mercredi 27 mai 2009

NY le 27 Mai 2009

Après plus d’une semaine passée ici on se rend mieux compte du nombre énorme d’espaces commerciaux à louer. Même les quartiers du Upper East Side ne sont nullement épargnés. Il y en a tout autant que Down Town ou dans le West Side. Et il est très probable qu’il y en aura beaucoup plus d’ici quelques mois en raison des loyers insoutenables et de la fréquentation en chute libre malgré les discounts de plus en plus intéressants. Il est courant de voir ces derniers franchir les -50%, -60% et -70% n’est pas rare dans les vitrines pour attirer le chaland qui ne s’y aventure plus puisque les américains se sont remis à épargner. Le taux d’épargne des ménages américains est passé de 0%, il faudrait même dire – x% en raison de l’argent dépensé à crédit, donc 0% à 3-4% ce qui constitue une progression non négligeable en si peu de temps. Mais c’est bien entendu de l’argent qui n’ira pas alimenter la reprise que certains s’obstinent à voir « au bout du tunnel »…

A Soho avant-hier. Ce quartier qui était ces dernières années si fréquenté et ou l’on ne voyait que des magasins bourrés à craquer de consommateurs déchainés, ressortant avec des sacs pleins les bras et des cartes de crédit rougeoyantes à force d’être sollicitées, ce quartier si à la mode était bien peu animé ce jour là. Pourtant c’était une journée qui avait tout pour provoquer une affluence record : un temps superbe et un we prolongé. Néanmoins les magasins étaient vides. Toutes ces enseignes, toutes ces marques de luxe dont on nous faisait des gorges chaudes lors des annonces de bénéfices et de chiffres d’affaire record en fin d’année, toutes étaient désertées. Les rues n’étaient pourtant pas vides, même si elles n’étaient pas pleines comme on pouvait en avoir l’habitude, mais l’ex-consommateur passait devant sans s’y arrêter. C’était une impression étrange de marcher dans ces rues pavées épargnées par la spéculation immobilière, escorté par ces locaux encore pleins de marchandises dont plus personnes ne voulaient malgré le racolage et les rabais extravagants. Ces devantures, soulignées des grands noms de la mode comme un rouge à lèvre trop agressif, me faisaient maintenant penser à des prostituées vieillies sans qu’elles s’en soient rendu compte et ne comprenant pas pourquoi la clientèle ne se pressait plus à leurs portes. Elles utilisaient pourtant tous les moyens de racolage connus mais rien n’y faisait : leur temps était passé. C’était clairement le sentiment que j’avais en me baladant entre ces magasins soit disant de luxe : l’époque qui avait fait leurs brefs mais fructueux beaux jours étaie passée et ne reviendraie pas. Ils étaient comme des coucous qui s’étaient installés dans un nid fabriqués par d’autre, en l’occurrence des ateliers de la fin du XIXeme notamment de confection. Ils laisseront la place à leur tour sous peu. Mais qui ou quoi les remplacera ?

Précisions : en ce qui concerne l’immobilier commercial aux USA la Deutsche Bank vient de publier un rapport intitulé « Commercial real Estate at the precipice » dans lequel il est stipulé que 56,8 % des hypothèques commerciales existantes ne seront pas qualifiées pour négocier un refinancement de leur emprunt. D’autre part l’agence Moody prévoit une perte d’au moins $ 375 milliards sur les $3,5 trillions de prêts hypothécaires commerciaux encore dus. Cela implique un taux de perte de 11% c'est-à-dire le double de celui subi à cause de la crise des prêts hypothécaires immobilier résidentiel. C’est évidemment sans compter les dépréciations à venir en raison de la chute libre des prix des biens commerciaux qui ne trouvent plus de locataires. Comme pour les conforter dans leurs prévisions le second plus grand promoteur américain de malls, « General Growth Properties », propriétaire de plus de 200 malls à travers le pays, s’est déclaré en faillite car il ne parvenait plus à rembourser ses dettes. Quelques jours plus tard une tour de bureaux de quarante étages a été saisie par le créditeur car le propriétaire, « Macklowe Properties », ne pouvait plus, là encore, rembourser ses emprunts. En clair le pire est à venir.


La cour Suprème de Californie a confirmé hier l’interdiction du mariage pour les homosexuels, provoquant la fureur de certains de ces derniers. Les journaux ont largement commenté la nouvelle, laissant penser qu’il y avait eu des milliers de gens dans les rues pour protester contre cette décision, notamment à NY. En réalité il se trouve que nous nous sommes retrouvés tout à fait par hasard une amie et moi face à la manifestation en question qui aurait rempli de honte n’importe lequel de nos syndicalistes français en raison du nombre si réduit de participants. S’il y avait cinq cent personnes ce serait le bout du monde. Mais à entendre les médias le pays était sur le point de se lever en masse pour protester.


L’autre nouvelle dont on parle beaucoup est la nomination à la Cour Suprême du juge Sotomayor. Les médias et les lobbys en font des gorges chaudes et chacun y va de son commentaire sur les droits des femmes, les droits des minorités, en bref des droits de tous contre tous. Ce qui est frappant dans ce déluge de réjouissances c’est que personne ne prend en considération l’intérêt général du pays, c'est-à-dire de la communauté nationale dans son sens le plus large, transcendant tous les petits intérêts particuliers, et qui était encore il n’y a pas si longtemps celui autour duquel se rassemblait tout le monde. Aujourd’hui chacun tente de récupérer des avantages sans se préoccuper de l’intérêt général, sans se rendre compte que tous ces intérêts particuliers finissent par se heurter violemment sans aucune possibilité de les satisfaire tous. Mais ce sont des droits. C’est ce que Philippe Murray avait si bien décrit et nommé : « moderne contre moderne ».

Certains agitent l’idée que les républicains vont tout faire pour empêcher cette nomination. En réalité il n’y a presque pas de possibilité pour eux de l’éviter puisqu’ils ne détiennent pas la majorité au Sénat. Ils pourraient retarder le processus par ce que l’on appelle « filibustering ». Mais il reste très improbable que la plupart des sénateurs républicains se prêtent à ce genre de facétie pour plusieurs raisons : d’une part c’est un combat perdu d’avance car non seulement les démocrates ont la majorité au Sénat mais en plus la nominée a le soutien d’un certain nombre de républicains ; en effet Mme Sotomayor fût nommée juge fédéral par le Président Georges Busch senior et sept sénateurs républicains actuels ont soutenu sa nomination en 1998 à la cour d’appel couvrant NY, le Vermont et le Connecticut. D’autre part, et ce qui est beaucoup plus important, cela ne changera rien à l’équilibre existant actuellement à la Cour Suprême. De plus cela ne pourrait que rendre le GOP encore plus discrédité qu’ils ne l’est actuellement sans aucun bénéfice tangible. Seule une découverte inattendue et invalidante aux yeux des sénateurs dans le curriculum vitae de Mme Sotomayor lors des auditions approfondies que la juge aura à subir pourrait changer le cours des choses. Comme l’a dit un des soutiens républicains de Mme Sotomayor, l’ancien Attorney General Gonzales :

"Based on what we know today, it appears to me that she's going to be confirmed. But, again, we don't know what we don't know."

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