jeudi 20 décembre 2012

Espagne : le grand "deleverage consumériste" commence !

Ah, Ah, Ah, votre chroniqueur de peut pas s’empêcher de s’esclaffer bruyamment, chers lecteurs. C’est à peine si nous pouvons nous retenir de rouler par terre, pleurant de rire, secoué de spasmes incontrôlables... tandis que les larmes nous tombent des yeux à flots croissants, charriant à gros bouillons de plus en plus furieux les conséquences de la bêtise et de l'avidité contemporaine.

Non, nous ne rions pas parce que les Espagnols perdent leurs emplois où à cause du taux de chômage effroyable que connait ce pays. Cela aurait plutôt tendance à provoquer la réaction inverse, contrairement à ce que cela provoque chez les névrosés de la productivité à n’importe que prix, c’est à dire généralement un coût humain abominable.

Non, nous ne pouvons nous empêcher de rire en raison des conséquences que la crise peut avoir sur les mœurs des habitants qu’elle frappe. En d'autres termes, un "progrès", mais à l'envers !
Résumons.
La crise frappe un pays et ses habitants en provoquant des problèmes économiques qui entrainent des licenciements de masse. Les gens licenciés se retrouvent au chômage et sont donc obligés de réduire fortement leurs dépenses, quand ils ne les ont pas réduites avant même de perdre leur job, anticipant ce qui allait venir. Logiquement, ils commencent donc par ce qui leur apparait soudain comme le plus inutile, c’est à dire les gadgets. Il faut dire que nous n'avons que l’embarras du choix étant donné que notre société idyllique de la consommation n’était (oui, nous utilisons l’imparfait car cette société est déjà morte) qu’une machinerie à vendre du gadget, c’est à dire des objets parfaitement inutiles mais que la publicité nous avait formaté pour croire qu’ils étaient essentiels à notre "bien-être", pour mener une inexistence « cool », « in », « banchée », bref une « inexistence de progrès » et bla bla bla, dont les gadgets en question étaient les preuves irréfutables. Quasiment les seules d'ailleurs.

Et le premier de ces gadgets, l’icône incontournable, le « must » qu’il nous fallait absolument avoir sous peine de passer pour un « ringard dangereux », un « réac vicieux », voir un « terroriste en puissance », le symbole de cette société idyllique de la consommation et de la "branchitude" standardisée qui allait avec n’était rien d’autre que : le téléphone portable.
Évidemment.
Il suffisait d’ailleurs de voir les émeutes que provoquaient (encore à l’imparfait car il semble bien que ce ne soit plus le cas, où tout au moins de moins en moins le cas) les sorties de toute « nouveauté » en provenance de Chine estampillée « Apple ». Certains, parait-il, passaient la nuit dehors afin d’être les premiers à posséder le précieux petit gadget, ce qui en dit très long, entre parenthèse, sur l’efficacité redoutable de la propagande publicitaire ; où sur la très grande faiblesse cérébrale des individus en question. Où les deux à la fois. A notre humble avis, c’est la seconde option qui l’emporte.

Peu importe.
Ce qui nous réjouis ce sont les EXCELLENTES nouvelles en provenance d’Espagne. Encore une fois, nous ne nous réjouissons pas du taux de chômage et des catastrophes que la crise provoque pour les familles qui sont touchées par cela. Non, nous nous réjouissons car cette crise, qui ne fait que commencer et qui ira en s’amplifiant, a néanmoins un avantage, un avantage inestimable : elle va nous permettre, soyons optimistes, de nous rendre compte que ce que nous proposait la société de consommation n’était absolument pas indispensable pour survivre, et que, bien au contraire, la destruction de la société traditionnelle qu’elle entrainait par son développement même était éminemment contraire à toute existence a peu près décente pour tout individu ordinaire. Bien pire, l’extension de cette société de la consommation ne pouvait se faire qu’au prix de la destruction de toute forme traditionnelle de société et de coexistence sociale au profit d’un immense « no man’s land » social et culturel, au sens traditionnel du terme. En d’autre terme, cette crise qui commence pourrait nous permettre de nous rendre compte à quel point les soit-disant « valeurs » que nous proposait cette société de la consommation étaient frelatées et destructrices de notre humanité, mais aussi combien elles entrainaient inéluctablement la destruction du monde. 
Et la nôtre à sa suite.

Revenons à l’Espagne.
Vous le savez, il y a une crise. Chez nous elle n’a pas encore débuté, mais, rassurez-vous, çà vient, en dépit des affirmations puériles de Normalo 1er et de son gouvernement de kakistocrates.
Que se passe t’il en Espagne, alors ?

