vendredi 16 novembre 2012

Gaza : Bibi sonne 'heure de vérité à toute volée ; faites vos jeux !

Nos dirigeants bien-aimés, tous ces « droitsdelhommistes invétérés », tous ces auto-proclamés sauveurs du genre humain, du droit des femmes, des canaris et des frigidaires en déroute, tous nos « progressistes » hysté(o)riques dont l’arme favorite sont les bombardements humanitaires, bref nos zélites politicozéconomiques se sont réveillés au son du canon et des bombardiers israéliens au dessus de Gaza.

« Réveillés », rien n’est moins sûr...

Pourtant Bibi aura tout fait pour que cela se produise.
Le « timing », comme on dit en Anglais, serait presque parfait.

En effet, en bombardant Gaza une fois de plus, en menaçant de l’envahir une fois de plus, en provoquant quelques dommages collatéraux une fois de plus, bref en commettant une action totalement illégale au regard du droit international une fois de plus, Bibi se permet de mettre tout le monde face à ses responsabilités d’un seul coup. Bibi met ses gros pieds au beau milieu de la gamelle dans laquelle avaient l’habitude de venir s’abreuver toutes les parties prenantes de la région depuis des décennies. Très confortablement d’ailleurs.

Aujourd’hui, les bombardements de Gaza par les Israéliens, et sa possible invasion par les troupes de l’IDF (nous avons des doutes à ce propos, à moins que la situation ne devienne hors de contrôle, ce qui n’est pas à exclure non plus), pourrait provoquer un bouleversement dans la région dont Bibi lui-même ne voudrait peut-être pas.
Quels pourraient être les objectifs de Bibi en déclenchant cette attaque au risque de provoquer un désordre sans précédant dans la région qui pourrait se retourner contre Israël lui même ?

Probablement deux :

Un objectif électoral d’abord en montrant aux électeurs combien ils sont bien protégés par Bibi contre les terroristes du Hamas. Une petite incursion militaire violente, rapide, peu couteuse en vie israélienne et bien menée serait idéale pour montrer sa détermination à protéger le pays contre ceux qui veulent sa perte. Dans le cas d’une candidature de Ehud Olmert ce serait un avantage certain.

Both Netanyahu and Barak would have good reasons for wanting to use a successful mini-campaign to score points before parliamentary elections are held on Jan. 22. Netanyahu is undoubtedly afraid that ex-Prime Minister Ehud Olmert could snatch votes away from his Likud party if he decides to throw his hat in the ring. In fact, there are rumors that Olmert was planning to announce his candidacy precisely on Wednesday evening. But the military action codenamed "Pillar of Defense" upset his plans.

Defense Minister Barak can also no longer assume that his "Independence" party, which broke off from the Labor Party in January 2011, will win enough votes to keep seats in the country's parliament, the Knesset. However, a successful offensive could boost its waning popularity enough to guarantee it some parliamentary seats. An offensive that gets the population to close ranks behind the military would also divert attention away from pressing social problems in Israel. Doing so would take the wind out of the sails of groups such as the Labor Party and cost them votes, thereby helping Netanyahu's and Barak's respective parties.
(Sources : Der Spiegel - 15.11.2012)

Un objectif de politique étrangère. En attaquant Gaza, Bibi pourrait tenter de tuer dans l’oeuf toute tentative de négociation directe entre les USA et l’Iran. Comme vous le savez, cher lecteur, les bruits courent depuis quelques mois que des représentants du Président US et de l’Ayatollah Khamenei se rencontrent à Bahrein depuis quelques temps afin de discuter des possibilités d’un accord sur la question du nucléaire iranien.

L’attaque israélienne à Gaza remet au premier plan la question principale qui est à la racine de tous les problèmes du Moyen-Orient depuis des décennies. En propulsant la question palestinienne au centre du ring moyen-oriental, Bibi force ainsi tous les dirigeants de la région, et tous ceux qui y ont des intérêts, à regarder le problème en face et à prendre parti.

A commencer par Obama.

Or, hier, en soutenant Israël sans sourciller ni poser aucune question, tout comme les Anglais, Obama a montré une fois de plus que son discours du Caire n’était que du bluff et que les vagues espoirs qu’avaient fait naitre sa réélection sur un hypothétique changement de sa politique au MO n’étaient que des illusions fantasmatiques.

