mercredi 30 novembre 2011

Collection permanente et exposition Jean Walter et Paul Guillaume

par Jean Seymour

Paul Guillaume est un marchand d’art génial ; il épouse Juliette Lacaze, dite « Domenica » ; il meurt ; elle épouse son amant Jean Walter ; il meurt ; entre temps elle a adopté un fils afin d’empêcher la donation que Paul Guillaume voulait faire de sa collection au musée d’art moderne du Luxembourg ; et ça marche ; puis elle n’aime plus cet enfant ; elle demande à un ancien para de l’assassiner ; ce dernier au moment de commettre son crime le reconnait : c’est un ami, ils étaient en Algérie ensemble, il dénonce alors Domenica ; pour ne pas aller en prison elle lègue à l’Etat sa collection – Malraux est à la manœuvre : 146 tableaux, dont 24 Renoir, 12 Picasso, 15 Cézanne, 10 Matisse, 29 Derain, 22 Soutine… puis elle finira ses jours, tranquille et riche, entourée de ses chers tableaux.

Voilà l’histoire de la collection - pas mal non ? A l’Orangerie, il n’y a plus d’orangers. On vous demandera de descendre sous terre ; c’est lugubre, les murs sont en béton avec des trous. C’est moderne. Là je ne résiste pas de vous citer un paragraphe d’un essai revigorant Tous touristes de Marin de Viry. L’auteur parle d’une visite faite au musée Peggy Guggenheim à Venise après qu’il eut été refait – la démonstration s’applique à notre musée : « Depuis qu’il a été refait, il ressemble à n’importe quel autre module transnational arty de la planète, dans toute sa banalité convenue. Ça fait quoi, dans la vie, un module transnational arty ? Ça fait deux choses : ça amuse le gogo et ça accélère le flux. »

Heureusement, heureusement ce qui se trouve sur les murs réchauffe ! Aussi descendez les marches quatre à quatre pour admirer la collection permanente. Tout de suite en arrivant pénétrez à droite dans le salon reconstitué de Paul Guillaume avec ses boiseries, et regardez les maquettes de son bureau et de sa salle à manger, tout cela vous mettra en condition, vous saurez désormais comment le collectionneur vivait avec ses tableaux, il y en avait partout, heureux mélanges ! Vous êtes maintenant son invité. Renoir, Picasso, Cézanne, Matisse, Derain, Soutine… que pouvez-vous demander de plus ? Un arrêt plus long que d’habitude dans la petite salle consacrée à Marie Laurencin ; quatre tableaux aux couleurs qui sont comme un parfum d’ivresse ; vous planerez ; essayez (et oublions les Nymphéas de Monet pour le moment qui sont le clou de l’exposition permanente).

Passez les Pyrénées et rendez-vous dans les salles d’exposition temporaire ; « L’Espagne entre deux siècles » y est suspendue aux cimaises. L’exposition est à taille humaine. Barrès vous accueillera devant Tolède peint par Ignacio Zuloaga – sévère, profond, le ciel est bleu nuit, noir. Si vous vous sentiez encore déraciné dans cette Orangerie impersonnelle, le prince de la jeunesse du début du XXème siècle vous conduira dans ces « lieux où souffle l’esprit ». Je vous conseille un long arrêt devant le portrait d’Anna de Noailles toujours par Zuloaga : la poétesse y est troublante, le tableau magistral, sensuel à souhait. Il y a également des œuvres lumineuses - Joaquin Sorolla toujours, et tout un tas d’œuvres très « du sang, de la volupté et des larmes » comme l’écrivait encore Barrès. L’Espagne noire à côté de l’Espagne blanche. Une exposition avec quelques chefs d’œuvres, suffisants pour mériter le déplacement, et en ressortir plein d’énergie dans cet automne dont on espère tous qu’il s’achève vite.

mercredi 23 novembre 2011

Mévente des Bunds allemands : nouveau départ pour l'Europe ?

Aujourd’hui s’est produit un événement qui est à la fois le résultat d’erreurs et d’aveuglements passés mais qui pourrait devenir le point de départ d’une prise de conscience qui pourrait avoir des conséquences très importantes pour l’avenir de l’Europe.
Nous voulons parler de la vente catastrophique de l’emprunt que l’état allemand a lancé aujourd’hui et qui s’est soldé par un échec sanglant. Sur six milliards d’Euros de bunds proposés seuls 3,5 furent achetés par le marché.
Et encore voudrions-nous bien savoir qui les a acheté...

