“The means of defense against foreign danger historically have become instruments of tyranny at home.”
L’auteur de cette phrase est James Madison, un des Founding Fathers et auteur de la Constitution des USA. A noter bien évidemmment que cette phrase ne s’applique pas uniquement aux USA mais à tout pays quel qu’il soit. Cela dit le vote de Jeudi soir a bien eu lieu aux USA et la loi dont nous allons parler fût bel et bien votée par le Sénat US à une majorité écrasante de 93 contre 7.
De quoi s’agit-il ?
Il s’agit de la loi qui authorize le financement des dépenses militaires US pour l’année 2012 : c’est à dire les dépenses d’armement, les dépenses qui permettent les guerres multiples, les assassiants à coup de drones en territoire étranger etc, bref toutes ces actions qui répandent la démokratie, la liberté, l’amour du genre humain, des plantes et des animaux, l’abondance pour les populations qu’on « libère » avec générosité et blablabla... Ceci dit rassurez-vous chers lecteurs, cette loi n’accorde QUE $ 662 milliards de dollars au Pentagone ; bien sûr les dépenses militaires réélles des USA se montent au moins au double mais elles sont camouflées dans d’autres budgets comme par exemple celui des missiles nucléaires qui fait partie du budget consacrée à l’énérgie etc...
Mais le sujet n’est pas là.
La question qui nous préocccupe est ce paragraphe inséré dans la loi de finance qui authorize les militaires US à détenir « anyone who is “a part of or substantially supported Al Qaeda, the Taliban or associated forces that are engaged in hostilities against the United States or its coalition partners.” Ce qui revient à dire sans aucune limite de temps puisque l’état de guerre est décrété depuis le 11 Septembre 2011 contre « le terrorisme », terme très vague mais qui a deux avantages :
1) il peut s’appliquer à quasiment n’importe qui dont les activités où la simple existence déplairaient au pouvoir en place,
2) la guerre contre le terrorisme n’aura pas de fin pour la raison citée plus haut (1). En effet il y a une propension de plus en plus grande à accuser de « terroriste » tout individu, organisation (réelle où imaginaire) où nation s’opposant aux visées expansionistes de l’Empire. D’ailleurs cette labellisation de « terroriste » finit par s’appliquer également à des individus sur le sol même des USA : il n’y a qu’à voir pour s’en convaincre l’accusation de « terrorisme » proférée contre « Occupy Wall Street ».
La possibilité donnée à l’armée US de détenir n’importe qui désigné comme « terroriste » pour une durée de temps indéfinie et sans aucune explication fût votée originellement juste après l’attaque du 11 Septembre 2001 avec la loi Authorization of the Use of Military Force (AUMF). Mais à l’époque cette authorisation ne s’appliquait qu’aux étrangers capturés en dehors du sol US et dans une situation de guerre. La loi votée Jeudi soir étend cette authorisation aux citoyens US résident à l’étranger comme à ceux résidents sur le sol américain ainsi qu’aux résidents étrangers aux USA. Ce qui revient à dire que du jour au lendemain n’importe quel résident US (citoyen US où étranger) pourrait être enlevé par l’armée sur le sol des USA sans que celle-ci n’ait à fournir la moindre justification à quiconque et détenir à perpetuité l’individu en question sans le déférer devant un juge afin que celui-ci ait la possibilité de décider de lui-même si la détention est arbitraire où non.
Ce qui revient à dire que le droit d’Habeas Corpus a désormais été supprimé purement et simplement par le gouvernement des USA pour tous les habitants de la planète puisque son hubris aveugle et déchainée, et selon l’excellente formule de Noam Chomsky, pousse toutes les administrations US à agir comme si « the USA own the world ». L’administration Obama ne faisant pas exception à la règle, bien au contraire.
Pas du tout, nous direz-vous, puisque cela ne s’appliquera qu’aux « terroristes ».
Hummm, très bien, mais qui décidera si vous êtes un « terrriste » où non ? Qui décidera s’il n’y a pas abus de pouvoir de la part des autorités ? Quelles sont les organisations dites « terroristes » et selon quels critères ? Cela semble plutôt délicat à définir. Pourquoi nos gouvernements bien aimés ont-ils activement collaborés avec les membres d’Al Quaeda en Libye pour renverser Khadaffi ? Sont-ils des terroristes où non ? Où plutôt par quel miracle sont-ils devenus des alliés alors qu’ils étaient des « terrroristes » quelques mois auparavant, et donc nos ennemis ? Faudrait-il alors arrêter tous les gouvernements bien-aimés (USA, UK, France) ayant collaboré avec ces « terroristes » en vertu de cette loi qui vient d’être votée au Sénat : « anyone who is “a part of or substantially supported Al Qaeda, the Taliban or associated forces that are engaged in hostilities against the United States or its coalition partners.” ?
