le monde, l’univers et le reste, de son emprise malfaisante; comme l’autre, donc, cette loi a de fortes chances de n’être qu’un trompe l’oeil de plus concocté à des fins purement électorales.


Aujourd'hui, selon le Wall Street Journal, une enquête au pénal aurait été ouverte par le Procureur Général de NY contre GS à la suite du dépôt d’un dossier par la SEC. Rien n’a pour l’instant été infirmé où confirmé par quiconque mais il est certain que dans le climat qui règne actuellement aux USA tout est possible, y compris et surtout les contradictions et les oppositions les plus virulentes qui font monter les tensions et les haines à leur paroxysme et qui contribuent toutes à ébranler encore un peu plus le système lui-même. C’est ainsi que l’on peut tout à fait imaginer le Congrès tapant symboliquement sur les doigts des banques et dans le même temps un procureur déposant une plainte au pénal contre ceux qui viennent de se faire absoudre où presque, sans se rendre compte que si cette plainte aboutissait à une condamnation de GS cela entraînerait probablement aussitôt un effet domino contre toutes les banques de Wall Street qui ont toutes agi comme GS. Cela pourrait entraîner soudain une condamnation générale de Wall Street et le vote d’une loi encore plus sévère que ne le prévoyait Blanche Lincoln; un encadrement drastiqur des activités de ces mêmes banques les forçant à mettre la clé sous la porte puisqu’elles tirent leurs principaux revenus de ces activités de trading des produits dérivés qui leur seraient désormais interdites. Cela bien sûr flanquerait à bas tout le système.


Et qu’on ne vienne pas nous refaire le coup de la vertu du système qui est capable de se réformer de lui-même! Il ne s’agit pas du tout de cette vertu mythique mais d’une pagaille généralisée qui s’étend toujours plus au fur et à mesure que l’impotence du pouvoir central se révèle au grand jour.


Le Sénateur Levin s'indignait devant le Sénat au sujet du comportement de GS envers ses propres clients à qui, notamment, ils vendaient des produits toxiques dont ils voulaient se débarrasser pour éviter de perdre leur mise :


These are deeply troubling findings. There not only was a collapse of a housing market. There was a collapse of values. And extreme greed is the thread that connects these events, starting with those mortgages that were sold out there in the state of Washington by Washington Mutual Bank, extreme greed that indeed involved the people who were supposed to be doing the credit rating, being paid and doing a lousy job, rating the financial instruments. The greed that was involved in Wall Street, selling, securitizing financial instruments which they believed were not good, they were betting against at the same time they sold them to their clients and customers. (Sources: Senate Floor Statement of Senator Carl Levin on the Financial Regulatory Reform Bill - 28.04.2010)


Le Sénateur Levin ne semble pas se rendre compte que c’est l’ensemble du système lui-même qu’il condamne. Ce n’est pas simplement telle où telle banque qui est en cause. Ce n’est pas uniquement Wall Street où telle où telle société commerciale qui constitue le problème. C’est un système dans lequel seul l'intérêt narcissique compte et est encouragé aux dépends non seulement de l'intérêt commun mais de celui de tout ce qui n'est pas le sien propre. Il est donc parfaitement logique que GS et compagnie ait vendu à des clients des produits toxiques contre lesquels ils pariaient à la baisse, puisqu’ils pensaient à juste titre qu’ils allaient perdre toute leur valeur ; n’était-ce pas leur « intérêt bien compris»qu’ils défendaient ? Il est bien évident qu’on peut toujours se lamenter en déclarant avec autant d’étonnement que de candeur : « There not only was a collapse of a housing market. There was a collapse of values ». Comment peut-on vouloir conserver des « valeurs », que ce soit la fidélité envers un client, la défense de ses intérêts en lui prodiguant des conseils d’investissements dans lesquels on croit, un certain sens de l’honneur également etc... alors qu’on prône toute la journée que la seule valeur qui vaille la peine est son propre intérêt couplé à la recherche frénétique de ses petits « plaisirs », sans oublier son indispensable « bien être » etc.... Dans le cas de GS où de n’importe qui d’autre il est dés lors parfaitement logique que le client passe soudain clairement après ses propres intérêts lorsque ce dernier devient soudain le moyen grâce auquel on peut préserver son propre intérêt bien compris.


Alors non, Monsieur le Sénateur, il n’est pas du tout étonnant que GS et compagnie ait agi comme vous l’avez découvert. Ce qui est étonnant en revanche c’est que vous veniez juste de vous en apercevoir et que vous pensiez toujours qu’il est possible de concilier le système que vous voulez sauver de la ruine avec des « valeurs » que ce système s’est employé à détruire depuis trois siècles avec une constance remarquable.

Ce qui est étonnant c’est que, nonobstant ces « deeply troublings findings », vous vous obstiniez à ne pas comprendre que ce « collapse of value » dont vous vous plaignez est une conséquence inhérente à l’expansion et à la survie de ce système que vous voulez sauver.