Qu’est-ce à dire ?
Cela signifierait en clair que les états vont désormais avoir le plus grand mal à emprunter sur les marchés, même avec la carotte des taux plus élevés. En effet l’Allemagne était encore considérée hier soir comme l’état modèle (ce qui était très contestable) non seulement pour l’Europe mais aussi pour le reste des pays dits développés, y compris et surtout les USA, le Royaume-Uni etc... Le pays à la rigueur budgétaire que le monde entier devait suivre nous disait-on à perdre haleine, le pays que la France devait prendre comme modèle, nous qui avions tout gâché et eux qui avaient tout réussi...
Las, chers lecteurs.
Depuis aujourd’hui ce n’est plus le cas.
Depuis ce matin les bunds allemands ne trouvent plus preneur semble t’il, ces bunds qui étaient encore hier jugés les plus sûrs du monde, ceux que l’on pouvait acheter en toute sécurité les yeux fermés.
Eh bien c’est fini.

Cet événement devrait avoir plusieurs conséquences :

1) il est probable que cela produise un électrochoc sur la classe politique allemande qui pourrait soudain prendre conscience que l’Allemagne n’est plus à l’abri des problèmes qu’elle dénonce chez ses voisins puisque même elle ne trouve plus preneur pour ses emprunts.
Comme la Grèce, l’Irlande et compagnie.

Bienvenu au club rigolent les PIIGS.

2) Cette prise de conscience pourrait amener les Allemands à se montrer plus flexibles pour la création d’eurobonds où de quelque chose d’approchant même si le nom qu’on leur donnera ne sera pas le même. Où permettre à la BCE de monétiser les dettes des états membres, ce qui reviendra à pratiquer un « quantitative easing » à la sauce européenne, ce qui signifie une perte de valeur de l’euro à terme à cause d’une inflation qui pourrait devenir galopante ; cette dernière aurait l’avantage néanmoins de réduire les dettes des états par la même occasion tout en assassinant tous ceux qui détiennent des assurances vie où les retraités dont les économies se feront dévorer par la dite inflation.

3) Il est bien possible que ce qui s’est passé ce matin ne soit qu’un prélude à une attitude générale du marché envers les dettes souveraines en général. C’est-à-dire que cela pourrait refléter la prise de conscience soudaine par le marché et les banques (il faut dire qu’ils furent lents à la détente!) que même les dettes souveraines réputées les plus sûres ne le sont pas plus que celles de la Grèce. En d’autre terme les états pourraient bien ne plus trouver d’acheteurs pour leurs emprunts respectifs beaucoup plus rapidement qu’attendu, le marché ayant enfin réalisé que pas un des états notés AAA ne remboursera ses dettes de manière honnête. Ce qui veut dire que tout prêteur ne reverra jamais l’intégralité de son prêt ; une partie seulement s’il a de la chance, comme c’est le cas désormais avec la Grèce (50%). Et cela concerne les USA également même si dans un premier temps certains investisseurs croient toujours trouver refuge dans les bonds du Trésor. Mais il est probable que cela ne dure pas.

Dans ces conditions on peut comprendre que les prêteurs potentiels ne veuillent plus prêter un centime aux états dont ils savent désormais qu’ils sont insolvables. Pourquoi prêter quoi que ce soit à quelqu’un dont on sait à l’avance qu’il ne nous remboursera jamais ? Et dans ce cas les taux ne seront jamais plus assez élevé pour tenter le chaland.

A notre avis il y a deux hypothèses aux conséquences de cette affaire des bunds allemands :
- soit cela pourrait donner des armes à ceux (Allemands) qui veulent sortir l’Allemagne de la zone euro.
- soit, au contraire, cela pourrait bien précipiter une réaction de l’Allemagne en faveur de ce que veulent certains des ses partenaires européens à corps et à cris depuis des semaines quitte à lâcher du leste sur ses principes d'orthodoxie budgétaire : impression monétaire massive pour sauver l’euro par la BCE où création d'euro-bonds, où les deux.

Nous penchons pour la dernière hypothèse car nous ne croyons pas à la première, bien que rien ne soit à écarter par les temps qui courent.
La dernière hypothèse permettrait-elle de sauver quoi que ce soit ? A moyen-long terme certainement pas mais à court terme cela permettrait de gagner du temps avant un probable renforcement de l’intégration de la zone euro, où en tout cas d’une partie de ses membres Cela se fera t’il au détriment de la discipline budgétaire à laquelle s’accrochait hier encore Angela Merkel avec raison ? Nous verrons. Tout dépendra de l’étendue du traumatisme infligé aux Allemands par cet échec de leur emprunt de ce matin.

Quant à savoir si un renforcement de l’intégration de la zone euro, où de certains de ses membres entre eux est souhaitable, c’est une autre affaire sur laquelle nous reviendrons.
Quoi qu'il en soit nous parions que cette affaire des bunds allemands constituera le point de départ d'une nouvelle page dans l'histoire de l'Europe.