Que signifie « substantially » ? Cela inclut-il des écrits dans les journaux, de simples propos où opinion ?
Que signifie « associated forces » ? En réalité cela dépend entièrement des interêts du moment des USA, comme l’ont montré abondamment tous les évenements depuis dix ans au cours desquels les accusations de « terrorisme » volèrent dans tous les coins en fonction des impératifs du moment : ainsi de l’Afghanistan, de l’Irak, sans parler de la Libye comme vu plus haut, où encore la Syrie, la Somalie où le Yemen etc... Les « terroristes » d’aujourd’hui peuvent être les alliés de demain et ceux d’aujourd’hui peuvent être les « terroristes » de demain (demandez à Khadaffi).
Le but de l’Habeas Corpus était précisément d’éviter ce que cette loi authorize désormais : empêcher toute détention arbitraire de la part du pouvoir en déférant devant un juge sous quelques jours suivant l’arrestation tout individu arrêté sous quelques motif que ce soit pour donner à ce dernier un procès équitable. C’était le socle fondamental sur lequel reposait toue possibilité de prémunir de la tyrannie, c’est à dire l’arbitraire du pouvoir, tout individu.
Désormais cette protection fondamentale de la liberté individuelle a été détruite puisque n’importe qui peut-être arreté et mis au secret indéfniment pour une raison inconnue du public et de l’individu concerné. Cet amendement à la loi nie les droits fondamentaux inscrits dans la Constitution des USA, plus particulièrement les Amendements 4, 5 et 6. A ce propos voici la déclaration du sénateur républican Kirk (tendance libertarienne) lors du débat pour retirer l’amendement dont il est question de la loi de financement :
"I took the time, as we all should from time to time, serving in this body, to re-read the Constitution of the United States yesterday. The Constitution says quite clearly: 'In the trial of all crimes -- no exception -- there shall be a jury, and the trial shall be held in the State where said crimes have been committed.' Clearly, the Founding Fathers were talking about a civilian court, of which the U.S. person is brought before in its jurisdiction.
They talk about treason against the United States, including war in the United States. The Constitution says it "shall consist only in levying War against them, or in adhering to their Enemies ,giving them Aid and Comfort."
The following sentence is instructive: No person -- 'No person,' it says -- 'shall be convicted of Treason unless on the Testimony of two Witnesses to the same overt Act, or on Confession in open Court.' I would say that pretty clearly, 'open court' is likely to be civilian court.
Further, the Constitution goes on, that when a person is charged with treason, a felony, or other crime, that person shall be 'removed to the State having Jurisdiction of the Crime' -- once again contemplating civilian, state court and not the U.S. military. As everyone knows, we have amended the Constitution many times. The Fourth Amendment of the Constitution is instructive here. It says: 'The right of the people to be secure in their persons, houses, papers, and effects, against unreasonable searches and seizures' -- including, by the way, the seizure of the person -- 'shall not be violated, and no Warrants shall issue, except upon probable cause, supported by Oath or affirmation, and particularly describing the place to be searched, and the persons or things to be seized.'
Now, in section 1031(b)(2), I do not see the requirement for a civilian judge to issue a warrant. So it appears this legislation directly violates the Fourth Amendment of the Constitution with regard to those rights which are inalienable, according to the Declaration of Independence, and should be inviolate as your birthright as an American citizen.
Recall the Fifth Amendment, which says: 'No person' -- by the way, remember, 'no person'; there is not an exception here. 'No person shall be held to answer for a capital, or otherwise infamous crime, unless on a presentment or indictment,' hear the words, 'of a Grand Jury, except in cases arising in the land or naval forces, or in the Militia, when in actual service in time of War' -- meaning there is a separate jurisdiction for U.S. citizens who are in the uniformed service of the United States. But unless you are in the service of the United States, you are one of those 'no persons' who shall be answerable for a 'capital' or 'infamous crime,' except on 'indictment of a Grand Jury.'
