lundi 8 février 2010

The National Tea Party Convention: le début du commencement ?

La Convention Nationale du Tea Party Movement, où du « mad as hell movement », a pris fin. Elle n’a duré que quelques jours mais elle a fait couler beaucoup d’encre, elle a suscité d’intenses débats et a provoqué quelques crises de nerf en prime.

Certains annonçait le début de la fin du mouvement, c’est à dire sa capture par le parti républicain, d’autres soulignaient à l‘envi la disparité des membres du mouvement, d’autres encore le manque d’objectifs clairs et précis propres à mobiliser les membres en vue d’une prise de pouvoir; on entendit également l’absence de figures emblématiques pour diriger ce mouvement. Bref le mouvement paraissait à certains en passe de s'essouffler et ils s’imaginaient que Nashville serait sa tombe.


Aujourd’hui la poussière retombe lentement sur ces trois jours au cours duquel s’est tenu cette convention du Tea Party.

Qu’en dire ?

Tout d’abord il faut souligner que le Tea Party Movement n’est pas un parti politique. Il n’en n’a ni la structure, ni la hiérarchie, ni le programme, ni peut-être même la volonté comme on peut l’entendre si souvent. En tout cas ces membres sont décidés à ne pas se faire « récupérer » par les deux grands partis nationaux. Il est d’ailleurs certain que les membres du « mad as hell party » viennent aussi bien du parti républicain que du parti démocrate mais aussi de nulle part si l’on peut dire; c’est à dire qu’ils n’étaient affiliés à nul parti politique jusqu’à maintenant et que soudain ils ont sauté le pas avec le Tea Party; précisément parce que ce n’était pas un parti politique; précisément parce qu’il n’était pas aux mains de l’establishment washingtonien; précisément parce qu’il venait de gens comme eux ayant les mêmes problèmes qu’eux et ne sachant comment se faire entendre. Le Tea Party leur a donné soudain l’occasion de faire entendre leur colère sans que celle-ci ne soit amoindrie où récupérée par les politiciens.


Le « mad as hell party » est donc avant tout un mouvement, un courant de fond qui traverse toute la société américaine, et à ce titre ceux qui prédisent la fin de ce mouvement parce-qu’il n’est pas un parti, ceux-ci se trompent. Ils se trompent car d’une part ils sous-estiment la force de ce courant; ils se trompent car ils raisonnent en terme de structure alors qu’il s’agit avant tout d’une perception d’une situation qui ne fait qu’empirer et qui alimente l’inquiétude, donc une affaire de psychologie; ils se trompent enfin car ils sous-estiment dangereusement la gravité de la situation dans laquelle se trouve le pays aujourd’hui, et surtout la gravité de la situation dans laquelle se trouvera le pays demain et après-demain. Et les Tea Partiers, eux, ne la sous-estiment pas, bien au contraire; c’est d’ailleurs pour cette raison qu’ils étaient à Nashville ce week-end.


Ils se trompent encore et surtout car ils ont une vision fausse de la Crise qui secoue le pays et ce que Cochon sur Terre nomme, sans aucune ironie bien sûr, notre «civilisation ». Ils croient encore que nous traversons une simple crise qui se résorbera par magie, grâce à Hélicopter Ben par exemple, et que tout reviendra comme « avant ».

Erreur, rien ne sera jamais plus comme « avant ».

Et c’est ce que sentent confusément les « Tea Partiers », comme nombre d’autres. C’est pour cette raison que ce mouvement ne s'arrêtera plus; où pour être plus précis le courant qui sous-tend ce mouvement de contestation sera amené dans les prochains mois à gonfler de plus en plus, alimenté par les retombées de l’approfondissement de la crise engendrant une prise de conscience de plus en plus aiguë par la population de l’incapacité de l’establishment à résoudre quoi que ce soit.


Que le mouvement change de nom, qu’il y ait des ruptures entre ses membres, qu’il y ait des désaccords et des querelles, certes. Et puis quoi ? Qu’on n’aille pas nous faire croire que ce serait la première fois que cela arrive ! Il suffit d’ailleurs pour s’en convaincre de se pencher sur l’acte de naissance plus que laborieux de la constitution américaine... C’est le flot général qui est important pas tel où tel courant parmi la multitude qui le constitue; peu importe les appellations diverses dont ce flot général sera couvert au fur et à mesure de son évolution, c’est à dire à mesure de l’élimination successive de chaque faction jusqu’au jour où l’une d’entre elle finira par prendre le dessus et restera seule dans l’histoire comme l’aboutissement inéluctable de tout le processus. A postériori, comme d’habitude, alors que rien n’est jamais décidé en particulier et surtout que ce n’est pas forcément le plus souhaitable qui se réalise. Mais pour le moment le mécontentement sert de catalyseur aux membres du Tea Party Movement qui sont au moins d’accord sur cinq points principaux :


