Qui n’a pas entendu parler des propos jugés scandaleux par le troupeau bêlant de nos médias et commentateurs accrédités à la médiocrité et à la non pensée ? Ces propos, publiés par un journal aux ordres, et repris par le chœur habituel des vierges effarouchées, furent abondamment commentés, extraordinairement critiqués et attaqués, avec une virulence frisant l’hystérie ; sans parler d’un manque d’à-propos risible touchant souvent au grotesque mais qui démasquait l’occultation (soyons généreux pour une fois) de toute faculté critique et réflexive, même la plus minime.
On en a donc beaucoup crié, et pourtant certains s’étonnaient du peu de cas que l’on avait fait de ces propos relevant du sacrilège, selon eux. Ces gens là trouvaient qu’il aurait fallu faire beaucoup plus de bruit et donner encore plus de publicité (mauvaise) aux propos du député vert Yves Cochet. Les réactions fusèrent de toutes parts, c'est-à-dire qu’elles vinrent de la droite comme de la gauche, de l’extrême droite comme de l’extrême gauche, généralement pour les mêmes raisons bien que matinées des superstitions propres à chacun de ces acteurs politiques. Nous avons eu droit à tout le répertoire classique des clichés les plus éculés. Nous ne pouvons résister à l’envie de faire partager à nos lecteurs quelques uns des échantillons les plus divertissants de ces commentaires que nous avons pu lire.
A tout seigneur tout honneur l’accusation d’eugénisme et en conséquence de nazisme a droit à la première place :
« Dire que ce c..... se prétend anti-fasciste alors que sa proposition ressemble limite à de l'eugénisme ! UN NAZI N'AURAIT PAS DIT MIEUX !!!!!!
Entre Billard, Mamère et Cochet, les Verts sont vraiment représentés par des GUIGNOLS !
Si ces crétins veulent s'exprimer qu'ils aillent dans leur salon feutré de bobos à Paris et qu'ils arrêtent de nous bassiner avec leur conneries !!!!!!!! » (La ponctuation et les fautes d’orthographes sont d’origine…).
Nous avons également eu la joie de trouver des accusations reposant sur le relent nauséabond habituel de lutte des classes et de tout ce qui s’en suit sans tenir aucun compte du principe le plus basique de réalité des faits :
« Réduire les alloc' du troisième... Pour l'écologie... Fallait la trouver celle là!
Les centrales? Les usines? Les vaches? Les gros trucs là qui nous asphyxient la gueule, ont leurs fait payer quoi?
C'est à dire que moi, lamda, je dois ramasser mon papier chwing gum, payer des eco participations, me satisfaire de deux enfants etc, etc... Mais les gros eux, on leurs demande de faire quoi? De ramasser le butin et accélérer la cadence?
Mort aux vaches tient! » (La ponctuation et les fautes d’orthographes sont d’origine…).
Nous avons là le plaisir du romantisme débridé allié à la superstition du progrès scientiste qui est supposé nous sortir toujours des impasses dans lesquelles nous nous sommes fourrés grâce à lui.
« voici le danger du fascisme vert, elle s'attaque à l'homme en la rendant responsable de tous les malheurs de la terre. Qu'est ce qu'il y'a de plus beau d'avoir des enfants, ils sont synonymes d'espoir, de joie. Au lieu d'avoir fois au gènie de l'homme à surpasser les dèfis du XXIeme siecle, ces ecologistes de salon nous rabattent les oreilles avec leurs delires tous sorties de leurs cervelles infestés de vers. Pendant ce temps de hommes avec les capacités intellectuelles sont entrain d'agir sur le terrain en marriant progres economique et protection de l'environnement » (La ponctuation et les fautes d’orthographes sont d’origine…).
Ici c’est une autre version du délire romantique mais sans l’appel à la science qui sauvera le monde. Ceci dit la cohérence n’est pas le fort de ce commentaire ou les contradictions abondent. C’est ainsi que l’auteur part d’une apologie des enfants, de « la paix et de la joie de vivre » et qu’il aboutit à la fin de son texte en déclarant : « cessons d’être naïfs la nature n’est pas notre amie, regardez la nature humaine…». Allez y comprendre quoi que ce soit !
