dimanche 29 mars 2009

Des bonus et autres parachutes: de quoi se plaint-on?

Un de plus ! Après AIG, Valeo, Merryll Lynch et on ne sait combien de banques en voilà un autre : bonne gens nous vous présentons le tout nouveau scandale qui se nomme Natixis ! Un bonus pas une banqueroute, quoique par les temps qui courent les uns suivent les autres de très près. De la à dire que les uns provoquent la faillite des autres il n’y a qu’un pas qui pourrait être aisément franchi, en cas de mauvais foi profonde, malgré l’irrecevabilité d’une telle affirmation. Mais si ce n’est pas le cas il est certain que les scandales des bonus surviennent toujours lorsque ceux-ci sont attribués à nos ex-chers traders, ceux qui il y a encore un an à peine étaient pris en exemple par tous pour leurs prouesses supposées, les dons de divination financière qu’on leur prêtait aussi légèrement que les prêts immobiliers accordés à des individus insolvables. C’est dire !

Eh bien une de plus, une indignation de plus, une série d’apoplexie de plus, sans parler des grands titres tape à l’œil barrant la une des journaux et les voix sermonneuses des journalistes des organismes de désinformation, dits médias. On ne peut pas dire mais au moins çà occupe et çà permet de s’indigner à moindre frais, en toute tranquillité, assuré d’être dans le sens du courant et de pouvoir faire de la démagogie à outrance sans courir le moindre risque d’être contredit. Le seul danger serait d’être dépassé dans l’exagération par quelqu’un d’autre. Donc faisons du zèle !
Mais revenons à notre banque Natixis, filiale d’un nouveau monstre charmant comme notre monde les idolâtre, issu de la fusion des Caisses d’Epargne et des Banques Populaire. Il sera baptisé très prochainement par notre parrain attentif à tous, l’Etat français, dont la sollicitude pour le nouveau né est immense puisqu’il va lui faire un don de € 5 Milliards, ceci afin de nous éviter la tristesse d’une mort prématurée qui en rajouterait encore à notre chagrin déjà immense face à toutes nos plus jolies banques sous perfusion, faisant face à leur mort prochaine avec une dignité, une résignation et un esprit de sacrifice exemplaires. Tout cela pour dire à quel point notre Etat bien aimé tient à son nouveau rejeton. Quant à Natixis, un autre enfant trouvé et adopté par l’Etat, comme chacun d’entre nous, il n’a été « recapitalisé » qu’à hauteur de € 5,6 Milliards au cours de l’année écoulée (2008). En d’autres termes moins poétiques, Natixis avait un trou de ce montant là dans ses comptes ce qui risquait de l’envoyer au tapis ce qui piqua la sollicitude maternelle de notre Etat bien aimé. Inutile non plus de préciser que les € 5 Milliards versé dans la corbeille de naissance du nouveau monstre issu de la fusion Caisses d’Epargne-Banque Populaire profitera également à leur filiale Natixis. Nous voyons donc bien que Natixis est un enfant choyé, dorloté qui ne pourra certainement pas se plaindre d’avoir été abandonné ou maltraité par ses parents afin de recevoir des séances gratuites chez un souteneur psychologique attribué par l’Etat. Quoique de nos jours nous savons bien comme les enfants sont ingrats avec leurs géniteurs (je ne sais pas si la proposition inverse est recevable).
Quoi qu’il en soit la banque Natixis a décidé de verser € 90 millions de bonus à ses traders au titre de l’année 2008 (Le Figaro 27.03.09). Combien de personnes ont bénéficié de cette somme ? Dans quelle branche de la banque travaillaient-elles ? Les activités de ces récipiendaires de bonus étaient-elles bénéficiaires ou au contraire furent-elles à l’origine des pertes abyssales de Natixis ?
Pourquoi poser toutes ces questions oiseuses ? Et puis qu’est ce que cela changera ? L’essentiel est que ces traders aient fait leur boulot et il est parfaitement normal de les payer comme prévu par leurs contrats. Comment pourrait-on revenir sur ces derniers uniquement parce que la situation ne convient plus à certaines de nos grosses têtes politiciennes, désespérément en quête d’approbation ? C’est absurde et dangereux car si l’on commence à remettre en cause les contrats passés au gré de nos humeurs nous instaurerons un chaos et une perte de confiance qui seront gravement préjudiciables à l’ensemble de la société, sans parler de l’économie. Néanmoins il n’en demeure pas moins qu’annoncer le versement d’une telle somme à certains collaborateurs, même méritants, et dans la foulée procéder à des licenciements importants (1250 personnes dont 130 en France, sans compter les 166 mises à pieds apprises postérieurement - Le Figaro 27.03.09), j’en conviens, cela relève d’un état d’esprit pour le moins étrange de la part des dirigeants de ces sociétés. A tout le moins il s’agit d’un manque certain de psychologie ou du plus petit sens de la réalité même s’il est parfaitement exact que ces versements sont effectués pour éviter que les meilleurs ne passent à d’autres établissements. Nous ne pouvons pas mettre en doute cet argument sans une mauvaise foi insigne car nous savons bien comment des équipes entières de traders peuvent passer avec armes et bagages dans un établissement concurrent plus généreux, c'est-à-dire justement en fonction des bonus dont ils sont gratifiés. Chaque firme fait donc toujours ce qu’elle peut pour conserver ses meilleurs éléments, ceux qui sont censés augmenter leurs profits de fin d’année, et l’arme la plus efficace à sa disposition reste la gratification financière. Il n’y a rien là que de très naturel et ce n’est certainement pas parce que les résultats de l’année 2008 sont mauvais, admettons-le catastrophiques, qu’il faut se séparer de ses meilleurs collaborateurs. On pourrait plutôt affirmer le contraire : c’est bien parce que les résultats sont mauvais qu’il faut garder à tout prix ceux qui pourraient faire revenir les résultats au beau fixe, et non l’inverse. Ce serait du suicide pur !
Dans la perspective de la société Natixis par conséquent, il vaut mieux investir € 90 millions pour garder les meilleurs que ne rien payer et courir le risque de les voir partir chez un concurrent. Après avoir perdu € 5,6 milliards ce ne sont pas ces ridicules € 90 millions qui changeront quoi que ce soit sauf, précisément, s’ils permettent de garder ceux qui pourront à l’avenir rattraper les pertes subies, remettre la société à flot et embaucher à nouveau. De même on se plaint des licenciements que cette même société a engagé alors qu’elle verse les bonus que l’on sait. Mais cela relève de la même myopie du raisonnement. La société fait des économies en mettant à la porte le personnel devenu inutile afin de survivre. Il n’y là rien d’autre dans l’un et l’autre cas que la recherche de son propre intérêt par la société, c'est-à-dire faire ce qu’il faut afin de survivre : licencier d’un coté pour limiter les coûts et rétribuer de l’autre ceux qu’elle veut conserver parce qu’ils sont considérés comme essentiels à sa survie. Du coté des traders, eux non plus n’auraient aucunes raisons de ne pas rechercher en permanence leur propre intérêt quitte à passer chez le concurrent dés que l’offre de ce dernier devient supérieure à ce qu’ils touchent.

Si l’on accepte et par conséquent si l’on profite du système économique dans lequel nous survivons ; en d’autres termes si l’on adore les grandes surfaces et autre « shopping center », si l’on profite du crédit facile et peu cher, si l’on fait jouer la concurrence à chaque fois que l’on achète quoi que ce soit pour avoir des prix toujours plus bas, si l’on veut toujours plus toujours moins cher ; en bref si l’on se comporte en tout lieu et en toute circonstance comme un consommateur modèle, ce que font pratiquement tous ceux qui hurlent à la mort contre ces histoires de bonus et de parachutes, il n’y a alors aucune raison de dénier ces rétributions à leurs ayant droits pas plus qu’il n’y en a à s’agiter contre les licenciements. Car les sociétés, les traders et tout consommateur qui se respecte, ne font que poursuivre exclusivement leurs intérêts particuliers, ce qui est précisément la règle sur laquelle est bâtie le monde que nous connaissons et dont la majeure partie de ceux qui gueulent aujourd’hui ont profité comme les autres. De plus on ne peut pas s’évertuer à sauver par tous les moyens possibles le néo-monde en question et protester lorsque ses représentants appliquent les règles sur lesquelles il est bâti.
Alors de quoi se plaint-on?
Tout le monde est donc content à Cochon-sur-Terre, le meilleur des mondes.

lundi 23 mars 2009

Prenez vos responsabilités!

Il arrive parfois qu’un événement, et par conséquent la date à laquelle il s’est produit, prenne une importance immédiate dans nos esprits sans que l’on sache véritablement pour quelle raison étant donné que l’on ne peut pas encore prédire les conséquences qu’il aura à long terme. En revanche nous n’avons souvent nul besoin de jouer les pythies pour savoir au fond de nous que ce sera une date qui marquera le début d’un profond bouleversement quels qu’en soient les tenants et aboutissants ; tout ce que nous savons c’est qu’après sera différent de ce à quoi nous étions habitués. Le 18 Mars comptera probablement parmi les dates qui auront marqué le début d’une nouvelle ère, qu’elle soit celle de l’écroulement général et incontrôlé du système sur lequel était basé le monde que nous connaissions depuis 1945, ou qu’elle soit le début de l’organisation d’un nouvel ordre mondial bâti sur les ruines de l’ancien, accompli par la collaboration des nouveaux acteurs principaux, ceux du G20 par exemple.

