jeudi 24 janvier 2013

Cameron - UE : échec droit devant.

Voilà enfin le fameux évènement tant attendu, le discours qui allait changer la face de l’Europe, voilà donc la harangue, aussi crainte qu'espérée tout à la fois, prononcée.
Et qu’en ressort t’il donc ?
Eh bien franchement, peu de chose.
Autant pour les eurosceptiques tory, qu’on nous présente « aux anges », que les pro européens, qu’on nous annonce « hystériques », nous serions plutôt d’avis que Cameron a botté en touche.

Qu’a t’il annoncé à part qu’il promettait de tenir un référendum en 2017 afin que le bon peuple anglais puisse donner son avis sur la participation du Royaume-Uni à l’Europe après qu’il ait réussi à renégocier la participation du RU sur d’autres bases.

C’est bien tout çà.
Mais cela implique tout de même d’avoir à l’esprit certains détails.

- Il faudra savoir si, dans cinq ans, il existera toujours un Royaume-Uni, où s’il ne restera que l’Angleterre proprement dite. Car si l’Ecosse a fait sécession entre temps cela pourrait changer la donne de manière considérable, sachant que les Écossais semblent beaucoup plus favorables à l’intégration européenne que les Anglais. Si les Écossais sont dans l’Europe au moment du référendum, il est possible que cela ait de l’influence sur l’issue du scrutin.
- Cameron fait une promesse qu’il pourrait être en mesure de ne pas tenir. En effet, il y aura des élections générales en 2015 et il n’est pas du tout assuré que Cameron soit toujours au pouvoir à ce moment là, d’une part, et d’autre part que, dans le cas contraire, il soit réélu. A moins d’un miracle. Mais dans les circonstances actuelles et à venir il vaudrait mieux ne pas trop faire confiance aux miracles...
- Ce discours intervient au moment même où l’Allemagne et la France ont fait une déclaration commune indiquant qu’elles présenteraient en Juin à leurs partenaires européens un programme pour renforcer encore l’intégration européenne. Dans ces conditions, comment Cameron peut-il demander des exemptions pour son pays, c’est à dire moins de règles communes, alors que les autres choisiront probablement le chemin inverse, si l’on en croit les propos de nos zélites bien-aimées ?
- Ce discours apparaît confus et sans direction ; un coup de barre à droite, un coup de barre à gauche, « je t’aime moi non plus ». De plus Cameron a bien pris soin de ne pas préciser ce qu’il entendait négocier et encore moins les pouvoirs qu’il voulait que l’Angleterre rapatrie de Bruxelles. Il est également difficile de percevoir, à travers ce discours, si Cameron lui-même est pour où contre la participation de son pays à l’Europe en cas d’échec des négociations avec Bruxelles. Que fera t’il si l’UE refuse ses conditions, comme c’est prévisible ? Pour où contre ? Pas de réponse.
- A noter l’inquiétude du maître US. A nouveau les USA ont fait savoir qu’ils préféraient le Royaume-Uni dans l’Europe plutôt qu’en dehors. Il est vrai que si le RU sortait de l’UE, les USA perdraient une très grande part de leur influence sur le continent, idée qui ne leur plait pas du tout, bien évidement. Fort heureusement ils ont encore la France sarkollande, désormais bien arrimé à leurs moindres désirs.

Globalement le discours fût mal reçu par les partenaires européens qui furent presque unanimes à déclarer qu’il n’était pas question d’avoir une « Europe à la carte », en fonction des convenances de chacun des participants ; une Europe où chacun prend ce qui lui convient sans en avoir les inconvénients. Ce qui, tout bien considéré, est plutôt logique. D’autre part Angela Merkel fut très prudente, affirmant son désir de négocier, bien que ce soit sous certaines conditions qui risquent fort de ne pas du tout entrer dans les projets « révisionnistes » de Cameron.

Le discours tant attendu risque fort de n’atteindre aucuns des buts escomptés par Cameron, sachant que le principal, et peut-être même le seul, était bien de ressouder autour de lui un parti tory en proie à une opposition de plus en plus forte de la part de ses eurosceptiques, ainsi que de contrer le parti anti-Europe de Nigel Farrage dont la popularité grandissante inquiète plus d’un tory.

Il est fort probable, voire quasiment certain, qu’il n’obtiendra rien des Européens, à part des arrangements cosmétiques de façade qui, selon nous, seront eux-mêmes de plus en plus difficiles à obtenir au fur et à mesure que l’intégration européenne se renforcera, que cela nous plaise ou non. De toute manière cette intégration sera accélérée avec l’aide de la crise sous forme de réformes zindispensables pour le bien des peuples ; d’ailleurs, comme déjà dit plus haut, l’Allemagne et la France viennent d’annoncer qu’ils allaient s’y mettre sérieusement et qu'ils feront des propositions en ce sens en Juin.
Nous parions que la joie des torys eurosceptiques risque fort d’être de courte durée et que ce discours pourrait bien empoisonner les élections de 2015 en faisant de l’Europe un enjeu majeur des élections, ce qui rendra ensuite la tâche de Cameron  (comme de son successeur) infiniment plus difficile s’il était réélu. Ce qui risque fort de ne pas être le cas étant donné la situation économique et sociale dans laquelle risque de se débattre le RU à ce moment là.
Le discours de Cameron va probablement rapprocher l’Allemagne et la France dans leur volonté de profiter de la crise pour accélérer les réformes en vue de renforcer l’intégration européenne pour aboutir à une fédération, même si personne n’en parle. De même, ce discours risque d’aboutir à isoler encore un peu plus le RU en Europe, contrairement à ce qu’aurait pu penser Cameron même si, pour des raisons de tactiques dues aux circonstances, certains pays pourraient en profiter pour faire semblant de jouer cette carte anglaise. Mais nous parions que cela ne durera pas

Au bout du compte, ce pari de Cameron va échouer et contribuera encore un peu plus à isoler le RU en Europe. Et ce n’est pas dans la situation économique catastrophique de son pays que Cameron trouvera du réconfort ni un soutien à son pari qui parait pour le moins risqué et inconsidéré. Car, objectivement, rien ne le poussait à faire ce coup d’éclat en ce moment. C’était même probablement le pire moments pour faire ce genre de chose étant donné la situation générale qui ne donnera certainement pas aux Européens des envies de conciliation. De toute manière, pour Bruxelles, ce serait ouvrir la boite de Pandore qui mènerait à la désintégration de tout leur projet européen.

Cameron va à l’échec.
Il faudra qu’il en paye les conséquences.
La facture sera salée.

Mais pour le moment tout le monde est content à cochon sur Terre, le meilleur des mondes.

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