Qui l’eût cru, chers lecteurs ?
Quelle surprise d’apprendre soudain que nous devenons de plus en plus stupide alors que nous pensions tous que nous avions atteint un sommet d’intelligence jamais atteint auparavant. Nous qui considérions nos crétins d’ancêtres avec un brin de dédain, voir même une condescendance assurée et assumée, nous voilà projetés à terre du haut de la branche sur laquelle nous nous croyions en sureté.
Nous ne serions pas aussi intelligent que nos ancêtres !
Dit autrement, si nos ancêtres revenaient sur terre, un grec par exemple qui vivait du temps de Péricles, c’est à dire vers 420 avant JC, où un Indien vivant à la même époque, eh bien autant vous le dire crument, chers lecteurs, ils nous prendraient pour des cons... Eh oui, ils nous prendraient pour des demeurés tout juste bons à ramasser des bananes tombés à terre, puisque même cela nous ne savons plus le faire : monter aux arbres. D’ailleurs la meilleure preuve et que nous nous fichons par terre dés que nous nous y essayons avec les conséquences déplorables que nous savons.
C’est en tout cas ce que le professeur Crabtree, de l’université de Stanford, a conclu de ses recherches sur nos capacités intellectuelles. Autant vous prévenir tout de suite : ce n’est pas brillant !
«Dr. Crabtree’s research led him to believe that the collective mind of mankind has been on more or a less a downhill trajectory for quite some time.»
Le « quite some time » n’est pas vraiment fait pour nous rassurer. Depuis combien de temps au juste devenons-nous stupides ?
“I would wager that if an average citizen from Athens of 1000 BC were to appear suddenly among us, he or she would be among the brightest and most intellectually alive of our colleagues and companions, with a good memory, a broad range of ideas, and a clear-sighted view of important issues. Furthermore, I would guess that he or she would be among the most emotionally stable of our friends and colleagues. I would also make this wager for the ancient inhabitants of Africa, Asia, India or the Americas, of perhaps 2000–6000 years ago. The basis for my wager comes from new developments in genetics, anthropology, and neurobiology that make a clear prediction that our intellectual and emotional abilities are genetically surprisingly fragile.”
Voilà, chers lecteurs, nous devenons de plus en plus stupides depuis au moins 2000 ans, voir 6000 ans ! Cela nous donne à peu près 4.000 avant JC.
On ne peut nier que ce genre de propos constitue un choc dont peu de progressistes pourront se remettre. Cela dit, à notre humble avis, il n’y aura pas que les progressistes qui pendront un coup sur la tête à cette nouvelle étant donné que les 4000 avant JC englobent bien évidemment toute la période que l’on oppose généralement à la modernité pour mieux dénigrer cette dernière.
En conclusion, chers lecteurs, l’âge d’or de notre humanité dotée d’un cervelas dont elle savait se servir de manière efficace date de 6.000 ans, et antérieurement. Depuis lors c’est l’affadissement général et la décrépitude cérébrale continue jusqu’à notre glorieuse époque et notre monde scintillant de Cochon sur Terre dans lequel nous nous prélassons tous avec délice en grognant de plaisir.
Mais est-ce grave docteur ? Notre science mirobolante ne pourrait-elle pas nous sauver de la bêtise totale et parfaite à laquelle nous semblons aspirer de toutes la force de nos derniers neurones survivants ?
« Le Docteur Crabtree pense que des changement irréversibles, dus à des modifications génétiques associées aux avancées technologiques, ont laissé l’espèce humaine stupide, pour ainsi dire. Il vient de publier une étude détaillée, dans laquelle il explique que sur les 5.000 gènes qu’il considère comme constituant le socle de l’intelligence humaine, un nombre de mutations s’étendant sur des années a forcé l’homme moderne à ne plus utiliser qu’une partie de celles-ci, le rendant beaucoup moins intelligent que ses ancêtres. »
Oui, chers lecteurs, vous le constatez, c’est grave ; très grave.
Et le cher Docteur Crabtree enfonce le clou :
« Les humains étaient dotés de leurs plus grandes capacités d’intelligence lorsque chaque individu étaient exposés aux mécanismes naturels de sélection sur une base quotidienne. »
« Nous, humains, sommes étonnamment fragiles intellectuellement en tant qu’espèce et nous avons probablement atteint notre apogée il y a 2000 à 4000 ans. »
« Nous, humains, sommes étonnamment fragiles intellectuellement en tant qu’espèce et nous avons probablement atteint notre apogée il y a 2000 à 4000 ans. »
Voilà, chers lecteurs, vous pouvez désormais propager l’affreuse nouvelle : nous ne «progressons» plus depuis 4.000 ans mais, bien au contraire, nous « régressons » de manière dramatique depuis ce temps là.
Le pire est qu’il semblerait que ce que nous avons pris pour un « progrès » irremplaçable et bienfaisant pour notre espèce, ne soit en fait un facteur décisif de notre perte d’intelligence : la technique, où technologie.
Et pourquoi cela ?