Pour le moment tout le monde est content à Cochon sur Terre, le meilleur des mondes.

mercredi 16 novembre 2011

Diane Airbus, rétrospective, musée du Jeu de Paume, jusqu’au 5 février 2012.

Par Jean Seymour.

L’été indien est bel et bien fini. Rendez-vous au jardin des Tuileries en passant par la place de la Concorde ; mettez-vous au pied de l’obélisque, et malgré les fontaines louis-philipparde, admirez ses proportions, jouissez de son équilibre, gorgez-vous des perspectives qu’elle vous offre généreusement ; vous êtes « au centre du monde » comme l’écrivait Roger Nimier (même si lui parlait de la place Pereire).

Une fois que vous aurez pénétré dans le jardin des Tuileries, montez au Jeu de Paume, à gauche. Le sol n’est plus en parquet comme jadis, il n’y a plus de filet, non, mais il est dur comme celui d’un ring de boxe avec des cordes sur lesquelles sont accrochées des photographies en noir et blanc. Car c’est sur un ring que Diane Arbus (New-York, 1923-1971) nous invite à monter : celui des âmes damnées de l’Amérique.
La photographe ne s’intéresse pas aux vainqueurs de la prospérité, mais aux autres, aux irréguliers, aux travestis, aux contorsionnistes, aux nains, aux handicapés, aux trisomiques - invitée par la fédération des handicapés d’Amérique, ce sont les seules photographies de l’exposition sans titre, tout un symbole, ce fut également son dernier reportage, après elle se suicida.
Et comme vous êtes sur un ring, à chaque fois que vous vous retrouverez devant l’une des 200 photographies, vous recevrez un coup ou un appel, c’est selon ; mais en aucun cas cela ne sera une promenade ; votre visite sera un combat contre l’humanité, contre des visages et des corps déglingués qui ne cesseront de vous interpeller, un combat contre la photographe que vous accuserez de voyeurisme.
Au milieu des photos coup de poing surgiront des portraits de gens « normaux », parfois célèbres (Norman Mailer, Jorge Luis Borges, Marcello Mastroianni), mais en est-on si sûr ? Car tous sont emportés dans ce grand magma américain, cette civilisation de la matière ; elle n’oublie jamais de nous le rappeler avec ces petits drapeaux à la bannière étoilée qui ressurgissent dans les décors, et agissent comme des marqueurs : « made in America » ou la promesse d’un bonheur terrestre à tout prix, même dans les situations les plus misérables.
Dans l’ultime partie de l’exposition vous trouverez des citations de Diane Arbus aux murs, intelligentes, profondes, elles éclaireront vos pensées, ses photos ; il y a également des cahiers, des journaux, son agenda, enfin tout un tas de pièces à conviction de sa vie, de son chemin, de sa profonde honnêteté, de ses recherches et de ses souffrances.
Vous aurez alors compris qu’elle nous adresse une longue prière, la sienne, que personne, qu’aucune église, croyance ne peut revendiquer ; et cette prière raconte l’histoire d’une humanité que nous croisons tous les jours, qui nous tend les bras, non pas pour faire la manche ou susciter chez nous de la compassion, non, Diane Arbus nous dit simplement de les regarder, de leur sourire, parce qu’ils sont vivants.
Redescendez dans le jardin des Tuileries, marchez ; admirez l’architecture des allées, la beauté de l’alignement des arbres ; faite le tour du grand bassin, observez les parisiens, repensez aux personnages de Diane Arbus ; croisez le regard du Louvre, puis rejoignez les arcades de la rue de Rivoli et marchez jusqu’au salon de thé Angelina – pour y déguster un chocolat onctueux naturellement, le reste serait une hérésie.
Après, rendez-vous au musée de l’Orangerie où vous attendent des tableaux, un chef d’œuvre et une exposition. Je vous en parlerai dans ma prochaine chronique. Vive l’art !

dimanche 13 novembre 2011

Que se passe t'il au juste ?

Décidément çà devient une manie : avez-vous remarqué, chers lecteurs, que nos politiciens bien aimés nous sauvent désormais de l’enfer à peu prés chaque semaine qui passe.
Nous pouvons imaginer sans peine le travail que cela leur donne !
Nous en convenons volontiers, ici à la Chronique de Cochon sur Terre : ce doit être épuisant, quel métier de chiens ! Mais, semble t’il, le pouvoir, où plutôt son illusion, doit en valoir la chandelle puisque personne ne démissionne volontairement, même dans les situations les plus désespérées...
Comme celle dans laquelle nous nous trouvons par exemple.