Car, Monsieur le Sénateur, les "valeurs " dont vous parlez avec des trémolos dans la voie, et nous ne mettons pas en cause votre sincérité, ces valeurs donc constituent toujours des incitations à la collaboration permanente et à l'échange entre les membres d'une même communauté pour le bien de cette dernière et de ses membres. Hors le système que vous tentez de sauver prône exactement l'inverse, puisqu'il prône la compétition comme mode de relation entre les différents membres de la communauté. C'est à dire un darwinisme non seulement radicalisé mais généralisé ; par conséquent un darwinisme perverti.

Ce que vous devriez découvrir au plus vite, Monsieur le Sénateur, c’est qu'un tel système finit inéluctablement par se détruire lui-même car il n’implique aucun lien durable entre ses membres. Bien au contraire il prône une compétition globale, n'épargnant aucun champ de l'activité humaine, entretenant de manière permanente l'aléatoire et le court terme, ce qui a pour résultat la guerre générale de tous contre tous, les intérêts de chacun s'entrechoquant sans répit au détriment du bien commun. Cela prend fin lorsque la société finit par s'effondrer sous les coups que lui portent ses propres membres en s'affrontant perpétuellement les uns les autres.

C’est pour cela, Monsieur le Sénateur, que l’affaire des banques et de GS n’est qu’un des symptômes de ce qui est en train d’arriver aux USA, principalement certes car c'est là que ce système fût appliqué avec le moins de restrictions. Principalement mais pas exclusivement.


Mais pour le moment tout le monde est content à Cochon sur Terre, le meilleur des mondes.


lundi 26 avril 2010

Et de trois ! Nick Clegg où le nouveau "réformateur" à la mode...

Le Royaume de Sa Gracieuses Majesté est sans dessus dessous. Enfin c’est en tout cas ce qu’affirment nos médias de désinformation préférés. Car il paraîtrait que le Royaume-Uni serait en train de faire une expérience politique hors du commun, inouïe, comme on en a rarement vu; en bref une expérience politique qui nous prouve une fois encore, comme si cela était nécessaire, comme si nous ne savions pas à quel point nous sommes chanceux de survivre sous un régime aussi parfait en tout point, un régime aussi « tolérant » de ce qui est comme lui et bla bla bla... En bref un régime aussi immaculé que celui qui est le nôtre, un régime si pur et démocratique qu’il laisse à ses plus acharnés opposants la possibilité de se faire élire afin de faire  de ce régime exemplaire de désinteressement de la chair à démocrates vertueux.


Bref Monsieur Nicholas Clegg, la nouvelle coqueluche des médias de désinformation, est l’attraction du jour au Royaume-Uni, et ce probablement jusqu’aux élections législatives du 6 mai. Bien sûr sa fulgurante ascension dans les sondages au lendemain de son premier débat télévisé avec M. Brown et le leader de l’opposition M. Cameron est étonnante pour le moins. Et le second débat de jeudi dernier confirma cette soudaine place proéminente au beau milieu de la scène politique britannique alors que l’on n’attendait personne d’autre que l’habituel dispute de marionnettes entre Tory et Labour. 

Eh bien non. Désormais il semblerait qu’il y ait un troisième homme, un intrus invité par les électeurs sans que personne ne s’y attende, c’est à dire ceux qu’on avait oublié, où plutôt dont on avait oublié qu’ils pouvaient parfois provoquer des surprises aux partis institués. Comme en France lors du référendum sur la constitution européenne ; où en Hollande et ailleurs. Bien entendu on sait comment la Sacro Sainte volonté des peuples souverains fut respectée à la lettre, sans parler de l’esprit, le mauvais bien sûr.


Donc les Britanniques ont introduit le jeune leader des Dem-Lib dans l’arène politique en le propulsant, selon les sondages, au coude à coude avec les deux autres. 


Mais pour quelles raisons un quasi inconnu jusqu’au débat télévisé du 15 Avril est-il soudain projeté en une nuit au premier rang de l’arène politique ? La réponse est simple. D’après les médias de désinformations c’est parce que M. Nicholas Clegg envoie un «stark message of change» aux électeurs.

 

Clegg has argued that Britain's "special relationship" with the United States is outmoded, that Britain can no longer afford to be the world's No. 2 policeman. He has called for the nation to consider reducing its nuclear deterrent and warned against "saber-rattling" on Iran.


(...)Though the leaders of Clegg's party have harshly criticized the handling of the war in Afghanistan, where Britain maintains the highest number of troops after the United States, they describe themselves as "critical supporters" of the effort and have not called for an immediate withdrawal.


In a speech Tuesday, Clegg bluntly called Britain's "linchpin" relationship with the United States a Cold War relic and said the invasion of Iraq was "illegal." He praised Obama, and his more internationalist stance, but maintained that both nations should rethink their priorities.

