dimanche 13 juin 2010

De l’inflammation des «Special relationship», de BP et de menues questions à propos de pétrole.

Jeudi dernier on apprit que les évaluations successives données par BP et la Maison Blanche à propos de l’ampleur de la fuite de pétrole qui s’écoule dans le Golfe du Mexique depuis plus d’un mois et demi étaient proprement ridicules, pour ne pas dire délibérément mensongères. Il n’y a à ce sujet pas beaucoup de solutions : soit ignorance crasse de ce qui se passe (pour la Maison Blanche qui a peu de moyens de savoir quoi que ce soit sinon à travers BP), soit désinformation délibérée afin d’échapper à un lynchage médiatique, avec des conséquences économiques pour BP et politiques pour Obama et son parti.
Soit les deux...

Désormais les estimations de la fuite varient entre 3,6 millions de litres et 6,5 millions de litres par jour pour les plus optimistes, c’est-à-dire l’équivalent de 30.000 à 50.000 barils par jour. En comparaison le naufrage de l’Exxon Valdez en 1989 n’avait déversé «que» 35 millions de litres de pétrole dans la baie du Prince William alors que nous en sommes déjà au bas mot à 107 millions de litres dans le Golfe du Mexique; en sachant qu’il reste encore trois mois avant que les deux puits censés permettre le colmatage de la fuite puissent être forés aux alentours du mois d’Août voire Septembre, en croisant les doigts et les oreilles afin que cela fonctionne plus efficacement que les précédentes solutions miraculeuses qu’on nous a présenté jusque là.

Et encore ces estimations-là ne sont rien si on prend en compte celles qui sont encore plus apocalyptiques que les précédentes :

Some scientists, among them Ira Leifer of the government-sponsored Flow Rate Technical Group (FRTG), believe that BP’s decision to cut the riser pipe in order to siphon off a portion of the oil may have actually made the spill far worse. The well could feasibly release as many as 10 million gallons per day, according to a worst-case scenario revealed in paperwork BP submitted for each of its two relief wells.
(Sources: WSWS - 12.06.2010)

La vérité est que la situation est franchement dramatique ; car en réalité l’Administration US n’a aucun moyen de faire quoi que ce soit pour arrêter cette fuite et les USA sont entièrement dépendants du savoir-faire de BP dans ce domaine pour endiguer la catastrophe au plus vite, c’est-à-dire dans trois mois au bas mot.
Le Président quant à lui s’est soudain trouvé l’otage d’un besoin pressant, politiquement bien entendu; il s’agissait de montrer au public américain qu’il était « in charge », comme il l’a dit lui-même, alors qu’on pensait que la dernière opération de secours montée par BP pour stopper la fuite il y a quelques semaines était en train de fonctionner. Manque de chance, comme on sait, ce fût un échec. Son pressant besoin de rattrapage médiatique et politique s’est donc retournée violemment contre Obama et son équipe de manipulateurs en herbe qui se trouvent désormais « in charge » d’une situation hors de contrôle et à laquelle ils ne connaissent rien.

L’establishment US tente désormais de détourner la fureur de leurs électeurs bien-aimés contre lui, de manière anarchique comme il se doit, sans aucune coordination, chacun y allant de son couplet de la plus vile démagogie contre BP, c’est-à-dire l’étranger, voire l’ancien pouvoir colonial et bla bla bla... On ne recule devant rien et il est fort possible que cela aille de plus en plus loin au fur et à mesure que la situation s’aggravera, ce qu’elle ne peut manquer de faire. Obama s’est illustré à ce jeu d’une manière plus lamentable que les autres, c’est dire ! par l’utilisation du terme « British Petroleum » pour nommer BP, alors que ce n’est plus le nom utilisé par BP lui-même depuis huit ans, cette société anglaise malfaisante par la seule et unique faute de qui ce désastre est arrivé, sans parler de ces attaques contre le pdg lui-même ; cela a fait déborder le vase et a déclenché la fureur des Britanniques.
Voici des extraits de la lettre ouverte à Obama de John Napier, chairman du groupe d’assurance anglais RSA, qui trahit bien l’état d’esprit des Britanniques face aux attaques US de plus en plus violentes à l’égard de BP:

There is a sense here that these attacks are being made because BP is British.

If you compare the damage inflicted on the economies of the western world by polluted securities from the irresponsible, unchecked greed and avarice of leading USA international banks, there has not been the same personalised response in or from countries beyond the US.

Perhaps a case of double standards?

Et plus loin il ajoute:

The immediate issues are very challenging but are best solved working together in a more Statesman like way.

The leak may take time to fix, and it will be, but Afghanistan and Iraq will take much longer.

We can all agree that the first and absolute priority is to stem the leak. Perhaps the second one is to ensure the reputation of the Presidency outside the USA is seen as objective, balanced, able and capable of taking the heat when under pressure.
We liked the Obama we saw at your election, can we have more of it please.
(Sources: Open letter to Président Obama by John Napier, chairman of RSA Group)

Jusqu’à maintenant le gouvernement anglais a eu la louable sagesse de ne pas ajouter d’huile sur le feu, bien au contraire. Mais désormais accusé d’abandonner BP, désormais accusé de laisser l'intérêt national attaquer sans réagir etc, combien de temps le gouvernement anglais pourra-t’il tenir cette ligne de conduite face à la pression de l’opinion publique ?

Anger is mounting in the City that Obama has singled out BP rather than US contractors such as Halliburton for criticism. There is also concern that Cameron has not defended the British company more robustly.
(Sources: The Guardian - 12.06.2010)

That the spill could infect the "special relationship" became clear early yesterday when the Mayor of London, Boris Johnson, aired his concerns in a radio interview. "I do think there's something slightly worrying about the anti-British rhetoric that seems to be permeating from America," he said.

"It starts to become a matter of national concern if a great British company is being continually beaten up on the international airwaves."