Probablement parce-que ce que nous nommons « l’intelligence » nous permet de faire deux choses :
- en recevant les informations que nous procurent nos sens, nous sommes capables de nous faire une représentation du monde dans lequel nous sommes immergés et de nous situer dans celui-ci.
- cela nous amène ensuite à faire l'expérience de ce monde d’après ce que l’on en perçoit. Ces expériences multiples nous amènent, selon leur résultat, à les trier en y renonçant, pour celles qui s’avèrent dangereuse pour nous, où au contraire en les renouvelant, pour celles qui se sont avérées bénéfiques.
Ces deux facultés constituent le système cognitif qui caractérisent l’homo sapiens.
Qu’est-ce que la technique, où la technologie.
A l’origine ce sont des outils qui permettaient de prolonger les sens de l’homme, où pour le dire autrement, ces outils offraient un effet de levier sur les capacités que nos sens nous donnaient. C’est à dire qu’ils décuplaient les capacités de nos sens. Mais les outils, que nous ne confondrons pas avec la technologie, nous permettaient toujours de faire l'expérience du monde par nous-mêmes ; de ce fait, ils ne nous isolaient pas du monde. La technologie, elle, nous isole de ce monde dont nous sommes censés faire l’expérience pour survivre ; car ce n’est plus nous qui faisons l’expérience du monde mais les machines que nous avons fabriqués pour la faire à notre place. Pour résumer, ces machines que nous avons élaboré l’ont été précisément pour nous éviter de faire cette expérience du monde. De ce fait nous nous sommes coupé du monde et nous n’en faisons plus l’expérience que par machines interposés. Le monde d’aujourd’hui est encore plus isolant pour l’espèce puisque nous survivons désormais dans des sociétés elles-mêmes totalement isolées du monde, des sociétés « parfaites », « rationnelles », « libérées » et blablabla.
C’est le fameux « Palais de cristal » de Dostoïevski. Nous avons édifié ce dernier à l’aide de la technologie.
« Libérées » de quoi au juste ?
« Libérées » de l’homme, c’est à dire de ce qui constitue son humanité : son irrationalité, sa folie, son amour du chaos et de la destruction, sa capacité à se moquer de son « intérêt bien compris » etc...
Or, dans le Palais de cristal, précisément, nous voulons changer l’homme ; nous voulons le rendre autre, nous voulons l’améliorer en lui retirant ce qui en faisait l’homme. On veut le rendre inoffensif en transformant le loup en agneau décervelé et crédule, bon à tondre et à embrocher à volonté.
Cet agneau inoffensif, de nos jours surprotégé, sans contacts avec le monde et ses dangers, a ainsi perdu progressivement sa capacité à l’adaptation et à se défendre face à des situations dangereuses. Ses sens ont perdu leur acuité par manque d’entrainement, c’est à dire par manque de contact avec le monde et ses dangers.
Depuis que les sociétés se sont constituées, des sociétés organisées, l’homme a progressivement perdu ses facultés individuelles d’adaptation au monde puisqu’il s’en est coupée au fur et à mesure que les sociétés humaines le protégeaient toujours plus du monde extérieur.
Aujourd’hui, notre palais de cristal, ce système qui est en train de nous tuer, est probablement à son apogée. Mais nous réagissons et nous sommes en train de le détruire pour éviter l’étouffement, l’asphyxie et la mort à quoi il nous destine : ce sera lui où nous.
Nous prenons les paris avec Dostoïevski : ce sera lui !
« Oui ce sont bien ses rêves fantastiques, c’est sa bêtise la plus crasse que l’homme voudra se conserver dans le seul but de se confirmer à lui-même que les hommes sont encore des hommes et pas des touches de piano, sur lesquelles jouent peut-être les propres mains des lois de la nature mais qui menacent, ces mains, de jouer au point qu’il sera interdit de vouloir hors des limites de l’almanach.»
« (...) il me semble que toute l’activité humaine , vraiment, ne consiste qu’en cela que l’homme se prouve à chaque instant qu’il est un homme et pas une goupille d’orgue ! Par ses plaies et ses bosses, mais qu’il le prouve ; même en retournant dans les cavernes mais qu’il le prouve ! »
« (...) il me semble que toute l’activité humaine , vraiment, ne consiste qu’en cela que l’homme se prouve à chaque instant qu’il est un homme et pas une goupille d’orgue ! Par ses plaies et ses bosses, mais qu’il le prouve ; même en retournant dans les cavernes mais qu’il le prouve ! »
Peut-être qu’en retournant dans les cavernes, ce qui pourrait bien arriver, nous nous remettrons à récupérer l’usage de ces neurones que le Docteur Crabtree déplore tant que nous ayons perdu...
Il faudra probablement plus de 4.000 ans pour retrouver le niveau d’intelligence de nos ancêtres de Cro-Magnon, mais nous aurons le temps.
Car nous n’aurons plus de téléphones portables...
Ouf !
Mais pour le moment tout le monde est content à Cochon sur Terre, le meilleur des mondes.
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