mardi 5 mai 2009

Mirages, mirages, la reprise est au bout du tunnel!

Le saviez-vous ? Eh bien nous sommes sauvés ! Enfin presque… Car au cas ou vous ne le sauriez pas la bourse monte, monte, monte, à tel point que chacun se reprend à espérer, ou plutôt à Croire, qu’elle ne s’arrêtera plus de monter, pour toujours et jusqu’à la fin des temps. Alléluia !

Grâce à leur sagesse légendaire les marchés ont anticipé la reprise, la croissance, les profits, la consommation indispensable et le gaspillage institutionnalisé pour que tout reparte comme « avant », avant cette parenthèse malheureuse qui ne se reproduira jamais plus c’est promis, juré, craché. L’essentiel aujourd’hui c’est que la reprise soit dans la poche… des banques évidemment, et que plus rien ne l’arrête jamais plus.


Cochon-sur-Terre est sans dessus dessous et on peut le comprendre : la reprise serait donc au bout du tunnel ! On la sent, on la cherche et on veut la retrouver ; tous à vos groins donc, trouvons-là car elle est à notre portée, c’est sûr ! Et nous voilà tous groins en terre comme des chasseurs de truffes pourchassant la reprise et sa divine odeur dans tous les coins de feuilles de journaux, sur toutes les ondes de radio, de télévision ou d’internet, sous le tapis ou sur le rebord de la pissotière, n’importe où pourvu qu’on découvre ou elle se planque. La meilleure preuve qu’elle soit sur le point de se découvrir, d’elle-même en plus de tout, c’est que nos « illustres-gourous-qui-ne-se-trompent-jamais » l’ont vu… En rêve bien sûr, mais comme nous le savons pertinemment les rêves de nos grands prêtres bien aimés sont des prophéties d’une clairvoyance inouïe. Il y aurait même de la lumière au bout du tunnel, ce qui expliquerait pourquoi ils l’aient si bien repérée.

Nous pourrions nous demander légitimement pourquoi cette salope de reprise ne se dépêche pas un peu plus au lieu de nous faire attendre en proie à notre angoisse existentielle bien connue de singes mégalomanes version bling bling. Car on se demande vraiment ce qu’elle peut bien fabriquer au bout de ce sacré tunnel alors qu’il suffirait d’un peu de bonne volonté de sa part pour faire la moitié du chemin vers nous et nous l’autre moitié vers elle afin de la ramener en toute sécurité de notre coté du tunnel ou il fait si bon survivre, car il est certain qu’avec une tête en l’air pareille elle n’aura même pas songé à emporter son gilet de sauvetage jaune fluo « conseillé et obligatoire ». Mais pour cette fois nous ne dirons rien. Nous serions donc quittes et la bouderie cesserait enfin pour notre plus grand mal-être à tous, y compris le sien bien sûr. D’ailleurs si cela pouvait la faire revenir plus rapidement nous serions prêts à lui payer une cure de thalasso pendant une semaine afin quelle se remette définitivement dans la boue, avec massages et karcher en prime ; il parait que c’est bon pour la peau ! Mais non, au lieu de cela elle reste là-bas, au bout de ce maudit tunnel qui semble si long que c’est à peine si on la distingue dans un vague halo de lumière blafarde, dixit le Président des Etats-Unis d’Amérique.

Nous pourrions nous poser la question : peut-être est-elle malade cette reprise, après tout ? Peut-être est-elle tout simplement en train de crever d’indigestion dans un fossé au bord de la route, à la sortie du tunnel, ce qui expliquerait pourquoi nous la voyons de manière si floue. Imaginons qu’elle soit par terre, gisant dans des gravats de chantiers immobiliers inachevés, au milieu des trillions de dollars imprimés par la Fed pour nous sauver en la faisant revenir, alors que précisément elle serait en train de se noyer dedans car elle n’aurait jamais appris à nager dans un tel raz de marée de dollars dévalués. Imaginons que la reprise ne puisse plus se relever, assommée par tout ce papier, et qu’elle serait alors en train d’expirer sous nos yeux mal voyants, là au bout du tunnel, insensible à nos appels filiaux et à nos gémissements de fidèles abandonnés. Ou bien imaginons qu’elle soit dans le coma, c'est-à-dire en récession, ou pire encore dans un coma dépassé, c'est-à-dire en dépression !

Voilà peut-être l’explication de toute cette histoire : la reprise nous fait une dépression ! Voilà la vérité : elle est assise, là au bout du tunnel au milieu de la route (quelle folie !), car elle est en train de nous faire une dépression carabinée ! Oh c’est déjà arrivé, certes, mais là ce n’est vraiment pas le moment ; on peut même affirmer que çà tombe au plus mal. Vous pourriez dire qu’elle choisit toujours les plus mauvais moments pour nous faire une dépression celle-là ; vous auriez raison car à chaque fois c’est la même chose, elle nous fait une dépression alors que nous n’attendions rien, que tout allait bien dans le meilleur des mondes immondes possible, que nous étions enfin parvenu à bâtir une prospérité illimitée pour toujours, solide, incontestable et bien méritée.

Et patatra, voilà qu’elle nous refait une dépression !


