Le monde est en crise, une crise qui va croissant et qui touche chacun de nous, une crise dont les effets seront imprévisibles… Entre les catastrophistes, les pessimistes ou les prêcheurs d’apocalypse nous ne savons ou donner de la tête. C’est un peu ce que le titre du Wall Street Journal paraissait suggérer le 28 Décembre dernier :
“As if things were not bad enough Russian professor Panirin predicts end of US.”
Il y a un accent de découragement dans ce titre qui nous fait penser que le rédacteur de l’article en serait au point de donner quelques crédits à une théorie qu’il ne tentera pas vraiment de réfuter dans le cours de son article, ni même de ridiculiser. Ou alors pensait-il que la réfutation irait d’elle-même tant cela paraîtrait loufoque à n’importe quel lecteur doté d’un minimum de sens commun. Néanmoins les causes de ce « collapse » des USA prévu par le professeur Panirin ont été évoquées à de très nombreuses reprises dans des publications variées et par des personnalités venant d’horizons suffisamment divers pour que l’on ne puisse pas les accuser de faire partie d’une secte de fanatiques se roulant dans les délices de l’Armaggedon pour demain.
Le professeur Panirin est un ancien analyste du KGB de 50 ans, président de l’Académie pour les futurs diplomates du Ministère des Affaires étrangères Russe ou il donne des cours ; il a publié de nombreux livres et est un spécialiste des relations américano-russe. De surcroît il est bien entendu persona grata au Kremlin et dans les cercles politiques russes. Cela pour préciser que ce n’est pas le premier venu et qu’il ne serait peut-être pas stupide de creuser un peu sa théorie.
Ce fut à Linz en 1988 qu’il énonça pour la première fois sa thèse d’un effondrement des USA en 2010, lors d’un colloque sur la guerre de l’information, devant 400 délégués médusés, au mieux sceptiques. Sous la pression de la crise, parait-il, les sceptiques sont revenus à des sentiments moins optimistes et le professeur Panirin semble désormais très sollicité par les médias. La question est de savoir comment il en arrive à prévoir la dissolution de la Fédération américaine ? Où plutôt quelles seront les causes, selon lui, de la décomposition des USA ?
Voici comment il les résume lui-même:
« Mass immigration, economic decline, moral degradation will trigger a civil war next fall and the collapse of the dollar. Around the end of June 2010 or early July, he says, the United States will break into six pieces ». (WSJ 28.12.08)
« He predicts that economic, financial and demographic trends will provoke a political and social crisis in the US. When the going gets tough, he says, wealthier states will withhold funds from the federal government and effectively secede from the union. Social unrests up and including a civil war will follow. The US will then split along ethnic lines, and foreign powers will move in”. (WSJ 28.12.08)
La crise financière entraînant une crise économique, engendrant à son tour des troubles sociaux n’a rien d’extravagant ni de très original en soi. Cela relève même d’une logique banale que n’importe quelle récession peut produire selon sa gravité. Or à partir d’un certain seuil les troubles sociaux peuvent devenir incontrôlables. C’est cette partie des affirmations de M. Panirin qui a fait couler le plus d’encre, c'est-à-dire la conception d’une crise suffisamment grave pour qu’elle puisse engendrer des désordres sociaux qui pourraient entraîner des émeutes ou/et une guerre civile. Ce qui signifierait l’intervention de l’armée, la loi martiale et autre sympathiques perspectives qui ne sont pas inconnues dans le reste du monde. Mais pour Hollywood World c’est impensable car cela signifierait l’écroulement de ce qu’on appelait « the american dream ». Pourtant M. Parinin n’est pas le seul à évoquer ce genre de conséquences à la crise dans laquelle se trouvent les USA, même si lui le répète depuis plus longtemps que les autres.
M. Gerald Celente, le très célèbre CEO du « Trends Research Institute », rendu fameux par l’exactitude de ses prévisions économiques et politiques, entre autre par sa prévision du krach de 1987, de la crise financière de 1997 en Asie, de la crise des subprimes, ne cesse de répéter depuis des mois, je cite :
« America is going to go through a transition the likes of which no one is prepared for…”; « … by 2012 USA will become an undeveloped country. There will be a revolution marked by food riots, squatters rebellions, tax revolts, and that Christmas will be more about obtaining food, not gift”, et il ajoute “the dollar will be devalued 90%” (Interview Fox News Novembre 2008).
Bien entendu on pourrait arguer que ces diseurs de mauvaises aventures ne sont pas crédibles et que leurs propos relèvent plus de la charlatanerie que de la prospective ou de l’analyse scientifique. Outre le fait que ces qualificatifs ne s’appliquent pas à ces deux exemples, prenons-les néanmoins en compte et cherchons d’autres point de vue convergents. L’un d’entre eux, l’un des plus dénué de folklore, bien que faisant appel à l’imagination précisément afin de deviner les risques imprévisibles que courent les USA pour les déjouer au mieux, est le rapport du Lieutenant-Colonel Nathan Freier pour le compte du United States Army War College intitulé :
Known unknonws : unconventional strategic shocks in defense strategy development.
Un des chapitres est dénommé ainsi : Violent, strategic dislocation inside the United States.
« … Widespread civil violence inside the US would force the defence establishment to reorient the priorities in extremis to defend basic security order and human security. (…) unforeseen economic collapse, loss of functioning political and legal order, purposeful domestic resistance or insurgency, pervasive public health emergencies, and catastrophic natural and human disasters are all paths to domestic shock.
