mercredi 31 octobre 2012

Quand la crise pourrait nous apporter une lueur d'espoir.

Dans le New-York Times du 24 Octobre dernier il y avait un article concernant l’état du système hospitalier en Grèce après les mesures dites d’austérité prises par le gouvernement afin de réduire ses dettes et bénéficier des fonds accordés par l’Europe ; le tout pour éviter la faillite de l’Etat grec, et par extension celle des banques européennes, notamment allemandes et françaises.

Ces mesures dites d’austérité se firent donc au détriment, entre autre, des soins de santé. C’est ainsi qu’avant l’accord du 11 Juillet 2011 avec les bailleurs européens, l’Etat grec payait les frais de santé de tout chômeur pendant un an suivant sa mise à pied. Par la suite on pouvait toujours se faire soigner gratuitement dans les hôpitaux si on n’avait pas les moyens de payer les soins.

Les accords du 11 Juillet 2011 ont mis fin à tout cela. Depuis cette date, tous ceux qui perdent leur travail perdent dans la foulée la possibilité de se faire soigner gratuitement, y compris pendant l’année suivant leur mise au chômage. Bien entendu la possibilité de profiter des soins hospitaliers après la fin de cette période d’un an, possibilité qui était coutumière, a disparu également. Aujourd’hui chacun doit payer tous les frais médicaux de sa poche sans aucune aide de l’Etat. Sauf si vous avez encore un job, ce qui devient une denrée rare par les temps qui courent puisqu’on estime que 25% de la population est au chômage en Grèce aujourd’hui.

About half of Greece’s 1.2 million long-term unemployed lack health insurance, a number that is expected to rise sharply in a country with an unemployment rate of 25 percent and a moribund economy, said Savas Robolis, director of the Labor Institute of the General Confederation of Greek Workers. A new $17.5 billion austerity package of budget cuts and tax increases, agreed upon Wednesday with Greece’s international lenders, will make matters only worse, most economists say.
(Sources : NYT - 24.10.2012)

Les derniers accords en date rendront la situation encore plus précaire.

The health care system itself is increasingly dysfunctional, and may worsen if the government slashes an additional $2 billion in health spending, which it has proposed as part of a new austerity plan aimed to lock down more financing. With the state coffers drained, supplies have gotten so low that some patients have been forced to bring their own supplies, like stents and syringes, for treatments.
Hospitals and pharmacies now demand cash payment for drugs, which for cancer patients can amount to tens of thousands of dollars, money most of them do not have.
(Sources : NYT - 24.10.2012)

Face à cette situation dramatique qui continuera très probablement à se détériorer  à l’avenir, puisque l’Etat en faillite ne peut plus faire face aux obligations trop importantes pour lui qu’il s’était mis sur le dos, une partie de la société civile semble avoir une tendance, qui devrait être naturelle, à reprendre à son compte ce qu’elle avait pris l'habitude d'attendre de Big Mother comme un dû.

With the system deteriorating, Dr. Syrigos and several colleagues have decided to take matters into their own hands.

Earlier this year, they set up a surreptitious network to help uninsured cancer patients and other ill people, which operates off the official grid using only spare medicines donated by pharmacies, some pharmaceutical companies and even the families of cancer patients who died. In Greece, doctors found to be helping an uninsured person using hospital medicines must cover the cost from their own pockets.

Dr. Syrigos’s staff members consistently volunteer to work after their official shifts; the number of patients has risen to 35 from 5. “Sometimes I come home tired, exhausted, seeing double,” said Korina Liberopoulou, a pathologist on site one afternoon with five doctors and nurses. “But as long as there are materials to work with, this practice will go on.”
(Sources : NYT - 24.10.2012)

Cette reprise à son compte par la population, où plutôt d'une petite partie d’entre elle, de certaines soit disant « prérogatives de l'Etat » se fait spontanément. Car la plupart de ses « services » que Big Mother nous a fournit depuis cinquante ans ne sont rien d’autres, dans la plupart des cas, que la confiscation par l’Etat, avec l'approbation enthousiaste et jamais rassasiée de tout le monde, d’une partie de nos libertés sous prétexte de « sécurité » où autre « bien-être ». 

Ce transfert de responsabilité ne fût possible et légitime à ses débuts, au XIXème et au début du XXème, qu'en raison de la destruction des sociétés traditionnelles et de leur tissu social que l’industrialisation entraina à sa suite. Il est essentiel de bien comprendre que plus la destruction des anciennes solidarités se poursuivait plus la misère s'étendait. La paupérisation des populations déracinées qui s'ensuivit, les migrations des campagnes vers les villes qui en résulta, finirent par créér une situation sociale terrible où les nouveaux ouvriers ne trouvaient qu’un travail misérablement payé, où plutôt sous-payé, voire bien pire, le tout dans des conditions bien souvent effrayantes. Cette misère nouvelle entraina de nombreuses réactions politiques et sociales qui entrainèrent la création dans le nouvel Empire Allemand de ce qui s'appellerait plus tard l’état providence : c'est le chancelier de l’Empire, le Prince de Bismarck, qui en fût le père. Ce sont ses réformes sociales pour améliorer le sort des travailleurs des industries des villes qui aboutirent un siècle plus tard à son descendant dégénéré, notre Big Mother hypertrophié gonflé à l'hélium de la dette, celui qui nous menace d'étouffement aujourd’hui tout en crevant lui-même de son obésité monstrueuse.