Quoi qu’il en soit cette date du 18 Mars est celle de l’annonce par la Fed du rachat pour $300 milliards de dollars de Bonds du Trésor à long terme ainsi que celle de sa décision d’acheter pour $750 milliards de dollars de titres adossés à des créances hypothécaires en plus des $500 milliards déjà annoncés. Cela fait beaucoup. Cela fait beaucoup d’autant plus que ces immenses masses d’argent ne sortiront pas de nulle part comme par magie, mais bien directement de la planche à billet ce qui aura pour effet direct d’augmenter la masse de dollars déjà en circulation par deux voir plus. Dans tous les cas de figure cela risque d’avoir deux conséquences :
- une chute spectaculaire à terme de la valeur du dollar face à la dévaluation de facto qu’une telle injection de papier-monnaie implique ;
- l’éclatement de la bulle des bonds du Trésor alimentée par ceux qui y avaient trouvé refuge alors que Wall Street perdait plus de 50% de sa valeur, non pas par spéculation mais par peur, nous pourrions dire par mesure conservatoire. Or lorsque ces mêmes investisseurs frileux se rendront soudain compte du danger que courent leurs investissements (majoritairement en bonds à court terme comme par hasard), la panique fera exploser la bulle par la vente de tous ces bonds sans aucun acheteur en face, forçant ainsi la Fed à racheter des trillions de dollars de dette auxquels elle ne s’attendait pas.
Tout ces plans mirobolants paraissent d’autant plus dangereux qu’ils risquent d’être complètement inutiles sans un autre facteur essentiel, celui-ci tout à fait incontrôlable, celui précisément que le gouvernement et la Fed depuis Septembre ont tout fait pour l’inciter à se comporter comme ils le supplient de le faire : ce facteur c’est l’attitude des ménages américains que l’on implore de consommer à nouveau, de dépenser de l’argent qu’ils n’ont pas et donc de s’endetter se faisant. En effet le PIB des USA était généré jusqu’en 2008 à 70% par la consommation des ménages américains. Or cette consommation ne s’est faite qu’à coup d’endettement massif, voire de surendettement (l’endettement des ménages US était de $ 8.959 milliards à la fin de 2007 – Federal Reserve Report) ; la situation actuelle n’est donc pas un manque de crédit, contrairement à ce qu’on nous serine sur tous les tons et dans toutes les langues de la terre, mais bien une insolvabilité générale, non seulement des banques mais des ménages qui drainent 70% du PIB américain, répétons le. Dans ces conditions comment peut-on demander à des gens qui ne parviennent plus à payer leurs échéances de fin de mois, avec un taux d’épargne à zéro, de s’endetter encore plus pour consommer à nouveau ? Cela parait surréaliste mais c’est pourtant exactement ce qui se passe depuis le début de la crise. Et c’est sur cette hypothèse démentielle que furent bâtis tous les plans sur la comète de la Fed depuis Septembre, et c’est sur cela encore que se jouera toute la réussite du plan annoncé le 18 Mars.
Voici quelques extraits d’un ensemble de sondages réalisés aux USA depuis un mois :

On average, 86% of consumers at all income levels have cut back spending, though the changes differ by wage level”. (Pew center study)

"Consumers don't seem to be making any changes month to month. The numbers indicate that people are being frugal and still planning to cut spending." (Matt Towson – Discover).

Nearly 57% of the consumers it polled said they would spend less this year while virtually no one plans to spend more” (America Research Group).

Comme on le voit l’humeur des ménages américains face à la crise n’est certainement pas à la consommation mais plutôt à tenter de couper les dépenses de tous les côtés possibles et imaginables, et ce d’autant plus que chacun a en tête le cauchemar d’un licenciement qui les laisseraient quasiment sans aucun revenu du jour au lendemain.

Americans are in a collective state of financial depression as many admit they could only cover their bills for two months at most if they found themselves suddenly jobless, a nightmare more and more worry may come true.” ( Market Watch – 19.03.09 )

« 50% of Americans said they have only a one-month cushion -- roughly two pay checks -- or less before they would be unable to fully meet their financial obligations if they were to lose their jobs. More disturbing is that 28% said they could not make ends meet for longer than two weeks without their jobs”. (Met Life Study – March 2009 )

Inutile de dire qu’on ne voit pas comment il pourrait y avoir aucune chance que les ménages américains, se battant désespérément pour payer leurs mortgages, leurs factures d’électricité ou de gaz, leurs voitures à crédit et tout le reste, ces gens qui commencent seulement maintenant à mettre de coté le peu d’argent qui reste après avoir payer les factures, comment ils pourraient faire repartir une économie par une consommation de biens dont non seulement ils ne veulent plus mais auxquels ils ne pensent même plus. On ne voit donc pas comment une aide au crédit arrangerait quoi que ce soit.
Ce plan de la dernière chance, ce plan qui risque certainement de déclencher une inflation totalement incontrôlée et un effondrement du pays tout entier, cette tentative de sauver un système déjà mort révèlerait plutôt l’état de désespoir des dirigeants de la Fed, et probablement du gouvernement, face à une crise qui les laisse sans aucune prise et contre laquelle, jusqu’à présent, aucunes de leurs mesures n’a produit de résultat.
L’annonce de ces plans affolants soulève une interrogation, nous semble t’il, essentielle : la date ou, comme on dit, le timing. Pourquoi annoncer officiellement au monde entier deux semaines avant la réunion du G20 que la Fed est à bout d’arguments contre la crise, ce qu’elle révèle par l’emploi de ces armes de la toute dernière extrémité, en raison du danger mortel qu’elles recèlent (une inflation incontrôlée)? La situation est-elle si dramatique que ces mesures de la dernière chance ne pouvaient absolument pas attendre au moins la fin de cette réunion ? Pourquoi faire cela quelques jours seulement après la déclaration du Premier Ministre Chinois se disant très inquiet (on le comprend !) pour les avoirs de son pays investis en Bonds du Trésor US, inquiétude due précisément à l’inflation et donc à la perte de valeur de ces avoirs libellés en dollars ? Ces mesures ne sont-elles pas le meilleur signal confirmant les inquiétudes des dirigeants chinois et les inciter ainsi à se débarrasser au plus vite de leurs bonds du Trésor dont la valeur se déprécie de jour en jour? Et si la Chine ouvre le bal ce sera alors une panique générale et l’éclatement de la bulle des bonds du Trésor.
Aucune réponse n’a été fournie à ces questions mais nous pouvons suggérer deux hypothèses. Soit il s’agit d’une maladresse monstrueuse due à l’état de panique et de pagaïe dans lequel se trouvent les dirigeants et l’administration US, ce qui les aurait poussé à agir de manière précipitée face à l’urgence sans penser, ou considérant cela comme secondaire, à l’image affreusement négative que cela donnerait au monde sur l’état dans lequel se trouve le pays : c'est-à-dire virtuellement en état de banqueroute. Soit il s’agit d’un acte d’arrogance mentale consistant à se moquer de l’image en question, pensant toujours que les USA mènent le monde et que ce dernier s’inclinera devant les décisions US. C’est une possibilité mais nous n’y croyons pas car l’état psychologique dominant à Washington parait plutôt relever désormais de la panique qui engendre cette précipitation et cette confusion que nous pouvons observer depuis le début du mois de Mars, ce qui correspondrait à une soudaine prise de conscience de l’état catastrophique d’une situation que l’on n’avait pourtant cessé de nous faire croire sous contrôle. Cela expliquerait aussi pourquoi Bernanke se soit fendu d’une émission de télévision afin de parler de la crise, de rassurer et de demander tout à la fois l’aide vitale, par la relance de la consommation, des américains sans laquelle aucun plan quel qu’il soit ne pourrait avoir de résultat probant. Ce qui est vrai bien que complètement utopique.
Néanmoins il pourrait y avoir un effet positif à cette annonce intempestive, conséquence très souhaitable entrant désormais dans le registre du possible. Il s’agit de la prise au sérieux croissante de cette idée d’une monnaie de référence pour les échanges mondiaux remplaçant le dollar qui refait surface depuis quelques temps, et ce d’autant plus fortement depuis que la crise s’est déclenché. En témoigne la récente déclaration de la Russie à ce sujet qui fera une proposition dans ce sens à la réunion du G20, appuyée par la Chine, sans parler des Européens qui ne verraient pas cela d’un mauvais œil non plus, tout acquis qu’ils sont eux-mêmes à des régulations internationales beaucoup plus fermes. En témoigne l’idée d’un panier de devises sur le modèle de l’Ecu qui fait son chemin aux Nations Unies et qui feront une recommandation dans ce sens le 25 Mars, avant le G20, avec bien entendu l’idée d’influencer le sommet à ce sujet.