An American government and defence establishment lulled into complacency by a long-secured domestic order would be forced to rapidly divest some or more external security commitments in order to address rapidly expanding human insecurity at home. (…) DoD might be forced by circumstances to put its broad resources at the disposal of civil authorities to contain and reverse violent threats to domestic tranquillity. Under the most extreme circumstances, this might include the use of military forces against hostile groups inside The US. Further, DoD would be, by necessity, an essential enabling hub for the continuity of political authority in a multi-state or nationwide civil conflict or disturbance.” (Rapport Lieutenant-Colonel Nathan Freier – Pages 32-33)
Dans ce rapport d’une cinquantaine de pages l’auteur entreprend une réévaluation des risques que pourraient courir les USA en argumentant contre le manque d’imagination des analystes de l’armée, c’est à dire contre le conformisme de pensée de cet organisme. Ce qui d’ailleurs rejoint l’opinion d’autres experts indépendants, entre autres William Lind, qui ne cessent de critiquer l’inadaptation conceptuelle des stratèges du Pentagone et en conséquence de la politique d’armement suivie par cette organisation (Nous ne parlerons pas ici du rôle joué par les lobbys du complexe militaro-industriel). Ce qui signifie que les USA ont une « guerre de retard » pour reprendre l’expression collée à l’état major français en 1940 ; la différence est que les Français avaient une conception de la façon dont on menait une guerre qui datait de Verdun, alors qu’ils étaient tout aussi bien équipés que leurs adversaires, voire mieux dans certains cas précis comme les blindés, tandis qu’en ce qui concerne les USA il s’agit tout autant de la manière de mener et de concevoir la guerre que du matériel nécessaire pour l’entreprendre et en venir à bout. Il est certain que les résultats catastrophiques des dernières guerres (Afghanistan : Irak) apportent des cataractes incontrôlées d’eau à leur moulin.
Mais ce qui importe dans ce rapport Freier c’est que l’armée puisse envisager officiellement (car c’est un rapport public) qu’il lui faudrait intervenir sur le sol même des USA pour maintenir l’ordre, voire réprimer des émeutes ou des insurrections, commises par des citoyens Américains. Cela est un infléchissement considérable de la psyché américaine, peut-être depuis la fin de la guerre de sécession, sans parler des huit dernières années ; soudain l’ennemi n’est plus le terroriste, extérieur par définition, ou la puissance satanique dotée de l’arme nucléaire, mais pourrait venir de l’intérieur même du pays, c'est-à-dire qu’il serait engendré par le système que l’on a en charge de protéger, ou plutôt par son déraillement (« unforeseen economic collapse »). Il semblerait donc qu’il y ait une prise de conscience chez certains dirigeants américains de la fragilité intrinsèque du pays dont la stabilité pourrait tout à coup être remise radicalement en cause par des circonstance imprévues, comme une crise économique par exemple… Que celle-ci puisse engendrer des troubles n’est pas très nouveau ni d’une originalité échevelée, opinion partagée par de très nombreux analystes de tous horizons y compris M. Panirin. En revanche envisager une «…violent, strategic dislocation inside the USA... (Freier report) » ou affirmer que « …the wealthiest states will withold funds from the federal government and effectively secede from the Union…(M. Panirin interview) » est une autre affaire. Il nous semble que si même l’armée est amenée à considérer la possibilité de ce genre de situation, cas extrême, on ne voit pas pourquoi il serait dénié à M. Panirin toute intelligence et toute compréhension sur la question ; et ce d’autant moins que tous deux partagent la même analyse bien qu’exprimée sous une forme différente, celle du rapport Freier ne mentionnant pas explicitement le mot « sécession » mais « dislocation ». Cela relève d’une pudeur qui révèle bien plus que n’importe quel discours ce que ce mot évoque dans la psyché américaine : le spectre d’une guerre civile meurtrière qui a laissé bien plus de rancoeurs et de divisions au sein même de l’Union que ce que la surface lisse et multicolore de la propagande du « american dream » aurait pu le laisser croire.
Le vote du plan déficitaire de $1000 milliards de l’administration Obama par le Congrès a déclenché un mouvement de révolte de la part d’un nombre croissant d’Etats fédérés. Au moment où ces lignes sont écrites pas moins de 11 Etats fédérés (Arizona, New Hampshire, Washington, Montana, Michigan, Missouri, Tennessee, Oklahoma, Virginia, South-Carolina, Hawaï) ont réaffirmé leur souveraineté vis-à-vis de l’Etat fédéral. Deux raisons principales les poussent à agir de la sorte : d’une part ce qu’ils considèrent comme l’irresponsabilité de la politique fiscale du Congrès sous les administrations successives des Clinton, Busch et Obama, et d’autre part ce qu’ils ressentent comme une intolérable et illégitime expansion de l’autorité du gouvernement fédéral sur les Etats fédérés. Une vingtaine d’autres (Californie, Texas, Alaska, Alabama, Arkansas, Colorado, Idaho, Pennsylvanie, Maine, Nevada, Kansas entre autres) envisagent de suivre leur exemple dans les mois qui viennent. Le plus emblématique de ce qui exaspère les Etats fédérés sont les lois de plus en plus nombreuses votées par le Congrès de Washington les obligeant à supporter des lois qu’ils n’ont pas voté sans fournir les fonds appropriés aux Etats pour les financer. C’est particulièrement valable dans le domaine du « welfare state » de type Medicaid, Medicare ou encore le programme No child left behind. D’autres sujets de révolte apparaissent également dans ces déclaration de souveraineté, chacune différente selon l’Etat qui la promulgue ;
Ainsi de la tentative de régulation des armes à feu par l’Etat fédéral à laquelle s’oppose en détail la déclaration de souveraineté de l’Etat du Montana dont voici un extrait :
(5) Article II, section 12, of the Montana constitution clearly secures to Montana citizens, and prohibits government interference with, the right of individual Montana citizens to keep and bear arms. This constitutional protection is unchanged from the 1889 Montana constitution, which was approved by congress and the people of Montana, and the right exists as it was understood at the time that the compact with the United States was agreed upon and adopted by Montana and the United States in 1889..