The Sixth Amendment says: 'In all criminal prosecutions' -- not some, not by exception, in all criminal prosecutions -- 'the accused shall enjoy the right to a speedy and public trial, by an impartial jury of the State and district wherein the crime shall have been committed' ... I go on to these because I regard all of these rights as inherent to U.S. citizens, granted to them by their birth in the United States."(Sénateur Kirk (IL) – Sénat US - Washington)
La proposition de retrait de l’amendement fût refusé par 55 voix contre 45, dont cinq sénateurs républicains qui votèrent contre la ligne de leur parti : Kirk, Moran, Paul, Lee et Collins.
Désormais l’armée peut arrêter quiconque sur le sol des USA sur ordre du Président sans aucun compte à rendre à quiconque et pour une durée indéfinie. Mais on pourra objecter à cela qu’il y a néanmoins une condition pour que ces mesures soient autorisées : en effet d’après la loi ces mesures ne peuvent être prises qu’en temps de guerre et sur le champ de bataille. Depuis le 11 Septembre 2011 le champs de bataille se situait partout dans le monde sauf aux USA puisque par défnition l’avantage du « terrorisme » est qu’on peut lui donner toutes les apparences et n’importe quel motf en fonction des besoins. Afin que cette loi soit applicable sur le sol US il faut d’abord considérer le sol US comme un champs de bataille. C’est le pas qui fût franchi Jeudi soir par le sénateur Lindsay Graham (républicain) :
"It has been the law of the United States for decades that an American citizen on our soil who collaborates with the enemy has committed an act of war and will be held under the law of war, not domestic criminal law," he said. "In World War II it was perfectly proper to hold an American citizen as an enemy combatant who helped the Nazis. But we believe, somehow, in 2011, that is no longer fair. That would be wrong. My God, what are we doing in 2011? Do you not think al-Qaeda is trying to recruit people here at home? Is the homeland the battlefield? You better believe it is the battlefield."
(Sénateur Lindsay Graham (républicain) – Sénat US – Washington – 01.12.2011)
Voilà donc le territoire US intégré au champ de bataille dans la guerre perpetuelle contre le « terrorisme » déclenchée par Busch JR au lendemain du 11.09.2011. C’est ainsi que la boucle est bouclée puisque l’avertissement de Madison est en train de se réaliser sous nos yeux.
“The means of defense against foreign danger historically have become instruments of tyranny at home.”
Les moyens utilisés pour combattre les énnemis exterieurs finissent toujours par être utilisés sur le territoire national pour tyraniser ces propres citoyens. Ce qui se comprend puisque l’utilisation prolongée d’un moyen de défense contre un danger exterieur jugé en temps normal inaproprié a toute les chances de devenir la norme à force d’habitude, et de ce fait se voir importé un beau jour sans que cela ne choque plus personne : on applique alors à ses propres citoyens ce que l‘on ne reservait exceptionnellement auparavant qu’à ses ennemis les plus irréductibles.
Le même aimable sénateur de Caroline du Sud, Lindsay Graham, continue son plaidoyer par ces mots :
“If you’re an American citizen and you betray your country, you’re going to be held in military custody and you’re going to be questioned about what you know, and you’re not going to be given a lawyer if our national security interests dictate that you not be given a lawyer.”
(Sénateur Lindsay Graham (républicain) – Sénat US – Washington – 01.12.2011)
C’est de cette manière que l’on en vient à justifier et à accepter ce qui peu de temps auparavant aurait été inacceptable à tous : par la peur, par la menace de l’exterieur, en l’occurence inexistante, par une paranoïa élevée au rang de règle de conduite normative par une psychologie de groupe et individuelle malade. L’hystérie paranoïaque du sénateur Mac Carthy qui conduisit aux chasses aux sorcières que l’on sait sont de nouveau d’actualité.
La dernière phrase est particulièrement stupide, sans parler ni de l’admirable raisonnement ni de l’impressionante rigueur intellectuelle qui sous-tend le total...
« ... and you’re not going to be given a lawyer if our national security interests dictate that you not be given a lawyer. »
Nous pouvons nous sentir en sécurité, nous ne manquons pas d’être pleinement rassurés sur le sort de tous les Américains qui auront l’heur de déplaire pour une raison où une autre à des individus tels que le sénateur en question : Guatanamo ad vitam aeternam.