Il se pourrait donc bien que les mesures annoncées le 18 Mars par la Fed auront peut-être pour effet, certes involontaire mais hautement bénéfique, de déclencher un salutaire mouvement de peur chez les dirigeants du G20, déjà réceptifs à cette idée dans leur majorité, et à précipiter le processus de création d’une nouvelle monnaie de référence et de règles de régulation en adéquation. Car il est dans l’intérêt de tous, y compris des USA, de pouvoir gérer au mieux la fin de l’ordre défini en 1945 (car il est bel et bien mort) par la reconnaissance de l’émergence d’un monde multipolaire, plutôt que laisser le chaos s’établir sur les ruines de l’ancien monde.
C’est ainsi qu’en annonçant inconsidérément le 18 Mars ses mesures de la dernière chance la Fed, par le dévoilement de l’état de faiblesse des USA qu’impliquent ces mesures, pourrait bien avoir accéléré involontairement la prise de conscience générale de la mort de l’ancien système et par conséquent consacré dans la psyché des dirigeants du G20, entre autres, l’affaiblissement corrélatif et définitif de son bénéficiaire principal, les USA. En d’autres termes, par cette annonce, elle pourrait avoir fait prendre conscience au monde entier de l’urgence de s’atteler à l’avènement d’un nouvel ordre mondial dont les USA ne seront plus qu’un des acteurs parmi d’autres.
En bref le message subliminal serait : prenez vos responsabilités.

samedi 21 mars 2009

De la manifestation comme remède à la crise.

Il y eut beaucoup de monde, que l’on prenne en compte les chiffres avancés par la police ou ceux clamés par les syndicats. Bien entendu nous n’étonnerons personne en révélant (eh oui !) qu’ils ne correspondent pas… Il faudrait peut-être même se demander si ces gens parlent bien du même événement en s’assurant soigneusement du lieu et de la date, voire de l’heure. Peut-être nous rendrons-nous compte alors que tous ces chiffres dont on nous abreuve ne couvraient pas le même fait. Cela nous rassurerait…

De toute manière cela n’a aucune importance pour notre propos. Qu’il y en eut 1,2 millions ou 3 millions ne change pas grand-chose au problème. L’essentiel fût que l’on fit beaucoup de bruit (et pas pour rien svp !), qu’il y eut des pancartes avec des tas de slogans écrits lisiblement dessus, des sifflets, des discours, des cris, des chants, des pétards aussi, bref que les manifestations se soient manifestées visiblement ; c'est-à-dire non transparente cette fois afin d’éviter de passer incognito ce qui aurait été le contraire du but recherché bien sûr. Apparemment cet objectif fût atteint de la bouche même des organisateurs.
« La nouvelle journée de mobilisation unitaire est incontestablement un grand succès » nous annonce un membre inconnu de la CGT (Figaro – 20.03.09).
« On est déterminé et l’objectif c’est de gagner » proclame M. Jean-Claude Mailly de F.O (Figaro- 20.03.09).
La résolution de ces gens ne fait d’ailleurs plus aucun doute, au cas ou vous en auriez eu un voire deux, après cette déclaration fracassante d’un autre inconnu du mouvement « Solidaires » : « Il est indispensable que l’intersyndicale propose un nouveau rendez-vous interprofessionnel avant la fin du mois » (Figaro – 20.03.09).
Ce qui signifie qu’ils recommenceront et qu’ils se préparent dés aujourd’hui afin de ne pas laisser à la crise le temps de se remettre de ses émotions (et Dieu sait que ces manifestations contre elle lui ont fait peur). On ne peut pas leur reprocher cet activisme si déterminé et cela nous met du baume au cœur de voir à quel point les chômeurs et autres victimes de la crise sont entre de bonnes mains. D’ailleurs deux de nos meilleurs défenderesses étaient présentes pour prendre part à ce combat ou elles se sont distinguées, comme de coutume, par l’exceptionnelle qualité de leur analyse de la situation.
Mme Aubry, maire de Lille et des 35 heures, n’a pu s’empêcher de nous asséner une de ces vérités lumineuses qui laisse assommé celui à qui elle est lancée : « Il n’y a pas un seul pays ou le Président dit avant une manifestation ; de toute manière je ne ferai rien… ».
Deux remarques s’imposent face à cette profonde observation de la vie politique nationale et même internationale (nous ignorions que Mme Aubry en eût une telle science) :
- Premièrement il est parfaitement vrai, et amplement prouvé, que jamais il n’y eut un Président annonçant avant une manifestation qu’il ne ferait rien. Cela est d’autant plus vrai que personne en Europe ni aux USA (et pourtant !) n’a encore manifesté « contre la crise ».
- Deuxièmement on ne voit pas pourquoi le Président et son gouvernement prendraient de nouvelles mesures alors que celles qui ont déjà été prises ne sont pas encore entrées en application et qu’en conséquence on ne sait pas quels en seront les effets.
Quant à Princesse Royal, elle aussi nous a ébloui par la pertinence de ses déclarations dignes de son programme pour la campagne présidentielle. Nous citerons textuellement ses propos énoncés avec la précision et l’éloquence que nous lui connaissons : « il faut continuer la protestation » face « à un gouvernement et un Président de la république qui restent sourds, qui restent aveugles, qui restent méprisant à l’égard des aspirations profondes d’un pays qui veut vraiment que çà change (…) ». « Le gouvernement doit revenir sur le bouclier fiscal (…)», « c’est indispensable car çà remettrait une part de confiance (…) » et « procéder à des nationalisations partielles et des nationalisations limitées dans le temps pour contrôler le crédit, pour contrôler le crédit aux particuliers qui n’ont jamais été aussi surendetté que maintenant (…) ».
Quelques remarques s’imposent après des paroles trahissant une compréhension de la situation aussi subtile:
- Premièrement le constat médical fait sur le gouvernement dans son ensemble et sur le Président de la République en particulier est évidemment inquiétant et mériterait certainement confirmation par d’autres professionnels de la psychiatrie. Dans le cas où il serait confirmé, ce dont nous ne doutons pas une seconde, nous devrions alors tous les enfermer dans une clinique et laisser Princesse Royal et sa bande prendre la tête du pays. Ils ne manqueront sûrement pas de régler son compte à cette garce de crise en un temps record grâce à l’efficacité dont ils ont déjà fait la preuve de si nombreuses fois par le passé.
- Deuxièmement nous ne comprenons pas pourquoi Princesse Royale veut « que ça change », et que ça saute en plus de tout, et dans le même temps descend dans la rue pour manifester « contre la crise » parce que précisément cette dernière bouleverse tout, ou trop, on ne sait. Donc soit Princesse Royale trouve que ça change trop, soit elle trouve que ce n’est pas le bon changement qui s’opère ; car elle n’a pas précisé sa pensée abyssale, ce qui nous laisse perplexe. Peut être l’essentiel est-il que çà change tout court, mais dans ce cas elle peut rester chez elle sans crainte car la crise, elle, se chargera de faire le boulot.
- Troisièmement la proposition consistant à ce que le gouvernement retourne à nouveau hululer en chœur tout en dansant sur le bouclier fiscal au centre du Parlement, ceci afin de conjurer la crise, nous laisse un peu sceptique, probablement parce que nous n’avons pas la foi. De plus nous ne voyons pas non plus pourquoi cette séance d’hypnotisme collectif remettrait une louche de confiance où que ce soit ni à qui que ce soit.
- Quant à la dernière partie de ses propos on voit immédiatement à quel point Princesse Royale, qui a déjà considérablement influencé le Président Obama pour sa campagne électorale comme l’issue de celle-ci l’a clairement démontré, continue d’être le maître à penser du Président américain par l’originalité de sa vision économique et politique, comme le démontre la dernière partie citée de ses prophéties économiques reprises et appliquées par le Président américain avec le succès foudroyant que l’on peut admirer avec une inquiétude grandissante au fur et à mesure que les jours passent.

Nous pouvons donc voir que nous tous, nous qui sommes menacés par la crise, nous tous donc sommes dans les meilleures mains qui soient pour être défendus « contre la crise ». Et les manifestations de cette semaine, sans compter celles qui sont déjà prévues pour le 1er Mai, celles qui viendront plus tard, demain, avant-hier, après demain, innombrables, de plus en plus menaçantes, celles qui ne viendront jamais sauf en rêve mais qui comptent tout autant que celles qui ont déjà eu lieu, bref tous nos désirs de manifestations sont les armes les plus efficaces pour lutter manches relevées et poings levés contre la crise, pour la contraindre à reculer, pour l’obliger à nous lâcher les basques et à nous laisser consommer en paix. Car manifester est le seul, l’unique programme politique, économique et social, celui de tous les combattants de la crise (qui ne sont pas forcément les mêmes que ceux qui en sont les victimes d’ailleurs), un programme qui soulève l’enthousiasme comme on a pu s’en rendre compte à l’exclamation de Princesse Royal : « il faut continuer la protestation… ».
Dormons donc en paix, bonnes gens, et n’ayez crainte car manifester et protester sont les seuls remèdes connus contre la crise ; or, nous l’avons vu, nos pros, que le monde entier nous jalouse, vont s’en charger pour nous.
Tout le monde est donc content à Cochon-sur-Terre, le meilleur des mondes.

jeudi 19 mars 2009

Du Pape et de la secte des Indignés.

Si nous avions l’illusion que la secte des Indignés avait disparue, eh bien nous voilà rassurés ! Un concert d’aboiements outrés nous casse les oreilles depuis deux jours sans interruption. Et quelle agitation ! Mais aussi quelle scène touchante de consensus, d’unanimité, de transparence dans l’indignation. Cela m’a fait chaud au cœur de voir ces foules de dominants moutonniers bêler en cœur, main dans la main, qui leur « stupeur », qui leur « incompréhension » sans parler des « ahurissements » et autre, bien entendu, « INDIGNATION ».