Pourtant on ne peut pas dire que nous nous ménageons pour la faire revenir, jugez-en par vous-mêmes :


- Le PIB américain est en baisse de 6.1% au premier trimestre en rythme annuel, versus 6.3% sur le dernier trimestre 2008 ce qui représente la contraction la plus importante depuis plus de 50 ans.

- Les exportations US ont chuté de 30% au premier trimestre 2009.

- Les importations US ont chuté de 34.1% au premier trimestre 2009

- Les investissements des ménages et entreprises US ont chuté de 38% au premier trimestre 2009.

- Les ventes de GM ont reculé de 34% en Avril à 173.000 voitures.

- La faillite programmée de GM.

- La faillite de Chrysler.

- Le chômage officiel aux USA a augmenté de 631.000 personnes en Avril.

- Le déficit budgétaire US pour 2009 prévu à 12% du PIB mais montera sûrement beaucoup plus haut.

- Les USA ont 13.000 milliards de dettes.

- La Chine et les investisseurs étrangers n’achètent plus de bond du Trésor forçant ainsi la Fed à racheter de plus en plus de dettes (Report of Representative Mark Kirk, member of the House of Appropriations Comittee).

- Comment les USA vont-ils financer leur déficit abyssal de 2009, sans parler des suivants ?

- Défauts de payement des hypothèques en Californie : +19% en Avril.

- Plus de 2 millions de foyers américains saisis ou en défaut de payement.

- Les constructions de logements neufs aux USA en baisse de 38% depuis Janvier 2009.

- L’économie de la zone Euro va se contracter de 4.2% en 2009 (IMF).

- Zone Euro : les commandes industrielles en chute de 34.5% (source IMF).

- Allemagne 2009: contraction de l’économie entre 5 et 6% (IMF), le déficit budgétaire atteindra 5.5% du PIB (IMF) et la chute des exportations sera de 23% (IMF).

- UK 2009: PIB en baisse de 4.1% (IMF), la dette passera de 50% du PIB à 80% (IMF).

- Espagne 2009 : PIB en baisse de 3% (IMF), taux de chômage actuellement à 17.4% (IMF) devant atteindre les 20% dans les prochains mois (IMF), le déficit budgétaire prévu à 8% du PIB.

- France 2009 : Taux de chômage actuellement à 8.2% et atteindra les 10% à la fin de l’année (OCDE), déficit budgétaire de 6% (OCDE).

- Chine : + de 20 millions de chômeurs.

- etc,etc,etc…………………..


Franchement, de vous à moi, et sans vouloir faire de peine à nos « illustres-gourous-qui-ne-se-trompent-jamais », y en a marre ! Peut-être serait-ce l’occasion d’en finir une fois pour toute ? Peut-être faudrait-il qu’on la laisse crever au bout du tunnel au lieu de tenter de la récupérer comme à chaque fois, puisqu’elle nous refait le coup de la dépression si régulièrement, détruisant ainsi systématiquement nos efforts et notre prospérité bien-aimée ? Ne pourrions-nous pas l’oublier cette reprise, ne pourrions-nous pas nous en passer une bonne fois pour toute ? Peut-être faudrait-il faire le calcul de ce qu’elle nous coûte, car en fin de compte il serait bien possible qu’elle nous coûte bien plus cher qu’elle ne nous rapporte… On ferait peut-être une immense économie en la laissant au bout du tunnel, loin de nous, sans possibilité qu’elle nous refasse une dépression et qu’elle ne finisse par nous saper le moral avec ses sautes d’humeur d’enfant gâtée. Peut-être devrions-nous l’assassiner une bonne fois pour toute et s’en débarrasser au lieu de chercher à la faire revenir encore une fois avant qu’elle nous fasse à nouveau le coup de la dépression, comme d’habitude lorsque tout ira divinement bien dans le plus idyllique des paradis virtuel possible.


Pour conclure, et sans vouloir causer le plus léger doute à nos « illustres-gourous-qui-ne-se-trompent-jamais», il faut avouer que le rêve de ces derniers ne nous a pas convaincu étant donné la liste non exhaustive citée ci-dessus des coûts engagés et subis pour faire revenir la reprise. Certes ils nous clament avec des airs extatiques de savants de laboratoires illuminés que les chiffres, les foutus chiffres, sont meilleurs que prévus, que « c’est-mauvais-mais-tout-de-même-pas-si-mauvais-que-çà-bien-que-pas-terrible-c’est-sûr-mais-ne-vous-en-faîtes-pas-car-la-situation-est-entre-de-bonnes-mains ». Hum, le problème est peut-être que les « bonnes mains » en question sont aussi les mêmes qui nous ont flanqués dans le pétrin !

Et si la liste citée ci-dessus, au lieu de constituer la plus sûre voie vers la sortie de la dépression n’était pas, au contraire, une autoroute royale vers le précipice ? Se pourrait-il, en fin de compte, que « nos-illustres-gourous-qui-ne-se-trompent-jamais » se soient trompés ? Bien sûr que non ! Il vous suffit de relire la liste ci-dessus, non-exhaustive, de toutes ces nouvelles excellentes pour vous en convaincre : la reprise est bien au bout du tunnel et la preuve qu’elle nous attend c’est qu’il y a de la lumière ; la lumière de sa veillée funèbre…

Tout le monde est donc content à Cochon sur Terre, le meilleur des mondes.

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