Ainsi de la demande des autorités fédérales d’introduire dans les permis de conduire issus par les Etats fédérés des données personnelles des conducteurs (Western Hemisphere Travel Initiative), ce qui reviendrait à faire des permis de conduire l’équivalent de nos cartes d’identité, ce qui est largement considéré comme une atteinte à la Constitution et au Bill of Right, c'est-à-dire à la liberté individuelle.
Ainsi de la déclaration de l’Etat du Missouri qui, elle, fait explicitement référence au Federal Freedom of Choice Act passé par l’administration Obama et permettant la liberté de l’avortement dans cinquante Etats :
« Whereas, the Federal Freedom of Choice Act would nullify any federal or state law enacted, adopted or implemented before, on, or after the date of enactment and would effectively prevent the State of Missouri from enacting similar protective measures in the future...the members of the House of Representatives of the Ninety-fifth General Assembly, hereby declare our sovereignty under the Tenth Amendment to the Constitution of the United States over all power and hereby declare our sovereignty under the Tenth Amendment to the Constitution of the United States over all powers not otherwise enumerated and granted to the federal government by the Constitution of the United States."
Celle de l’Etat de l’Arizona est un bon exemple de la réaffirmation solennelle de la prééminence des Etats fédérés sur l’Etat Fédéral, rappelant que l’Etat fédéral est un agent de chaque Etat fédéré et non pas l’inverse :
1.That the State of Arizona hereby claims sovereignty under the Tenth Amendment to the Constitution of the United States over all powers not otherwise enumerated and granted to the federal government by the Constitution of the United States.
2. That this Resolution serves as notice and demand to the federal government, as our agent, to cease and desist, effective immediately, mandates that are beyond the scope of the constitutionally delegated powers.
L’acte de souveraineté du New Hampshire est celui qui, nous semble t’il, est le plus agressif dans son affirmation d’indépendance, dont le titre est déjà tout un programme avec son « Jeffersonian principles » qui fait revenir à la surface la bataille qui a sous-tendu toute la vie politique américaine depuis la création des USA ; c'est-à-dire celle qui opposa deux des pères fondateurs, Jefferson et Hamilton, et qui créa un cadre d’affrontement jusqu’à nos jours, même si celui-ci fût mis sous le boisseau au cours des dernières décennies d’abondance à crédit :
« A RESOLUTION affirming States’ rights based on Jeffersonian principles.
Whereas the Constitution of the State of New Hampshire, Part 1, Article 7 declares that the people of this State have the sole and exclusive right of governing themselves as a free, sovereign, and independent State; and do, and forever hereafter shall, exercise and enjoy every power, jurisdiction, and right, pertaining thereto, which is not, or may not hereafter be, by them expressly delegated to the United States of America in congress assembled; and
Whereas the Constitution of the State of New Hampshire, Part 2, Article 1 declares that the people inhabiting the territory formerly called the province of New Hampshire, do hereby solemnly and mutually agree with each other, to form themselves into a free, sovereign and independent body-politic, or State, by the name of The State of New Hampshire; and
Whereas the State of New Hampshire when ratifying the Constitution for the United States of America recommended as a change, “First That it be Explicitly declared that all Powers not expressly & particularly Delegated by the aforesaid are reserved to the several States to be, by them Exercised;”(…)
(…) “That any Act by the Congress of the United States, Executive Order of the President of the United States of America or Judicial Order by the Judicatories of the United States of America which assumes a power not delegated to the government of United States of America by the Constitution for the United States of America and which serves to diminish the liberty of the any of the several States or their citizens shall constitute a nullification of the Constitution for the United States of America by the government of the United States of America.”
L’acte de souveraineté du New Hampshire est très long, le plus long de tous, le plus détaillé et le plus combatif. Ce qui apparaît comme le terme le plus frappant est sans contexte le mot « nullification » en raison des connotations historiques auxquelles il se rapporte, raison plus que probable pour laquelle il a été introduit dans ce texte officiel.