(Sources: Washington Post - 22 Avril 2010)


Ainsi il semblerait que l’ardeur de M. Clegg pour un « stark message of change » soit la cause de cet engouement des électeurs pour lui. Des électeurs et des médias de désinformation. Et il semblerait que cet engouement pour le changement, d’après ces derniers, toucherait des secteurs aussi variés que le nucléaire, les relations soit-disant « spéciales » avec les USA, les relations avec l’Europe, la question de l’Iran où encore l’invasion de l’Irak que M. Clegg qualifie avec raison d’« illégale ». D’aucun se sont empressés de le décrire, avec une originalité de la pensée qui est tout à leur honneur, d’Obama britannique. D’autres encore, où les mêmes, à propos de la question du remplacement des Trident, se sont précipités pour  affirmer que M. Clegg était anti-nucléaire, comme Obama (ça promet...), etc, etc...


Qu’en est-il au juste de ce nouvel homme amateur de « changement radical » ?

Nous pouvons dire avec une certaine sérénité que jusqu’à présent rien dans ce qu’a déclaré M. Clegg au cours des débats télévisés ne peut faire penser d’une manière où d’une autre qu’il va procéder à des changements spectaculaires s’il lui arrivait de gagner les élections, ce qui est hautement improbable étant donné la nature éminemment démocratique du processus électoral anglais. Il lui faudrait 40% des voix pour prendre le pouvoir alors qu’il n’est crédité pour le moment que de 30 - 34% des voix contre 20% avant le premier débat. Ce qui est déjà un tour de force remarquable, certes, mais qui pourrait bien n’être que le reflet de la volonté des électeurs de montrer leur mécontentement envers les deux partis traditionnels plutôt qu’un attachement aux discours soit disant « novateurs » des Lib-Dem représentés par M. Clegg.


Car qu’y a t’il de véritablement nouveau dans le discours de M. Clegg ? Qu’a t’il dit qui puisse susciter cet espoir de changements aussi bouleversants que le laisse entendre les médias de désinformation ?

Sur l’Afghanistan il n’y a guère de différences que rhétoriques.  


Clegg, who is now widely touted as the candidate of “change”, expanded on the Liberal Democrats’ manifesto pledge to be a “critical supporter” of the Afghan conflict. “The principle of the reason why we went into Afghanistan, why I supported our mission in Afghanistan, unlike the illegal invasion of Iraq, is to keep us safe,” he asserted. “So from that principle if we need to do that again we should."


Cameron had proclaimed “the ongoing operations in Afghanistan” were “vital to our national security. The strategy which has been in place since the end of last year is, I believe, broadly the right one; we must give it the necessary time and support to succeed.”


Brown spoke of Britain’s “clear strategy”, his raising the defence budget by 10 percent since 1997, and declared that “Labour’s commitment to supporting our forces in Afghanistan, and to defence and national security more widely, is non-negotiable.”

(Source: www.wsws.com)


Autant pour le Soudan, le Yemen et le reste, c’est-à-dire tous les endroits de la planète et de l’univers que l’imagination débridée des lobbyistes du complexe militaro-industriel et des stratèges en chambre du Pentagone jugeront soudain menaçants pour notre « sacro sainte sécurité » (SSS). Le mythe de l’Occident assiégé de toute part par des hordes de terroristes assoiffés de sang, bombes atomiques entre les dents est repris par les trois leaders, y compris le nouvel homme du changement à la mode, avec une unité touchante.  


A ce propos d’ailleurs, celui de notre SSS (Sacro Sainte Sécurité), un peu d’encre a coulé sur le parquet lorsque les médias de désinformation ont affirmé que M. Clegg était un anti-nucléaire affirmé et convaincu à cause de sa position sur les Trident. Or M. Clegg n’a jamais dit qu’il voulait supprimer la force nucléaire britannique. Il a posé simplement la question de savoir s’il fallait remplacer les actuels Trident par d’autres sous-marins où s’il fallait se contenter de lanceurs d’engins nucléaires basés à terre. Mais la question centrale derrière tout cela était de savoir comment réduire les coûts sans affecter la capacité nucléaire britannique. Donc sur cette question non plus rien de nouveau sous le soleil à part le fait que cela permit aux deux autres pantins désarticulés de brandir notre SSS (Sacro Sainte Sécurité) gravement menacée par la Corée du Nord et l’Iran bien sûr. Heureusement que ces deux pays existent encore pour justifier les programmes d’armement de plus en plus délirant du Pentagone et de ses sous-traitants jusqu’à pomper plus de 25% du budget fédéral en armement uniquement (voir à ce sujet le discours de l’Ambassadeur Freeman dans notre post du 18 Avril 2010).