Traditionally, BP stock accounts for 12 to 13 per cent of dividend payouts in Britain and many retirement funds depend on it to retain value. "You attack the dividend and you are attacking millions of British pensioners," said Tom Watson, a Labour MP who plans to table a motion in the Commons supporting BP.
(Sources: The Independant - 12.06.2010)

Aujourd’hui le véritable problème sont d’une part la perte de 40% de la valeur capitalistique de BP depuis le début de la crise et d’autre part les dividendes que BP risque de ne pas verser à ses actionnaires à cause des attaques du Président US ; tout ceci affectera directement une partie de la population anglaise puisque les principaux actionnaires de BP sont les fonds de pension Britanniques mais aussi US (ce qui rend encore plus pathétique l’utilisation du terme British Petroleum par Obama).
Demain le problème sera la survie de BP, la plus grosse société cotée à la bourse de Londres représentant à elle seule 12% de tous les dividendes distribués par les sociétés anglaises; il ne faut pas être clairvoyant pour imaginer les conséquences financières que provoquerait pour le Royaume-Uni la mise sur le carreau de BP en raison des poursuites judiciaires engagées aux USA, le tout accouplé à la situation merveilleusement saine des banques anglaises comme du Trésor Britannique; nous voyons d’ici le feu d’artifice que cela déclencherait !

Désormais nous pouvons nous demander combien de temps il faudra au gouvernement anglais pour comprendre que l’establishment US voudra la peau de BP de manière de plus en plus hystérique au fur et à mesure que la situation s’aggravera et que leur panique augmentera en proportion, sans tenir aucun compte des intérêts anglais qui, aujourd’hui, apparaissent en complète opposition avec ceux des sénateurs et des représentants US ayant à faire face aux élections de Novembre ; sans parler de l'intérêt d’Obama dont la réélection apparaît de plus en plus illusoire. Faudra t'il la faillite du géant du pétrole, fleuron de la bourse de Londres à la plus grosse capitalisation boursière, et la ruine de millions de retraités pour que le gouvernement anglais sorte du mirage des «special relationship» ?

Le recours à cette recette archi-banale et éprouvée, vieille comme Cochon sur Terre, qui consiste à désigner un bouc-émissaire extérieur pour renforcer la cohésion menacée d’un groupe, trahit la panique légitime des dirigeants US face à cette colère populaire qui monte et qu’ils semblent incapables d’arrêter. Cette peur est d’autant plus grande qu’elle se greffe sur la constatation de plus en plus limpide que les plans de relance et autres TARP n’ont rien relancé du tout, bien au contraire.
Aujourd’hui, pourtant, la démagogie ne semble pas avoir vraiment pris aux USA ; où plutôt cela n’a pas détourné la colère des électeurs contre le Congrès et l’Administration, sans parler d’Obama qui est au plus bas dans les sondages. Il semblerait plutôt que cette affaire, qui démontre une fois de plus l’inaptitude tragique de Washington à répondre efficacement à une situation d’urgence intérieure, il semblerait donc que cette affaire ne fasse que renforcer la rage des Américains contre le gouvernement central et le Congrès plutôt que contre l’Angleterre per se. Et s’ils sont furieux contre BP, et ils le sont vraiment et feront tout pour avoir sa peau, il nous semble que les Américains le sont de la même manière qu’ils l’auraient été contre Chevron où tout autre société US ; les Américains ne sont pas furieux contre BP parce-que c’est une société anglaise, contrairement à ce que pensent les Anglais, mais parce-qu’elle représente le « corporate power » que les Américains identifient avec raison au gouvernement central, au Congrès et aux lobbyies, c’est-à-dire le système légal de corruption généralisé qui infecte la politique des USA. C’est pourquoi il n’est pas dit que les deux autres sociétés américaines qui sont impliquées au moins autant que BP dans la catastrophe, Halliburton et Transocean, s’en sortent sans perdre de plumes. Au train où vont les choses ce serait même étonnant que ce soit le cas.

Il nous semble donc que la manœuvre indigne d’Obama et consort pour diriger la colère des électeurs bien-aimés contre la société anglaise BP afin d’éviter une catastrophe électorale en Novembre ait échoué. Nous prenons les paris qu’elle fera long feu car l’establishment américain n’a toujours pas pris conscience de la gravité et de la profondeur de la colère de ses électeurs bien-aimés contre eux ; contre eux en tant que représentants du centre par opposition au local, c’est-à-dire l’état fédéral versus l’état fédéré, mais aussi contre eux en tant que serviteurs corrompus du « corporate power ». Il faut leur rendre cette justice néanmoins que, pour ces intoxiqués à leur propre propagande, cette dernière hypothèse est tout simplement inimaginable tant ils sont persuadés que l’américan dream se limite à la possibilité de gagner le maximum d’argent de n’importe quelle manière. Ils ont tord. Ils ont tord car ce mythe, qui consiste à affirmer que n’importe qui peut faire fortune aux USA, est récent et reste plus superficiel qu’on ne pourrait le croire au premier abord dans la psychologie collective, surtout si l’on se contente de regarder la télévision où de flâner à NY où à LA.

Car ils ont oubliés, ces membres de l’establishment, que l’Amérique reste avant tout le symbole de l’indépendance politique (la guerre d’indépendance et non pas la révolution) et de la liberté individuelle, quels que soient les avatars que ces expressions ont subi depuis, sans parler de leur réalité dans le pays du Homeland Security... La glorification du développement économique à outrance et à n’importe quel prix, c’est à dire au prix de la liberté individuelle et de l’indépendance politique le plus souvent, n’est venu que bien plus tard ; et il ne faudrait pas oublier la résistance qu’a rencontré ce soit-disant développement économique tout au long de son extension à travers le pays jusqu’au début des années 70, progression qui s’apparente, pour le visiteur, beaucoup plus à la politique de la terre brûlée des colonnes de Sherman qu’à n’importe quoi d’autre. Ces messieurs-dames à la petite semaine de Washington n’ont pas réalisé non plus que cette colère de la population s’alimente de nouveau à la source d’une lente prise de conscience de la malignité du système en général, c’est-à-dire du système économique tant vanté qui a ruiné le pays. Remarquons que cela parait assez naturel car ce n’est certainement pas l’establishment washingtonien qui a subi la dégradation de son pouvoir d’achat depuis trente ans, bien au contraire ; en revanche le bon peuple d’électeurs bien aimés, c’est une autre histoire !
C’est peut-être pour cette raison qu’ils sont en colère... Sait-on jamais, l’être humain est si imprévisible...