La « crise de nullification » débuta en 1828 à propos de tarifs douaniers imposés par l’Etat Fédéral qui furent refusés par l’Etat de Caroline du Sud au nom de sa souveraineté car les législateurs de cet Etat trouvaient que cette loi leur portait un grave préjudice. Cette crise se trouva partiellement résolue en 1832 par un compromis qui, en réalité, constitua une défaite de l’Etat Fédéral face à la Caroline du Sud. Mais cette « crise de nullification », qui concernait déjà, et toujours serait-on tenté d’écrire, la question de la suprématie des Etats fédérés ou de l’Etat Fédéral, cette crise de nullification fût une prémisse à la guerre de Sécession qui suivit 25 ans plus tard. Etrangement et pas plus tard que la semaine dernière, le Gouverneur de Caroline du Sud a annoncé que son Etat utiliserait une partie de l’argent versé dans le cadre du « stimuli package » de la présente administration afin de payer les dettes de l’Etat de Caroline du Sud. Déclaration qui fut vivement critiquée et contestée par l’Administration Fédérale qui déclara que cet argent n’était pas destiné à payer les dettes mais à faire repartir l’économie, annonce qui reçut un flot de critique, généralement au nom de la souveraineté des Etats… Nous retrouvons là encore la même politique économique qui a déjà prouvé à quel point elle ne fonctionnait pas, consistant à faire encore plus de dettes pour sauver une situation catastrophique due précisément à trop de dettes. Mais l’intérêt de cette affaire est que, là encore, la souveraineté des Etats est réaffirmée par rapport à ce qui est de plus en plus perçue comme des abus de pouvoirs de la part de l’Etat Fédéral, c'est-à-dire comme une violation de la Constitution.
Il existe également un autre phénomène dont on a peu parlé jusqu’ici mais qui risque de prendre un plus grand relief en raison de la pression de la crise et de cette tendance des Etats fédérés vers la réaffirmation de leur souveraineté, pour des raisons économiques principalement. Nous voulons parler de l’appel à la réunion d’une Convention afin de modifier la Constitution des USA. Celle-ci peut être modifiée de deux manières : soit par le vote d’un Amendement par les 2/3 des membres du Sénat et de la Chambre des Représentants, amendement qui doit être ensuite ratifié par ¾ des Etats. Ou alors, selon l’Article V de la Constitution des USA, lorsque les 2/3 des Etats (34 Etats) ont passé une résolution demandant la convocation d’une Convention. Aujourd’hui 32 Etats ont passé une résolution appelant une Convention mais certains (Alabama – Louisiane – Floride) se sont rétractés après coup, ce qui n’est juridiquement pas valable. Par conséquent il n’en manquerait que 2 pour qu’une Convention en vue de réviser la Constitution soit convoquée. A la fin de l’année dernière l’Etat de l’Ohio a voulu passer une résolution dans le même sens mais celle-ci a été évitée de justesse. Jusqu’à quand ? Car la situation se tend sérieusement en raison de la crise économique, le Congrès ayant une tendance de moins en moins appréciée à se décharger financièrement sur les Etats fédérés des lois qu’il vote sans pour autant donner à ces derniers les fonds nécessaires pour mettre en application ces mêmes lois sur lesquelles ils n’ont pas eu à donner leur avis. C’est ainsi que ces résolution d’appeler à une convention ont toutes le même but principal : forcer l’Etat Fédéral à l’équilibre budgétaire.
Si nous avons pris un peu de temps pour détailler cette question de la réaffirmation de la souveraineté des Etats fédérés, c'est-à-dire de la prééminence de ces derniers sur l’Etat Fédéral, c’est pour bien montrer combien les mentalités sont en train de se modifier rapidement, combien les difficultés grandissantes de l’Union ont de répercussions internes insoupçonnées de l’extérieur ou pour qui se fie à la façade strass et paillette qu’on veut bien nous montrer à longueur d’année. En réalité la catastrophe financière et ses répercussions économiques auront très probablement des suites politiques qui n’éclateront pas au grand jour comme si elles jaillissaient de nulle part ; elles ne jailliront pas de nulle part mais bien du cœur de la psyché américaine, tout à coup délivrées de la glue anesthésiante des dollars prodigués à tout va, sous la poussée irrésistible de la crise. Car ces fractures profondes de la société américaine préexistaient naturellement à la crise, et nous pourrions même affirmer que les principales d’entre elles étaient déjà présentes lors de la constitution de l’Union, à l’image de l’opposition de Jefferson et Madison qui s’est perpétuée plus ou moins fortement jusqu’à nos jours. Ce sont deux conceptions opposées de l’Union qui se font face depuis sa fondation mais qui ressortent soudain aujourd’hui avec d’autant plus de virulence qu’elles furent longtemps anesthésiées par la prospérité. Ce sont ces deux courants qui sont à l’origine de toutes les contradictions et les clivages qui divisent l’Amérique et dont l’actualité est beaucoup plus profonde que l’on ne pourrait le supposer superficiellement, notamment sur la question centrale de l’environnement, du changement climatique et des solutions pour y faire face, y compris et surtout l’organisation de la société en fonction de ces impératifs.
Pour en revenir au Professeur Panirin, et sans tomber dans un sensationnalisme vulgaire, tout observateur attentif de la réalité américaine vue à la lumière que la crise projette désormais sur elle, peut se rendre compte que les propos de M. Panirin, même s’ils ne plaisent pas, ne sont nullement infondés, et ce d’autant moins qu’ils sont corroborés par d’autres que lui, tout aussi peu farfelus. Mais si nous ne pouvons pas affirmer que ces menaces se réaliseront (lui-même donne les possibilités à presque 50/50), en revanche nous pouvons les identifier avec certitude comme potentiellement explosives et suffisamment réelles pour en tenir compte dans toute tentative de compréhension des événements US à venir. C'est-à-dire en gardant à l’esprit l’évolution de ces deux courants opposés qui traversent l’Union d’une part, et le très grand affaiblissement des USA d’autre part, nous obligeant ainsi à passer outre l’image idyllique de ce système qu’on nous donne depuis des décennies afin de se dégager de l’anesthésie presque générale des commentateurs moutonniers de nos médias, sans parler des politiciens cela va de soi.