En ce qui concerne l’Europe, où parait-il M. Clegg est partisan d’une adoption de l’euro par la Grande-Bretagne, d’une part il n’en n’a pas soufflé mot au cours des débats télévisés, d’autre part il n’y a heureusement plus aucune chance que cela aboutisse jamais en raison de la crise qui met déjà sérieusement à mal les institutions européennes et la monnaie unique rien qu’avec la petite Grèce. Inutile de dire que l’intégration d’un pays encore plus ruiné et beaucoup plus important que la Grèce au sein de l’Euro-zone n’est pas pour demain. Et ce d’autant moins que nos amis allemands, bien plus lucides que les français, se montrent terriblement réticents à l’idée de verser quelque Euros que ce soit aux grecs. Alors pour les anglais...


A propos de l’immigration la position de M. Clegg s’est adaptée depuis son succès du premier débat télévisé. En effet lors du second débat Jeudi dernier M.Clegg déclara que son parti, en cas de victoire, réintroduirait les contrôles de sortie de territoire et que les immigrés seraient acceptés dans les endroits où on avait besoin d’eux uniquement si they “play by the rules, pay their taxes, [and] speak English”.

Là non plus rien de bien différent du discours officiel habituel des deux partis de gouvernement traditionnels.

Quant à l’amnistie concernant les immigrés illégaux se trouvant sur le territoire britannique (très impopulaire) que M. Clegg avait évoqué avant son succès télévisé il n’en n’a plus été question ; et il est fort probable qu’il n’en sera plus fait état jusqu’au jour d’après le scrutin. Voire à jamais enterrée.


En ce qui concerne les soit disant « special relationships » avec les USA si prisées par l’establishment anglais, M. Clegg a effectivement tenu un discours officiellement différent de celui qui se tenait habituellement jusque là puisqu’il a déclaré dans un discours mardi dernier :


"I think it's sometimes rather embarrassing the way Conservative and Labor politicians talk in this kind of slavish way about the special relationship," Clegg said. "If you speak to hard-nosed folk in Washington, they think it's a good relationship but it's not the special relationship." He later added, "They are moving on, why on earth don't we?"


C’est le moins que l’on puisse dire ! Et c’est en même temps une critique non voilée de Tony Blair et de toute sa politique d’alignement systématique sur les délires US. Mais même sur cette question, et c’est tout à son crédit, M. Clegg ne se démarque pas tant que cela d’un nombre grandissant de membres de l’establishment britannique, même si cette évolution importante de la vision anglaise des relations américano-britannique n’a pas été publiée au grand jour. En revanche on sait qu’elle fait depuis un certain temps déjà l’objet de fortes révisions du côté anglais, remises en cause que l’attitude extrêmement désinvolte de l’administration Obama vis-à-vis du soit-disant allié privilégié, comme sur la question des Malouines l’a montré dernièrement par exemple, n’a pas contribué à en adoucir la radicalité déchirante. Cela se traduirait, et la pression terrible de la crise ne fera qu’en accentuer la nécessité, par un engagement plus approfondi du Royaume-Uni vers l’Europe au détriment de ceux, usés, les liant encore aux USA. Car la vérité est que la «special relationship» a vécu.

Donc là non plus pas de révision extravagante dans la manière de penser par rapport à celle de l’establishment politique britannique même si Nicholas Clegg dit tout haut ce que de nombreux membres de l’establishment pensaient tout bas jusqu’à maintenant. 


En revanche le seul point où le chef des Lib-Dem se démarque véritablement des deux autres partis concerne la guerre d’Irak. Il a qualifié cette guerre, comme déjà dit plus haut, d'illégale et a déclaré que ce fût une grande faute d’avoir envahi ce pays. En revanche il n’a rien dit de ce qu’il ferait s’il était porté au pouvoir le 6 Mai à ce propos. Il n’a pas dit s’il retirerait les troupes britanniques d’Irak et encore moins dans quels délais.


Obama, Hatoyama et maintenant Nicholas Clegg. Tous les trois furent présentés aux électeurs comme des « hommes de changement », des hommes qui ne feraient pas les mêmes erreurs que les précédents ; en bref des hommes qui ne seraient pas prisonniers du système puisqu’on allait jusqu’à dire qu’ils n’en faisaient pas partie. Bien entendu c’était faux pour les deux premiers et cela l’est tout autant pour le troisième.

D’autre part lorsque l’on voit le résultat des quelques mois d’exercice du pouvoir par Hatoyama et d’un peu plus d’une année par Obama, on ne peut pas dire que les résultats soient à la hauteur des hystéries et des espoirs déclenchés avant leurs élections respectives. Nous pouvons même affirmer que jusqu’à maintenant c’est le «business as usual» qui prédomine largement malgré les effets d’annonces que l’on nous sert régulièrement pour des raisons purement électorales. Or dans le cas de Nick Clegg nous pouvons observer les mêmes symptômes que pour Obama et Hatoyama : même frénésie enthousiaste, mêmes espoirs fabriqués de toute pièce de manière tout à fait irrationnelle, même prédictions d’un avenir radieux grâce à un « changement » dont on ne sait pas trop ce qu’il devrait recouvrir mais dont on soupçonne qu’il est désiré tout autant qu’il est craint. C’est en tout cas de cette manière que le décrit le chef du parti écossais SNP Alex Salmond :


He said: "It was billed as a historic event, but what we got was three Westminster politicians looking the same, sounding the same and saying nothing of relevance to Scotland."