Mr. Skoda said the Ensuring Liberty PAC would choose candidates based on their fidelity to what he called the “first principles”: less government, fiscal responsibility, lower taxes, states rights and national security. (Sources: NYT - 5 February 2010)


D’autres sont parvenus au pouvoir avec moins que cela en poche ! Mais ces cinq «first principles» ont tous en commun une seule et même cible: l’état fédéral, c’est à dire Washington et tout ce qui y est associé, y compris les banques et les lobbys, le Congrès et Obama. C’est sur cette base décrite plus haut (les « first principles ») que fut décidé de soutenir la candidature de vingt candidats aux prochaines élections de Novembre, vingt candidats ayant fait leurs ces «principles» sans se préoccuper de savoir s’ils étaient Démocrate où Républicain. L’essentiel restant que ces «principles» puissent être vigoureusement promus au Congrès et dans les Etats Fédérés.

C’est un début mais il est bien possible que ce ne soit que le début du commencement d’une «révolution».


C’est ce que Sarah Palin, ancien gouverneur de l’Alaska et ancien colistier de Mc Cain en 2008, a déclaré dans son discours Samedi soir: « America is ready for a revolution ». Sarah Palin dont la venue a fait couler beaucoup d’encre et a dérangé beaucoup d’esprits sensibles. Mais elle est venue, et non seulement elle est venue mais elle a parlé, longuement, près de 45 minutes, pour ensuite être interrogée pendant dix minutes de plus par un bonhomme de Fox News.

Voici le lien afin de pouvoir écouter l’intégralité du discours de Sarah Palin, ce qui est indispensable si l’on veut se faire une idée par soi-même de ce qu’elle a dit et dans quel contexte:


www.latimesblogs.latimes.com/washington/2010/02/sarah-palin-tea-party-speech-video.html


En écoutant ce discours une chose surprend: Mme Palin n’a pratiquement pas prononcé le mot «républicain» mais elle n’a pas cessé d’employer le mot «conservateur». C’est évidemment très habile. Cela prendra t’il auprès des Tea Partiers venant du côté démocrate ? Si la situation s’aggrave, ce qui est prévisible, il est certain que pour un temps les points communs l’emporteront sur les différences, c’est à dire la colère sur la réflexion, la peur sur le bon sens. D’où les «first principles» sur lesquels Mme Palin a insisté puisque c’est ce qui rassemble tout le monde. Dans cette veine il y eut beaucoup de sarcasmes sur Obama et sa politique, où plutôt son absence de politique. Où encore l’insistance sur le sempiternel besoin de «sécurité», où plutôt le «droit» à la sécurité, notamment grâce aux opérations militaires qu’elle voudrait plus vigoureuses et menées selon la phrase « We win, they lose ». Donc beaucoup de critiques mais peu de solutions concrètes.


Certains le soulignent à l’envi comme si cela pouvait empêcher quoi que ce soit, comme si cela pouvait constituer un handicap pour le développement du mouvement. Mais lorsque c’est la colère, et bientôt le désespoir, qui mènent la barque, l’absence de programme réel ne change rien. Quels sont les politiciens ayant un véritable programme à présenter pendant leur campagne électorale ? Et ne parlons même pas d’un programme réalisable; et encore moins d’un programme réalisé au terme du mandat en question... Alors non, l’absence de programme défini dans les détails ne constitue certainement pas un handicap. Les «first principles» sont amplement suffisants; et cela d’autant plus que ces derniers sont largement assez vagues pour donner toute latitude d’en faire ce que l’on voudra lorsque le pouvoir sera conquis, du plus modéré au plus extrême (Dans ce dernier cas souvenons-nous du professeur Panirin dont nous parlions le 19 Mars dernier dans notre rubrique Analyse: Le professeur Panirin est-il atteint de delirium tremens ?). Si pouvoir il y a un jour. Et puis ces « first principles » constituent, aussi flous soient-ils et quoi que l’establishment puisse en dire, probablement à l'aune des programmes mirifiquent qu’ils concoctent sur mesure à chaque campagne électorale, ces «first principles» constituent une base sérieuse pour une action politique d’envergure; car leur application nécessitera un vaste chambardement.

Voire une révolution.


Malgré tout il y a bien un point sur lequel, selon Mme Palin, il n’y aura aucun changement, et encore moins de révolution. Théoriquement en tout cas. Ce domaine c’est la sécurité et ce qui en découle: les opérations militaires tous azimuts afin d’assurer la survie du système. Selon Mme Palin il faudrait même les renforcer et donner au Pentagone tous les moyens nécessaires pour ce faire. Comme si ce n’était pas déjà le cas. Et dans ce domaine, comme dans les autres, on peut dire que la politique des administrations Busch et Obama est strictement la même.

