Le site israélien Debka, très proche du gouvernement voire des services secrets, a publié un article intéressant, bien qu’assez confus, sur lequel nous voudrions faire quelques commentaires. Car non seulement il recoupe certaines de nos propres observations où/et interrogations mais surtout il trahit une certaine inquiétude réelle d’Israël vis à vis de la manière dont la situation au Moyen-Orient est en train d‘évoluer.
Avec raison à notre avis.
Il nous semble qu’il y a dans la seconde moitié de cet article plusieurs points à retenir, en mettant de côté la première qui contient les habituelles diatribes contre l’Iran et sa supposée quête de la maitrise de l’arme nucléaire, cela en dépit des rapports US et ceux de l’AIEA qui ne cessent pas d’affirmer le contraire ; les récriminations contre la passivité d’Obama dans ce domaine, inertie qui, selon Debka, aurait amené deux pays, outre l’Iran, à tenter de se procurer l’arme nucléaire à leur tour : Égypte et l’Arabie Saoudite.
Il est vrai que les Saoudiens trafiquent de ce côté là depuis un certain temps déjà, que ce soit avec les Pakistanais où les Chinois. Mais cela a commencé bien avant l’arrivée au pouvoir de « l’ex sauveur de l’humanité, prix Nobel de la Paix ».
D’un autre côté, les Égyptiens, eux aussi, ont de vagues velléités d’acquérir l’arme nucléaire mais c’est encore assez virtuel et très peu concret, et ce d’autant plus qu’ils n’ont pas l’argent pour ce faire. Ce qui n’est pas le cas des Saoudiens.
Mais Debka soutient qu’à cause de l’inertie d’Obama à soutenir une attaque contre l’Iran, les Saoudiens et les Égyptiens accélèrent leurs quête de l’arme atomique. La meilleure preuve c’est que Morsi va à Pékin spécialement pour ce faire. Ce qui est entièrement faux. En revanche, une coopération économique et une aide financière sont à l’ordre du jour, comme nous l’avons déjà dit, en partie pour se désengager de la tutelle US et saoudienne.
Toute cette salade nous amène à la seconde partie de l’article qui nous parait la plus intéressante.
In the last few weeks, Saudi Crown Prince Salman launched negotiations with Tehran on a non-aggression pact and other understandings covering bilateral cooperation behind America’s back on such issues as Syria.
Effectivement c’est une rumeur qui circule dans les couloirs, surtout depuis que le Roi d’Arabie Saoudite a envoyé au Président Iranien Ahmadinejad une invitation à se rendre au sommet de la Mecque la semaine dernière. A cette occasion on a pu voir que le Roi avait placé le Président à sa gauche pour accueillir les délégations venues de toute la communauté islamique. Vous pourriez nous dire que cela ne signifie pas grand chose mais nous n’en croyons rien. Les signes de ce genre ne sont pas anodins dans les pays orientaux, surtout lorsqu’ils ne sont pas isolés. Ce sont des symboles qui sont souvent beaucoup plus significatifs que toutes les paroles de la terre. Enfin le Roi d’Arabie Saoudite a envoyé à Téhéran un envoyé spécial, membre de la famille royale, à la tête d’une délégation saoudienne pour assister au Sommet des Pays Non Alignés.
A notre avis il y aurait plusieurs raisons sérieuses incitant à un changement de cap de la politique étrangère des Saoudiens vis à vis de l’Iran.
1) les événements de Syrie ne tournent pas du tout comme les Saoudiens le pensaient.
2) la disparition supposée, et toujours pas infirmée ni confirmée, de Bandar Ben Sultan aurait décapité le clan des faucons au sein de la famille royale saoudienne. Ce qui laisserait désormais le champ libre aux partisans d’un arrangement avec les Iraniens.
3) la disparition de Bandar Ben Sultan supprime le pilier de l’alliance avec les USA en Arabie Saoudite. Du coup la méfiance des Saoudiens vis à vis des USA n’aurait plus de contrepoids au sein des instances dirigeantes. Encore une fois, et comme nous l’avion souligné à l’époque, le sort de Moubarak a été un « wake up call » pour les Saoudiens dont il ne faudrait surtout pas sous-estimer l’importance. Ils ne font plus confiance aux USA, même s’ils s’en servent à l’occasion pour faire aboutir leurs propres objectifs, comme en Syrie. C’est essentiel pour comprendre ce qui se passe.
4) l’agitation qui se développe au sein du Royaume lui-même, comme à Bahrein, et ce en dépit de la répression féroce qui s’y déroule, doit être un facteur puissant pour pousser les dirigeants saoudiens à un apaisement avec l’Iran qu’ils soupçonnent, à tord où à raison, d’être à l’origine de tous les troubles qui éclatent dans la péninsule arabique.
5) enfin, si Ben Sultan a vraiment été assassiné, ce ne pourrait être que le fait de l’Iran. Et les Saoudiens le savent parfaitement, ce qui ne pourrait que renforcer leur paranoïa et la recherche d’une entente doublée d’un compromis sur la Syrie avec les Iraniens puisqu'ils savent très bien que les USA les lâcheront sans remords dés la première salve tirée chez eux.
Alors, oui, nous ne serions pas étonné que quelque chose soit en train de s’amorcer entre les Saoudiens et les Iraniens. Ce qui ne veut pas dire que cela se fera en deux jours mais ce qui ne signifie pas non plus que cela ne se fera pas. De toute manière les contacts ont repris, apparemment, sur d'autres bases que la lutte à mort.
Désormais il faut compter avec Morsi.