(Source : The Scotsman - 23.04.10)


A part la mention de l’Ecosse que nous pourrions remplacer par UK nous souscrivons à cette opinion. Mais pour le moment il n’est pas sûr du tout que Nicholas Clegg puisse accéder au pouvoir. On donne plutôt les Torries gagnant sans obtenir de  majorité, suivis des Lib-Dem puis du Labour (Sources: Sunday Times du 25.04.2010). En revanche il devient plus que probable que son parti servira d’arbitre dans un Parlement sans majorité, c’est à dire ce que l’on appelle un «hung parliament». En conséquence il y a de sérieuses possibilités qu’il soit amené à participer à un gouvernement de coalition, que ce soit avec le Labour où les Tory, et qu’il devra composer sur des questions où il règne déjà un certain consensus parmi les factions en cause. Chacun des trois leaders s’est d’ailleurs empressé d’évoquer cette possibilité et d’affirmer que son devoir serait d’accepter de participer à un gouvernement de coalition...

Le problème est que cette éventualité d’un gouvernement de coalition, et ce quelle que soit la composition de cette dernière, n’a rien pour rassurer les marchés et d’aucun anticipe déjà une chute vertigineuse de la livre sterling couronnée (sans jeu de mot) par un défaut de payement de la Grande-Bretagne d’ici la fin de l’année. Car, nous disent ces oiseaux de mauvais augure, peut-être un peu plus perspicaces que les autres, un gouvernement de coalition empêchera de prendre les mesures radicales nécessaires à la remise en ordre non seulement des finances du pays mais du pays lui-même d’ailleurs, saccagé par les politiques complètement nihilistes suivies depuis de trop longues années.


Nous verrons donc mais il ne faut pas avoir trop d’espoirs en ce qui concerne le réformisme auto-proclamé de M. Nick Clegg, et ce d’autant moins que celui qu’il cite le plus reste M. Obama... 

En vérité si réformes il y a, si changements radicaux il doit y avoir, et ce quelque soit le pays, ce ne sera certainement pas du fait des politiciens de service; car d'une part ils sont beaucoup trop acharnés à se faire réélire à n'importe quel prix pour faire quoi que ce soit qui puisse leur faire perdre une voix, d'autre part leurs facultés cérébrales sont si faibles et leur vision du monde si pauvre qu'ils ne peuvent pas avoir le moindre soupçon de ce à quoi l'homo-sapiens doit faire face aujourd'hui.
Par conséquent si des changements radicaux prenaient place un jour, où que ce soit, sans aucune certitude et probablement trop tard, ils ne seront mis en oeuvre que sous la pression de plus en plus insoutenable de la crise systémique globale qui progresse chaque jour un peu plus pour abattre notre néo-monde en perdition.

Mais pour le moment tout le monde est content à Cochon sur Terre, le meilleur des mondes.

mardi 20 avril 2010

Présidentielles 2012: Obama 42% - Ron Paul 41%. Le sondage Rasmussen où l’extension du domaine du désordre.

(Notes: tous les pourcentages indiqués dans ce post proviennent de l’enquête publiée par la société Rasmussen du 14 Avril 2010 à moins qu’une autre source ne soit spécifiquement indiquée).


A la Chronique de Cochon sur Terre nous soutenons depuis longtemps déjà qu’un changement majeur est en train de prendre place aux USA et qu’il pourrait se traduire à travers des événements tout à fait imprévisibles entraînant des bouleversements tels qu’ils pourraient remettre en cause l’existence de ce pays dans sa configuration géo-politique actuelle. 

Nous soutenons également que ce changement majeur aura des conséquences très importantes pour le monde étant donné que l’influence des USA telle qu’on la connaît aujourd’hui s’évanouira et que cela amènera les autres puissances, qui s’y préparent déjà pour les plus lucides d’entre elles, à combler les vides ainsi crées par cette disparition.

De plus nous soutenons également que les causes de ces changements majeurs non seulement ne viennent pas de l'extérieur des USA et ne se feront pas non plus d’un seul coup comme un coup de tonnerre dans un ciel serein. Les origines de ces transformations sont purement internes, américaines donc, et elles sont en ce moment même à l’oeuvre, cela depuis déjà de nombreuses années, même si la crise accélère cette tendance de manière impressionnante, à tel point que l’on ne peut que rester très prudent et très attentifs vis à vis des événements en se gardant bien d’en tirer des conclusions trop hâtives.