Cette crise, désormais au moins autant politique qu’écologique, est donc emblématique de la crise systémique générale et de l’impasse dans lequel Cochon sur terre se retrouve. Elle souligne les contradictions inhérentes et insoutenables entre le développement économique à outrance et ses conséquences politiques d’une part, et la protection de l’environnement d’autre part, impliquant la survie où non de notre espèce divine. De même elle souligne la dépendance du monde entier au pétrole, et au-delà au pillage systématique de la planète tout entière pour des profits à très courts termes, sans tenir aucun compte des générations censées nous succéder. Implicitement elle remet en question le système économique sur lequel repose l’organisation de nos sociétés d’aujourd’hui qui n’a été rendu possible que par l’abondance d’une source d’énergie à très bas coût. Désormais cette énergie est en voie disparition et en conséquence le coût du baril de pétrole ne pourra plus que se propulser de plus en plus haut, mettant à bas du même coup le système en entier ainsi que notre fameuse «way of life». Car à l’heure qu’il est (10h35 AM), et contrairement à ce que l’on peut nous raconter, il n’y a aucune autre source d’énergie disponible pour remplacer le pétrole et perpétuer notre course au suicide collectif.
Mais rassurez-vous, cher lecteur, il nous reste encore de très nombreuses manière d’y parvenir (nous parlons de notre suicide collectif) et nous restons toujours aussi optimistes à la Chronique de Cochon sur Terre quant à notre réussite totale à ce sujet, avec où sans pétrole...

Mais ne soyez pas trop tristes nous n’en n’avons pas encore fini avec le pétrole, n’en doutez pas. D’ailleurs, si vous en vouliez une preuve de plus, le moratoire de six mois pour les 33 nouveaux permis de forages dans le Golfe du Mexique (et non pas pour tous les forages existants !) annoncé en fanfare par Obama, mesure destinée à démontrer au bon peuple à quel point ils avaient un « leader in charge », et bien ce moratoire risque d’avoir la vie courte.

At a Senate Energy and Natural Resources Committee hearing held Wednesday, Democratic Senator Mary Landrieu of Louisiana, a leading oil industry “asset,” demanded that Secretary of the Interior Ken Salazar lift the moratorium, absurdly declaring that if it “lasts much longer than a few months, it could potentially wreak economic havoc on this region that exceeds the havoc wreaked” by the BP spill.

In fact, the moratorium, which the media falsely presents as a total ban on offshore drilling, affects only 33 new drilling operations, not those already underway. Whatever job losses result from Obama’s token measure are dwarfed by those in the region’s fishing and tourism industry—losses that will likely be counted in the hundreds of thousands and may never be recouped.


In response, Salazar made clear that the committee Obama appointed to investigate the spill has no intention of stopping new deep-sea drilling operations. Its goal is to “press the pause button…not the stop button,” Salazar said. “It’s a pause button so that we can make sure that we move forward with OCS [outer continental shelf] drilling—so that it can be done in a way that is protective of people and protective of the environment as well,” Salazar added.

(Sourcs: WSWS - 12.06.2010)

Vous voyez, cher lecteur, qu’on ne perd pas de temps au pays du «business as usual». D’ailleurs nous pouvons être certains que le «pause button» qui durera six mois, peut-être même moins, permettra sans aucun doute possible et inimaginable de régler absolument tous les problèmes de sécurité que peuvent poser les forages en haute mer. Il est évident comme 2+2 = 5 que tous les enseignements de l’explosion du Deep Water Horizon seront non seulement tirés d’ici quelques mois, mais enregistrés, compris et intégrés de A à Z, et bien évidemment mis en application dans la foulée. C’est ainsi que dans six mois nous pourrons allègrement forer en haute mer de nouveaux puits avec toutes les mesures de sécurité imaginables que nous aura enseignés cette affaire... regrettable n’est-ce pas, mais il faut bien survivre !
Et cela d’autant plus que cette explosion et l’enchaînement de désastres qu’elle engendra n’avait jamais été imaginée par quiconque avant qu’elle ne se produise de l’aveu même des responsables...

Mais pour l’instant tout roule (au pétrole naturellement) à Cochon sur Terre, le meilleur des mondes.

jeudi 3 juin 2010

Hatoyama au tatapis

Celui qui était présenté comme le Fuji Yama de la politique japonaise, l’ex-futur réformateur de la vie politique nipponne, n’aura pas duré longtemps. Il s’est retrouvé KO sur le tatapis en moins de deux. Et le plus comique de l’histoire c’est que ses malheurs lui sont arrivés par sa propre faute.
En effet, faites un effort de mémoire cher lecteur, souvenez-vous de ce que nous vous écrivions ici même il y a à peine un mois (Nouvelles de Cochon sur Terre - 08.05.2010) à propos de la relocalisation de la base aérienne US de Futenma, située à Okinawa ;

Lors de sa campagne M. Hatoyama avait promis de renégocier l’accord passé en 2006 afin de relocaliser la base dans une autre partie de l'île et de déménager 8.000 soldats US à Guam, c’est-à-dire hors du Japon. Désormais au pouvoir le Premier Ministre s’avère incapable de régler ce problème, en soit mineur mais hautement symbolique, qui a causé la semaine dernière des manifestations de 100.000 personnes et dont le pays entier attend un règlement. Un sondage récent a indiqué que 60% des Japonais pensent que Hatoyama devrait démissionner s’il n’est pas parvenu à trouver une solution avant le 31 Mai, date qu’il avait lui-même établie comme butoir pour le règlement de cette affaire. De plus son parti a de grandes chances de perdre les élections à venir en Juillet à la Chambre Haute, en partie à cause de cette affaire.
(Nouvelles de Cochon sur Terre - 08.05.2010)

Eh bien nous n’avons pas eu le temps de prendre notre mal en patience car l’ex Premier Ministre a pris tout le monde par surprise en annonçant sa démission hier au cours d’un discours, annonçant dans la foulée le départ du Secrétaire Général du DPJ Ichiro Ozawa impliqué, lui, dans une affaire de corruption des plus banale.

En tout cas on peut dire que le parcours de l’étoile filante Hatoyama aura été impressionnant !
Le 1er Septembre 2009 le parti DPJ venait de gagner les élections et l’ex futur réformateur était crédité par les sondages de 70% d’opinions favorables. Aujourd’hui, c’est-à-dire neuf mois après ! il est crédité de 17% d’opinions favorables... La chute est rude et spectaculaire !
Entre temps non seulement sont intervenues des affaires de corruption, ce qui ne devrait surprendre personne dans un pays où ce genre de choses fait quasiment partie de la politique per se, mais surtout l’affaire de la base de Futenma a pris l’importance que nous avions prédite. Et c’est beaucoup plus sûrement cette dernière qui a obligé l’ex futur réformateur à démissionner, cela d’autant plus qu’il avait lui-même promis de partir s’il n’avait pas réussi à régler cette question avant le 31 Mai. Considérant qu’il n’avait pas tenu sa promesse de parvenir à un accord avec les USA pour relocaliser leur base aérienne de Futenma il a au moins tenu parole en abandonnant son poste.