Mais le point délicat de tout cela c’est qu’en maintenant la politique étrangère telle qu’elle est menée depuis des décennies à coup d’opérations militaires nécessitant des budgets d’armement de plus en plus gargantuesques et totalement hors de contrôle, cela rentre en conflit direct avec trois des « first principles » les plus importants, et indirectement avec les « states rights », à savoir:


  • less governement
  • lower taxes
  • fiscal responsbility


Avec un budget officiel de $740 billions et un budget réel d’environ $1000 billions uniquement pour les dépenses du Pentagone, c’est à dire près de 25% du budget total de l’Etat Fédéral (qui se montera à $3800 billions pour 2011 selon les prévisions de l’administration Obama) on ne voit pas très bien par quel miracle on pourrait équilibrer le budget fédéral en augmentant encore les dépenses militaires; on ne voit pas très bien par quel miracle on pourrait baisser les taxes ! Quant à la « fiscal responsability » mieux vaut l’oublier tout de suite...

Sur cette question des dépenses liées aux armement, où le budget du DOD si l’on préfère, l’attitude d’Obama est la même que celle de Busch où que celle de Palin, ainsi d’ailleurs que celle du Congrès et de l’establishment dans son ensemble. Il suffit pour s’en convaincre de voir avec quel consensus touchant le budget du DOD fût voté sans aucune discussion ni commentaire. Cela révèle bien une constante dans la vie politique américaine. C’est d’ailleurs pour cette raison que l’annonce démagogique faite par le Président Obama qu’il allait réduire le déficit budgétaire de l’Etat Fédéral sans toucher au budget du DOD n’a aucun sens. Proposer de réduire les dépenses de l’Etat de $250 billions ($1600 billions de déficit) alors qu’on en dépense $1000 pour un seul département sans en enlever un cent... Il y a quelque-chose d’étrange au royaume des comptables du gouvernement USA comme de la classe politique dans son ensemble.


En ce sens le discours de Sarah Plain montre la même schizophrénie que celle qui habite l’ensemble de la classe politique US et l’establishment en général. Ceci dit nous pouvons parier que cette schizophrénie n’aura pas le loisir de se reposer longtemps sur ses lauriers à cause de la pression de plus en plus forte de la Crise. En effet il n’est pas difficile d’imaginer qu’avec l’augmentation des contraintes financières, que ce soit dû la chute du dollar à terme, l’hyperinflation due à l’usage immodéré de la presse à billet où la déflation générale, il n’y aura plus aucune autre alternative envisageable. La réduction drastique des dépenses militaires est une précondition non négociable pour pouvoir appliquer les cinq «first principles ». Car sans accepter cela ceci n’est pas possible. Et lorsque le Tea Party Movement en prendra conscience il agira en fonction de cela, soyons-en sûrs.


La « révolution » de Sarah Palin, sans qu’elle s’en doute le moins du monde, consistera d’abord et avant tout à réduire les dépenses militaires: non pas de $250 billions mais de $500 billions, voire beaucoup plus par la force des choses puisque le déficit de l’Etat Fédéral est de l’ordre de $1600 billions et qu’on prévoit des déficit de cet ordre de grandeur pendant encore au moins dix ans... C’est ceci qui engendrera une transformation radicale, révolutionnaire on peut le dire, de toute la politique des USA, tant à l’intérieur qu’à l'extérieur; cela impliquera, entre autre, la fermeture des quelque 800 bases disséminées à travers le monde, avec toutes les conséquences politique que cela implique. Et c’est grâce à la Crise et à la pression de plus en plus insupportable qu’elle exercera sur les finances US, sans parler du reste, que la révolution dont parle Sarah Palin, sans savoir qu’elle ne sait pas de quoi elle parle car elle n’est pas révolutionnaire malgré son discours, cette révolution donc s’étendra toujours plus loin pour finir par enterrer ceux qui l’auront déclenché.

Comme à chaque fois.


Mme Palin a donc raison car la révolution, si elle advient, sera conservatrice où ne se fera pas; l’autre hypothèse étant l’anarchie et la dissolution de L’Union. Mais elle a tord car pour le moment l’Amerique n’y est pas encore prête. Cela vient, n’ayons crainte. Et il est certain que le Tea Party y a déjà pris sa part, d’une manière où d’une autre, sous un nom où un autre, peu importe, puisque c’est lui qui en aura donné l’impulsion première.

Le Tea Party Movement est révolutionnaires, certes, mais il ne sait pas encore à quel point il l’est; personne n’a encore conscience de l’ampleur de ce qui fût déclenché par l’apparition du Tea Party Movement sur la scène américaine. Et sa première convention ce we fût peut-être le début du commencement officiel de l’ouragan qui changera la face des USA tel que nous les connaissons aujourd’hui.

Pour le meilleur où pour le pire.




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