Il suffit de voir comment Papandréou s’est accroché à son fauteuil alors que sa situation, sans parler de celle de son pays, n’était guère enviable pour quelqu’un de normal ; quelqu’un comme vous par exemple, chers lecteurs.
Voyons le cirque italien comme autre exemple ; M. Berlusconi qui eut tant de mal à quitter son poste bien qu’il en ait eu l’usage pendant huit ans consécutifs.
Mais ne croyez pas qu’ils soient les seuls ainsi. Leurs camarades de promotion, comme l’ex sauveur de l’humanité par exemple, agiraient de même s’ils se trouvaient dans la même situation. Ne vous inquiétez pas pour autant, chers lecteurs, leur heure vient également, inéluctablement.

Le plus fascinant c’est que ceux qui pourraient attendre tranquillement la fin de leur mandat pour décider de ne pas se représenter et quitter la scène de manière honorable n’y songent même pas. Non seulement il ne leur vient pas à l’esprit qu’ils pourraient ne pas postuler à nouveau pour le poste qu’ils occupent déjà, mais rester à leur poste est leur seule et unique obsession.
Voyez tous ces politiciens bien aimés qui doivent faire face à de nouvelles élections l’année prochaine ; ils devraient connaître parfaitement la difficulté de la situation qu’ils auront à gérer mais tous préfèrent se retrouver à nouveau aux postes de commandes malgré le chaos qui s’étend de plus en plus inexorablement, en partie à cause de leur propre incompétence d’ailleurs mais pas exclusivement, soyons honnêtes. Pourtant la perspective de faire face à une situation si catastrophique ne semble pas les effrayer.

Nous pourrions nous poser la question de savoir s’ils sont bien conscients de ce qui se passe.

A notre avis, non.
Où tout au moins ils ne sont certainement pas conscients de l’ampleur du désastre qui menace de tout emporter. En revanche il semble bien que les dirigeants russes où chinois soient, eux, un peu plus au fait de ce qui est en train de se produire. Il suffit de voir avec quels soins ces deux derniers gouvernements prennent la peine de préparer le renouvellement de leurs équipes dirigeantes l’année prochaine ; il suffit de voir combien ils se sont assurés de l’avenir en maintenant une stabilité politique pour leur pays.
Bien sûr nous pouvons toujours écouter nos braves « indignés » occidentaux critiquer le manque de « démokratie » et bla bla bla... Mais ces derniers préfèrent leurs dogmes où leurs superstitions politiques à leur pays où à leurs concitoyens. Ils préfèrent l’illusion à la réalité. Il est vrai que cette dernière est assez terrible et que leur idéologie de bobos humanitaristes leur permet de l’évacuer ; pour un temps seulement. Le problème est que plus la réalité sera occultée longtemps plus elle s’imposera avec violence et plus ce sera dur pour les populations : vous et nous tous, chers lecteurs.

Mais qu’importe pour ces idéologues de cafés du commerce !
Qu’importe pour ces philosophes en chambre qui déraillent dans l’abstraction la plus complète !
Qu’importe pour ces as de la virtualité que la situation sur le terrain ne correspondent pas à leurs petits fantasmes de midinettes bobos !
Laissons les donc dans leurs coins avec leurs idées fumeuses et posons-nous la question :

Que se passe t’il, chers lecteurs ? (Relire à ce propos notre post du 24.04.2011)

Il y a deux réponses à cette question : l’une communément entendue dans les salons où l’on cause et une autre que l’on n’entend pas. Où rarement. L’une est parfaitement superficielle car elle reste dans le cadre idéologique toujours dominant mais complètement vermoulu qui s’écroule de toute part. L’autre, réaliste, part du principe que ce cadre idéologique a déjà volé en éclat et que rien de concret ni de valable ne pourra se faire sans prendre en compte cette réalité : le monde que nous connaissions jusqu’à hier est en train de disparaitre sous nos yeux.

