mardi 16 juin 2009

NY, le 16 Juin 2009

Les temps à venir s’annoncent turbulents, mais ce n’est pas un scoop. Ce ne devrait constituer tout au plus qu’une banale confirmation de ce que nous pouvons observer depuis un certain temps déjà. Mais la crise multi-facettes, où devrions-nous dire La Crise, que le monde subit aujourd’hui, et qui ne fait que s’accélérer et s’approfondir à chaque jour qui passe, empêche toute tentative de prédiction quelle qu’elles soient, à moyen terme et encore moins à long terme. Quant au court terme on peut s’y aventurer en prenant le risque de se tromper, peut-être non pas tant sur le fait de la nature et de la « qualité » de la crise, mais plutôt dans les formes que celles-ci peut revêtir. Car il est de plus en plus visible qu’elle peut désormais se draper dans n’importe quel vêtement, même le plus décent et inoffensif en apparence. Le facteur fondamental dans l’évolution de cette crise est la rapidité à laquelle non seulement elle se répand mais à laquelle elle s’approfondit, non sans provoquer des incohérences majeures dans l’attitude des uns et des autres.

Or c’est précisément cela que l’on peut observer depuis une semaine ici à NY, et aux USA en général. En effet nous pouvons remarquer deux faits en évolution rapide depuis une huitaine de jours. D’une part il semblerait que l’inquiétude s’accroit et d’autre part que la lune de miel des Américains avec leur Président touche sa fin, où plutôt que nous soyons en train de vivre le début de la fin de cette lune de miel. Ces deux faits sont-ils corrélés entre eux, s’alimentent-ils l’un l’autre dans une sorte de spirale qui s’accélère tout comme la Crise elle-même ? Il est très probable que la perception de plus en plus aigüe de la gravité de la crise par les Américains est un facteur à prendre en compte lorsque l’on considère la manière, nouvelle et soudaine, dont le Président commence à être attaqué de tous côtés. Et il ne s’agit pas de parler des républicains, où plutôt des néo-cons, mais bien d’une partie de ceux qui ont voté pour lui aux dernières élections. Certains de ces derniers avaient chargé Obama de leurs revendications les plus outrageuses, voire les plus absurdes où même les moins réalisables sans daigner prendre en considération la levée de boucliers que cela créerait de la part de ceux, la majorité, que cela ne concerne pas. Le problème est que tout le monde s’est mis à revendiquer tout et n’importe quoi sans aucune considération d’un intérêt général quelconque. Et c’est de cette façon que nous arrivons à une situation dans laquelle chacun s’élève contre tous en proclamant son droit inaliénable à voir sa revendication acceptée même si cela doit se faire contre l’intérêt général. Encore faudrait-il être capable de savoir quel pourrait bien être cet intérêt général, de plus en plus vague et donc abstrait par définition, lorsque chacun finit par confondre son intérêt personnel propre à très court terme avec celui de la communauté fédérale.

Cette inquiétude qui augmente dans le public n’a de liens ni avec la perte d’influence des USA dans le monde ni avec leur puissance déclinante. En réalité, d’après ce que l’on peut observer et entendre, cela est assez vague, là encore, et il semblerait plutôt qu’il y ait un courant grandissant pour un retrait des affaires du monde ; en d’autres termes le courant isolationniste reprendrait sérieusement du poil de la bête, corrélé en cela aux difficultés intérieures grandissantes, ou plutôt à leur perception nouvelle comme telle. Plus d’une fois nous avons entendu dire : « s’ils ne veulent pas de notre aide (les irakiens, les afghans, les pakistanais, les européens, bref le reste du monde…) on n’a qu’à s’en aller, nous n’avons besoin de personne. ». Ce qui bien sûr prête à sourire étant donné que les USA, comme on sait, ont vécu à crédit pendant trente ans avec l’argent du reste de la planète. Et c’est précisément cela qui est en train de changer, c'est-à-dire qu’une prise de conscience encore confuse soit en train d’émerger dans l’esprit du public comme quoi il se pourrait bien que plus rien ne soit plus jamais comme avant. Ce qui est parfaitement vrai en dépit de ce que les médias et le gouvernement peuvent encore affirmer sur tous les tons. Mais la brèche s’élargit d’autant plus que certains officiels commencent à lâcher le discours rassurant qui était de mise jusque là et à s’inquiéter publiquement de la dette de l’Etat Fédéral (Ben Bernanke soi-même !) et des conséquences catastrophiques que cela va avoir pour le pays. Cette dette faramineuse, que certains n’hésitent d’ailleurs plus à déclarer non-remboursable, met de l’eau au moulin de ceux qui agitent le chiffon rouge du coût des guerres (Irak, Afghanistan, Pakistan), le coût des bases à l’étranger et en conséquence de la présence des troupes américaines hors du sol américain. Certains ajoutent que le coût du retrait des troupes US d’Irak ne pourrait même pas être payé tant cela demanderait de logistique pour évacuer les montagnes de matériel accumulé depuis 2003. Il n’y aurait d’autre solution que d’en abandonner la plupart aux Irakiens, c'est-à-dire quasiment tout…

On a un étrange sentiment de schizophrénie répandue à tous les niveaux du pays, une fracture qui tendrait à s’accentuer entre la population d’un coté et les gouvernants, le Congrès et les médias inclus On a l’impression curieuse que les dirigeants vivent dans un monde différent que celui de ceux dont ils sont censés être les représentants. On a l’impression que ces derniers s’inquiètent de plus en plus officieusement au fur et à mesure que les premiers se rassurent officiellement sur l’amélioration supposée de la situation. Il est troublant de lire les journaux qui annoncent sans cesse des nouvelles catastrophiques tout en les présentant comme des améliorations de la situation quasiment miraculeuses… Parfois on se demande si l’on n’est pas temporairement dans l’œil du cyclone, dans une zone sans secousses alors que la tempête se déchaine au-dehors, tout en sachant très bien que notre heure viendra plutôt plus vite que prévu. Si ce n’était pas le cas pourquoi les Américains se seraient ils remis à épargner le plus possible ? Est-ce un indice de confiance ou d’inquiétude ? Il suffit de voir les magasins qui ferment tous les uns après les autres dans les rues de NY pour confirmer que chacun fait désormais attention à ses dépenses. Nul besoin de courbes et autres mathématiques pour s’en convaincre : la rue suffit ! Tandis que les médias et le gouvernement ne cessent de clamer sur tous les tons « tout va bien, tout est maîtrisé, le bout du tunnel illuminé est en vue », on a l’impression de voir les gens dans la rue répondre « ouais, c’est çà, cause toujours… » et je ne rajouterai pas le reste.

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