jeudi 25 juin 2009

Montréal, le 25 Juin 2009

NewYork City - Ithaca

La traversée de l’Etat de NY de l’Est à l’Ouest et du Sud au Nord est très instructive. Généralement lorsque l’on parle de NY on ne pense qu’à la ville en oubliant, ou en ignorant, que cette dernière n’est qu’une partie de l’Etat du même nom, et qu’elle n’en n’est même pas la capitale. Celle-ci est Albany. C’est un grand territoire, un peu plus vaste que l’Angleterre mais beaucoup moins peuplé; en 2008 il y avait 19,5 millions d’habitants dans l’Etat de NY pour 141.205 km2.


Dés que l’on quitte la ville de NY par le Nord, c’est à dire par l’autoroute 87 en direction d’Albany, on se rend compte que la ville et l’Etat du même nom n’ont rien à faire ensemble, ou plutôt que ce sont deux mondes différents. Tout d’abord il faut sortir de NY City, traverser ces banlieues ravagées par l’industrialisation puis par la désindustrialisation qui la suivit, ces carcasses d’usines abandonnées, ces routes entrelacées les unes dans les autres qui paraissent n’avoir d’autre but que de perdre définitivement celui qui aurait eu la témérité de s’aventurer sur ce réseau dantesque; mais, il faut le souligner, la signalisation du réseau routier américain est très bien faîte. Une fois sorti de ce cimetière industriel (gloire des XIX-XXeme siècles eux-mêmes gloire de l’humanité moderne en quête du progrès comme d’autre de la pierre philosophale) on se retrouve soudain en pleine nature, même lorsque l’on emprunte l’autoroute (87) car celui-ci traverse des paysages grandioses à perte de vue, couverts de forêts dont on voit parfois les restes sanglants de certains de leurs habitants sur les bords de la chaussée (un chevreuil par exemple). Ceci dit ce même paysage se répète indéfiniment sur des centaines de kilomètres, en réalité jusqu’au Quebec à la frontière Nord-Est des USA et du Canada. C’est un peu monotone à la longue, surtout si l’on a été habitué aux paysages si variés de la France. Néanmoins c’est très beau.

Une centaine de km au Nord de NY se trouve la ville de Kingston ou je suis sorti de l’autoroute pour emprunter des routes secondaires en virant plein Ouest jusqu’à la ville d’Ithaca au bord du lac Cayuga, situé au Sud de la ville de Syracuse. Cela représente environ 250 km de routes très peu encombrées, c’est le moins que l’on puisse dire, généralement au milieu de forêts et de quelques pâturages s’étendant à perte de vue, parfois agrémenté de grands lacs. Il y a un air de Suisse là dedans, mais une Suisse à qui on aurait retiré ses montagnes et ses sommets enneigés, même si la neige, elle, est belle et bien présente en hiver. Et plutôt plus que pas assez. Entre Kingston et Ithaca on ne peut manquer d’observer l’état de pauvreté dans lequel se trouvent tous les villages que l’on traverse. Et il y en a! Ces villages sont clairement dépeuplés et ont connus des jours nettement meilleurs. Les maisons, anciennes et charmantes pour la plupart, en bois peint comme toujours dans cette région du Nord des USA, sont en mauvais état lorsqu’elle sont encore habitées, et bien évidemment croulantes lorsqu’elles ne le sont plus, personne apparemment ne se pressant de les racheter et encore moins de les remettre en état. Les panneaux «for sale», dérisoires et pathétiques témoins d’une vie évacuée, ne sont souvent même plus debout sur leur piquet, mais plutôt gisant à terre, inutiles comme une arme dont le propriétaire serait mort. Les églises elles-mêmes sont bien souvent fermées et en très mauvais état également, et il n’est pas rare d’en voir deux dans le même village ce qui laisse supposer qu’il y eut un temps ou la population était bien plus nombreuse, ce qui permet de mesurer l’étendue de la catastrophe qui s’est abattue sur ces régions, impliquant l'exode de toutes ces populations autrefois indépendantes par leur métier, paysan ou artisan, intégré dans une communauté, et se retrouvant disloquées et jetées dans la grande ville anonyme, avec pour seuls abris l’équivalent local de nos hlm, des heures journalières de métro ou de trains pour se rendre sur leur lieu de travail, et pour bonus un salaire ridicule ne leur permettant pas de payer des études à leur progéniture ni même de leur procurer une sécurité sociale a minima.

Plus on se dirige vers l’Ouest plus on se rend compte que cette immense région était peuplée de fermes de petite ou moyenne surface, pratiquant l’agriculture mais surtout l’élevage si on se fie aux pâturages encore visibles dégagés sur les forêts, chaque ferme avec sa maison d’habitation, soeur des maisons villageoises dont on parlait tout à l’heure, entourées par les habituels silos à grain au toit conique et par les immenses et souvent magnifiques granges aux toits en forme de bateau renversé qui servaient à stocker les foins au-dessus des étables ou l’on abritait le bétail pendant l’hiver. Il y en a partout tout au long du chemin, parsemant le paysage comme des cailloux pour rappeler la présence de l’homme au milieu de ces effrayantes étendues d’arbres, l’homme luttant contre la nature mais perdant face à l’industrialisation de l’agriculture. Ces granges énormes ainsi que leurs dépendances étaient toutes peintes en rouge, un rouge sang de boeuf ce qui dans le contexte ne parait pas absurde. Et curieusement cela se marie parfaitement dans ce paysage dont la seule couleur est le vert. On en est presque reconnaissant de ces tâches sang de boeuf qui émergent de temps à autre au milieu de cette monotonie qui n’en finit pas. Malheureusement, comme déjà dit, toutes ces fermes sont dorénavant inactives voire abandonnées. Seules quelques unes ont résisté à la débâcle et parfois, au détour d’un pâturage, on peut apercevoir un troupeau de vaches paissant tranquillement dans un champs. Ce qui ne manque pas de nous faire penser à leurs malheureux congénères confinés dans ces horribles élevages industriels qui ont remplacé les petites exploitations d’antan. Et par déduction on ne peut s’empêcher non plus d’avoir un peu de pitié pour le pathétique consommateur qui s’empiffre de cette viande dont on ne veut pas savoir ce qu’elle contient, mais qui estime que se gaver de cette viande de médiocre qualité, bourrées d’antibiotiques et autres cochonneries, plusieurs fois par jour constitue un progrès jamais assez cher payé... Mais c’est peut-être dû au fait que la facture ne s’est pas encore présentée à la porte.

Patience çà vient...


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