Debka ne l’oublie pas et les Israéliens semblent avoir bien compris le changement qu’il pourrait représenter pour le Moyen-Orient s’il vivait assez longtemps pour accomplir ses projets.
After less than three months in office, the Egyptian President Mohamed Morsi is following in Saudi footsteps: He will kick off his first foreign trips next week with a visit to Beijing, where he hopes to take a leaf out of the Saudi nuclear book. He then touches down in Tehran, ostensibly to attend the Non-Aligned Organization’s summit opening there on Aug. 26, but meanwhile to cultivate ties with Tehran for common action in the Middle East.
He has laid the ground for this by proposing the creation of a new “contact group” composed of Egypt, Saudi Arabia, Iran and Turkey to disentangle the Syrian conflict – again behind America’s back.
The optimistic presumption that the Egyptian president will have to dance to Washington’s tune to win economic assistance is proving unfounded.
And Obama’s hands are tied.
In June 2009, he bound his administration’s Middle East policy to mending American ties with the Muslim Brotherhood. Today, he can hardly starve the new Cairo administration of financial aid.
And the Egyptian president is riding high. Believing he can get away with it, he may even proclaim from Tehran that the two nations have decided to resume diplomatic relations after they were cut off for 31 years.
Il y a trois points que Debka relève à juste titre nous semble t’il.
1) Il est vrai que Morsi est en train de renverser complètement la politique que l’Egypte menait vis à vis de l’Iran depuis 1978. Et pour cause puisque c’était une politique dictée par les USA. En trois mois le résultat est spectaculaire puisque non seulement il accepte de parler avec le gouvernement iranien, comme avec n’importe quel autre gouvernement de la planète, mais en plus il inclut l’Iran comme partie prenante dans sa solution pour régler le problème syrien, solution qui n’inclut que des acteurs régionaux, et dont Israël est exclu, tout comme les USA.
2) Les USA se sont trompés dans leurs calculs en pensant qu’ils tiendraient Morsi par l’argent. Il est vrai que c’est de cette manière qu’ils avaient tenu Moubarak, comme beaucoup d’autres jusqu’à maintenant. Morsi, apparemment et pour le moment, ne semble pas de cette espèce là. D’où l’indépendance dont il peut faire preuve.
3) Il devient évident qu’à terme l’Egypte rétablira des relations diplomatiques avec l’Iran. Peut-être même dés la fin du sommet de Téhéran, ce qui, à notre avis, serait une occasion hautement symbolique, et pour cette raison pas impossible. Ce serait même souhaitable, selon nous, pour la région tout entière ; en effet cela permettrait d'une part de casser le processus destructeur d’isolation théorique de l’Iran, et d'autre part cela pourrait briser l’escalade des affrontements confessionnels sunnites-shiites, affrontements instrumentalisés par les USA, Israël et les Saoudiens. Cela aurait pour conséquence de permettre à nouveau aux acteurs de la région de se parler entre états souverains et de tenter de régler leurs problèmes entre eux sans interférences extérieures, ce à quoi ils ont tous tout intérêt.
Oui, les cartes sont en train d‘être redistribuées au Moyen-Orient et tandis que les événements semblent se dérouler à une vitesse étonnante sous l’impulsion, notamment, de Morsi et du changement de bord spectaculaire qu’il est en train d’imprimer à la politique étrangère Égyptienne. Il convient d’ajouter, ce que ne fait pas Debka, que cette nouvelle politique étrangère a l’appui d’une grande partie des militaires égyptiens tout comme celui de la population Égyptienne. Si Morsi parvient à rester au pouvoir et à poursuivre dans cette voie, il est fort probable qu’il deviendrait le leader du monde arabe le plus populaire, à la manière d'un Nasser à la sauce Frère Musulman.
Comme quoi l’histoire est pleine d’ironie...
Ce qui ressort de l’article de Debka c’est le sentiment d’isolement croissant ressenti par les dirigeants israéliens à la suite des événements qui se succèdent dans le monde arabe depuis un an et demi.
Ils ont raison.
Et il est presque certain qu’Israël se retrouvera de plus en plus isolé et fera face à un monde arabe qui ne pourra plus ignorer le problème palestinien en raison de la pression populaire, comme nous l’avons déjà dit plusieurs fois. N'oublions pas que l'opposition sunnite-shiite est fabriquée et attisée afin de détourner les regards de la seule véritable question qui agite et unit arabes et iraniens : le problème palestinien.
Le journaliste de Debka semble conclure que la seule solution à l'isolement croissant d'Israël c'est d'attaquer l’Iran immédiatement pour prévenir ce dernier pays d’acquérir une bombe atomique qu’il ne cherche plus à développer depuis 2003, d’après les services secrets US. Ce que ces derniers ont confirmés encore il y a un mois.
Malheureusement ce n’est pas du tout le problème. L’Iran est un problème créé de toute pièce qui évite précisément de parler du problème palestinien.
Les dirigeants israéliens sont aux abois et semblent assiégés mentalement par une intransigeance et un aveuglement qui les entraine, et leur pays avec eux, dans une impasse. Plus ils se sentent encerclés, plus ils se montrent jusqu’au boutistes, plus ils se recroquevillent sur des positions intenables alors qu’avec un peu de créativité et de réalisme ils pourraient au moins détendre la situation et certainement résoudre ce problème qui est un cancer qui ronge la région depuis soixante ans. Si la situation continue d'évoluer dans la direction qui est la sienne depuis un an et demi, il est à craindre que les Israéliens n'auront plus l'initiative en la matière et qu'ils risqueront même de perdre le soutien des USA si ces derniers réalisent enfin que leur soutien aveugle à Israël est en train de leur coûter toute influence au Moyen-Orient.
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