« faisons des enfants, le plus possible, donnons leur ceux dont ils ont besoin, apprenons leur la paix et la joie de vivre afin qu'ils se développent au mieux pour que l'on soigne enfin toute les formes de dépression que subit la planète !!
non les enfants ne nous tuent pas !
ce qui nous tue c'est notre ignorance, arrogance et notre haine
nous n'avons pas à prendre en charge des peuples qui remplacent des tyrans par d'autres tyrans, qui les affament dans le seul but de les asservir
au lieu de gaspiller de l'argent dans des guerres d'énergie, tournons nous vers des recherches d'énergies renouvelables
réduisons les vrais gaspillages, par des comportements citoyens et efficaces
n'entretenons pas les esclavagismes modernes
et soyons enfin solidaires les uns envers les autres
et cessons d'être naïfs la nature n'est pas notre amie, regardez la nature humaine... » (La ponctuation et les fautes d’orthographes sont d’origine…).
Là transparaît une sensibilité particulièrement sourcilleuse sur le droit d’interdire qui devrait être interdit, comme on sait, c'est-à-dire sur la liberté menacée de notre espèce en voie de prolifération. Malheureusement le commentateur n’a pas eu la bonne idée de se demander s’il n’y avait pas un rapport entre le nombre exponentiel d’individu et les menaces sur les libertés individuelles que cet accroissement même pourrait bien comporter.
« On voit bien dans c'est propos le caractère anti-humaniste de l'écologie politique. C'est une pensée totalitaire contre laquelle on doit lutter.
Que se monsieur stoppe son "activité politique", qu'il arrête les réunions, cocktails et autres vernissages... cela baissera son bilan carbone et l'on pourra ainsi faire plus de jolis bébés.
Quant arrêterons nous de prêter attention à ces politiciens pisse-vinaigre et castrateurs?!?! »
(La ponctuation et les fautes d’orthographes sont d’origine…).
Quelle virulence, quelle vindicte ! Voilà au moins un sujet chaud, chaud, chaud que l’on n’aurait pas soupçonné. Nazi, fasciste évidemment, eugénisme, malthusien etc, tout y passe et tout le monde s’y est mis. Mais qu’a-t-il donc dit de si terrible ? Ceci :
« Aujourd’hui, plus on a d’enfants, plus on touche. Je propose qu’une famille continue de percevoir des aides pour les deux premiers enfants, mais que ces aides diminuent sensiblement à partir du troisième ».
«(…) un enfant européen (ou douze burkinabés) coûte sa vie durant (de zéro à 80 ans) l’équivalent de 620 trajets Paris New-York ».
Comme on peut lire il n’y a pas de quoi fouetter un chat. Et pourtant tous ces hurlements sont venus des quatre coins du spectre politique, de gauche à droite, chacun accusant M. Cochet des pires intentions, toutes déformées par leurs idées d’un autre temps et d’un monde disparu, ne pouvant par conséquent plus s’appliquer à celui dans lequel nous survivons. Brièvement résumé on l’a accusé :
- de vouloir limiter les naissances des populations immigrées puisque ce sont elles qui auraient le plus grand nombre d’enfants (ce qui est faux ou en tout cas elles ne sont pas les seules),
- de faire du malthusianisme de facto en empêchant les classes les plus pauvres d’avoir trois enfants ou plus si on supprime les allocations,
- de vouloir la mort de l’Occident puisqu’on nous empêcherait de nous reproduire au profit des immigrés qui viendraient nous remplacer,
- de préférer les animaux et « les insectes » aux êtres humains,
- de vouloir l’extinction de l’espèce au profit de Gaia.
On pourrait continuer à prolonger la liste (en passant au-delà de la soi-disant morale invoquée en ce qui concerne la comparaison entre la vie d’un enfant et les 620 trajets en avion) mais ce sont là les principales critiques qui, comme déjà indiqué, couvrent tout l’échantillon politique aujourd’hui en place. Nous n’allons pas revenir sur ces arguments qui sont tous assez facilement réfutables et qui, surtout, n’ont pas beaucoup de rapport avec les propos du député Vert. C’est précisément cela qui étonne : pourquoi ces quelques phrases, somme toute assez banales, ont-elles provoqué une telle fureur hystérique jusqu’à sortir totalement les critiques du contexte des propos ? Car à l’arrivée, lorsqu’on lit la plupart des commentaires, ceux des journalistes comme des autres, ces derniers n’ont qu’un rapport très lointain avec ce qui est censé les avoir déclenché.