Gageons que le message aura été reçu 5 sur 5 par l’Iran et que, de ce fait, les perspectives d’accord avec les USA n’en subissent un refroidissement si tant est qu’il y ait eu une amorce de réchauffement.
Bibi serait alors parvenu à l’un de ses buts : torpiller tout accord entre les USA et l’Iran.

Ceci dit il se pourrait également que  la situation se mette à dérailler et que Bibi perde le contrôle du déroulement de son petit stratagème.

Car la situation au MO a changé ; elle a même subi une transformation radicale en ce sens que les gouvernements arabes, ceux qui ont résisté, pour le moment, à la vague de soulèvements dite du « Printemps arabe », tout comme ceux qui en sont issus, tous ces gouvernements dépendent peu où prou de l’humeur de la rue. Or, la rue arabe est à 100 % en faveur des Palestiniens ; les gouvernements arabes étant fragilisés, ils devront tenir compte de cette rue qui fut tant ignorée depuis des décennies. Notamment en Egypte mais pas uniquement ; la Jordanie est extrêmement fragilisée, peut-être même au point de rupture, sans parler de nos alliés demokrates du Golfe, en particulier l’Arabie-Saoudite.

L’Egypte et le Qatar en première ligne.

L’heure est donc délicate pour les différents gouvernements en place dans la région, particulièrement pour les Frères Musulmans égyptien et le Président Morsi qui se trouve désormais entre le marteau et l’enclume :

- d’un côté les USA, le Qatar, bref les gros bras financiers qui assurent ses fins de mois à l’Egypte, et à qui cette dernière doit renvoyer l'ascenseur d’une manière où d’une autre :

"A technical team from the International Monetary Fund (IMF) has been in Cairo for the past fortnight to negotiate a US$4.8 billion loan that Egypt has sought to shore up finances. Even as the Israeli jets kept pounding Gaza relentlessly and Hamas beseeched Egyptian president Mohamed Morsi for help, the IMF announced on Wednesday, "The mission will remain in Cairo for a few more days to continue work and build on the good progress already made."

- de l’autre la population.
Cette dernière est si acquise à la cause palestinienne qu’elle veut dénoncer les accords de Camps David. De plus, les FM égyptiens doivent faire face à une concurrence redoutable de la part des Salafistes qui ont plus de 20 % des sièges au Parlement. Ils pourraient fort bien se faire dépasser sur leur droite s’ils ne réagissaient pas suffisamment en faveur des Palestiniens. On voit bien d’ailleurs que Morsi a immédiatement réagi en rappelant son ambassadeur à Tel-Aviv et en convoquéant l’ambassadeur d’Israël pour le sermonner à propos de l’attaque israélienne ; sans compter le déplacement du premier ministre égyptien à Gaza pour manifester son soutien aux Palestiniens.
Mais tout cela ne va t’il pas s’apparenter à de vides gesticulations aux yeux de la population égyptienne surchauffée ?
Les Salafistes n’en profiteront-ils pas pour faire de la surenchère ?

Pour notre allié demokrate Qatari la situation est délicate également à l’exception du fait que l’émir, pour le moment, n’a pas à s’inquiéter de l’opinion de sa population. Mais, déjà, vis-à-vis des populations arabes notre allié demokrate Qatari a perdu de son aura, au même rythme qu’Al Jeezira a perdu de sa crédibilité (à juste titre d’ailleurs). Il apparait désormais plutôt comme la figure de proue des intérêts US et Occidentaux, en dépit du fait qu’il finance les FM à travers tout le MO (et ailleurs comme on sait).
Son voyage très médiatisé à Gaza, il y a une dizaine de jours à peine, au cours duquel il a promis solennellement un chèque de quelques milliards de dollars (2.5 si nos souvenirs sont bons), tout comme l’installation de la direction du Hamas à Doha, après avoir abandonné Damas et leur protecteur de longue date, tout cela a fait de l’émir du Qatar le nouveau sponsor du Hamas avec Morsi. Mais cela résistera t’il à cette nouvelle crise ?

L’heure de vérité pour tous au Moyen-Orient.

