Hier Dimanche, le Président Egyptien a procédé à un coup politique spectaculaire. On pourra le nommer « coup d’état » si l’on veut mais une chose est sûre : s’il n’y a aucune opposition à ce qu’il a fait hier (ce qui n’est pas gagné), il se pourrait bien que ce soit le développement politique le plus important que l’Egypte ait connu depuis la prise de pouvoir par Nasser en 1952.
Que s’est-il passé ?
Hier le Président Egyptien :
Que s’est-il passé ?
Hier le Président Egyptien :
1) le Président a procédé à des changements de personnel clés qui concerne essentiellement les militaires. Il a ainsi renvoyé le Maréchal Tantawi chez lui. Le chef du SCAF (Supreme Council of the Armed Force) a été démis de ses fonctions de Ministre de la Défense tout comme le chef d’état major de l’armée, Sami Anan. Afin de faire passer la pilule le Président Morsi accorda aux deux militaires la décoration de « l’Ordre du Nil » et les nomma « conseillers présidentiels ». Dans le même temps le commandant de la marine, Mohab Memish, a perdu son poste et fût nommé en lieu et place à la tête de la Suez Canal Authority, tout comme le commandant de l’armée de l’air Reda hafez fût nommé Ministre de la Production Militaire. L’ancien chef des services secrets, Abdel Fatah Al-Sisi, fût nommé à la place de Tantawi au Ministère de la défense. Al Sisi a bien entendu travaillé en étroite collaboration avec la CIA et Israël, mais le bruit circule qu’il serait très proche des Frères musulman...
2) dans la foulée le Président a promulgué une « déclaration constitutionnelle » qui abroge l’addendum passé par les militaires le 17 Juin dernier qui accordait au SCAF le contrôle sur le pouvoir législatif, le budget et la rédaction de la constitution toujours à venir. Mais il a dans le même temps modifié l’article 25 de la Constitution en supprimant les pouvoirs législatifs et exécutifs (tels que décrits dans l’article 56 de la Constitution) des mains de la junte pour les réassigner à la Présidence, c’est à dire à lui-même.
3) il a également placé sous son contrôle la rédaction de la nouvelle Constitution qui se trouvait auparavant sous celui des militaires.
Voilà l’essentiel de ce qui s’est produit hier.
Ce qui nous amène à nous poser plusieurs questions.
1) Ce « coup » a t’il été réalisé en accord avec au moins une partie des militaires eux-mêmes ?
C’est probable, même s’il n’est pas certain que Tantawi n’ait pas été poussé vers la sortie plutôt que d’être parti de son plein gré. Il est très possible que, d’une part une faction de l’armée ait approuvé cette solution, et d’autre part que des pressions «amicales» se soient exercées de la part d’alliés venus d’outre atlantique... C’est possible bien que ce ne soit pas confirmé. L’avantage pour les militaires d’une sortie négociée est qu’un « deal » leur permet de préserver l’essentiel de leur pouvoir ainsi que leur puissance économique dans le pays ; mais surtout cela leur permet également de se mettre en réserve et de laisser le nouveau gouvernement s’occuper d’une situation interne toujours plus mauvaise, avec une cote de popularité en baisse, quitte à revenir sur le devant de la scène en cas de besoin comme sauveurs de la nation au cas où, par exemple, les salafistes s’agiteraient un peu trop.
2) Quelle seront les conséquences de cet événement sur la politique étrangère de l’Egypte ?
Nous ne le savons pas pour le moment en dépit de certaines signes (position sur la Syrie et relation avec l’Iran) qui ont pu laisser entrevoir une certaine prise d’indépendance par rapport à la politique étrangère asservie aux USA qui était celle de Moubarak (et de Sadate). Mais c’est à confirmer, et la question de savoir si Morsi se rendra à Téhéran à la fin du mois pour la conférence des Non Alignés, et les positions que prendra l’Egypte à ce moment là, sera un signe très important sur le niveau d’indépendance politique réelle de Morsi vis à vis des USA et compagnie.
3) Ce coup d’état civil soulèvera t’il l’enthousiasme populaire en calmant le mécontentement grandissant ou cela mènera t’il à des troubles dans le pays ?
Comme nous l’avons dit la popularité de Morsi et des Frères Musulmans est en baisse dans la population. Comme nous le disons depuis deux années la situation économique du pays est, à l’heure actuelle, quasiment inextricable et elle n’a fait que s’aggraver depuis la chute de Moubarak. Nous avons quelques doutes sur les capacités de Morsi à améliorer significativement cette situation de façon à éviter une multiplications des troubles sociaux (notamment grèves dans les industries textiles) qui se sont déjà manifestés depuis sa prise de pouvoir le 30 Juin dernier. A notre avis la position de Morsi risque de devenir de plus en plus critique, tant sur un plan économique qu’au niveau de la politique étrangère s’il reste inféodé à Washington comme l’était Moubarak.
4) Qu’en sera t’il des relations avec les Saoudiens ?
Elles sont apparemment assez mauvaises (pour ne pas dire exécrables), surtout depuis la visite de Morsi à Ryadh le mois dernier. Comme par hasard le Quatar a envoyé une «aide» de US 2 milliards à l’Egypte, celle qui lui fût refusé par l’Arabie-Saoudite précisément. Comme déjà dit, le Quatar soutient les Frères Musulmans tandis que les Saoudiens les détestent et soutiennent leurs rivaux les Salafistes. Etant donné la situation les éventuels malheurs de Morsi feront le bonheur des Salafistes (ceux qui veulent raser les pyramides) et de Ryahd qui considère les Frères Musulmans comme de dangereux terroristes chez eux. Nous pouvons être certains que les uns comme les autres feront tout ce qui sera en leur pouvoir pour faire tomber Morsi et prendre sa place, ce qui les mettra en opposition frontale avec les Quataris, les USA et Israël.
Pour conclure, temporairement, Morsi a repris à sa charge les pouvoirs dictatoriaux de Moubarak, très certainement avec le consentement non dépourvu d’arrière pensées des militaires, des USA et d’Israël. Ce qui ne veut pas dire pour autant que Morsi fera la politique que ces deux derniers pays aimeraient le voir faire, et ce d'autant moins que Morsi devra tenir compte de l'opinion de la rue qui est contre les USA et Israël. Donc, rien n’est sûr.
Nous pensons pour notre part que les troubles ne sont pas terminés en Egypte, loin de là, et que les Salafistes soutenus par les Saoudiens ne feront rien pour arranger les choses, bien au contraire.
Pour le moment le plus intéressant sera de voir si Morsi ira à Téhéran à la fin du mois et ce qui sortira de cette éventuelle visite. Ce sera un test sur son niveau d’indépendance politique.
Et soyons sûrs que s’il se rapproche un peu trop de l’Iran il réunira contre lui les USA, les Israéliens, les Saoudiens et les Salafistes. Dans ce cas, nous ne donnerons pas cher de sa survie politique, voire sa survie tout court.
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