“As if things were not bad enough Russian professor Panirin predicts end of US.”
Il y a un accent de découragement dans ce titre qui nous fait penser que le rédacteur de l’article en serait au point de donner quelques crédits à une théorie qu’il ne tentera pas vraiment de réfuter dans le cours de son article, ni même de ridiculiser. Ou alors pensait-il que la réfutation irait d’elle-même tant cela paraîtrait loufoque à n’importe quel lecteur doté d’un minimum de sens commun. Néanmoins les causes de ce « collapse » des USA prévu par le professeur Panirin ont été évoquées à de très nombreuses reprises dans des publications variées et par des personnalités venant d’horizons suffisamment divers pour que l’on ne puisse pas les accuser de faire partie d’une secte de fanatiques se roulant dans les délices de l’Armaggedon pour demain.
Le professeur Panirin est un ancien analyste du KGB de 50 ans, président de l’Académie pour les futurs diplomates du Ministère des Affaires étrangères Russe ou il donne des cours ; il a publié de nombreux livres et est un spécialiste des relations américano-russe. De surcroît il est bien entendu persona grata au Kremlin et dans les cercles politiques russes. Cela pour préciser que ce n’est pas le premier venu et qu’il ne serait peut-être pas stupide de creuser un peu sa théorie.
Ce fut à Linz en 1988 qu’il énonça pour la première fois sa thèse d’un effondrement des USA en 2010, lors d’un colloque sur la guerre de l’information, devant 400 délégués médusés, au mieux sceptiques. Sous la pression de la crise, parait-il, les sceptiques sont revenus à des sentiments moins optimistes et le professeur Panirin semble désormais très sollicité par les médias. La question est de savoir comment il en arrive à prévoir la dissolution de la Fédération américaine ? Où plutôt quelles seront les causes, selon lui, de la décomposition des USA ?
Voici comment il les résume lui-même:
« Mass immigration, economic decline, moral degradation will trigger a civil war next fall and the collapse of the dollar. Around the end of June 2010 or early July, he says, the United States will break into six pieces ». (WSJ 28.12.08)
« He predicts that economic, financial and demographic trends will provoke a political and social crisis in the US. When the going gets tough, he says, wealthier states will withhold funds from the federal government and effectively secede from the union. Social unrests up and including a civil war will follow. The US will then split along ethnic lines, and foreign powers will move in”. (WSJ 28.12.08)
La crise financière entraînant une crise économique, engendrant à son tour des troubles sociaux n’a rien d’extravagant ni de très original en soi. Cela relève même d’une logique banale que n’importe quelle récession peut produire selon sa gravité. Or à partir d’un certain seuil les troubles sociaux peuvent devenir incontrôlables. C’est cette partie des affirmations de M. Panirin qui a fait couler le plus d’encre, c'est-à-dire la conception d’une crise suffisamment grave pour qu’elle puisse engendrer des désordres sociaux qui pourraient entraîner des émeutes ou/et une guerre civile. Ce qui signifierait l’intervention de l’armée, la loi martiale et autre sympathiques perspectives qui ne sont pas inconnues dans le reste du monde. Mais pour Hollywood World c’est impensable car cela signifierait l’écroulement de ce qu’on appelait « the american dream ». Pourtant M. Parinin n’est pas le seul à évoquer ce genre de conséquences à la crise dans laquelle se trouvent les USA, même si lui le répète depuis plus longtemps que les autres.
M. Gerald Celente, le très célèbre CEO du « Trends Research Institute », rendu fameux par l’exactitude de ses prévisions économiques et politiques, entre autre par sa prévision du krach de 1987, de la crise financière de 1997 en Asie, de la crise des subprimes, ne cesse de répéter depuis des mois, je cite :
« America is going to go through a transition the likes of which no one is prepared for…”; « … by 2012 USA will become an undeveloped country. There will be a revolution marked by food riots, squatters rebellions, tax revolts, and that Christmas will be more about obtaining food, not gift”, et il ajoute “the dollar will be devalued 90%” (Interview Fox News Novembre 2008).
Bien entendu on pourrait arguer que ces diseurs de mauvaises aventures ne sont pas crédibles et que leurs propos relèvent plus de la charlatanerie que de la prospective ou de l’analyse scientifique. Outre le fait que ces qualificatifs ne s’appliquent pas à ces deux exemples, prenons-les néanmoins en compte et cherchons d’autres point de vue convergents. L’un d’entre eux, l’un des plus dénué de folklore, bien que faisant appel à l’imagination précisément afin de deviner les risques imprévisibles que courent les USA pour les déjouer au mieux, est le rapport du Lieutenant-Colonel Nathan Freier pour le compte du United States Army War College intitulé :
Known unknonws : unconventional strategic shocks in defense strategy development.
Un des chapitres est dénommé ainsi : Violent, strategic dislocation inside the United States.
« … Widespread civil violence inside the US would force the defence establishment to reorient the priorities in extremis to defend basic security order and human security. (…) unforeseen economic collapse, loss of functioning political and legal order, purposeful domestic resistance or insurgency, pervasive public health emergencies, and catastrophic natural and human disasters are all paths to domestic shock.