Le tissu social et les solidarités qui existaient avant l’industrialisation parmi les différents groupes de la société ne furent pas remplacées par l’Etat moderne, où alors superficiellement. Au contraire, ce qui en restait fût détricoté presque complètement par l'extension, après la seconde guerre mondiale, de ce que l’on a appelé la société de consommation. Cette dernière dissolva jusqu’aux nouveaux liens fragiles qui maintenaient la société issue de la modernité, dont le plus emblématique d’entre eux était l’état-nation, dont l'existence aujourd’hui est en grand danger. L'extension de la société de consommation est à mettre en parallèle avec hypertrophie constante de l’Etat providence puisque l'avancée de l'une avait pour conséquence la destruction du tissu social dont l'autre tentait de compenser les effet négatifs en prenant à sa charge de plus en plus de responsabilités. A partir des années 80, l'Etat Providence muta en Big Mother. C'est ainsi que l’Etat finit par prendre en charge tout ce qui relevait auparavant de la sphère individuelle et familiale, en pleine déconfiture. Chaque individu se retrouve désormais livrés à lui-même avec pour seul interlocuteur le monstre froid et inhumain de l’Etat et de son bras armé, cette administration de plus en plus obèse, de moins en moins efficace et de plus en plus tyrannique dont nous sommes tous les sujets.

Big Mother est désormais notre horizon indépassable.

C’est ainsi que nous avons façonné une société de particules élémentaires dont aucun des composants n’est plus relié à aucun autre mais dont personne ne peut survivre sans l'assistance de Big Mother.

Serions-nous au bout du tunnel ?

With the system deteriorating, Dr. Syrigos and several colleagues have decided to take matters into their own hands.

For Dr. Vichas, the most powerful therapy may not be the medicines, but the optimism that his Robin Hood group brings to those who have almost given up. “What we’ve gained from the crisis is to come closer together,” he said.

“This is resistance,” he added, sweeping his eyes over the volunteers and patients bustling around the clinic. “It is a nation, a people allowed to stand on their own two feet again with the help they give each other.”
(Sources : NYT - 24.10.2012)

S’il devait y avoir un espoir dans cette extension du chaos qu'on appelle "crise", ce devrait bien être celui-ci. Face à la désintégration de Big Mother et de tout le système dont ce dernier est issu, il faut désormais que la société civile, c’est à dire chacun d’entre nous, puisse reprendre à son compte ce qui relève légitimement de la sphère privée de chaque individu. Cela signifie que chacun doit réapprendre à se prendre en charge et assumer ses responsabilités, ce qui ne veut pas dire que chacun doit se débrouiller tout seul de son côté en ignorant tout le reste. Cela signifie plutôt que l’écroulement de Big Mother et du système qui lui a donné naissance est une occasion unique pour reprendre nos libertés confisquées par le système : qu’elles soient politique, économiques où individuelles. Car il faut bien comprendre que plus l’Etat abandonne ce qu’il considère comme ses prérogatives, plus cela donne à chacun d’entre nous l'occasion de reconquérir sa propre liberté. Mais cela ne pourra se faire qu’en collaborant les uns avec les autres pour recréer une société digne de ce nom, capable à la fois de vivre ensemble tout en étant responsable de notre propre destin et de défendre ensemble nos libertés attaquées et foulées au pied par ce Big Mother désormais impotent mais n'ayant pas encore perdu de sa nocivité.

Responsabilité va de paire avec liberté.

C’est un choix que chacun doit faire.

C’est aussi un risque que chacun doit être prêt à payer.

Mais sans cela il ne peut y avoir de liberté.

Bien qu’il ne soit pas du tout assuré que tout le monde soit prêt pour une telle révolution mentale (dont le premier acte consiste à se libérer de l’archaïque concept gauche/droite et de toutes ses fausses oppositions idéologiques), la crise nous donne des exemples (celui de ces médecins grecs n'en est qu'un parmi d’autres ; ailleurs qu'en Grèce aussi bien évidemment) qui nous montrent que tout espoir pourrait ne pas être exclu d’emblée. 
Puisque cette crise est systémique, et qu'elle ne fait que débuter (même si cela fait déjà plusieurs années que cela dure), nous sommes inévitablement confrontés à ce choix : soit on se cramponne à ce système en perdition, et le prix à payer sera terrible ; soit nous l'abandonnons et nous serons alors en mesure d'atténuer les effets de son inéluctable effondrement en préparant ce dernier. 

De toute manière nous n’avons plus rien à perdre.

Donc s'il n’est peut-être pas encore trop tard, il nous reste maintenant à le prouver.

Pendant ce temps là, tout le monde est content à Cochon sur Terre, le meilleur des mondes.

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