Dieu merci, Sa Sainteté le Pape est là pour resserrer les rangs de la secte des Indignés de naissance, pour leur faire prendre conscience de leur existence qui se limite à s’indigner dés que quelque chose leur semble incompréhensible, voir les dépasse complètement, c'est dire que cela leur arrive quasiment tous les jours, j’entends qu’il soient dépassés par ce qu’ils ne comprennent pas. La Pape est là pour leur rappeler que non, contrairement à ce qu’ils croient au fond d’eux, ils ne sont pas inutiles, ils ne sont pas incapables ni médiocres à l’image de leur époque, non, ils sont bien là en chair et en os, en mode survie. Et il faut dire que la secte des Indignés fait son travail de manière tout à fait satisfaisant bien que l’on puisse lui reprocher une certaine partialité dans l’indignation. C’est qu’elle ne s’indigne que lorsqu’elle ne comprend pas. C’est d’ailleurs une attitude connue chez les animaux qui s’indignent à leur manière dés qu’ils ont peur, notamment les chiens. Et bien la secte des Indignés, elle, fait de même. Nous pourrions même ajouter que la secte des Indignés fait du zèle mais après tout elle fait son boulot. Cela dit le Pape est là pour les rappeler à leur devoirs car la secte des Indignés ne sait plus très bien contre quoi ou contre qui s’indigner depuis quelques temps.
Alors vous pensez bien que défendre le droit voire même le devoir de capote à chacun d’entre nous contre ce Pape qui aimerait nous l’interdire, cet acquis social, ce progrès insurpassable de notre civilisation innommable, ce bien inaltérable conquis à l’arraché par notre espèce immaculée, ah non alors ! Quelle indignation à l’idée de ne plus baiser avec le premier venu sans capote ! Quelle honte de dire que si nous restions fidèles nous pourrions ne pas utiliser de capote ! Quel scandale d’affirmer que si nous arrivions vierges à notre mariage nous n’aurions pas besoin de capotes, et ce d’autant moins si nous restons fidèles. Eh bien laissez-moi vous dire que moi aussi, à mon tour, je suis saisi d’indignation, je dirais même que j’étouffe de rage indignée en entendant de tels propos !
Car pour qui nous prend ce Pape à la fin ?
C’est vrai, quoi, qui croit-il que nous soyons ? Croit-il réellement que nous puissions être autre chose que de vulgaires consommateurs de base ? Se pourrait-il qu’il s’imagine que nous puissions être des individus responsables ? Serait-il envisageable qu’il nous considère autrement que comme des individus exclusivement guidés par notre propre intérêt et nos instincts ? C’est une véritable honte, c’est une abjection et une insulte à nos droits les plus primaires de consommateurs fiers de l’être. Et la secte des Indignés a eu bien raison de s’indigner de manière aussi spectaculaire, aussi médiatique, nous pourrions même dire de manière aussi transparente tant qu’on y est, car on peut toujours lui faire confiance quand il s’agit de défoncer violemment les portes grandes ouvertes, lorsqu’il faut monter à l’assaut, l’indignation au fusil, contre les dangers les plus virtuels pour nos libertés chéries, par ailleurs si vigoureuses et en si bonne forme comme nous le savons bien.

Deux de nos plus vigoureuses « défenderesses » (que nous envie la planète entière et qui font partie de notre patrimoine national, chacune classée Monument Historique à part entière) ne se sont pas défilées dans ce combat titanesque d’arrière garde pour le droit à la capote. Je veux parler de l’ineffable Mme Aubry qui s’est dite « indignée », la pauvre chérie, et bien entendu de l’inénarrable « princesse Royale » qui fut, elle, « profondément choquée », ce qui m’a beaucoup inquiété. A l’annonce de cette regrettable nouvelle je me suis dépêché de prendre des renseignements pour m’assurer que rien de trop grave ne lui était arrivé après ce combat héroïque pour la défense de nos capotes en voie d’inutilisation. J’ai été pleinement rassuré : son état est stable quoique sous surveillance d’une équipe du Secours Catholique… euh non pardon, une équipe de soutien psychologique. Et Dieu sait qu’elle en a besoin !
Tout le monde est donc content à Cochon-sur-Terre, le meilleur des mondes.

Désintégration des USA:Le professeur Panirin est-il atteint de delirium tremens?

Le monde est en crise, une crise qui va croissant et qui touche chacun de nous, une crise dont les effets seront imprévisibles… Entre les catastrophistes, les pessimistes ou les prêcheurs d’apocalypse nous ne savons ou donner de la tête. C’est un peu ce que le titre du Wall Street Journal paraissait suggérer le 28 Décembre dernier :

As if things were not bad enough Russian professor Panirin predicts end of US.”

Il y a un accent de découragement dans ce titre qui nous fait penser que le rédacteur de l’article en serait au point de donner quelques crédits à une théorie qu’il ne tentera pas vraiment de réfuter dans le cours de son article, ni même de ridiculiser. Ou alors pensait-il que la réfutation irait d’elle-même tant cela paraîtrait loufoque à n’importe quel lecteur doté d’un minimum de sens commun. Néanmoins les causes de ce « collapse » des USA prévu par le professeur Panirin ont été évoquées à de très nombreuses reprises dans des publications variées et par des personnalités venant d’horizons suffisamment divers pour que l’on ne puisse pas les accuser de faire partie d’une secte de fanatiques se roulant dans les délices de l’Armaggedon pour demain.

Le professeur Panirin est un ancien analyste du KGB de 50 ans, président de l’Académie pour les futurs diplomates du Ministère des Affaires étrangères Russe ou il donne des cours ; il a publié de nombreux livres et est un spécialiste des relations américano-russe. De surcroît il est bien entendu persona grata au Kremlin et dans les cercles politiques russes. Cela pour préciser que ce n’est pas le premier venu et qu’il ne serait peut-être pas stupide de creuser un peu sa théorie.
Ce fut à Linz en 1988 qu’il énonça pour la première fois sa thèse d’un effondrement des USA en 2010, lors d’un colloque sur la guerre de l’information, devant 400 délégués médusés, au mieux sceptiques. Sous la pression de la crise, parait-il, les sceptiques sont revenus à des sentiments moins optimistes et le professeur Panirin semble désormais très sollicité par les médias. La question est de savoir comment il en arrive à prévoir la dissolution de la Fédération américaine ? Où plutôt quelles seront les causes, selon lui, de la décomposition des USA ?
Voici comment il les résume lui-même:

« Mass immigration, economic decline, moral degradation will trigger a civil war next fall and the collapse of the dollar. Around the end of June 2010 or early July, he says, the United States will break into six pieces ». (WSJ 28.12.08)
« He predicts that economic, financial and demographic trends will provoke a political and social crisis in the US. When the going gets tough, he says, wealthier states will withhold funds from the federal government and effectively secede from the union. Social unrests up and including a civil war will follow. The US will then split along ethnic lines, and foreign powers will move in”. (WSJ 28.12.08)

La crise financière entraînant une crise économique, engendrant à son tour des troubles sociaux n’a rien d’extravagant ni de très original en soi. Cela relève même d’une logique banale que n’importe quelle récession peut produire selon sa gravité. Or à partir d’un certain seuil les troubles sociaux peuvent devenir incontrôlables. C’est cette partie des affirmations de M. Panirin qui a fait couler le plus d’encre, c'est-à-dire la conception d’une crise suffisamment grave pour qu’elle puisse engendrer des désordres sociaux qui pourraient entraîner des émeutes ou/et une guerre civile. Ce qui signifierait l’intervention de l’armée, la loi martiale et autre sympathiques perspectives qui ne sont pas inconnues dans le reste du monde. Mais pour Hollywood World c’est impensable car cela signifierait l’écroulement de ce qu’on appelait « the american dream ». Pourtant M. Parinin n’est pas le seul à évoquer ce genre de conséquences à la crise dans laquelle se trouvent les USA, même si lui le répète depuis plus longtemps que les autres.
M. Gerald Celente, le très célèbre CEO du « Trends Research Institute », rendu fameux par l’exactitude de ses prévisions économiques et politiques, entre autre par sa prévision du krach de 1987, de la crise financière de 1997 en Asie, de la crise des subprimes, ne cesse de répéter depuis des mois, je cite :

« America is going to go through a transition the likes of which no one is prepared for…”; « … by 2012 USA will become an undeveloped country. There will be a revolution marked by food riots, squatters rebellions, tax revolts, and that Christmas will be more about obtaining food, not gift”, et il ajoute “the dollar will be devalued 90%” (Interview Fox News Novembre 2008).

Bien entendu on pourrait arguer que ces diseurs de mauvaises aventures ne sont pas crédibles et que leurs propos relèvent plus de la charlatanerie que de la prospective ou de l’analyse scientifique. Outre le fait que ces qualificatifs ne s’appliquent pas à ces deux exemples, prenons-les néanmoins en compte et cherchons d’autres point de vue convergents. L’un d’entre eux, l’un des plus dénué de folklore, bien que faisant appel à l’imagination précisément afin de deviner les risques imprévisibles que courent les USA pour les déjouer au mieux, est le rapport du Lieutenant-Colonel Nathan Freier pour le compte du United States Army War College intitulé :

Known unknonws : unconventional strategic shocks in defense strategy development.