M. Cochet à t’il déclaré qu’il fallait empêcher les Occidentaux d’avoir trois enfants et permettre uniquement aux immigrés d’en avoir ? Non, il parlait des naissances en Occident, et ce quelque soit la race de l’enfant, puisqu’il n’est question que du style de vie occidental. En conséquence un Burkinabé habitant en France coûtera autant que son voisin de palier français de souche alors que les mêmes au Burkina-Faso coûteront douze fois moins.
M. Cochet a-t-il déclaré qu’il fallait interdire aux familles pauvres ou aux familles émigrées d’avoir plus de trois enfants ? Non, il s’est basé sur la question du troisième enfant et non sur l’origine sociale de celui-ci.
M. Cochet a-t-il sous entendu par ces deux phrases qu’il préférait les animaux et les plantes aux êtres humains. Peut-être qu’avec un don particulièrement développé de divination on pourrait parvenir à ce genre de résultat…
M. Cochet a-t-il sous entendu par ces propos qu’il voulait la disparition de l’humanité pour sauver Gaia ? Sa déclaration pourrait-elle être le cheval de Troy d’un but de ce genre ? On ne voit pas comment ou alors recourrons à la boule de crystal…
Non seulement aucunes de ces affirmations n’a la moindre réalité mais elles confinent toutes au délire paranoïaque si on relit ce qu’a dit M. Cochet. Il propose seulement d’inverser la logique des allocations familiales, et encore uniquement à partir du troisième enfant puisqu’il ne demande pas la suppression de celle-ci pour les deux premiers ni pour le troisième mais qu’elles « diminuent sensiblement à partir du troisième ». Où est l’eugénisme, le nazisme, le malthusianisme là-dedans ? Il faut être doté d’une sacrée myopie pour voir tout çà dans ces propos quasiment sans intérêt.
Par quel mystère des phrases aussi insignifiantes ont-elles pu engendrer un tel raz de marée de protestations venant de tout l’échiquier politique ? Quel nerf à vif le député vert à t’il touché pour déclencher un tel tollé général ? La réponse à cette question pourrait bien se trouver dans le fait que la réduction de la population par la non reproduction volontaire (même si ce n’est pas ce qu’a proposé le député vert) heurte directement de front l’un des instincts les plus profonds de notre espèce (l’instinct de reproduction) comme de toutes les autres d’ailleurs ; la différence est que nous, humains, aurions théoriquement le choix de ne pas nous y soumettre. Nous avons d’ailleurs suffisamment d’exemples de ce genre tout au long de l’histoire pour souscrire à l’opinion selon laquelle c’est une des caractéristiques principales de l’humanité, avec la faculté de se donner la mort, toutes deux étroitement liée bien sûr à la conscience spécifiquement humaine de sa propre finitude. Mais apparemment cela reste encore du domaine de la théorie pour l’immense majorité des êtres humains… Ceux pour qui cela ne l’est pas restent des exceptions.
Ajoutons pour la suite de notre propos que tous les commentaires n’étaient pas critiques. Les autres étaient même carrément pro-Cochet ainsi que nous en avons relevé deux pour l’exemple:
« Tout à fait d'accord la surpopulation sur terre va être un désastre dans un avenir proche parce qu'en plus nous sommes des pollueurs, trop laxistes sur la protection de l'environnement. L'être humain est assez intelligent pour savoir ce qu'il est possible de faire mais trop égoïste pour agir si il doit changer ses habitudes de consommateur irresponsable ».
« J'ai 21 ans et honêtement j'avoue ne pas avoir de désir d'enfant,
c'est vrai que je ne veux pas nourrir la croissance démographique
car plus il y aura d'habitants plus on nous demandera de se serrer
la ceinture et c'est surtout les générations futures qui payeront
la facture.Je pense qu'on ne devrait pas etre plus de 3 milliards d'habitants ».
(La ponctuation et les fautes d’orthographes sont d’origine…).
Que conclure de l’ensemble des réactions dues aux propos de M. Cochet ?