Eh bien depuis quelques mois, c’est à dire depuis la baisse effective du pouvoir d’achat des espagnols, ces derniers renoncent en masse à leurs téléphones portables !

MADRID (Reuters) - Frappés par la récession et le chômage, les Espagnols renoncent dans des proportions record à l'usage du téléphone portable.

Pour le seul mois d'octobre, l'opérateur Movistar, filiale de Telefonica, a enregistré 284.000 fermetures de ligne. Vodafone, numéro deux du secteur de la téléphonie mobile en Espagne, a perdu 278.000 lignes et Orange 14.870, d'après les données mensuelles publiées lundi par l'autorité de régulation (CMT).

Au total, 486.000 lignes ont été interrompues et le nombre de lignes de téléphonie mobile en service en Espagne a chuté de 3,8% sur un an.

(Sources : Reuters - 17.12.2012)

A titre personnel, cette nouvelle nous fait un effet curieux. En effet, cela fait des années que nous avions pris l’habitude d’être pris pour un animal étrange, un excentrique inquiétant, voir un individu un peu dangereux dont il fallait se méfier. Pourquoi cela, nous demanderez-vous ?
Car nous vivons sans téléphone portable.
Jusqu’à maintenant cela constituait une telle « aberration » que cela valut à votre chroniqueur une interview dans un magazine à grand tirage.

- Comment faites-vous ? me demanda t’on avec un air à la fois incrédule et passablement inquiet (sur notre état de santé mentale bien sûr).
- Comment je fais quoi ?
- Eh bien, comment faites vous pour « vivre » sans portable ?

Nous vous passerons les détails de cette interview qui dura une heure mais le ton y est. A la décharge de la charmante journaliste qui nous interrogeait, et en dépit de son scepticisme initial frôlant l’hostilité, elle suivit notre suggestion de tenter cette expérience extraordinaire, car jamais tentée dans l’histoire de l’humanité comme on sait : elle mit son sacro saint portable au rencart pendant une semaine. A la suite de quoi, elle nous tint au courant des résultats de cette expérience inouïe : elle avait survécu sans dommage notable, y compris cérébraux. Bien plus, elle paraissait « rafraichie », presque soulagée par ce qu’elle avait découvert au cours d’une semaine sans portable. En bref, elle était un peu secouée par le fait que non seulement elle avait survécu mais qu’elle avait redécouvert de nombreux avantages à ce sevrage d’une semaine. Elle avait pris conscience que son portable non seulement ne lui était pas aussi indispensable qu’elle le croyait, mais qu’en plus la qualité de sa vie s’en était trouvé améliorée.

Le grand "deleverage consumériste" commence.

Tout ceci pour dire que les Espagnols commencent à se débarrasser de leurs portables à cause de la crise et des coûts induits par ceux-ci, devenus insupportables. Et soyez-en sûrs, chers lecteurs, cela ne s'arrêtera pas aux portables ! Cela ne constitue que le début de ce que nous appelons le « deleverage consumériste » qui est en train de débuter sous nos yeux. Croyez-nous, chers lecteurs, ce « deleverage consumériste » ne fera que s’amplifier toujours plus, à la fois pour des raisons de coûts, puisqu’en toute logique, si « deleverage consumériste » il y a, les coûts des gadgets augmenteront fatalement, provoquant toujours moins d’achats d’objets de plus en plus inutiles par des populations ayant de moins en moins de moyens. Tout cela aboutira lentement mais surement à une transformation de notre manière de vivre. L’exemple du portable en est un parmi beaucoup d’autres qui vont se développer de plus en plus, probablement en s’accélérant, au fur et à mesure que la pression de la crise se fera plus forte et que le crédit s'évanouira définitivement dans les nuages de cendre provoqués par l’effondrement du système. Car cette fameuse crise dont on nous rebat les oreilles n’est que le cache sexe de l’écroulement du système dans lequel nous survivons depuis 1945, et particulièrement cette société de consommation financée par la dette qui s'est mise en place à partir des années 70.

Il faudra nous habituer, désormais, à nous passer de crédit facile basé sur une croissance toujours plus forte, désormais un rêve inaccessible, et de tout ce que ce dernier permettait d’acquérir par des dettes qui ne seront jamais remboursées ; c’est à dire tout ce que la société de consommation nous faisait passer pour indispensable à notre survie de tous les jours.
Et cela fait beaucoup !

La révolution qui est en train de se produire c’est que, à l’instar des Espagnols, nous allons bientôt comprendre que non seulement il est possible de survivre en dehors de la société de consommation, mais que nous pouvons également vivre mieux sans elle.

Pour le moment tout le monde est content à Cochon sur Terre, le meilleur des mondes.

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