1) La première réponse est banale et sans intérêt mais d’une certaine manière elle est rassurante car elle fait croire que nous restons dans le cadre bien connu dans lequel nous évoluons depuis trois siècles. La réponse en question tient en peu de mots : elle consiste à nous persuader que l’équilibre du monde est en train de passer de l’Ouest à l’Est, où plutôt de l’Occident à l’Asie. Cela signifierait que les Occidentaux seraient en train de perdre leur hégémonie au profit des puissances dîtes émergentes. Où dans le meilleur des cas que le déséquilibre en question sest en train de se réduire gentiment au profit de l’Inde, de la Chine, du Brésil etc... Ce qui signifie implicitement que tout pourra continuer comme avant mais ailleurs ; c’est à dire que la poursuite effrénée de la croissance à n’importe quel prix est toujours d’actualité mais qu’au lieu de la rechercher en Occident il suffira de se délocaliser en Orient pour continuer à engranger les profits auxquels nous avons droits et qui sont le but ultime de la présence de l’homme sur terre : l’accumulation illimitée de biens matériels comme condition nécessaire et suffisante de son épanouissement.
2) La seconde réponse est beaucoup moins réjouissante puisqu’elle implique une véritable révolution des esprits et des comportements qui mènera à la destruction complète du système que nous connaissons aujourd’hui (où l’inverse). Cela signifie non seulement la fin de la société de consommation mais aussi la prise en compte de cette réalité physique inéluctable qui est la disparition accélérée des matières premières non renouvelables. Toute réflexion sur les conditions de possibilités d’existence d’une communauté humaine viable à long terme sur cette planète, où pour le dire autrement toute réflexion sur les conditions nécessaires pour éviter l’extinction de l’espèce humaine, ne peut pas occulter cette réalité tragique dans tous les sens du terme.

Voilà où nous en sommes aujourd’hui.
Voilà ce que bien peu d’individus osent évoquer.
Pourtant la véritable question est belle et bien celle de la survie de l’espèce en tant que telle à moyen terme.
Nous sommes au bord du précipice.
Pourquoi ? Car le monde dans lequel nous survivons est basé sur des prémisses économiques fausses.
Qu’est-ce à dire ?

Toutes les théories économiques inventées depuis deux siècles, qu’elles soient libérales, marxistes où autre, partent d’un postulat de base erroné, à savoir que l’économie fonctionne en circuit fermé. Notez bien que c’est précisément ce qui permettait d’affirmer que ces systèmes pouvaient fonctionner indéfiniment. Le problème est que tout cela est complètement faux et que c’est justement ce qui est en train de se rappeler à notre bon souvenir aujourd’hui. Car c’est bien parce-que nos théories économiques étaient biaisées dés le départ que notre monde est en train de s’écrouler. En effet une économie ne fonctionne pas en circuit fermé pour la simple est bonne raison qu’elle a besoin d’apports extérieurs pour fonctionner. Quels sont-ils ? Les matières premières bien sûr, incluant l’énergie. Or c’est précisément le coût artificiellement négligeable de l’extraction et de l’utilisation de l’énergie fossile de la seconde moitié du XIX eme jusqu’au début des années 70 qui nous a permis non seulement d’extraire à moindre coût ces matières premières dont nous avions besoin mais aussi de créer le monde artificiel et hautement vulnérable qui est le nôtre aujourd’hui. Ces coûts négligeables ont engendré une consommation d’énergie et de matières premières exacerbée, comme si ces dernières existaient en quantités illimitées. Or depuis l’augmentation du prix du pétrole dues à la prise de conscience de sa rareté et à la difficulté de plus en plus grande et de plus en plus coûteuse à l’extraire, notre économie bien aimée s’est grippée sérieusement. Et désormais il s’agit non seulement du pétrole et de l’énergie en général mais aussi des matières premières non renouvelables qui deviennent de plus en plus rares et de plus en plus coûteuse à extraire, rendant de plus en plus chères les marchandises produites à partir de leur transformation.
C’est pour cette raison que notre monde basé sur le coût négligeable de l’énergie fossile, entraînant le bas coût de tout le reste, est en train de s’écrouler. Car désormais, et quoi qu’on fasse, nous sommes condamnés à devoir payer de plus en plus cher ce que l’on appelle « les fondamentaux » sans lesquels nous ne pouvons rien faire.

Nos politiciens agissent pourtant comme si tout pouvait continuer « ad vitam aeternam » ; tous se comportent comme si l’extension de la société de consommation et son processus destructeur pouvait se poursuivre de manière illimitée ; aucun ne se pose la question de savoir si la société de consommation est viable en elle-même ; personne ne se demande si l’accroissement toujours plus poussé de la consommation pour un nombre de gens toujours plus grand est seulement envisageable compte tenu du fait que nous nous trouvons face à l’épuisement des énergies fossile et des matières premières non renouvelable, c’est à dire qui disparaissent inéluctablement au fur et à mesure qu’on les utilise sans aucune possibilité de les remplacer par quoi que ce soit, alors qu’elles sont indispensables au fonctionnement du système économique lui-même.

C’est cette prise de conscience qui est désormais indispensable afin de pouvoir envisager et imaginer les conditions nécessaires, dans un avenir proche, à la survie de l’espèce humaine dans les conditions les moins catastrophiques possibles. C’est à cela que l’humanité devrait travailler dés aujourd’hui. Malheureusement ce n’est pas le cas comme on sait. A tout le moins ce n’est pas le cas au niveau des gouvernements qui tous font leur possible pour perpétuer le système actuel pourtant déjà mort.
Est-ce par manque d’imagination ? Croient-ils qu’en dehors du système il n’y a point de salut ?
C’est à craindre.