"First is the issue over Futenma's relocation," Hatoyama said, apologizing for his unsuccessful bid to relocate U.S. Marine Corps Air Station Futenma outside of Okinawa despite months of searching for an alternative.
(Sources: Japan Times - 02.06.2010)

En réalité cet échec est entièrement dû à l’intransigeance US qui refusa systématiquement tout accord avec le gouvernement japonais sur cette question somme toute mineure mais symbolique pour la population et surtout pour Hatoyama qui n’avait cessé au cours de sa campagne électorale de proclamer qu’il renégocierait l’accord sur la présence de troupes US au Japon afin de la réduire et à terme de rendre le Japon capable de se défendre par lui-même.

Hatoyama’s party came to office on the back of campaign pledges to pursue an independent foreign policy and calls to renegotiate cushy US base deals made by the long-standing ruling party, but in the end US refusal to negotiate and Hatoyama’s inability to organize convincing resistence ended any hope of him accomplishing anything.
(Sources : Antiwar - 01.06.2010)

Comme nous l’avions souligné ce refus autiste des autorités US de renégocier quoi que ce soit a coûté son poste à Hatoyama et coûtera peut-être même sa majorité à la Chambre Haute au DPJ lors des élections de Juillet. Nous pourrions nous dire, afin de nous rassurer un peu sur l’attitude US, que c’est une tactique délibérée pour aider son fideicommis le LDP, actuel parti d’opposition, à regagner le pouvoir et à reprendre ainsi le «business as usual» avec ses maîtres américains. Mais nous ne pensons pas ces gens capables d’une telle suite dans les idées, et encore moins d’une stratégie à long terme, en raison notamment de la pagaie générale qui règne dans l’administration US sans parler du Pentagone qui suit ses propres objectifs.

C’est donc en se retranchant derrière un accord signé en 2006 avec un parti qui leur est inféodé depuis la fin de la guerre, un parti discrédité et corrompu jusqu’à la moelle (bien qu’il ne soit pas le seul), que le Pentagone a décidé de jouer l’intransigeance au lieu de renégocier un accord où il serait parvenu à sauver les meubles, les siens et ceux de l’équipe au pouvoir. Cette attitude de refus catégorique de renégocier quoi que ce soit, que l’on retrouve à chaque échelon de la politique extérieure des USA (voire la déclaration de Tata Hillary à propos de l’opposition grandissante à la présence des armes nucléaires US en Allemagne), peut-être due à deux facteurs :

- soit un aveuglement complet sur la situation des USA d’une part, c’est à dire une absence totale de réalisme quant aux modifications énormes sur la scène internationale qui sont en train de prendre corps en raison de l’affaiblissement des USA eux-mêmes, ce qui implique un aveuglement tragique sur l’opposition de plus en plus forte des principaux soit disant «alliés», les Européens et les Japonais, à un état de fait désormais obsolète : c’est à dire la présence de troupes US sur leur sol que plus rien ne justifie puisque l’ennemi d’hier a disparu. Et ce d’autant plus que le coût de cette présence pèse sur les pays hôtes... Gageons que par les temps qui courent cela deviendra un argument de plus pour l’opposition à cette présence.
- soit une relative mais lucide intuition par ces pontes de l’Administration et du Pentagone que la position des USA est menacée, y compris en Europe et au Japon, intuition qui déclencherait une peur panique engendrant ces réactions intransigeantes de refus de toute tentative de remise en cause des arrangements établis depuis 60 ans par crainte que cela ne mène à une remise en cause générale de la présence des troupes US en Europe et au Japon.

Il est désormais fort probable que la question des bases US au Japon, et par conséquent la présence des troupes US elle-même, devienne une question politique de plus en plus chaude au cours des mois qui viennent, à commencer par les prochaines élections qui donneront le ton que cette affaire suivra. Car si Hatoyama a démissionné sur cette question, on peut imaginer sans peine que la population exigera de ses successeurs plus de détermination pour régler le problème en comptant sur les inévitables surenchères démagogiques qui ne manqueront pas de pointer le bout de leur nez, alimentant et se nourrissant tout en même temps de la colère des votants.
Il se pourrait donc bien qu’en raison de leur refus stupide de toute négociation les USA perdent à terme ce qu’ils croyaient conserver grâce à leur fermeté.

mardi 1 juin 2010

Deep Water Horizon, BP et le Golfe du Mexique: où le puits qui cache la planète en perdition.

La tentative menée par BP pour colmater la fuite de pétrole qui se déverse dans le Golfe du Mexique à 1600 mètres de profondeur depuis le 20 Avril dernier a officiellement échoué. Cette opération était considérée comme la dernière chance de mettre un terme à cette fuite géante de pétrole avant que cette catastrophe ne devienne incontrôlable et d’une catégorie qualifiée « d’urgence nationale », voire internationale puisque le Mexique, Cuba et le Venezuela pourrait bien devenir des protagonistes involontaires de cette affaire.
Pourquoi ? Car avant ce nouvel échec BP affirmait que rien ne pourrait plus être fait avant de forer deux nouveaux puits de secours afin de faire cesser la fuite qui menace de polluer le Golfe du Mexique tout entier et d’y anéantir toute sa flore aquatique sans compter toutes les espèces y vivant, oiseaux où poissons. Or les nouveaux puits de secours ne pourront être à pied d’oeuvre qu’aux environs de la fin du mois d’Août. Cela laissera donc encore trois mois minimum au pétrole pour se répandre à son aise sur tous les rivages du Golfe et peut-être même des Caraibes.
Sans compter que Lundi la région est entrée dans la saison des tornades et des ouragans, versus « Katrina ». Par conséquent ces deux mois de délai risquent de s’allonger si par malheur le temps ne permet pas de forer. Où si, hypothèse encore pire, une tempête où un ouragan se lève pendant les opérations de forage...