An American government and defence establishment lulled into complacency by a long-secured domestic order would be forced to rapidly divest some or more external security commitments in order to address rapidly expanding human insecurity at home. (…) DoD might be forced by circumstances to put its broad resources at the disposal of civil authorities to contain and reverse violent threats to domestic tranquillity. Under the most extreme circumstances, this might include the use of military forces against hostile groups inside The US. Further, DoD would be, by necessity, an essential enabling hub for the continuity of political authority in a multi-state or nationwide civil conflict or disturbance.” (Rapport Lieutenant-Colonel Nathan Freier – Pages 32-33)
Dans ce rapport d’une cinquantaine de pages l’auteur entreprend une réévaluation des risques que pourraient courir les USA en argumentant contre le manque d’imagination des analystes de l’armée, c’est à dire contre le conformisme de pensée de cet organisme. Ce qui d’ailleurs rejoint l’opinion d’autres experts indépendants, entre autres William Lind, qui ne cessent de critiquer l’inadaptation conceptuelle des stratèges du Pentagone et en conséquence de la politique d’armement suivie par cette organisation (Nous ne parlerons pas ici du rôle joué par les lobbys du complexe militaro-industriel). Ce qui signifie que les USA ont une « guerre de retard » pour reprendre l’expression collée à l’état major français en 1940 ; la différence est que les Français avaient une conception de la façon dont on menait une guerre qui datait de Verdun, alors qu’ils étaient tout aussi bien équipés que leurs adversaires, voire mieux dans certains cas précis comme les blindés, tandis qu’en ce qui concerne les USA il s’agit tout autant de la manière de mener et de concevoir la guerre que du matériel nécessaire pour l’entreprendre et en venir à bout. Il est certain que les résultats catastrophiques des dernières guerres (Afghanistan : Irak) apportent des cataractes incontrôlées d’eau à leur moulin.
Mais ce qui importe dans ce rapport Freier c’est que l’armée puisse envisager officiellement (car c’est un rapport public) qu’il lui faudrait intervenir sur le sol même des USA pour maintenir l’ordre, voire réprimer des émeutes ou des insurrections, commises par des citoyens Américains. Cela est un infléchissement considérable de la psyché américaine, peut-être depuis la fin de la guerre de sécession, sans parler des huit dernières années ; soudain l’ennemi n’est plus le terroriste, extérieur par définition, ou la puissance satanique dotée de l’arme nucléaire, mais pourrait venir de l’intérieur même du pays, c'est-à-dire qu’il serait engendré par le système que l’on a en charge de protéger, ou plutôt par son déraillement (« unforeseen economic collapse »). Il semblerait donc qu’il y ait une prise de conscience chez certains dirigeants américains de la fragilité intrinsèque du pays dont la stabilité pourrait tout à coup être remise radicalement en cause par des circonstance imprévues, comme une crise économique par exemple… Que celle-ci puisse engendrer des troubles n’est pas très nouveau ni d’une originalité échevelée, opinion partagée par de très nombreux analystes de tous horizons y compris M. Panirin. En revanche envisager une «…violent, strategic dislocation inside the USA... (Freier report) » ou affirmer que « …the wealthiest states will withold funds from the federal government and effectively secede from the Union…(M. Panirin interview) » est une autre affaire. Il nous semble que si même l’armée est amenée à considérer la possibilité de ce genre de situation, cas extrême, on ne voit pas pourquoi il serait dénié à M. Panirin toute intelligence et toute compréhension sur la question ; et ce d’autant moins que tous deux partagent la même analyse bien qu’exprimée sous une forme différente, celle du rapport Freier ne mentionnant pas explicitement le mot « sécession » mais « dislocation ». Cela relève d’une pudeur qui révèle bien plus que n’importe quel discours ce que ce mot évoque dans la psyché américaine : le spectre d’une guerre civile meurtrière qui a laissé bien plus de rancoeurs et de divisions au sein même de l’Union que ce que la surface lisse et multicolore de la propagande du « american dream » aurait pu le laisser croire.
Le vote du plan déficitaire de $1000 milliards de l’administration Obama par le Congrès a déclenché un mouvement de révolte de la part d’un nombre croissant d’Etats fédérés. Au moment où ces lignes sont écrites pas moins de 11 Etats fédérés (Arizona, New Hampshire, Washington, Montana, Michigan, Missouri, Tennessee, Oklahoma, Virginia, South-Carolina, Hawaï) ont réaffirmé leur souveraineté vis-à-vis de l’Etat fédéral. Deux raisons principales les poussent à agir de la sorte : d’une part ce qu’ils considèrent comme l’irresponsabilité de la politique fiscale du Congrès sous les administrations successives des Clinton, Busch et Obama, et d’autre part ce qu’ils ressentent comme une intolérable et illégitime expansion de l’autorité du gouvernement fédéral sur les Etats fédérés. Une vingtaine d’autres (Californie, Texas, Alaska, Alabama, Arkansas, Colorado, Idaho, Pennsylvanie, Maine, Nevada, Kansas entre autres) envisagent de suivre leur exemple dans les mois qui viennent. Le plus emblématique de ce qui exaspère les Etats fédérés sont les lois de plus en plus nombreuses votées par le Congrès de Washington les obligeant à supporter des lois qu’ils n’ont pas voté sans fournir les fonds appropriés aux Etats pour les financer. C’est particulièrement valable dans le domaine du « welfare state » de type Medicaid, Medicare ou encore le programme No child left behind. D’autres sujets de révolte apparaissent également dans ces déclaration de souveraineté, chacune différente selon l’Etat qui la promulgue ;
Ainsi de la tentative de régulation des armes à feu par l’Etat fédéral à laquelle s’oppose en détail la déclaration de souveraineté de l’Etat du Montana dont voici un extrait :
(5) Article II, section 12, of the Montana constitution clearly secures to Montana citizens, and prohibits government interference with, the right of individual Montana citizens to keep and bear arms. This constitutional protection is unchanged from the 1889 Montana constitution, which was approved by congress and the people of Montana, and the right exists as it was understood at the time that the compact with the United States was agreed upon and adopted by Montana and the United States in 1889..