Mais vous, chers lecteurs, avez-vous bien conscience de ce qui se passe aujourd’hui ?
Etes-vous bien conscient que le système que vous avez connu jusqu’à maintenant est déjà mort en dépit de sa mise sous réanimation artificielle par nos banques centrales et nos gouvernants bien-aimés ?
Avez-vous bien conscience que le « niveau de vie » qui est le nôtre est condamné à très court terme ?
Avez-vous bien conscience que si nous n’agissons pas maintenant pour préparer autant que faire se peut la transition ce sera le chaos général ?

Dernière question : êtes-vous prêts à remettre en cause votre situation d’aujourd’hui pour préparer celle qui sera demain la vôtre ; et après-demain celle de vos descendants ?

Si votre réponse est non à toutes ces questions, où uniquement à la dernière d’entre elles, alors, chers lecteurs, nous ne pouvons pas en vouloir à nos politiciens bien aimés de leur aveuglement ; car leur déni de la réalité n’est que le reflet du vôtre. C’est pour cette raison qu’il y a toutes les raisons les plus valables pour que nous finissions de la même manière que les habitants de l’île de Pâques.

Mais pour le moment tout le monde est content à Cochon sur Terre, le meilleur des mondes.

mardi 8 novembre 2011

Iran : la menace ne vient pas d'où on pourrait le croire.

Le 9 Novembre l’AIEA doit rendre son rapport sur l’Iran et son soit-disant programme nucléaire.
En réalité Yukiya Amano, le directeur de l’AIEA le rendra aujourd’hui.
Mais pas à Vienne aux membres de l’AIEA.
A Washington dont on disait depuis longtemps qu’il était le client ; c’est-à-dire depuis le départ de son prédécesseur Baradei et les révélations de wikileaks à ce sujet. Et c’est bien évidemment pour cette raison qu’il fût nommé au poste qu’il occupe actuellement. Il est donc aux ordres de Washington à qui il fait un rapport en avant première afin de déterminer ce qu’il lui faudra dire où non en fonction des desiderata de l’administration Obama, elle-même sous intense pression de la part du lobby israélien (l’AIPAC), des néo-conservateurs et des pays du Golfe, Arabie Saoudite en tête.

Effectivement depuis quelques semaines nous pouvons entendre le son des tambours rouler d’un côté à l’autre de l’Atlantique, et même jusqu’au fond de la Méditerranée.
Et pour cause.
La propagande fût savamment mise au point, une campagne de désinformation de plus en plus présente et insistante jusqu’à la menace suprême : la guerre. Bien entendu tout cela a pour but de conditionner les esprits (c’est facile ils sont si faibles et si prêts à croire...) afin que le rapport de l’AIEA, et ce quel que soit la qualité de son contenu, puisse être travesti de la manière voulue par les lobbyes.

Nous avons donc eu droit à tout :
- les essais de missiles balistiques israéliens à longue portée (lisez : capables d’atteindre l’Iran),
- les manoeuvres aériennes conjointes de l’aviation israélienne sur une base de l'Otan en Sardaigne (lisez : opération de longue distance pour bombarder des installations nucléaires, iraniennes par exemple).
- Puis nous avons eu la fiction de l’attentat contre l’Ambassadeur d’Arabie Saoudite à Washington, dont on n’entend plus parler en raison du scepticisme général (à part Cameron bien sûr et quelques autres caniches appointés) qui accueillit cette affaire ridicule.
- Ensuite de quoi il y eut les « fuites » organisées qui se répandirent dans la presse israélienne selon lesquelles le gouvernement se serait mis d’accord pour attaquer des sites nucléaires iraniens, « préventivement » bien entendu et par « souci humanitaire » comme il se doit. A cette occasion nous fûmes informés qu’il n’y avait plus d’opposition au sein du cabinet pour une attaque préventive contre l’Iran.
- Puis il y eut la fausse grosse colère de Bibi à propos des dîtes « fuites » et sa demande qu’une enquête soit entreprise à ce propos.
- Enfin on nous fait maintenant savoir, de Washington cette fois et sous le sceau de l’anonymat le plus strict bien sûr, que l’administration US craint qu’Israël n’attaque l’Iran sans demander la permission à Washington.
En effet avec tout l’argent que les USA donnent à Israël depuis des décennies, tout le mal qu’ils se donnent pour lui faire plaisir en toute circonstance, le tout aux dépends de leurs propres intérêts, ce ne serait vraiment pas gentil de la part des Israéliens ; et puis c’est bien connu que les USA sont tout à fait démunis pour forcer les Israéliens à faire ce qu’ils veulent qu’ils fassent où
non.