Un des chapitres est dénommé ainsi : Violent, strategic dislocation inside the United States.
« … Widespread civil violence inside the US would force the defence establishment to reorient the priorities in extremis to defend basic security order and human security. (…) unforeseen economic collapse, loss of functioning political and legal order, purposeful domestic resistance or insurgency, pervasive public health emergencies, and catastrophic natural and human disasters are all paths to domestic shock.
An American government and defence establishment lulled into complacency by a long-secured domestic order would be forced to rapidly divest some or more external security commitments in order to address rapidly expanding human insecurity at home. (…) DoD might be forced by circumstances to put its broad resources at the disposal of civil authorities to contain and reverse violent threats to domestic tranquillity. Under the most extreme circumstances, this might include the use of military forces against hostile groups inside The US. Further, DoD would be, by necessity, an essential enabling hub for the continuity of political authority in a multi-state or nationwide civil conflict or disturbance
.” (Rapport Lieutenant-Colonel Nathan Freier – Pages 32-33)

Dans ce rapport d’une cinquantaine de pages l’auteur entreprend une réévaluation des risques que pourraient courir les USA en argumentant contre le manque d’imagination des analystes de l’armée, c’est à dire contre le conformisme de pensée de cet organisme. Ce qui d’ailleurs rejoint l’opinion d’autres experts indépendants, entre autres William Lind, qui ne cessent de critiquer l’inadaptation conceptuelle des stratèges du Pentagone et en conséquence de la politique d’armement suivie par cette organisation (Nous ne parlerons pas ici du rôle joué par les lobbys du complexe militaro-industriel). Ce qui signifie que les USA ont une « guerre de retard » pour reprendre l’expression collée à l’état major français en 1940 ; la différence est que les Français avaient une conception de la façon dont on menait une guerre qui datait de Verdun, alors qu’ils étaient tout aussi bien équipés que leurs adversaires, voire mieux dans certains cas précis comme les blindés, tandis qu’en ce qui concerne les USA il s’agit tout autant de la manière de mener et de concevoir la guerre que du matériel nécessaire pour l’entreprendre et en venir à bout. Il est certain que les résultats catastrophiques des dernières guerres (Afghanistan : Irak) apportent des cataractes incontrôlées d’eau à leur moulin.
Mais ce qui importe dans ce rapport Freier c’est que l’armée puisse envisager officiellement (car c’est un rapport public) qu’il lui faudrait intervenir sur le sol même des USA pour maintenir l’ordre, voire réprimer des émeutes ou des insurrections, commises par des citoyens Américains. Cela est un infléchissement considérable de la psyché américaine, peut-être depuis la fin de la guerre de sécession, sans parler des huit dernières années ; soudain l’ennemi n’est plus le terroriste, extérieur par définition, ou la puissance satanique dotée de l’arme nucléaire, mais pourrait venir de l’intérieur même du pays, c'est-à-dire qu’il serait engendré par le système que l’on a en charge de protéger, ou plutôt par son déraillement (« unforeseen economic collapse »). Il semblerait donc qu’il y ait une prise de conscience chez certains dirigeants américains de la fragilité intrinsèque du pays dont la stabilité pourrait tout à coup être remise radicalement en cause par des circonstance imprévues, comme une crise économique par exemple… Que celle-ci puisse engendrer des troubles n’est pas très nouveau ni d’une originalité échevelée, opinion partagée par de très nombreux analystes de tous horizons y compris M. Panirin. En revanche envisager une «…violent, strategic dislocation inside the USA... (Freier report) » ou affirmer que « …the wealthiest states will withold funds from the federal government and effectively secede from the Union…(M. Panirin interview) » est une autre affaire. Il nous semble que si même l’armée est amenée à considérer la possibilité de ce genre de situation, cas extrême, on ne voit pas pourquoi il serait dénié à M. Panirin toute intelligence et toute compréhension sur la question ; et ce d’autant moins que tous deux partagent la même analyse bien qu’exprimée sous une forme différente, celle du rapport Freier ne mentionnant pas explicitement le mot « sécession » mais « dislocation ». Cela relève d’une pudeur qui révèle bien plus que n’importe quel discours ce que ce mot évoque dans la psyché américaine : le spectre d’une guerre civile meurtrière qui a laissé bien plus de rancoeurs et de divisions au sein même de l’Union que ce que la surface lisse et multicolore de la propagande du « american dream » aurait pu le laisser croire.

Le vote du plan déficitaire de $1000 milliards de l’administration Obama par le Congrès a déclenché un mouvement de révolte de la part d’un nombre croissant d’Etats fédérés. Au moment où ces lignes sont écrites pas moins de 11 Etats fédérés (Arizona, New Hampshire, Washington, Montana, Michigan, Missouri, Tennessee, Oklahoma, Virginia, South-Carolina, Hawaï) ont réaffirmé leur souveraineté vis-à-vis de l’Etat fédéral. Deux raisons principales les poussent à agir de la sorte : d’une part ce qu’ils considèrent comme l’irresponsabilité de la politique fiscale du Congrès sous les administrations successives des Clinton, Busch et Obama, et d’autre part ce qu’ils ressentent comme une intolérable et illégitime expansion de l’autorité du gouvernement fédéral sur les Etats fédérés. Une vingtaine d’autres (Californie, Texas, Alaska, Alabama, Arkansas, Colorado, Idaho, Pennsylvanie, Maine, Nevada, Kansas entre autres) envisagent de suivre leur exemple dans les mois qui viennent. Le plus emblématique de ce qui exaspère les Etats fédérés sont les lois de plus en plus nombreuses votées par le Congrès de Washington les obligeant à supporter des lois qu’ils n’ont pas voté sans fournir les fonds appropriés aux Etats pour les financer. C’est particulièrement valable dans le domaine du « welfare state » de type Medicaid, Medicare ou encore le programme No child left behind. D’autres sujets de révolte apparaissent également dans ces déclaration de souveraineté, chacune différente selon l’Etat qui la promulgue ;
Ainsi de la tentative de régulation des armes à feu par l’Etat fédéral à laquelle s’oppose en détail la déclaration de souveraineté de l’Etat du Montana dont voici un extrait :

(5) Article II, section 12, of the Montana constitution clearly secures to Montana citizens, and prohibits government interference with, the right of individual Montana citizens to keep and bear arms. This constitutional protection is unchanged from the 1889 Montana constitution, which was approved by congress and the people of Montana, and the right exists as it was understood at the time that the compact with the United States was agreed upon and adopted by Montana and the United States in 1889..

Ainsi de la demande des autorités fédérales d’introduire dans les permis de conduire issus par les Etats fédérés des données personnelles des conducteurs (Western Hemisphere Travel Initiative), ce qui reviendrait à faire des permis de conduire l’équivalent de nos cartes d’identité, ce qui est largement considéré comme une atteinte à la Constitution et au Bill of Right, c'est-à-dire à la liberté individuelle.
Ainsi de la déclaration de l’Etat du Missouri qui, elle, fait explicitement référence au Federal Freedom of Choice Act passé par l’administration Obama et permettant la liberté de l’avortement dans cinquante Etats :

« Whereas, the Federal Freedom of Choice Act would nullify any federal or state law enacted, adopted or implemented before, on, or after the date of enactment and would effectively prevent the State of Missouri from enacting similar protective measures in the future...the members of the House of Representatives of the Ninety-fifth General Assembly, hereby declare our sovereignty under the Tenth Amendment to the Constitution of the United States over all power and hereby declare our sovereignty under the Tenth Amendment to the Constitution of the United States over all powers not otherwise enumerated and granted to the federal government by the Constitution of the United States."

Celle de l’Etat de l’Arizona est un bon exemple de la réaffirmation solennelle de la prééminence des Etats fédérés sur l’Etat Fédéral, rappelant que l’Etat fédéral est un agent de chaque Etat fédéré et non pas l’inverse :

1.That the State of Arizona hereby claims sovereignty under the Tenth Amendment to the Constitution of the United States over all powers not otherwise enumerated and granted to the federal government by the Constitution of the United States.

2. That this Resolution serves as notice and demand to the federal government, as our agent, to cease and desist, effective immediately, mandates that are beyond the scope of the constitutionally delegated powers
.