Ainsi de la demande des autorités fédérales d’introduire dans les permis de conduire issus par les Etats fédérés des données personnelles des conducteurs (Western Hemisphere Travel Initiative), ce qui reviendrait à faire des permis de conduire l’équivalent de nos cartes d’identité, ce qui est largement considéré comme une atteinte à la Constitution et au Bill of Right, c'est-à-dire à la liberté individuelle.
Ainsi de la déclaration de l’Etat du Missouri qui, elle, fait explicitement référence au Federal Freedom of Choice Act passé par l’administration Obama et permettant la liberté de l’avortement dans cinquante Etats :
« Whereas, the Federal Freedom of Choice Act would nullify any federal or state law enacted, adopted or implemented before, on, or after the date of enactment and would effectively prevent the State of Missouri from enacting similar protective measures in the future...the members of the House of Representatives of the Ninety-fifth General Assembly, hereby declare our sovereignty under the Tenth Amendment to the Constitution of the United States over all power and hereby declare our sovereignty under the Tenth Amendment to the Constitution of the United States over all powers not otherwise enumerated and granted to the federal government by the Constitution of the United States."
Celle de l’Etat de l’Arizona est un bon exemple de la réaffirmation solennelle de la prééminence des Etats fédérés sur l’Etat Fédéral, rappelant que l’Etat fédéral est un agent de chaque Etat fédéré et non pas l’inverse :
1.That the State of Arizona hereby claims sovereignty under the Tenth Amendment to the Constitution of the United States over all powers not otherwise enumerated and granted to the federal government by the Constitution of the United States.
2. That this Resolution serves as notice and demand to the federal government, as our agent, to cease and desist, effective immediately, mandates that are beyond the scope of the constitutionally delegated powers.
L’acte de souveraineté du New Hampshire est celui qui, nous semble t’il, est le plus agressif dans son affirmation d’indépendance, dont le titre est déjà tout un programme avec son « Jeffersonian principles » qui fait revenir à la surface la bataille qui a sous-tendu toute la vie politique américaine depuis la création des USA ; c'est-à-dire celle qui opposa deux des pères fondateurs, Jefferson et Hamilton, et qui créa un cadre d’affrontement jusqu’à nos jours, même si celui-ci fût mis sous le boisseau au cours des dernières décennies d’abondance à crédit :
« A RESOLUTION affirming States’ rights based on Jeffersonian principles.
Whereas the Constitution of the State of New Hampshire, Part 1, Article 7 declares that the people of this State have the sole and exclusive right of governing themselves as a free, sovereign, and independent State; and do, and forever hereafter shall, exercise and enjoy every power, jurisdiction, and right, pertaining thereto, which is not, or may not hereafter be, by them expressly delegated to the United States of America in congress assembled; and
Whereas the Constitution of the State of New Hampshire, Part 2, Article 1 declares that the people inhabiting the territory formerly called the province of New Hampshire, do hereby solemnly and mutually agree with each other, to form themselves into a free, sovereign and independent body-politic, or State, by the name of The State of New Hampshire; and
Whereas the State of New Hampshire when ratifying the Constitution for the United States of America recommended as a change, “First That it be Explicitly declared that all Powers not expressly & particularly Delegated by the aforesaid are reserved to the several States to be, by them Exercised;”(…)
(…) “That any Act by the Congress of the United States, Executive Order of the President of the United States of America or Judicial Order by the Judicatories of the United States of America which assumes a power not delegated to the government of United States of America by the Constitution for the United States of America and which serves to diminish the liberty of the any of the several States or their citizens shall constitute a nullification of the Constitution for the United States of America by the government of the United States of America.”
L’acte de souveraineté du New Hampshire est très long, le plus long de tous, le plus détaillé et le plus combatif. Ce qui apparaît comme le terme le plus frappant est sans contexte le mot « nullification » en raison des connotations historiques auxquelles il se rapporte, raison plus que probable pour laquelle il a été introduit dans ce texte officiel.