Désormais, chers lecteurs, le suspense est à son comble, nos coeurs battent la chamade à force d’angoisse ; l’univers tout entier attend le rapport de l’AIEA qui, nous le savons tous, nous révélera, ô horreur insoutenable, que l’Iran est sur le point d’avoir la bombe !
Qui l’eût cru ?
Personne.
Même pas la CIA dont le rapport sur les activités nucléaires iraniennes déclare formellement que les iraniens ont cessé toutes activités de recherches nucléaires militaires en 2003 ( à ce propos lisez l’article de Seymour Hersh dans le New-Yorker du 6 Juin 2011 ici).

Mais peu importe aux extrémistes au pouvoir à Tel-Aviv que le rapport soit favorable où pas. L’essentiel est de préparer les esprits comme cela fût fait pour l’Afghanistan, l’Irak, la Libye, peut-être la Syrie demain et l’Iran après-demain. Car le but de Bibi et compagnie, comme des saoudiens et autre compagnie du Golfe, le but donc est de faire faire le sale travail aux USA à leur place. Pour une raison toute simple : ils ne peuvent pas le faire eux-mêmes, ni les Israéliens ni les états du golfe. Où alors de manière bâclée ce qui serait pire que tout.

Le moment est bien choisi : on entre dans une année de campagne électorale, année de toutes les faiblesses des politiciens made in US, particulièrement les présidents qui veulent se faire réélire. C’est en cela que le lobby israélien AIPAC est remarquablement efficace puisqu’il ne manque jamais de rappeler aux candidats combien il peut leur donner où pas pour leur campagne, en fonction de leur politique étrangère accommodante pour Israël où non.
Cette année la campagne électorale s’annonce une des plus chère de l’histoire des USA, celle d’Obama plus que n’importe quelle autre parait-il. Les contributions de l’AIPAC seront donc les bienvenues, et ce d’autant plus que les premiers sacro-saints sondages montrent Romney gagnants contre le futur ex sauveur de l’humanité...

La première étape est donc de préparer les esprits pour renforcer les sanctions contre l’Iran à l’occasion de la remise du rapport de l’AIEA. Un espoir reste que ces sanctions fasse tomber le régime iranien, ce qui est peu probable étant donné les brillants résultats que ce genre de tactiques ont donné par le passé : Cuba, Irak etc... Plus sûrement les sanctions sont le prélude à la guerre comme l’a rappelé Ron Paul à la Chambre des Représentants alors qu’il contestait la nouvelle loi (HR1905) scélérate contre l’Iran sur le point d’être passée (Nous vous recommandons, chers lecteurs la lecture de cet article pour vous rendre compte de la folie de ce qui se passe au Congrès US : ici ).

Sanctions do not work. They are precursors to war and usually lead to war. They undermine our economy and our national security. They result in terrible, unnecessary suffering among the civilian population in the target countries and rarely even inconvenience their leaders. We must change our foreign policy from one of interventionism and confrontation to cooperation and diplomacy. This race to war against Iran is foolhardy and dangerous. As with the war on Iraq, the arguments for further aggression and war on Iran are based on manipulations and untruths. We need to learn our lesson and reject this legislation and the push for war (ici).
(Sources : Rep Ron Paul - Statement on Mark-up of HR 1905, the Iran Threat Reduction Act of 2011 - House Foreign Affairs Committee - 2 Nov 2011)

Le rapport de l’AIEA ne montre absolument rien de convainquant sauf pour ceux qui veulent prendre des vessies pour des lanternes, ainsi que le dit Jason Ditz :

But the reality is, the “evidence” leaked so far appears fairly minimal even as it is being touted as particualrly damning. Reports will allege that Iran has conducted some computer simulations of nuclear explosions.
The physical evidence, to the extent it can be called that, are a “large steel container” at a military base outside of Tehran which is believed to have been used for high explosive testing.

Which might conceivably have something to do with a nuclear weapon, but since the container is on the base used for research into explosives and missiles, might also be totally unrelated to anything but conventional weaponry.
(Sources : Jason Ditz - 6 Nov 2011)

On se souvient des fameux camions irakiens dont Powell montra les photos comme preuve que Saddam avait la bombe un peu à la manière des missiles à Cuba en 1962. Sauf que les fameux camions n’avaient strictement rien à voir avec quoi que ce soit touchant à un quelconque programme nucléaire. Aujourd’hui on recommence avec un container se trouvant sur une base dont la présence alimente les spéculations les plus folles.
Rien ne change, chers lecteurs, tout recommence sans arrêt car si l’histoire ne se répète pas elle bégaie souvent...