Meanwhile, environmentalists have expressed grave concern over the potential spread of the oil as Tuesday marks the first day of the region’s hurricane season when violent storms begin to sweep in and batter the Gulf coast.
With at least 23 tropical storms and seven major hurricanes forecast over the coming months it is feared high winds could not only hamper the operation to cap the well but could also push the oil further inshore and across a wider region.
Some have even suggested that the oil could reach the coastlines of Florida, Texas, Cuba and Mexico, devastating wildlife and crippling tourism.
( Sources: The Telegraph - 31.05.2010 )

Sans compter toutes les autres innombrables possibilités catastrophiques non prévues par nos scientistes illuminés.

« Do not worry guys everything is under control ! », as usual...

C’est donc la plus grande catastrophe d’origine pétrolière en temps de paix à ce jour, dépassant très largement celle de l’Exxon Valdez qui eût lieu en 1989. En effet cette dernière permit la « libération » de quelque 11 millions de gallons de pétrole sur les côtes de l’Alaska. Une peccadille en comparaison de ce qui semble avoir déjà été déversé dans le golfe du Mexique : environ 39 millions de gallons où 146 millions de litres (la fuite déverserait entre 1,9 millions et 3 millions de litres de pétrole par jour dans le Golfe du Mexique si toutefois les récentes opérations n’ont pas agrandi le trou comme le craignaient certains ingénieurs avant cette tentative ratée).
Bien entendu cela ne prend pas en considération les trois prochains mois au cours desquels ce pétrole si précieux continuera de se déverser allègrement dans la mer pour échouer sur toutes les côtes qui se trouveront sur son itinéraire bien aléatoire. C’est ce qui devrait se produire si l’ultime tentative de réduire cette fuite, qui devrait démarrer cette semaine, échoue à son tour, ce qui, d’après de nombreuses personnes bien informées, devrait être le cas (c’est désormais le cas...). Raison pour laquelle d’ailleurs on ne l’avait pas envisagé auparavant, c’est-à-dire avant l’opération de la semaine dernière dont les chances de succès étaient jugées beaucoup plus probable.

BP will now try to solve the problem with a containment cap, which could take up to a week to be put in place.
It will use undersea robots to slice through the damaged pipe to make a clean cut that can be connected to another pipe, capturing the leaking oil.
However, BP said the operation had never been carried out at a depth of 5,000ft and "the successful deployment of the containment system cannot be assured".
(Sources: The Telegraph - 30 May 2010)

Bref nous voici face à un désastre écologique d’ampleur majeure. Nous ne nous étendrons donc pas sur cette question puisqu’elle a déjà été abondamment commentée, et qu’elle le sera encore pendant des lustres jusqu’à ce que les lumières de ces derniers s’éteignent faute d’énergie.
En revanche les répercussions de ce désastre ne seront pas uniquement de nature écologiques. En effet les conséquences de cette affaire sont en train de prendre de très sérieuses connotations politiques.

Politique Intérieure.

On voit déjà le Président payer le prix fort pour ce qui est considéré comme l’incompétence de son Administration face à cette crise.
On parle de l’équivalent de ce que fût «Katrina» pour Bush Jr; d’autres font un parallèle avec ce que fût la crise des otages de Téhéran en Novembre 1979 pour Carter. Mais dans tous les cas de figure on s’accorde pour prédire que cette affaire coûtera sa réélection au Président tandis qu’un sondage Rasmussen montre sa popularité au plus bas à 42%. Il est vrai que depuis le 20 Avril dernier rien ne fût entrepris par le gouvernement, ce dernier considérant que c’était du ressort des entreprises privées qui avaient provoqué la catastrophe.
En réalité c’était un alibi commode pour masquer le fait que le gouvernement fédéral n’a aucune possibilité d’intervenir car il n’a aucune compétence dans ce domaine (en a t’il jamais eu ?), ayant abandonné, là comme ailleurs (par exemple les contractants privés en Irak payés par le Pentagone pour faire un travail habituellement réservé à l’armée), les maigres responsabilités régaliennes qui étaient les siennes au secteur privé, ce dernier n’ayant pour perspective que son intérêt maximal à court terme ; c’est-à-dire l’opposé de l'intérêt général puisque ce dernier s’apprécie sur le long terme, voire le très long terme. Ce transfert s’est accéléré considérablement au cours des présidences de Bush Jr, parallèlement au renflouage général par les deniers publics empruntés de ce même secteur privé dont les ayatollahs à cols blancs n’ont de cesse de clamer à quel point il n’a besoin d’aucune régulation d’aucune sorte puisque le Marché règle toujours tout de la meilleure manière possible. En conséquence de quoi, dans l’affaire qui nous concerne, le gouvernement fédéral a laissé faire, puisqu’il ne pouvait rien faire de toute façon, se contentant d’espérer que BP parviendrait à colmater la fuite.

« ... a week into the crisis he was blithely stating that "this incident is of national significance" and rest assured he was receiving "frequent briefings" about it.»
(Sources : The Telegraph - 29.05.2010)

Lorsque BP annonça la semaine dernière qu’il y avait de fortes chances pour que l’opération de colmatage aboutisse, une conférence de presse fût tout à coup organisée (la première depuis dix mois, quelle coïncidence !) afin de permettre au Président d’annoncer qu’il prenait en main les opérations... C’était une tentative de reprendre à son compte la réussite de l’opération entreprise par BP, ce qui aurait peut-être permis, selon les stratèges en chambre de la Maison Blanche, d'atténuer les effets négatifs sur l’opinion publique de l’inaction présidentielle au cours du mois écoulé, renforçant encore l’image d’un Président faible. Manque de chance deux jours après on apprenait l’échec de la tentative de sceller le puits.

The public anger and frustration over the spill poses a major domestic challenge for President Barack Obama, who has been forced to admit publicly that the U.S. government and military do not have the technology to plug the leaking well and must leave this to BP and its private industry partners.
(Sources: Business News - 31.05.2010)

Depuis lors les critiques se déversent sans aucune retenue sur le Président et son Administration, soulignant leur incompétence, leur inefficacité etc, etc..., critiques formulées également par ceux qui refusent tout accroissement du rôle de l’Etat, sans compter ceux qui veulent le réduire aux acquêts. Cela dit, au-delà de cette contradiction, il est vrai que nous avons aujourd’hui une situation ubuesque : un Etat Fédéral omniprésent, empiétant constamment sur les droits des Etats Fédérés et une bureaucratie pléthorique cherchant à accroître toujours plus ses prérogatives comme toute bureaucratie digne de ce nom, tout cela, comme déjà dit, en abandonnant au secteur privé des responsabilités relevant a priori du domaine de l’Etat car relevant de l’intérêt public ; le résultat ne produit qu’une incompétence crasse, une inefficacité criminelle et un gaspillage invraisemblable.