Il suffit d’ailleurs de voir combien la police s’est militarisée depuis quelques années, combien son entrainement est conçu pour « casser » les manifestations, comme on a pu le voir ces dernières semaines avec la répréssion qui s’est abattu sur Occupy Wall Street. Nous pouvons être sûrs que cela se reproduira à l’avenir puisque la militarisation des forces publiques est à l’ordre du jour, s’accelerant en proportion de la prise de conscience par l’oligarchie US des forces centrifuges qui grandissent et qui pourrraient finir par menacer la stabilité du pays au fur et à mesure de l’extension des ravages provoqués par la crise. L’année 2012 et les éléctions promettent à cet égard des surprises que l’oligarchie US commence à craindre sérieusement ce qui ne l’incitera pas à la douceur envers ceux qu’elle verrra comme des opposants ne faisant pas partie du cénacle. De cette manière cette loi permettra de faire disparaitre commmodément n’importe quel opposant US sur le sol des USA considéré comme dangereux par le Président sans rendre de compte à personne sous pretexte de « terrorisme ».
On a beaucoup dit que Obama s’opposait à cette loi et qu’il pourrait y mettre son veto. Il n’est pas faux que l’administration s’oppose à cette loi mais ce n’est pas pour des raisons humanitaries où morales, où encore pour respecter la Constitution et ses amendements. On ne voit pas d’ailleurs sous quel pretexte un Président ayant ordonné l’assassinat sans jugement ni procès de citoyens US pour la première fois dans l’histoire, du moins officiellement, pourrait trois mois après les faits se trouver pris de scrupules à l’idée d’autoriser légalement l’emprisonnement de citoyens US sur le sol US et leur mise au secret indéfiniment par les militaires. Cela parait illogique pour le moins.
En réalité si la Maison Blanche a des raisons de s’opposer à la loi en question ce n’est pas pour son contenu qu’elle pratique déjà largement. C’est en vérité pour défendre le pouvoir du Président de décider seul si un terroriste doit être jugé par un tribunal civil où mis en détention militiare. C’est une opposition qui a pour but de protéger les pouvoirs présidentiels contre toute interférence du Congrès.
Glenn Gleenwald l’explique très bien :
« Let’s be very clear, though, about what the “veto threat” is and is not. All things considered, I’m glad the White House is opposing this bill rather than supporting it. But, with a few exceptions, the objections raised by the White House are not grounded in substantive problems with these powers, but rather in the argument that such matters are for the Executive Branch, not the Congress, to decide. In other words, the White House’s objections are grounded in broad theories of Executive Power. They are not arguing: it is wrong to deny accused Terrorists a trial. Instead they insist: whether an accused Terrorist is put in military detention rather than civilian custody is for the President alone to decide. »
Voilà pour les naïfs. Le débat n’est pas sur le contenu de la loi sur lequel tout le monde est d’accord avec un enthousiasme touchant, à l’exception de trois libertarien et de quelques démocrates, mais sur des prérogatives de pouvoir entre l’éxécutif et le législatif, c’est à dire entre le Président et le Congrès.
Arrivés à ce point nous pouvons conclure.
La loi fût donc votée à une écrasante majorité. En réalité cela ne change pas grand chose dans la mesure où ce qu’elle codifie était déjà appliqué dans les faits par les deux administrations Busch jr et Obama. A noter que cette dernière a encore franchi un pas de géant vers la barbarie totale en pratiquant, comme déjà vu, l’assassinat de citoyens US, et ce ouvertement tout en se félicitant publiquement du succès de ses opérations criminelles dignes des pires régimes que le bon vieux XX eme siècle nous aura légué en souvenir. Nous pouvons donc nous attendre un jour où l’autre à voir légaliser l’assassinat public de tout citoyen US par son propre gouvernement sur simple décision de l’éxécutif et sans obligation de rendre des comptes à qui que ce soit pour ces actions. Et nous parions que cela ne choquera personne, pas plus que cette nouvelle loi n’a choqué grand monde non plus puisque ces activités étaient déjà pratiquées à large échelle au vu et au su de tous.
Elles se sont donc normalisées. Elles sont devenues la norme.
Hier, donc, sous les bons auspices de la demokracie immaculée des USA, emprisonner un individu sans procès et sans raison officielle pour une durée indéfinie était normal mais illégal.
Aujourd’hui c’est désormais la loi.
Aujourd’hui la demokracie US ne prend même plus la peine d’emprisonner ses propres citoyens. Elle les assassine purement et simplement. Ce n’est pas encore tout à fait normal mais presque. On y travaille d’arrache pied. Et le jour où le Congrès votera une loi pour légaliser l’assassinat de tout individu qui encourra l’ire de nos gouvernants bien aimés, alors chers lecteurs non seulement l’assassinat de nos concitoyens sera devenu légal mais également la norme.
Au nom de notre Sécurité.
Mais pour le moment tout le monde est content à Cochon sur Terre, le meilleur des mondes.
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