Aux USA les relais d’Israël sont sur le pont pour effrayer la populace de Washington par la menace d’une attaque unilatérale d’Israël sur l’Iran. Le message subliminal destinés aux USA serait donc : si vous ne faites rien nous le ferons et cela vous forcera à intervenir car nous n’avons pas les moyens de faire le travail correctement.
C’est ce que déclara Meir Dagan, l’ex fameux chef du Mossad en Mai dernier :

Dagan emphasized that attacking Iran would be different than Israel's successful air strike on Iraq's nuclear reactor in 1981. Iran has scattered its nuclear facilities in different places around the country, he said, which would make it difficult for Israel to launch an effective attack.

The IAF's abilities are not in doubt, Dagan emphasized, but the doubts relate to the possibilities of completing the mission and reaching all targets.
(Sources : Haaretz - Meir Dagan - 7 Mai 2011)

A la question de savoir ce que cela provoquerait Meir Dagan répondit:

When asked about what would happen in the aftermath of an Israeli attack Dagan said that: "It will be followed by a war with Iran. It is the kind of thing where we know how it starts, but not how it will end."

The Iranians have the capability to fire rockets at Israel for a period of months, and Hizbollah could fire tens of thousands of grad rockets and hundreds of long-range missiles, he said.

At the same time, Tehran can activate Hamas, and there is also a danger that Syria will join the war, Dagan added.
(Sources : Haaretz - Meir Dagan - 7 Mai 2011)


Mais si les Israéliens bombardaient une où plusieurs bases iraniennes tout le Moyen-Orient s’embraserait et le détroit d’Ormuz serait fermé en quelques heures ce qui provoquerait une hausse du prix du pétrole vertigineuse engendrant l’effondrement de toute l’économie mondiale déjà bien mal en point.
De plus si les pays du GCC s’imaginent qu’une guerre leur permettrait de régler à leur avantage le problème de leurs populations shiites, ils font une très lourde erreur qui pourraient leur coûter le pouvoir. Et nous ne parlerons pas des conséquences en Irak où l’influence iranienne est déjà très forte.
Contrairement à ce que les régimes sunnis pourraient croire il n’est pas du tout assuré non plus qu’une guerre provoquerait une union de tous les sunnis contre les shiites. En tout cas nous ne prendrions pas les paris sur ce point en Egypte par exemple. La réaction pourrait bien être une solidarité renforcée des populations musulmanes avec les iraniens attaqués par les Israéliens et/où les USA...

De toute manière cela provoquerait un chaos indescriptible aux conséquences catastrophiques pour tout le monde. Un autre ancien chef du Mossad, Hephraim Halevy, n’a pas hésité à proclamer haut et fort que l’Iran ne posait pas de menace existentielle à Israël mais qu’en revanche la menace existentielle pour Israël provenait de l’intérieur du pays lui-même :

“The State of Israel cannot be destroyed,” he told Ynet on Friday. “An attack on Iran could affect not only Israel, but the entire region for 100 years.”

The former head of the Israeli secret service said Thursday during an army boarding school reunion that while Iran should be prevented from becoming a nuclear power, its capabilities are still "far from posing an existential threat to Israel."

"The growing haredi radicalization poses a bigger risk than Ahmadinejad," Halevy said, adding that "the ultra-Orthodox extremism has darkened our lives."
(Sources : Ephraim Halévy ex chef du Mossad 1998-2002)

Halevy met en cause le danger que posent les ultra orthodoxe extrémistes qui gouvernent Israël et qui ont pris une importance politique démesurée dans ce pays depuis plusieurs années maintenant. Nous pourrions comparer ces gens-là avec les fondamentalistes chrétiens aux USA : même combat, même folie.

Alors guerre où pas guerre ?

Nous n'en savons rien dans la mesure où tout est possible lorsque l'on a affaire à des cervelles brulées. Mais il y a deux points néanmoins que l'on peut souligner et qui tempéreraient nos inquiétudes :

- Il y a une forte opposition à ces ardeurs guerrières à la fois au sein des services de sécurité israéliens et au sein de l'armée US
- Il est également fort possible que ces bruits de sabre et ces cris de guerre ne soient qu'une opération de guerre psychologique de plus pour parvenir à obtenir le vote de nouvelles sanctions à l'ONU à la suite de la publication du rapport de l'AIEA.

Cela dit s’il y a une menace réelle elle ne provient donc pas de l’Iran. Elle a pour origine une bande d'extrémistes à l'intérieur même d’Israël dont les cervelles mal irriguées sont influencées par une histoire vieille de 2000 ans : cette histoire est celle de Massada, et elle ne s’est pas bien terminée (ici).

Mais pour le moment tout le monde est content à Cochon sur Terre, le meilleur des mondes.