Le 14 Avril furent publiés les résultats d’un sondage Rasmussen. Tout en sachant à quel point il faut se méfier des sondages, en raison entre autre de la manière dont ils sont menés, et même si en l'occurrence la probité de Rasmussen n’est pas à mettre en cause, nous voulons commenter ce dernier qui nous semble extrêmement intéressant car il confirme à nouveau la vitesse à laquelle les mentalités et les esprits évoluent en profondeur aux USA, essentiellement dirons-nous depuis l’effondrement de Lehman Brothers le 15 Septembre 2008.

Sur quoi porte donc ce sondage ? En résumé il traite de la montée grandissante du mécontentement des américains vis à vis de l’establishment, c’est à dire de Washington et du Congrès particulièrement. En d’autre termes il révèle à quel point la légitimité supposée de l’establishment auprès de l’opinion américaine est en train de s’éroder à une vitesse spectaculaire. Et cette perte de légitimité se manifeste de manières très diverses, dans une grande confusion, sans qu’elle soit organisée où canalisée... En attente de ceux, celui où celle qui se montreront assez habiles pour le faire. S’ils viennent.


Que nous dit ce sondage ? 


Il nous révèle que si les élections présidentielles de 2012 avaient lieu aujourd’hui avec pour finalistes Obama contre le Rep. Ron Paul ils obtiendraient quasiment le même nombre de voix, c’est à dire 42% pour le président sortant et 41% pour Ron Paul. Le score d’Obama n’est pas vraiment surprenant et ne montre rien de particulier si ce n’est sa chute vertigineuse de popularité en si peu de temps. En revanche la surprise vient du score de Ron Paul, membre de la chambre des Représentants, enfant terrible du Parti Républicain (il serait plus juste de le définir comme un dissident du Parti, de la branche des " libertarian ") à tel point que nombre de Républicain pensent qu’il n’en n’est pas un, où plutôt qu’il n’est pas en accord avec les idées dominantes du Parti. On pourrait s’interroger légitimement de savoir de quoi on parle à ce sujet...


Au delà de ce score, très impressionnant si on le compare à celui que le même Ron Paul aurait obtenu en 2008, toujours d’après un sondage Rasmussen: 10% de tous les votants contre 41% aujourd’hui !

Mais la question principale est désormais de savoir qui voterait pour Ron Paul, quels sont ceux qui lui donneraient 42% des voix. D’où viennent-ils ? A quel côté du spectre politique appartiennent-ils ? Sont-ce des Républicains, des « extrémistes »  dangereux de l’extrême droite ainsi que les dépeignent les bien-pensants du Faubourg Saint-Germain et les membres de l’Establishment Washingtoniens, des néo-cons où des fous de dieu version protestante américaine ? 


Eh bien non. D’après ce sondage les 41% de Ron Paul ne proviennent pas en majorité du parti républicain. Il suffit d’ailleurs pour s’en convaincre de voir les réactions ulcérées de bien des républicains face à la popularité grandissantes du Représentant, certains d’entre eux l’accusant de détruire l’unité du parti, ce qui est vrai mais pas de la façon dont ils l’envisagent comme nous le verrons.


  • En effet les électeurs votant pour Obama viendraient à 79% du parti démocrate mais « seulement » 66% des républicains voteraient pour Ron Paul. 
  • D’autre part 95% de la classe politique voterait pour Obama s’il avait pour adversaire Ron Paul à des présidentielles tandis que 58% du « mainstream voters » se prononcerait en faveur de Ron Paul. 
  • Pour enfoncer le clou 47% des votants non affiliés à un parti donneraient leurs voix à Ron Paul contre 28% pour Obama...


N’est-ce pas étonnant ! Ce qui est d’autant plus intéressant c’est que la popularité et l'intérêt grandissant pour Ron Paul dans l’opinion publique américaine va de pair avec la progression toujours plus grande de l’influence du Tea Party Movement dans le pays tout entier, cela malgré son absence de cohésion, la nébuleuse d’opinions diverses qui se contredisent, voire pourraient être antagonistes, et le manque de direction. 

S’agirait-il dés lors créer de un lien entre ceci et cela ?

C’est à dire relier cette absence de direction du Tea Party Movement, qui n’est toujours qu’une mouvance aux contours indéfini et sans programmes véritablement concret, relier donc cette nébuleuse qui s’agrandit au fur et à mesure que le mécontentement augmente dans la population avec la popularité croissante de Ron Paul ? En fin de compte ces deux développements parallèles finiront-ils par se rejoindre pour engendrer un mouvement dont le représentant serait ... Ron Paul ?


En tout cas, sans le dire expressément, l’institut de sondage Rasmussen, lui, a fait le lien entre les deux puisque si une partie du sondage porte sur Ron Paul l’autre porte bien sur le Tea Party Movement ET Ron Paul. Qu’on en juge.