L’acte de souveraineté du New Hampshire est celui qui, nous semble t’il, est le plus agressif dans son affirmation d’indépendance, dont le titre est déjà tout un programme avec son « Jeffersonian principles » qui fait revenir à la surface la bataille qui a sous-tendu toute la vie politique américaine depuis la création des USA ; c'est-à-dire celle qui opposa deux des pères fondateurs, Jefferson et Hamilton, et qui créa un cadre d’affrontement jusqu’à nos jours, même si celui-ci fût mis sous le boisseau au cours des dernières décennies d’abondance à crédit :

« A RESOLUTION affirming States’ rights based on Jeffersonian principles.
Whereas the Constitution of the State of New Hampshire, Part 1, Article 7 declares that the people of this State have the sole and exclusive right of governing themselves as a free, sovereign, and independent State; and do, and forever hereafter shall, exercise and enjoy every power, jurisdiction, and right, pertaining thereto, which is not, or may not hereafter be, by them expressly delegated to the United States of America in congress assembled; and
Whereas the Constitution of the State of New Hampshire, Part 2, Article 1 declares that the people inhabiting the territory formerly called the province of New Hampshire, do hereby solemnly and mutually agree with each other, to form themselves into a free, sovereign and independent body-politic, or State, by the name of The State of New Hampshire; and
Whereas the State of New Hampshire when ratifying the Constitution for the United States of America recommended as a change, “First That it be Explicitly declared that all Powers not expressly & particularly Delegated by the aforesaid are reserved to the several States to be, by them Exercised
;”(…)

(…) “That any Act by the Congress of the United States, Executive Order of the President of the United States of America or Judicial Order by the Judicatories of the United States of America which assumes a power not delegated to the government of United States of America by the Constitution for the United States of America and which serves to diminish the liberty of the any of the several States or their citizens shall constitute a nullification of the Constitution for the United States of America by the government of the United States of America.”

L’acte de souveraineté du New Hampshire est très long, le plus long de tous, le plus détaillé et le plus combatif. Ce qui apparaît comme le terme le plus frappant est sans contexte le mot « nullification » en raison des connotations historiques auxquelles il se rapporte, raison plus que probable pour laquelle il a été introduit dans ce texte officiel.
La « crise de nullification » débuta en 1828 à propos de tarifs douaniers imposés par l’Etat Fédéral qui furent refusés par l’Etat de Caroline du Sud au nom de sa souveraineté car les législateurs de cet Etat trouvaient que cette loi leur portait un grave préjudice. Cette crise se trouva partiellement résolue en 1832 par un compromis qui, en réalité, constitua une défaite de l’Etat Fédéral face à la Caroline du Sud. Mais cette « crise de nullification », qui concernait déjà, et toujours serait-on tenté d’écrire, la question de la suprématie des Etats fédérés ou de l’Etat Fédéral, cette crise de nullification fût une prémisse à la guerre de Sécession qui suivit 25 ans plus tard. Etrangement et pas plus tard que la semaine dernière, le Gouverneur de Caroline du Sud a annoncé que son Etat utiliserait une partie de l’argent versé dans le cadre du « stimuli package » de la présente administration afin de payer les dettes de l’Etat de Caroline du Sud. Déclaration qui fut vivement critiquée et contestée par l’Administration Fédérale qui déclara que cet argent n’était pas destiné à payer les dettes mais à faire repartir l’économie, annonce qui reçut un flot de critique, généralement au nom de la souveraineté des Etats… Nous retrouvons là encore la même politique économique qui a déjà prouvé à quel point elle ne fonctionnait pas, consistant à faire encore plus de dettes pour sauver une situation catastrophique due précisément à trop de dettes. Mais l’intérêt de cette affaire est que, là encore, la souveraineté des Etats est réaffirmée par rapport à ce qui est de plus en plus perçue comme des abus de pouvoirs de la part de l’Etat Fédéral, c'est-à-dire comme une violation de la Constitution.
Il existe également un autre phénomène dont on a peu parlé jusqu’ici mais qui risque de prendre un plus grand relief en raison de la pression de la crise et de cette tendance des Etats fédérés vers la réaffirmation de leur souveraineté, pour des raisons économiques principalement. Nous voulons parler de l’appel à la réunion d’une Convention afin de modifier la Constitution des USA. Celle-ci peut être modifiée de deux manières : soit par le vote d’un Amendement par les 2/3 des membres du Sénat et de la Chambre des Représentants, amendement qui doit être ensuite ratifié par ¾ des Etats. Ou alors, selon l’Article V de la Constitution des USA, lorsque les 2/3 des Etats (34 Etats) ont passé une résolution demandant la convocation d’une Convention. Aujourd’hui 32 Etats ont passé une résolution appelant une Convention mais certains (Alabama – Louisiane – Floride) se sont rétractés après coup, ce qui n’est juridiquement pas valable. Par conséquent il n’en manquerait que 2 pour qu’une Convention en vue de réviser la Constitution soit convoquée. A la fin de l’année dernière l’Etat de l’Ohio a voulu passer une résolution dans le même sens mais celle-ci a été évitée de justesse. Jusqu’à quand ? Car la situation se tend sérieusement en raison de la crise économique, le Congrès ayant une tendance de moins en moins appréciée à se décharger financièrement sur les Etats fédérés des lois qu’il vote sans pour autant donner à ces derniers les fonds nécessaires pour mettre en application ces mêmes lois sur lesquelles ils n’ont pas eu à donner leur avis. C’est ainsi que ces résolution d’appeler à une convention ont toutes le même but principal : forcer l’Etat Fédéral à l’équilibre budgétaire.

Si nous avons pris un peu de temps pour détailler cette question de la réaffirmation de la souveraineté des Etats fédérés, c'est-à-dire de la prééminence de ces derniers sur l’Etat Fédéral, c’est pour bien montrer combien les mentalités sont en train de se modifier rapidement, combien les difficultés grandissantes de l’Union ont de répercussions internes insoupçonnées de l’extérieur ou pour qui se fie à la façade strass et paillette qu’on veut bien nous montrer à longueur d’année. En réalité la catastrophe financière et ses répercussions économiques auront très probablement des suites politiques qui n’éclateront pas au grand jour comme si elles jaillissaient de nulle part ; elles ne jailliront pas de nulle part mais bien du cœur de la psyché américaine, tout à coup délivrées de la glue anesthésiante des dollars prodigués à tout va, sous la poussée irrésistible de la crise. Car ces fractures profondes de la société américaine préexistaient naturellement à la crise, et nous pourrions même affirmer que les principales d’entre elles étaient déjà présentes lors de la constitution de l’Union, à l’image de l’opposition de Jefferson et Madison qui s’est perpétuée plus ou moins fortement jusqu’à nos jours. Ce sont deux conceptions opposées de l’Union qui se font face depuis sa fondation mais qui ressortent soudain aujourd’hui avec d’autant plus de virulence qu’elles furent longtemps anesthésiées par la prospérité. Ce sont ces deux courants qui sont à l’origine de toutes les contradictions et les clivages qui divisent l’Amérique et dont l’actualité est beaucoup plus profonde que l’on ne pourrait le supposer superficiellement, notamment sur la question centrale de l’environnement, du changement climatique et des solutions pour y faire face, y compris et surtout l’organisation de la société en fonction de ces impératifs.
Pour en revenir au Professeur Panirin, et sans tomber dans un sensationnalisme vulgaire, tout observateur attentif de la réalité américaine vue à la lumière que la crise projette désormais sur elle, peut se rendre compte que les propos de M. Panirin, même s’ils ne plaisent pas, ne sont nullement infondés, et ce d’autant moins qu’ils sont corroborés par d’autres que lui, tout aussi peu farfelus. Mais si nous ne pouvons pas affirmer que ces menaces se réaliseront (lui-même donne les possibilités à presque 50/50), en revanche nous pouvons les identifier avec certitude comme potentiellement explosives et suffisamment réelles pour en tenir compte dans toute tentative de compréhension des événements US à venir. C'est-à-dire en gardant à l’esprit l’évolution de ces deux courants opposés qui traversent l’Union d’une part, et le très grand affaiblissement des USA d’autre part, nous obligeant ainsi à passer outre l’image idyllique de ce système qu’on nous donne depuis des décennies afin de se dégager de l’anesthésie presque générale des commentateurs moutonniers de nos médias, sans parler des politiciens cela va de soi.

jeudi 12 mars 2009

Californie: la crise modele.

Le plus riche Etat de l’Union, le plus dynamique, la vitrine de l’Amérique, Hollywood avec strass et paillettes, la porte sur le Pacifique, avenir de l’humanité libérée et décomplexée, solidaire et tolérante ; d’ailleurs « l’Atlantique c’était fini », « has been », ringard et j’en passe, nous serinaient à longueur de journée les journaux et autres médias de mésinformation professionnelle. Bref la Californie c’était le progrès incarné, l’exemple à suivre, le paradis descendu sur terre mais conquis de haute lutte par une humanité nouvelle et fière, paradant dans des décapotables sous un soleil radieux dont il fallait se protéger malgré tout grâce à de l’air conditionné à gogo. En clair c’était la nouvelle terre d’élection des dieux, vous voyez desquels nous parlons ; après tout nous avons les dieux que nous méritons…
Mais çà c’était hier.
Aujourd’hui la fête à neu-neu est terminée, il n’est plus question que de crise : crise financière, crise économique, crise immobilière, crise énergétique, crise écologique et crise sociale bien entendu. Le paradis est soudain devenu un enfer de plus en plus chaud, comme il se doit en pareil lieu, ou l’argent hier encore débordant de tous côté s’est volatilisé comme par un maléfice inexplicable. Si l’on se réfère au conformisme écrasant et lâche qui nous assène de plus en plus fort que tout est de la faute des banques, que tout ce désastre a pour cause les subprimes, les mortgages et autres Wall Street en perdition, ce qui pourrait bien finir par quelques scènes de lynchages médiatiques, judiciaires voire physiques, nous n’aurions qu’à entériner ces aboiements, d’autant plus féroces qu’ils sont hypocrites, sans chercher plus loin. Mais cela nous interdirait de comprendre la situation générale dans laquelle nous nous trouvons. Or il nous semble que l’exemple de la Californie constitue une bien meilleure explication de ce qui nous arrive à tous que n’importe lequel des discours et refrains dont on nous rebat les oreilles jusqu’à la nausée.
Alors la crise soit, mais de quoi parle t’on exactement ?