Pour les Frères Musulmans en général, c’est-à-dire égyptiens, turcs, jordaniens, qatari etc, bref les FM de tout le MO, cette affaire est un test crucial qui pourraient les discréditer définitivement vis à vis des populations arabes s’ils ne le passaient pas de manière satisfaisante ; c’est à dire s’ils ne s’opposaient pas aux Israéliens en venant à l’aide des Palestiniens comme le voudraient les populations arabes et comme l’a demandé le leader du Hamas :

«The leader of Hamas in the Gaza Strip implored Arab states – Egypt in particular – to come to the defense of the Palestinians. “We call on our Arab brothers, and especially Egypt … and the new Egyptian presidency, to suppress this barbaric campaign in defense of Gaza and its people,” Ismail Haniyeh said in a statement.

Si c’est un test pour les Frères Musulmans, c’en est un également, et non moins crucial, pour les USA et leurs minions occidentaux. Car si leurs « ex ennemis-nouveauxalliéspourlavie », c’est à dire les FM, venaient à perdre toute crédibilité sur la scène moyen-orientale, les USA n’auraient plus de carte à jouer. Il n’y a plus aucun jocker en vue (en fait, un seul, mais pour le moment impensable). Et ne doutons pas un seul instant que ces FM seraient remplacés par des individus beaucoup plus sinistres et radicaux à côté desquels les FM font figure d’aimables bonnets de nuit. Le Hamas lui-même serait emporté dans la tourmente au profit de groupuscules islamistes ultra radicaux qui attendent dans l’ombre.
Quant à l’Arabie Saoudite, ses cartes et ses intérêts ne sont pas les mêmes que celles des USA où des FM. Et il se pourrait bien qu’un échec pour persuader les populations arabes par les FM qu’ils sont de taille pour affronter le problème en prenant parti clairement et concrètement en faveur des Palestiniens contre Israël, et donc contre les USA, il se pourrait donc bien qu’un tel échec ne renforce considérablement ces islamistes ultra radicaux financés par les Saoudiens et dont on voit déjà les oeuvres sympathiques en Syrie. En ce cas, l’Egypte pourrait être le premier maillon de la chaine d’états à passer de l’autre côté de la barrière, étant donné qu’il y existe déjà un parti Salafiste financé par les Saoudiens qui représente le second groupe parlementaire au Parlement, celui dont certains membres ont proposé il y a peu de raser les pyramides et le sphinx.

Hummm, le bel avenir que voilà.

L’affaire syrienne en miroir.

Que va faire le nouveau « patron » du Hamas, notre allié l’émir du Qatar, à part rouler des mécaniques et faire de grands mouvements de bras dans le vide ?
Que va faire Morsi sur lequel le Hamas compte tant mais qui a un besoin si pressant des milliards Occidentaux et Qataris ?
Que va faire Erdogan, lui qui voulait se rendre à Gaza pour jouer au Caliphe protecteur ?
Que vont faire les petro-monarchies du Golfe à part l’éternel verbiage qui les caractérise en pareil cas?
Qu’allons-nous faire, nous, chers lecteurs, nous Occidentaux qui prisons tant la « justice », la « démokratie », « les droits des peuples à disposer d’eux-mêmes », et tout et tout, en Syrie en tout cas ? Se pourrait-il que nous ne soyons pas aussi exigeants pour la Palestine ?

Allons, pensez-y, chers lecteurs ! Tous ces défenseurs de la « démokratie chez les autres », tous ces défenseurs des « droitsdelhomme chez les autres », tous ces « amoureux de la liberté chez les autres », tous ces contempteurs de la tyrannie, de la dictature et des « meurtiers de leur propre peuple chez les autres », que vont-ils faire maintenant pour aider les Palestiniens ?

Peut-être notre illustre Président dont l’univers entier retiendra le quinquennat pour les siècles des siècles, peut-être, donc, Normalo 1er et son épouvantable « ministre des affaires étrangère de la France » vont-ils proposer d’envoyer des armes au Palestiniens pour les aider à se défendre ? Nous imaginons d’ailleurs très bien un voyage de ce dernier à Gaza pour y vérifier par lui-même la situation et réconforter les victimes des bombardements, sans douter une demi seconde qu’il nous fera part de son « émotion » par une petite phrase comme celle qu’il a eu pour le Président syrien mais, cette fois-ci, à l’adresse de Bibi...