  • D’abord 24% des votants se considère comme membre du Tea party Movement ! Chiffre considérable, en augmentation de 8 points par rapport au mois dernier, à mettre en parallèle au mécontentement général.
  • 96% de ces même votants pensent que le pays est trop taxé.
  • 94% de ces même votants font plus confiance au jugement de la population US que celui de l’oligarchie politique et économique.
  • 48% de tous les votants se sentent plus proches d’un membre du Tea Party Movement que ne pourrait l’être Obama contre 44%.
  • 39% de tous les votants ont une opinion favorable de Ron Paul contre 30% et 32% sans opinion.


Il ne faut pas perdre de vue qu’en 2008 Ron Paul n’était crédité que de 10% des voix au cas où il aurait été le nominé du Parti Républicain contre Obama. La progression est spectaculaire. Le plus intéressant de tout cela est que Ron Paul, bien qu’il soit membre du Congrès depuis des années, non seulement n’est pas assimilé à l’establishment washingtonien par les électeurs en général mais n’est pas non plus assimilé à un républicain, où plutôt à l’image déformée que l’on se fait aujourd’hui d’un républicain après le passage traumatisant de Bush Jr, Cheney, néo-cons et compagnie. D’ailleurs 75% des électeurs républicains jugent que les membres du Congrès sous étiquettes républicaines ne sont plus sur la même longueur d’onde que leurs électeurs.

Ce qui mérite attention est que les deux principales mesures que n’a cessé de prôner Ron Paul depuis des années, en particulier lors de ces nombreuses interventions au Congrès, sont devenues soudain les préoccupations majeures des américains dans leurs ensemble, à savoir:



  • Budget fédéral équilibré
  • Opposition constante à toute intervention militaire extérieure.


Ainsi le résume Justin Raimondo:


Paul has consistently emphasized two themes that successfully capture the sentiments of the average American voter, and address the top two issues on their minds: 1) Fiscal sanity, and 2) A non-interventionist foreign policy. As regards the first point, Ron is the foremost opponent of government spending in Congress, and has earned the sobriquet "Dr. No" many times over. But of course practically all Republicans at least pay lip service to this ideal, although none that I know of lives up to it like Dr. Paul. However, it’s the second point – opposition to imperialism, and especially opposition to our crazed post-9/11 foreign policy of perpetual war – that is the key. (Sources: www.antiwar.com)


Or ces deux thèmes sont les plus petits communs dénominateurs des Tea Partiers. Ce sont ces deux sujets qui réunissent le plus sûrement les membres de cette nébuleuse qui, par ailleurs, proviennent souvent d’horizons très divers voir opposés.

De plus ces deux thèmes sont intrinsèquement liés l’un à l’autre. En effet il serait impossible de réduire les déficits fédéraux et de revenir à un équilibre budgétaire sans renoncer à l’empire, c’est à dire aux bases militaires à travers le monde, ce qui signifie renoncer à la politique de la force qui est celle des USA depuis bien longtemps, et plus particulièrement depuis 09.11. Mais même cela serait notoirement insuffisant. En effet dans cette optique de réduction drastique de tout déficit fédéral des coupes spectaculaires dans le budget militaire ne pourraient pas être évitées surtout lorsque l’on connaît le véritable montant de ce dernier. 


Only a bit over sixty percent of our military spending is in the Department of Defense budget, with the rest hidden like Easter eggs in the nooks and crannies of other federal departments and agencies' budgets. If you put it all together, however, defense-related spending comes to about $1.2 trillion, or about eight percent of our GDP. That is quite a bit more than the figure usually cited, which is the mere $685 billion (or 4.6 percent of GDP) of our official defense budget. Altogether, we spend more on military power than the rest of the world — friend or foe — combined. (This way we can be sure we can defeat everyone in the world if they all gang up on us. Don't laugh! If we are sufficiently obnoxious, we might just drive them to it.) No one questions this level of spending or asks what it is for. Politicians just tell us it is short of what we require. We have embraced the cult of the warrior. The defense budget is its totem. (Sources: Amb. Chas W. Freeman speech to the foreign affairs retirees  of Northern Virginia - Arlington, Virginia - 24.03.2010)


Cette situation extraordinaire, dénoncée depuis des années par nombre d’américains lucides comme étant catastrophique pour les USA, notamment le fardeau des guerres qui ne se terminent jamais et qui ne font qu’alourdir un peu plus la facture globale du budget de la guerre pour le plus grand et le seul profit du lobby militaro-industriel, cette situation donc devra cesser un jour, un jour qui se rapproche de plus en plus rapidement, qu’on le veuille où non. De ce fait le parti des anti-war pourra se targuer d’avoir eu raison envers et contre tous, et Ron Paul se situera, et se situe déjà, comme leur leader incontesté et incontestable. 

N’est-il pas un des très rares à avoir dénoncé et à avoir voté contre la guerre en Irak, et ce depuis le début ? N’est-il pas un des seuls membres du Congrès à dénoncer les budgets extravagants du Pentagone votés chaque année sans un murmure, à part le sien ? N’est-il pas encore le seul où l’un des seuls à dénoncer sans se lasser la politique de la FED, les bailouts des petits copains de Wall Street et tout le reste ? N’est-il pas un des seuls à s’opposer sans cesse aux demandes de crédits incessantes du gouvernement fédéral ?