La « crise de nullification » débuta en 1828 à propos de tarifs douaniers imposés par l’Etat Fédéral qui furent refusés par l’Etat de Caroline du Sud au nom de sa souveraineté car les législateurs de cet Etat trouvaient que cette loi leur portait un grave préjudice. Cette crise se trouva partiellement résolue en 1832 par un compromis qui, en réalité, constitua une défaite de l’Etat Fédéral face à la Caroline du Sud. Mais cette « crise de nullification », qui concernait déjà, et toujours serait-on tenté d’écrire, la question de la suprématie des Etats fédérés ou de l’Etat Fédéral, cette crise de nullification fût une prémisse à la guerre de Sécession qui suivit 25 ans plus tard. Etrangement et pas plus tard que la semaine dernière, le Gouverneur de Caroline du Sud a annoncé que son Etat utiliserait une partie de l’argent versé dans le cadre du « stimuli package » de la présente administration afin de payer les dettes de l’Etat de Caroline du Sud. Déclaration qui fut vivement critiquée et contestée par l’Administration Fédérale qui déclara que cet argent n’était pas destiné à payer les dettes mais à faire repartir l’économie, annonce qui reçut un flot de critique, généralement au nom de la souveraineté des Etats… Nous retrouvons là encore la même politique économique qui a déjà prouvé à quel point elle ne fonctionnait pas, consistant à faire encore plus de dettes pour sauver une situation catastrophique due précisément à trop de dettes. Mais l’intérêt de cette affaire est que, là encore, la souveraineté des Etats est réaffirmée par rapport à ce qui est de plus en plus perçue comme des abus de pouvoirs de la part de l’Etat Fédéral, c'est-à-dire comme une violation de la Constitution.
Il existe également un autre phénomène dont on a peu parlé jusqu’ici mais qui risque de prendre un plus grand relief en raison de la pression de la crise et de cette tendance des Etats fédérés vers la réaffirmation de leur souveraineté, pour des raisons économiques principalement. Nous voulons parler de l’appel à la réunion d’une Convention afin de modifier la Constitution des USA. Celle-ci peut être modifiée de deux manières : soit par le vote d’un Amendement par les 2/3 des membres du Sénat et de la Chambre des Représentants, amendement qui doit être ensuite ratifié par ¾ des Etats. Ou alors, selon l’Article V de la Constitution des USA, lorsque les 2/3 des Etats (34 Etats) ont passé une résolution demandant la convocation d’une Convention. Aujourd’hui 32 Etats ont passé une résolution appelant une Convention mais certains (Alabama – Louisiane – Floride) se sont rétractés après coup, ce qui n’est juridiquement pas valable. Par conséquent il n’en manquerait que 2 pour qu’une Convention en vue de réviser la Constitution soit convoquée. A la fin de l’année dernière l’Etat de l’Ohio a voulu passer une résolution dans le même sens mais celle-ci a été évitée de justesse. Jusqu’à quand ? Car la situation se tend sérieusement en raison de la crise économique, le Congrès ayant une tendance de moins en moins appréciée à se décharger financièrement sur les Etats fédérés des lois qu’il vote sans pour autant donner à ces derniers les fonds nécessaires pour mettre en application ces mêmes lois sur lesquelles ils n’ont pas eu à donner leur avis. C’est ainsi que ces résolution d’appeler à une convention ont toutes le même but principal : forcer l’Etat Fédéral à l’équilibre budgétaire.
Si nous avons pris un peu de temps pour détailler cette question de la réaffirmation de la souveraineté des Etats fédérés, c'est-à-dire de la prééminence de ces derniers sur l’Etat Fédéral, c’est pour bien montrer combien les mentalités sont en train de se modifier rapidement, combien les difficultés grandissantes de l’Union ont de répercussions internes insoupçonnées de l’extérieur ou pour qui se fie à la façade strass et paillette qu’on veut bien nous montrer à longueur d’année. En réalité la catastrophe financière et ses répercussions économiques auront très probablement des suites politiques qui n’éclateront pas au grand jour comme si elles jaillissaient de nulle part ; elles ne jailliront pas de nulle part mais bien du cœur de la psyché américaine, tout à coup délivrées de la glue anesthésiante des dollars prodigués à tout va, sous la poussée irrésistible de la crise. Car ces fractures profondes de la société américaine préexistaient naturellement à la crise, et nous pourrions même affirmer que les principales d’entre elles étaient déjà présentes lors de la constitution de l’Union, à l’image de l’opposition de Jefferson et Madison qui s’est perpétuée plus ou moins fortement jusqu’à nos jours. Ce sont deux conceptions opposées de l’Union qui se font face depuis sa fondation mais qui ressortent soudain aujourd’hui avec d’autant plus de virulence qu’elles furent longtemps anesthésiées par la prospérité. Ce sont ces deux courants qui sont à l’origine de toutes les contradictions et les clivages qui divisent l’Amérique et dont l’actualité est beaucoup plus profonde que l’on ne pourrait le supposer superficiellement, notamment sur la question centrale de l’environnement, du changement climatique et des solutions pour y faire face, y compris et surtout l’organisation de la société en fonction de ces impératifs.
Pour en revenir au Professeur Panirin, et sans tomber dans un sensationnalisme vulgaire, tout observateur attentif de la réalité américaine vue à la lumière que la crise projette désormais sur elle, peut se rendre compte que les propos de M. Panirin, même s’ils ne plaisent pas, ne sont nullement infondés, et ce d’autant moins qu’ils sont corroborés par d’autres que lui, tout aussi peu farfelus. Mais si nous ne pouvons pas affirmer que ces menaces se réaliseront (lui-même donne les possibilités à presque 50/50), en revanche nous pouvons les identifier avec certitude comme potentiellement explosives et suffisamment réelles pour en tenir compte dans toute tentative de compréhension des événements US à venir. C'est-à-dire en gardant à l’esprit l’évolution de ces deux courants opposés qui traversent l’Union d’une part, et le très grand affaiblissement des USA d’autre part, nous obligeant ainsi à passer outre l’image idyllique de ce système qu’on nous donne depuis des décennies afin de se dégager de l’anesthésie presque générale des commentateurs moutonniers de nos médias, sans parler des politiciens cela va de soi.
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