There is not much Mr Obama can do other than apply pressure to BP to get it right and put his best scientists in the room. The government has no deep-sea oil technology of its own.
(Sources: ABC New Australia - 30 MAy 2010)

D’où la colère et la révolte qui grondent de plus en plus fort comme on sait. C’est pourquoi ce désastre du « Deep Water Horizon » ne fera qu’exacerber la rage qui secoue le pays, ce qui risque de donner un sérieux coup de fouet aux candidats du « tea party movement », ou de tout autre candidat se définissant comme anti-establishment c’est-à-dire anti-Washington. Certains sont déjà bien partis pour être élus au Congrès lors des prochaines élections de Novembre et il n’est pas impossible d’envisager aujourd’hui, au vu de l’accélération des événements, qu’il y en ai plus qu’un nombre symbolique.
Nous verrons car il serait bien périlleux d’établir tout pronostic que ce soit dans une situation de plus en plus volatile.

Face à l’inaction du gouvernement fédéral les Etats Fédérés concernés, comme la Louisiane, le Mississipi, l’Alabama où la Floride, laissées à eux-mêmes, tentent de prendre en main la défense du littoral menacé par la marée noire, notamment à travers les US Coast Guards, reprenant de ce fait des prérogatives qui sont les leur d’après la Constitution mais qui leur ont été enlevé par Washington au cours des années de vaches grasses à crédit.
Cette impotence spectaculaire de l’Etat Fédéral soulignée par l’explosion du « Deep Water Horizon » ajoute de l’eau à la tendance à la reprise en main de leur propre destinée qui va en se renforçant toujours plus fortement par les Etats Fédérés. La loi sur l’immigration votée en Arizona et reprise par une bonne dizaine d’autres Etats qui menacent eux aussi de la faire adopter par leurs Parlements respectifs n’a pas d’autre origine que l’incapacité de l’Etat Fédéral de soulager les besoins des Etats Fédérés, c’est à dire l’impotence de l’Etat Fédéral face à des situations locales alors que ce dernier s’engage toujours plus dans des des guerres extérieures pour lesquelles sont gaspillées les milliers de milliards (évaluation des coûts cumulés des guerres d’Afghanistan et d’Irak: $ 3.000 milliards où $ 3 trillions) qui manquent cruellement aux Etats Fédérés pour faire face à une situation interne qui se détériore elle aussi chaque jour un peu plus en raison de l’approfondissement de la crise.

Cette situation politique interne est bien évidemment exacerbée par la situation économique catastrophique et par le manque d’argent à tous les niveaux, que ce soit l’Etat Fédéré, le county où la ville voire le village. Avec les baisses drastiques des recettes fiscales les dépenses publiques se réduisent comme peau de chagrin et les pertes d’emplois nourrissent la baisse des recettes fiscales etc... C’est la spirale infernale résultant de cinquante ans de vie à crédit, de la croyance en un « développement » matériel illimité dû à l’accès à de l’énergie très bon marché en quantité que l’on croyait inépuisable.
Car cette crise politique en accroissement constant et aux rebondissements imprévisibles déclenchée par l’explosion du «Deep Water Horizon» a d’ores et déjà des conséquences économiques qui ne feront que s’accroître au fur et à mesure que le pétrole se déversera pendant les trois prochains mois dans le Golfe du Mexique, polluant tous les rivages du Sud des USA, entre autre la Louisiane, l’Alabama, le delta du Mississippi et la Floride sans parler des pays étrangers. Et bien entendu cette crise économique exacerbe et nourrit la crise politique.
L’économie locale est donc touchée en premier lieu.

Louisiana's commercial and recreational fishing industry has already been dealt a hammer blow by the spill.
Fishing boats bobbed idle on Monday at the Venice Marina in Louisiana, which would normally be a hive of activity during the long Memorial Day weekend.
As a health precaution, U.S. authorities have closed all fishing in 25 percent of Gulf of Mexico U.S. federal waters.
The Gulf Coast is one of America's richest ecosystems and a vital breeding ground for a $6.5 billion seafood industry.
( Sources: Business News - 31.05.2010 )

Mais pas exclusivement.
Le Président a gelé où annulé tout nouveau développement de forage offshore dans le Golfe de Mexico (y compris 33 permis d’exploration et de développements déjà en cours) pour une durée de six mois.
Que se passera t’il lorsque ces six mois seront écoulés ?
Dans la foulée l’Administration a annulé tous les nouveaux projets d’ouverture de nouvelles régions à l’exploitation offshore dans l’Atlantique et dans l’Arctique qu’elle avait autorisé il y a deux mois.
Le gouverneur de Californie lui aussi a annulé les autorisations de forage offshore qu’il avait accordé il y a quelques mois en déclarant l’équivalent de notre : « le risque n’en vaut pas la chandelle ».

Mais ces annulations et ces gels de forages ont des coûts importants non seulement pour l’industrie pétrolière mais également pour l’économie dans son ensemble comme l’a dit clairement le pdg de l’American Petroleum Industry (API) après la décision prise par l’Administration mentionnée plus haut:

"We understand the concerns many people have about offshore drilling in the wake of this incident, and the frustration many feel toward oil companies. But this issue is much larger than the oil industry, since access to affordable energy impacts every sector of our economy, every state in our nation and every American family. Further, thousands of products -- from toothpaste to iPods, cell phones to computers, and vitamins to vegetables -- use oil and natural gas as a feedstock in the manufacturing process.
(Sources: American Petroleum Institute - Jack Gerard CEO)