Or  après avoir été dans la solitude quasi complète pendant des années, après avoir essuyé un mépris condescendant de la part de l’establishment, républicains comme démocrates d’ailleurs, à chacune de ses interventions au Congrès, bref après avoir passé pour l’empêcheur de tourner en rond un peu à côté, le voilà soudain qui se trouve en complet accord avec une population de plus en plus furieuse contre l’oligarchie au pouvoir. Voilà que tout à coup Ron Paul le mal-aimé semble apparaître aux yeux d’une partie grandissante des américains comme le seul à avoir dénoncé les pratiques anciennes votées par tout le monde et annoncé les conséquences de toute ces folies. Or aujourd’hui le résultat prédit par Ron Paul est là, à notre porte, voire dans la maison. Du coup il sort de l’ombre avec l’auréole du prophète au-dessus de la tête.  


Ce sondage nous permet de confirmer plusieurs points:

  • Le rejet de l’oligarchie au pouvoir se fait de plus en plus intense et se radicalise au fur et à mesure que la crise perdure où s'accroît.
  • Ce rejet a besoin d’être canalisé sous peine d’exploser et de devenir incontrôlable. Pour ce faire il faut que ce rejet, cristallisé principalement et pour le moment dans le Tea Party Movement, s’incarne dans un leader sous peine d’exploser dans l’anarchie la plus complète avec des conséquences très préoccupantes pour la stabilité et  la pérennité du pays tel qu’il est constitué aujourd’hui.
  • Il semblerai que Ron Paul pourrait devenir cette incarnation tant recherchée de ce rejet global du système qui se caractérise pour le moment et principalement par le refus d’un Etat fédéral interventionniste allant de pair avec une orthodoxie budgétaire stricte et un abandon des politiques dîtes «wilsoniennes» d’interventions militaristes tout azimuts.


Maintenant Ron Paul acceptera t’il de devenir le leader de ce mouvement grandissant d’opposition au régime washingtonien si la place lui était offerte ? Rien n’est moins sûr d’après ses propres dires. De plus il ne faudrait pas croire que l’establishment restera sans réagir. Nous pouvons même dire qu’il a déjà commencé en la personne du chef du FBI Robert Mueller qui a déclaré au cours de son audition au Congrès le 15 Avril dernier que la menace terroriste interne, c’est à dire née aux USA et fomentée par des américains, était désormais aussi préoccupante que celle venant de l'extérieure.  


“home-grown and lone-wolf extremists” now represent as serious a threat as Al Qaeda and its affiliates,

An FBI spokesman said Friday that Mueller was referring to right-wing extremist groups and anti-government militias, as well as American Islamists, in his testimony to the Senate committee that must approve the FBI’s $8.3 billion budget.

The White House was careful to emphasize that the threat of external terrorism remained acute but senior officials are privately confident that military operations in Afghanistan are going well and putting Al Qaeda on the back foot.

Few people in Washington are as confident about the domestic threat. 

(Sources: Fox News - 17 Avril 2010)


Cà promet !

Inutile de préciser que le terme «anti-government» peut-être employé d’une manière particulièrement large, ainsi que le permettent les lois de Busch Jr, non seulement jamais abolies ni même amendées mais utilisées au maximum de leur potentiel liberticide par l’actuelle administration au détriment des citoyens américains eux-mêmes. C’est ainsi que le qualificatif de «right wing extremists» utilisé par tous les caciques du régime en place à Washington sert aussi bien à dénoncer les terroristes que des opposants politiques, particulièrement les libertariens membres du Tea Party Movement, sans parler des «tenth amendment restorationists», des «regionalists» où des «secessionists» etc, bref tous ceux qui veulent une limitation du pouvoir central comme prévue par le dixième amendement. A noter que cette interprétation du fameux dixième amendement fût déjà la cause de la guerre de Sécession. Or cela redevient le point commun des revendications de toutes sortes qui fusent à travers le pays.


Alors Ron Paul deviendra t’il le représentant du Tea Party Movement ? Sera t’il présent à la prochaine présidentielle en 2012 ? Personne n’en sait rien.

En revanche ce sondage nous confirme à nouveau si besoin était que le désordre général grandit de manière endémique et que le ressentiment de la population contre l’establishment  pourrait se transformer plus radicalement encore si la crise s’aggravait; ce qu’elle ne manquera pas de faire. Et si l’establishment, qui commence à paniquer apparemment, réagit en traitant de «terroristes» les citoyens américains qui s’opposent de plus en plus fortement à eux, cela risque de mal tourner. Car si l’histoire ne se répète pas, l’homme, lui, n’apprend pas grand chose des expériences du passé et a tendance à réagir toujours de la même manière...


Mais pour le moment tout le monde est content à Cochon sur Terre, le meilleur des mondes.