Que fera Morsi ?
Enverra t’il l’armée égyptienne à Gaza pour s’opposer aux Israéliens afin de protéger leurs « frères » du Hamas de l’oppression israélienne ?

Que feront nos grands alliés qatari et turc ? Demanderont-ils une zone interdite aux avions israéliens afin de protéger la population de Gaza des bombardements humanitaires israéliens ? Fourniront-ils armes et bagages, finances et entrainements aux Palestiniens pour résister à l’armée israélienne ?
Où encore, transféreront-ils les terroristes qu’ils ont envoyés en Syrie afin de protéger les palestiniens?
Et les terroristes, en admettant qu’ils soient dotés du demi-cervelas nécessaire pour comprendre quelque chose à la situation, que feront-ils ? Plieront-ils bagages d’eux-mêmes pour se rendre à Gaza?

Humm... Nous vous laissons le choix des réponses, chers lecteurs.

Bibi est-il un grand stratège ?

Le grand mérite de Bibi est qu’il a mis en pleine lumière la schizophrénie de la politique US et Occidentale au MO, d’une part, et l’hypocrisie des états arabes, d’autre part (des Occidentaux également).

Il a pris le risque d’engager une épreuve de force avec l’ex sauveur de l’humanité, s’appuyant pour se faire sur la puissance de ces relais que le gouvernement israélien possède au Congrès et dans l’establishment washingtonien, notamment à travers l’AIPAC. Mais il a également parié sur la faiblesse du président en se basant sur le comportement de celui-ci au cours de son premier mandat.
Il a voulu forcer Obama à choisir son camp : c’est moi, Israël, sans conditions, où le chaos. D’après la première réaction du très saint gouvernement des USA il aurait réussi son pari, où en tout cas en partie.

En ce qui concerne les états arabes, et les FM en particulier, son action risquerait de les contraindre à agir, pour sauver leur peau, d’une manière imprévue par son catalogue mental car très différente de celle qu’aurait eu un Moubarak, par exemple. Les temps ont changé au MO et la situation est explosive. La question palestinienne en est la cause principale.

Bibi a t’il pris pleinement en compte le danger qu’il courait de se retrouver avec des états voisins dirigés par des Salafistes : Egypte, Jordanie, Syrie ?
Bibi a t’il bien pris en compte le danger qu’il y avait à donner un bon prétexte à tous les djihadistes de la région de se retourner contre Israël en faveur des Palestiniens ?
Bibi a t’il bien pris en compte le risque d’une guerre plus longue et couteuse en vies israélienne que prévue ? Dans ce cas son pari pourrait s’avérer perdant car cela pourrait lui faire perdre les élections.
Dernière question : dans le cas où les FM ne réagiraient pas conformément aux attentes des populations arabes, et dans l’hypothèse où les iraniens et autres syriens où Hezbollah réagiraient en faveur des palestiniens, comme ils l’ont toujours faits par le passé, Bibi a t’il réalisé que cela pourrait accroitre encore plus le prestige de ces derniers aux yeux des arabes ?

Pour l’instant nous ne savons pas ce qui arrivera dans les jours qui viennent, ni quelle sera l’issue de cette affaire, mais il est certain que la manoeuvre de Bibi est très risquée au motif que la situation au MO est explosive et que tout est désormais lié. Chaque incident provoque des réactions dans toute la région et la cause palestinienne est la question la plus sensible de toute dans la région. Elle seule a la faculté de réunir toutes les opinions publiques du monde arabe. Le pyromane en chef, Bibi, a peut-être un plan bien pensé mais dans une région et à une époque aussi volatile que l’est le MO aujourd’hui, toute combinaison aussi bien échafaudée soit-elle peut tourner à la catastrophe en un rien de temps.
S'il a mal calculé son coup, nous pourrions nous retrouver avec des salafistes au pouvoir dans tout le MO. A ce moment là, nous regretterons les FM et il sera enfin temps de se tourner vers l'Iran ; cela risque d'être un peu tard.

Mais pour le moment tout le monde est content à cochon sur Terre, le meilleur des mondes

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