Comme nous le disions plus haut nous en avons relevé de deux types : les « contre » sur le mode hystérique venant de tout le panel politique habituel et les « pour » qui semblent au contraire ne plus se rattacher à aucune tendance politique déterminée, même s’il leur arrive de soutenir ponctuellement telle ou telle formation sur tel ou tel sujet bien précis. L’observation de tous ces commentaires corrobore ce qui se dessine lentement, trop lentement d’ailleurs, dans la vie politique d’aujourd’hui : à savoir que la disparition des idéologies a mis à jour la collusion de ce que l’on nomme encore par convention droite et gauche, ces partis que l’on oppose toujours artificiellement les uns aux autres sans aucune autre raison que l’habitude ou une convention qui ne reflète plus la réalité ; car soudain tout ce monde se révèle étrangement incestueux. Cette affaire déclenchée par M. Yves Cochet a eu le mérite de dévoiler tout à coup la véritable ligne de fracture du champs politique ; en d’autre terme cette affaire a mis en relief la construction, certes encore dispersée, disparate et confuse mais non moins réelle, d’une vraie opposition constituée d’individus dont l’objectif sera de renverser le système politique et économique actuel au nom de principes qui relèveront de moins en moins de ceux qui nous ont influencés depuis trois ou quatre cent ans puisqu’ils leur sont antinomiques. Car c’est bien de cela qu’il s’agit : un renversement des « valeurs » sur lesquelles s’était bâti le monde depuis quatre siècle ; nous pourrions dire dans un autre langage que l’écroulement du monde que nous avons connu, vidé par le « nihilisme » qui le ronge de l’intérieur, est en train de laisser la place à de nouvelles valeurs et par conséquent à un autre univers de référence. Bien que nous ne soyons là qu’au début de ce processus, celui-ci requerra un changement profond des mentalités et par conséquent un abandon des référents en cours qui pourrait bien s’accélérer spectaculairement en cas de crise majeure, non seulement financière ou économique, mais surtout écologique. Aujourd’hui, et c’est la spécificité de notre temps, la crise que nous traversons ne se limite pas à la finance ou à l’économie ; c’est un des éléments mais qui reste tout à fait secondaire par rapport à la crise de civilisation dans laquelle nous nous trouvons. De plus elle inclut désormais la dégradation de l’environnement due à notre activité, économique entre autre, dont les conséquences menacent à terme la survie de l’espèce elle-même. C’est pourquoi la seule crise véritable, mais qui inclut toutes les autres, à laquelle nous devons faire face aujourd’hui est celle-ci : la très prévisible disparition de l’espèce. Seule la prise de conscience de cet enjeu en temps voulus, ce qui n’est pas du tout acquis, pourra provoquer les changements radicaux qui seront nécessaires pour éviter cette catastrophe. Or, pour la plupart des écologistes (pas les plus extrémistes loin de là) l’unique façon d’agir le plus efficacement possible est de cesser de se reproduire afin de réduire l’impact de l’homme sur la planète. En effet pour ces derniers il s’agit, par ce biais, de diminuer la population humaine jusqu’au seuil nécessaire et suffisant pour assurer la pérennité de la biosphère et par conséquent de l’espèce humaine (nous n’entrerons pas dans la polémique de savoir quel est ce seuil ni comment parvenir à l’autolimitation volontaire de l’espèce car là n’est pas notre sujet).
Ce que la déclaration de M. Cochet a mis à jour très brièvement, comme un éclair dans la nuit, c’est que, si observés à travers le spectre écologique, tous ces partis politiques que nous avons l’habitude d’opposer les uns aux autres, se retrouvent tout à coup dans le même camp, rangés sous la même bannière. Et dans cette perspective ils ont toujours fait partie du même parti ainsi que l’a bien entrevu le rédacteur de ce message :
« A l'heure actuelle, le système des allocs POUSSE les gens à faire des gosses; rien de choquant à ce que demain, il les freine (sans les en empêcher, évidemment). C'est même une très bonne chose pour la planète et si
C’est pourquoi le mouvement de fond qui parait se mettre en branle aujourd’hui et qui s’opposera fortement, et probablement avec violence, à tout le système politique et économique de plus en plus chaotique que nous connaissons encore, constitue en réalité la seule et unique opposition politique véritable, et ce quelque soit le pays. Car cette mouvance, que nous nommons par simplification « écologique », devrait être diamétralement opposée aux structures politiques et économiques que nous connaissons et à ce sur quoi elles reposent. Nous pourrions ajouter qu’elle leur est fondamentalement incompatible. C’est pourquoi ces tentatives d’aggiornamento écologique, que l’on nous trompette dans les oreilles avec des tremolos dans leurs voix de fausset, sont des plans sur la comète qui non seulement ne seront d’aucune utilité mais pourraient même bien être contre productifs s’ils ont pour résultat de retarder les prise de décisions, graves mais nécessaires et urgentes, en raison de la bonne conscience qu’ils nous procurent. Ce que M. Cochet a mis a jour c'est que la route sera longue et semée de cadavres.
Mais pour le moment tout le monde est content à Cochon sur Terre, le meilleur des mondes.
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