Crise économique d’une part, cela va sans dire, car la Californie, avec un déficit budgétaire de $31.7 milliards (www.mondialisation.ca) et une situation intérieure se dégradant à une vitesse aussi stupéfiante que celle du pays dans son ensemble, fait face à un défi difficile à relever. Car pour rehausser ses finances oblitérées l’Etat fédéré n’a pas cinquante possibilités ; en effet, de par la Constitution fédérale, les Etats de l’Union n’ont pas le droit de faire courir des déficits. Il ne leur reste donc que deux solutions :
- soit augmenter les impôts, directs ou indirects
- soit couper les dépenses de l’Etat
Or augmenter les impôts directs n’est pas populaire, c’est le moins qu’on puisse dire, surtout en temps de crise et surtout si on veut se faire réélire. Ne reste qu’une augmentation des impôts indirects et la réduction des dépenses budgétaires. Le problème est que ces deux mesures ne touchent concrètement que ceux qui sont déjà dans les situations les plus précaires, comme le prouvent les coupes budgétaires votées le mois dernier en Californie imposant $14.8 milliards de réductions dans les services sociaux et l’éducation, $13 milliards en taxes supplémentaires (TVA, taxes sur l’alcool, les cigarettes ou l’essence), $11 milliards en nouveaux emprunts (www.wsws.org). Le taux de chômage quant à lui est déjà passé de 6,1% l’année dernière à 10,1% au mois de Mars 2009 laissant mal augurer de la situation d’ici à la fin de l’année ; tout cela ne fera qu’augmenter les dépenses sociales, pourtant maigres, que l’Etat de Californie comme les 40 autres Etats de l’Union en situation financière plus que précaire ne pourront certainement pas satisfaire. Et l’on voit mal comment ils pourraient compter sur une aide de l’Etat Fédéral étant donné ce que l’on sait de sa situation financière catastrophique, tandis qu’en début d’année on prévoyait déjà un déficit cumulé de ces mêmes Etats de $200 milliards (www.mondialisation.ca)… Qu’en sera-t-il dans six mois lorsque le chômage aura encore augmenté de 500.000 à 650.000 personnes par mois (651.000 en Février – Business Week) faisant fondre encore plus les recettes fiscales qui auraient permis de soutenir les organismes sociaux ? Quant à la « reprise » que certains gourous de pacotille voient pour la fin de l’année il faudrait peut-être leur dire qu’on ne peut pas être à la fois chômeur et consommateur. Or dans un pays qui dépend à 70% de sa consommation intérieure pour sa « croissance », un taux de chômage en constante augmentation (8.1% en Février 2009, chiffre officiel ne prenant pas en compte les personnes n'ayant plus doit aux indemnitées ni les gens sous-payés à temps partiel; en prenant ces deux dernières catégories en compte comme cela devrait être le cas on arrive à un taux de 13.7% - sources: Gérald Celente) n’est pas un facteur propice à un retour rapide d’une hypothétique prospérité. Il n’est par conséquent que trop prévisible que la situation va empirer pour des millions de californiens, sans parler des autres, et que l’insolvabilité des Etats fédérés et de l’Etat fédéral ne fera que précipiter de plus en plus de monde « off the cliff », chacun entraînant l’autre dans une spirale infernale que personne ne sait plus comment arrêter.

Crise énergétique doublée d’une crise écologique d’envergure d’autre part. En effet les deux sont intrinsèquement liées. Ainsi les trois quarts des averses tombent dans le Nord de l’Etat tandis que la très grande majorité de la population habite dans le Sud qui constitue en conséquence la partie non seulement la plus énergétivore mais aussi la plus consommatrice d’eau, cela notamment en raison de l’agriculture qui fournit en fruits et légumes la plus grande partie de l’Union. Cette eau provient donc à 75% du Nord de l’Etat (www.reuters.com ) et est acheminée jusqu’au Sud par le Delta dont les infrastructures ne sont pas en état optimales. Or tout cela semble sérieusement remis en cause par le réchauffement planétaire qui aura deux conséquences risquant de compromettre gravement l’alimentation de l’Etat non seulement en eau mais aussi en électricité :
- Premièrement « the snowpack » devrait se réduire de 10% à 40% en 2050 et de 70% à 90% en 2100 ce qui appauvrira d’autant la distribution d’eau et d’électricité de la Californie qui dépend pour 1/5 de ses besoins de cette énergie hydroélectrique fournie par la fonte des neiges accumulées pendant l’hiver (www.mindfully.org).
Cela entraînera également une augmentation des pluies torrentielles et des ouragans dont on craint qu’ils ne causent encore plus de dégâts au Delta déjà très fragilisé.
- Deuxièmement le réchauffement climatique va induire une montée du niveau de la mer que l’on estime entre 22 inches et 55 inches, entre 0,50cm et 1m (www.mindfully.org) ; cela aura probablement pour conséquence de compromettre l’utilisation de l’eau acheminée par le Delta en raison de sa salinisation.
Cela nous amène bien entendu à parler de la conséquence écologique la plus connue de ce dont on vient d’énoncer, événement naturel que la Californie connaît depuis toujours mais qui empire depuis quelques années, non seulement en fréquence mais aussi en intensité. Nous voulons parler de la sécheresse. Or celle-ci frappe le Golden State depuis maintenant trois ans ; la situation est si grave que le Gouverneur envisage un rationnement de l’eau de 20% de leur utilisation habituelle pour les particuliers dés la fin du mois de Mars 2009, sans parler des agriculteurs, notamment les maraîchers à qui l’Etat Fédéral envisage de n’attribuer aucune allocation d’eau en provenance du « Central Valley Project » pour arroser leurs champs, ce qui provoquera la mise en jachère forcée de 344.000 hectares sur un total d’environ 2 millions ( International Herald Tribune ); on estime que cela les privera d’un manque à gagner de $ 2 milliard pour l’année 2009 et la mise à pied de 40.000 personnes du secteur dans la vallée de San Joaquin uniquement ( The Associated Press ), 80.000 pour l’ensemble de l’Etat ( International Herald Tribune ). Ne parlons pas de la compromission très sérieuse que cela entraînera pour l’approvisionnement de l’Union tout entière en fruits et légumes dont la Californie est le principal pourvoyeur, provoquant de la sorte une montée des prix de ces denrées dans toute la Fédération, déjà soumise à une inflation larvée dont on attend l’explosion dans les mois qui viennent.

La conjonction de tous ces facteurs va entraîner une crise sociale majeure qui ne manquera pas d’avoir des répercussions politiques très graves, voire insoupçonnées pour la majorité des gens.
Comme indiqué plus haut le taux de chômage atteint déjà 10,1% en Californie, le taux le plus élevé de la Fédération américaine. En Janvier 79.300 personnes ont été licenciés ( LA Times ) sans compter les 20.000 fonctionnaires licenciés par l’Etat pour contrainte budgétaires et les 200.000 autres qui ont vus leurs salaires amputés ( LA Times ) depuis l’adoption du budget de crise en Février. Ces licenciements de fonctionnaires de l’Etat sont graves car nombre d’entre eux s’occupaient d’organismes sociaux ou d’éducation, même si le gouverneur a tenté de limiter la casse à ce niveau là. Mais étant donné que le secteur se trouvait en difficulté avant même cette réduction d’effectifs, il est certain que la situation ne pourra qu’aller de mal en pis. Les services sociaux gouvernementaux et les organismes de charité sont désormais complètement dépassés par les milliers de demandes d’aide qui leur arrive chaque mois avec une intensité croissante. Par exemple dans le seul Comté de Contra Costa on compte plus de 16.000 personnes demandant de l’aide médicale, des bons de nourriture ou une aide financière, et cela uniquement dans quatre bureaux du Comté ( www.Bloomberg.com ). Les responsables de ces organismes sociaux craignent désormais de ne plus être capables de suivre financièrement non seulement en raison de l’augmentation énorme de leurs dépenses mais aussi en raison des diminutions drastiques des budgets qui leur sont alloués par des villes en quasi faillite, sans parler de l’Etat. Une nouveauté qui ne laisse pas d’être inquiétante : désormais les demandeurs d’aide médicale ou de bons de nourriture sont des gens qui faisaient partie de la « middle-class » un an auparavant et qui jamais n’auraient imaginés qu’ils auraient un jour l’obligation de dépendre de bons de nourriture pour survivre. A cela nous pouvons ajouter le sort des 2.9 millions immigrés illégaux résidant en Californie dans des conditions hasardeuses, dont 74% d’entre eux sont Mexicains (Washington Times) et qui sont certainement parmi les premiers à être touchés par les pertes d’emplois.
Nous voyons que c’est le même processus qui ne cesse de s’accélérer partout dans le pays par un effet de dominos démoniaque comme si plus aucunes barrières n’existaient plus pour enrayer cette spirale effrayante: la crise financière provoque la crise économique qui soutient l’augmentation dramatique du chômage entraînant une demande accrue de protection sociale sous toutes ses formes alors que la chute du marché immobilier, les difficultés des entreprises et le chômage en augmentation provoquent nécessairement une chute des revenus fiscaux ce qui entraîne automatiquement une baisse des allocations sociales, le tout à la charge d’Etats fédérés déjà surendettés, sans parler de l’Etat Fédéral. Ajoutons à cela les effets concomitants du changement climatique, qui a et aura des répercussions économiques et sociales de plus en plus graves, ainsi que de la raréfaction de l’énergie disponible. Que se passera t’il alors lorsque les organismes sociaux ne seront plus en mesure de fournir l’aide nécessaire aux milliers de gens jetés à la rue sans nourriture et sans soins ?