L’économie tout entière est tellement dépendante du pétrole qu’un accident comme celui du Deep Water Horizon, somme toute peu important par rapport au puits et à la quantité de pétrole qu’il contient, peut remettre en cause la viabilité de l’ensemble de la vie du pays... Les produits fabriqués à base de pétrole et de ses dérivés sont innombrables dans notre existence de tous les jours. Il ne s’agit pas seulement de l’énergie mais de tout ce qui est fabriqué à base de plastique par exemple, sans parler de notre alimentation puisque les fertilisants sont crées avec des produits dérivés du pétrole etc... La liste est innombrable. Hors si les recherches offshore sont gelées il risque d’y avoir pénurie à moyen terme et donc une hausse considérable des prix du baril ($200 le baril est régulièrement considéré comme une possibilité raisonnable !). Hors les forages offshore du Golfe du Mexique représentaient 70% des extractions de pétrole effectuées dans cette région par les USA et 30% du gaz naturel. Au fur et à mesure que les réserves les plus facilement accessibles s’amenuisent inexorablement, les espoirs de trouver d’autres nappes de pétrole ne peuvent se concrétiser que dans les eaux les plus profondes, comme le montrent les activités de Petrobras au large du Brésil où encore les forages envisagés par les Anglais aux Malouines par exemple. Car la réalité est qu’il n’y a plus d’autres possibilités de trouver du pétrole à part les eaux les plus profondes de la planète ce qui coûte de plus en plus cher ($ 70 le baril au moins) et cela devient de plus en plus difficile, ce qui signifie également que les dangers d’accidents sont de plus en plus élevés. De plus les technologies nécessaires sont de plus en plus perfectionnées et complexes, et de ce fait, plus fragiles et à la merci des aléas naturels où d’erreurs humaines. En dépit de toutes les mesures de sécurité possibles et inimaginables, n’en déplaise aux fanatiques du technologisme comme solution unique à tous les problèmes de l’humanité, il n’est pas possible d’écarter un accident qui devienne incontrôlable provoquant une catastrophe à côté de laquelle celle qui nous occupe aujourd’hui semblerait « a piece of cake » en comparaison.
Et dans ce cas que ferons-nous ? Que ferons-nous lorsque nous subirons une explosion de ce type par non pas 1600 m de fond mais 5000 m voire plus, non pas à 15 km des côtes mais à 100 km, au milieu de l’Atlantique par exemple ? Notre génie incarné par notre technologie magique résoudra tout... comme toujours... comme on peut le voir...

Politique extérieure

Cette affaire a d’ores et déjà des conséquences sur les relations des USA avec l’étranger. Et il parait évident celles-ci risquent d’aller en empirant au fur et à mesure que la situation ira en s’aggravant. Il faudra désormais attendre trois mis au bas mot pour que le forage des nouveaux puits de secours qui sont censés stopper cette fuite soit opérationnel, si tout va bien. Mais d’ici là ? C’est-à-dire d’ici la fin du mois d’Août alors que des millions de gallons continueront à se déverser librement dans le Golfe, polluant non seulement les côtes US mais probablement aussi celles du Mexique, du Venezuela où même de Cuba !
Qui payera la facture ? Les USA ? BP ?
A moins qu’ils ne soient tous deux en cessation de payement à ce moment...
On imagine sans peine, cessation de payement où pas, les hurlements de messieurs Chavez et Castro. Ils joueront bien sûr sur du velours et on peut parier qu’ils rencontreront un écho tout autour de la planète nonobstant leurs propres faillites respectives. Car si la fuite n’est pas colmatée d’ici la fin de la semaine, si la fuite ne peut pas être stoppée avant la fin du mois d’Août (ce qui est désormais certain) on peut parier que cela provoquera une explosion de colère contre les USA partout dans le monde. C’est ainsi que le peu qui reste de leur prestige sera définitivement jeté aux oubliettes. Celui-ci sera accompagné par le système que les USA représente, c’est-à-dire le système de prédation organisée et généralisé qui a cours depuis cinquante ans sans aucune restriction à part les limites que notre technologie magique n’a pas encore vaincue... mais dont elle triomphera immanquablement naturellement.
Mais n’anticipons pas.

Un autre problème se profile à l’horizon, sans jeu de mot, avec un autre pays qui n’a rien à voir avec Cuba où le Venuezela, un pays qui se vante de ses «specials relationships» avec les USA.
L’Angleterre bien entendu.
N’oublions pas que les élections de mid-term sont en Novembre aux USA. Novembre c’est à dire demain. Et demain nous pouvons être assurés qu’un des thèmes majeurs de la campagne sera le désastre du Deep Water Horizon. Et nous pouvons parier sans aucun risque de se tromper que l’administration cherchera à faire porter le chapeau à BP afin de se disculper le plus possible en se montrant le plus extrême possible à l’encontre de BP afin de prouver au bon peuple combien le Président est un homme fort à qui on ne la fait pas... Et nous pouvons déjà imaginer le déchaînement d’hystérie générale contre BP qui emportera tout dans son sillage, entraînant mécaniquement des prises de positions de plus en plus opportunistes de la part des candidats afin de gagner les voix d’une population furieuse. Pour les démocrates ce sera la seule stratégie à adopter (la plus ignoble et la plus indigne bien entendu mais la plus rentable à court terme pour sauver ce qui peut l’être). Soyons donc assurés que ce sera celle qui prévaudra.

Rassurez-vous cher lecteur l’offensive s’est déjà déclenchée «spontanément» par des groupes de «citoyens», amoureux de la justice bien sûr, vaillants, honnêtes, patriotes, désintéressés et indignés bien entendu, avec tout l’immense confort moral que peut procurer notre divine époque, spécialement aux USA, à tous les professionnels de la recherche d’un bouc émissaire pour tout ce qui ne convient pas à nos cochons gâtés et capricieux. D’ailleurs des hordes d’avocats sont déjà sur le pied de guerre et BP croule déjà sous les plaintes civiles en attendant les plaintes au pénal que prépare l’Administration.
Voici un échantillon d’une des multiples petites gâteries qui se préparent :

A group calling itself Seize BP, which has already staged anti-BP protests, said on Monday it would organize demonstrations in more than 50 U.S. cities from Thursday to Saturday to protest the damage from the leaking oil.
The group demands that BP's assets be immediately seized and held in trust to pay compensation for the spill triggered by the April 20 explosion of the Deepwater Horizon rig.
( Sources: Business News - 31.05.2010 )