La situation de la Californie est un condensé de celle dans laquelle se trouve l’humanité dans son ensemble. Après quelques courtes décennies d’euphorie hystérique au cours desquelles nous nous sommes crus les « maîtres parvenus de la terre fantasmée », nous voilà obligés, sous peine de disparition ignominieuse, de prendre en compte certaines réalités que nous avions cru pouvoir mettre de coté. La première d’entre elles étant que nous sommes mortels, la seconde étant que nous sommes dépendants de la planète sur laquelle nous survivons et la troisième étant une conséquence de la seconde ; c'est-à-dire que nous avons vécus depuis trop longtemps sur une autre planète, dans un monde qui n’existait que dans notre délire collectif, et qu’il est plus qu’urgent de revenir sur terre. On peut nommer ce qui se passe aujourd’hui crise, crise économique, sociale ou tout ce que l’on voudra, et cela n’en sera pas moins vrai bien que partiel ; car ce qui s’effondre aujourd’hui n’est rien d’autre que le résultat pathétique de nos délires arrogants accumulés au cours de l’époque antérieure à celle qui se lève sous nos yeux. Si cet écroulement se fera quoi que nous fassions il nous est encore possible d’en atténuer certains effets en entreprenant dés maintenant l’édification d’un monde plus viable et moins dégradant pour l’homme que celui qui s’abat sur nous aujourd’hui en menaçant de nous engloutir avec lui.

dimanche 1 mars 2009

De la réactivité des Américains...

Encore aujourd’hui il m’arrive fréquemment d’entendre de la part de personnages pourvus de responsabilités politiques ou économiques réputés intelligents et capables, selon leurs critères en tous cas, des commentaires sur la crise s’apparentant à des incantations de type Pavlovien plutôt qu’à des raisonnements tenant la route, issus d’une réflexion elle-même nourrie d’observations sur le terrain.

Expliquons-nous. Lorsque le sujet de la conversation devient celui de la crise, ce qui se produit dans la majeure partie des cas de nos jours, il semblerait que cela engendre chez nos interlocuteurs une sorte d’obturation de toutes leurs capacités de perception quasiment instantanée, de manière automatique qui plus est. Cela relèverait d’une forme de conjuration du mauvais sort ou de culte du vaudou ( Paul Krugman - NY Times – 18.02.09 ) version désespérée. C’est ainsi qu’à chaque fois que cela se produit, c'est-à-dire lorsque je donne une opinion qui pourrait être la mienne après mûre réflexion, ces banquiers, hommes d’affaire ou autres n’ont de cesse de me convaincre que cette crise durera longtemps. Ce qui me fait penser aussitôt qu’ils ont enfin compris la gravité de la situation. Mais c’est pour les entendre ajouter, sans me laisser le temps de dire quoi que ce soit, que cela devrait durer deux ans et que les USA s’en sortiront les premiers, « comme toujours ». Le tout avec un sourire assuré se voulant rassurant, pour moi peut-être mais surtout pour eux me semble-t-il… Et lorsque, les premières fois que j’étais confronté à ce genre de réaction, j’émettais quelques doutes sur une assurance qui me paraissait, et me parait d’autant plus aujourd’hui, tout à fait hors des faits et des perspectives les plus optimistes, on me lançait un dernier argument au visage pour me faire taire : « la réactivité des américains »…
Le problème est que je ne mets pas en cause la réactivité des Américains qui peut être réelle et parfois très efficace à titre individuel, un peu moins collectivement ou alors à un prix généralement extraordinaire ; le problème est que je ne doute nullement de la capacité des Américains à remettre en cause de manière radicale ce qu’ils avaient soutenu tout aussi radicalement quelques jours avant pendant des années. Car l’inquiétant, me semble t’il, chez mes interlocuteurs réside plutôt dans le fait que leur réponse sous-entende que tout redeviendra comme « avant Lehman Brothers », lorsque la crise sera passée. Ce qui signifie que chez nos dirigeants bien aimés la crise est toujours vue comme une crise d’adolescence de la globalisation et qu’une fois cette crise de puberté traversée tout ira bien dans le plus beau des marchés illimités possible. Ce ne serait qu’une crise de crédit qui se résoudra par une injonction massive de capitaux dans le système qui ne demande qu’à fonctionner le mieux possible… Oui, des centaines de milliards de dollars sont envoyés dans un puit sans fond connu, des centaines de milliards dont on n’a pas la moindre idée de leur origine, ce qui ne laisse pas d’être alarmant pour quiconque y réfléchit moins de trente secondes. D’où vient cet argent ? Pas d’inquiétude, nous dit-on, nos Etats bien aimés y pourvoiront. Ah bon, vraiment, mais comment l’obtiendront t’ils ? Qui, par les temps qui courent, qui donc va prêter ces sommes astronomiques à tous nos vaillants Etats déjà surendettés et quasiment en faillite ? Qui possède autant de capitaux à prêter pour financer tous ces plans planétaires trompetés en fanfare comme autant de bulletins de victoire ? Qui a les moyens de prêter aux USA les milliers de milliards de dollars dont ils vont avoir besoin cette année pour renflouer et le système bancaire, et les assurances, et les sociétés en faillite, et les fonds de pension, sans parler des Etats fédérés comme la Californie qui ne paye plus ses fonctionnaires depuis le début du mois (LA Times) ? La Chine avec des réserves de mille milliards mais des problèmes sociaux qui s’annoncent catastrophiques ? Certainement pas. Le Japon ? Très drôle. Les Monarchies du golfe ? Avec le baril à 35 dollars, ben voyons ! La Russie, l’Europe ? Pourquoi pas la Laponie tant qu’on y est. Alors qui va payer tous ces jolis petits plans concoctés avec l’idée ou plutôt la foi que la « croissance » va revenir ; pour nos beaux yeux sans doute… Il vaudrait mieux. Mais cela ne se passera pas de cette manière.
S’il n’y a personne pour souscrire aux bonds du Trésor US que va-t-il se passer dans quelques mois ? Il n’y a pas trente six solutions, il n’y en a que trois est-il communément admis:
- L’Etat Fédéral Américain se met en cessation de payement comme l’Argentine.
- Le dollar est dévalué entre 50% et 80%
- La planche à billet tourne à plein rendement (ce qui est déjà le cas) ce qui provoquera une inflation monstrueuse dont nous avons un exemple pas si éloigné dans le temps : Weimar au début des années vingt (- Je vais chercher une baguette tu n’aurais pas mille milliards ? – Si, ils sont dans la brouette qui est dans l’entrée !).
« C’est la crise la plus grave depuis 1929 » commence t’on quand même à nous seriner, c’est une dépression nous disent en chuchotant les mêmes qui criaient sur tous les toits il y a encore quelques mois que ce n’était pas du tout, mais alors pas du tout une…DEPRESSION… Le problème est que même cela relève d’une opération d’auto réassurance puisque l’on se réfère toujours à des événements déjà connus et qu’en conséquence nos petits génies de la finance et de l’économie sont censés les maîtriser à merveille. Un peu comme les subprimes entre autre…
L’ironie est que ce n’est ni « la crise la plus grave depuis 1929 », ni une dépression, encore moins une récession ou quoi que ce soit de cette eau là. C’est tout cela à la fois, mais il ne faudrait pas que ce « tout cela à la fois » ne masque qu’un événement de ce genre n’est encore jamais arrivé. Et pour cause. C’est peut-être à ce niveau, c'est-à-dire face à l’inconnu, que les Américains pourront faire preuve de cette« réactivité » supposée qui rassure tant nos dirigeants bien-aimés, dépassés et désespérés, même si cette dernière risque de se produire dans un sens tout autre que celui imploré avec tant de foi. Puisqu’il est plus que probable que ce sont les USA et ceux qui sont les plus dépendants du système économique et financier institué par eux (UK par exemple) qui vont le plus souffrir de cette crise, étant donné que c’est le système sur lequel la puissance US est bâtie qui est en train de s’effondrer sous les yeux ahuris du monde entier, ils devront réagir les premiers à ce qui leur arrive. De quelle manière le feront-ils ?
Toute la question est là et il sera intéressant de voir à la fin de l’année quelle direction cette « réactivité » aura prise. Il n’est d’ailleurs pas exclu qu’elle puisse nous étonner, nous surprendre, voire scandaliser ceux là même qui espéraient cette « réactivité », et peut-être même nous montrer un chemin possible lorsque notre heure viendra de faire des choix radicaux. Car elle viendra elle aussi, de cela il n’y a aucun doute à avoir, si on suppose encore qu’elle n’est pas déjà dans notre antichambre. Et dans tous les cas il faudra savoir alors non pas quelle est la réactivité des Américains, mais bien si nous nous en avons…