N’est-ce pas idéal de pouvoir ainsi se déchaîner contre une société étrangère, la rendant responsable de tout et du reste, y compris du fait que les règlements de sécurité des plates-formes pétrolières sont américains et furent établis grâce à la corruption généralisée du système US, par ces réseaux de lobbyistes américains établis de manière permanente auprès du Congrès, américains lui aussi.
Et puis n’est-ce pas oublier un peu vite l’incroyable incapacité du gouvernement fédéral à intervenir sur son propre territoire afin de régler une catastrophe de ce genre ? N’est-il pas extraordinaire de voir un gouvernement d’un pays comme les USA se retrouver dans l’obligation de laisser les opérations de secours aux mains d’une entreprise privée car il n’en n’a ni les capacités ni le savoir ? Vous pourrez toujours nous dire que cela s’est déjà vu lors de l’ouragan Katrina. Certes mais cela montre que rien ne fût mis en oeuvre depuis pour améliorer les capacités de réaction du gouvernement fédéral. Ce qui laisse songeur sur l’état réel du pays...
On imagine sans peine ce qui se passera lorsque les propriétés de BP seront saisies par les USA... On imagine sans peine la réaction des Britanniques... On imagine sans peine à quoi ressembleront les «special relationships» après que BP aura été flanquée en faillite pour payer les sommes astronomiques que les Américains lui demanderont de payer, et ce d’autant plus que ces derniers n’ont plus les moyens de le faire eux-mêmes... Il suffit d’ailleurs de lire les divers commentaires entre anglais et américains à la suite des articles qui paraissent dans les journaux anglais à propos de cette affaire pour se rendre compte que cela risque de ne pas se passer au mieux dans le meilleur des mondes.

C’est pas ma faute c’est la tienne !

Bien, tout cela est bel et bon, la cochonnerie est déchaînée, les cochons se préparent déjà à s’entre-tuer pour savoir «à qui c’est la faute... à tout le monde, évidemment, sauf à moi...», C’est tout de même le but du jeu qui consiste à tirer parti de n’importe quelle situation afin de «faire» un maximum de fric, ou bien d’en perdre le moins possible. Soyez donc rassurés, cher lecteur, nous assisterons à un spectacle en tout point digne et responsable, à l’image de notre société idyllique maculée de pétrole, désormais au propre comme au figuré.

Word that the top kill had failed hit hard in fishing communities along Louisiana's coast.

"Everybody's starting to realize this summer's lost. And our whole lifestyle might be lost," said Michael Ballay, the 59-year-old manager of the Cypress Cove Marina in Venice, La., near where oil first made landfall in large quantities almost two weeks ago.

Johnny Nunez, owner of Fishing Magician Charters in Shell Beach, La., said the spill is hurting his business during what's normally the best time of year — and there's no end in sight.

"If fishing's bad for five years, I'll be 60 years old. I'll be done for," he said after watching BP's televised announcement.

The top official in coastal Plaquemines Parish said news of the top kill failure brought tears to his eyes.

"They are going to destroy south Louisiana. We are dying a slow death here," said Billy Nungesser, the parish president. "We don't have time to wait while they try solutions. Hurricane season starts on Tuesday."
(Sources: Los-Angeles Times - 30.05.2010)


«They are going to destroy South Louisiana»...
Cela nous laisse songeur quant à la perception de la situation par notre espèce divine, la situation de notre environnement et par extension la nôtre.
Comme si c’était l’explosion de cette plate-forme de forage qui allait détruire la Louisiane du Sud ! Comme si on avait besoin d’une marée noire pour détruire la Louisiane où tout autre endroit de cette malheureuse planète ! Comme si les villes des USA, ravagées par la folie prédatrice d’une espèce rendue démente par l'appât du gain érigé en principe de vie, comme si ces villes donc avaient été les victimes d’une marée noire venue d’on ne sait d’où ! Comme si les campagnes abandonnées qui parsèment le pays avaient été laissées en ruine en raison d’une marée noire quelconque qui aurait forcé ses habitants à fuir !
Comme si nous avions besoin d’une marée noire pour détruire notre environnement !
La marée noire, quand marée noire il y a, n’est qu’un détail en comparaison des destructions effroyables que notre espèce divine inflige à son environnement jour après jour, année après année, dans sa marche forcée vers l’arraisonnement total de la nature et, en conséquence directe, vers sa propre extinction.
Il n’est nul besoin de marée noire pour détruire la forêt du Brésil par exemple. Il n’est nul besoin de marée noire pour menacer d’extinction le thon rouge, sans compter toutes les autres espèces de la planète. Il n’est nul besoin de marée noire pour exterminer toutes les baleines possible et imaginable à seule fin de procurer du rouge à lèvre et autre gadgets aux femelles de notre espèce divine ! A ce propos d’ailleurs il parait que les mâles seraient eux aussi un marché prometteur pour les entreprises de cosmétique ; le sort des baleines est donc scellé sans oublier que l’on parle déjà d’autoriser les japonais et les norvégiens à reprendre leurs chasses contre ces animaux. Avons-nous besoin de marée noire pour polluer l’atmosphère ? Avons-nous besoin de marée noire pour détruire tous les écosystèmes de la planète ? Avons-nous besoin de marée noire pour polluer les sources d’eau potable où pour assécher les fleuves qui traversent la Chine où la Mésopotamie par exemple ?

Nous pourrions continuer comme cela « ad nauseam ». Mais contentons-nous de dire que notre espèce divine n’a nul besoin d’une marée noire, somme toute assez rare il faut bien l’avouer, pour détruire consciencieusement la planète avec une ferveur qui lui fait grand honneur. Nous pourrions dire aussi avec passion, voire avec cette rage qui est alimentée par le nihilisme désormais totalement hors de tout contrôle qui nous ronge depuis trois siècles.
Arrivé à ce point nous pourrions nous demander si cette affaire du Deep Water Horizon changera quoi que ce soit aux habitudes destructrices quotidiennes de notre espèce divine ? Nous parions avec vous, cher lecteur, que cela n’aura aucune influence ; nous parions que cela ne changera rien et que tout reprendra comme avant lorsque tout le monde aura consciencieusement rejeté la faute sur l’autre, bref lorsque nous aurons tous beuglé en choeur notre parfaite innocence et notre irréprochable sens de la justice, notre moralité immaculée et tout et tout... bref lorsque nous aurons aboyé l’exceptionnelle qualité de notre espèce unique et divine.
Nous reprendrons alors nos forages avec d’autant plus d’entrain que nous aurons joué à nous faire peur pendant quelques temps ; nous irons même encore plus loin et plus profondément pour chercher ce précieux pétrole auquel nous sommes si accoutumés.

Nul endroit de la planète n’échappera à notre folie nihiliste et pour finir, cher lecteur, soyez tranquilles : nous mêmes nous n’y échapperons pas non plus.


Mais pour le moment tout le monde est content à Cochon sur Terre, le meilleur des mondes.