mercredi 30 janvier 2013

Egypte : aux armes, citoyens ?

A nouveau l’Egypte fait parler d’elle.
A nouveau, la population se retrouve dans la rue pour manifester sa fureur contre son gouvernement.
A nouveau, le sang coule.
Mais ce n’est plus le même Président que la dernière fois.
Moubarak fût contraint à la démission par les militaires qui finirent par s’entendre avec les Frères Musulmans pour leur laisser le pouvoir et la présidence de l’Etat à condition que ces derniers ne touchent pas aux privilèges et aux intérêts économiques des militaires et que ceux-ci puissent s’en aller sans être poursuivi par la justice.

Ainsi fût fait.

On s’imagina que la révolution était ainsi terminée et que tout rentrerait dans l’ordre. Chacun pensa que tout le monde rentrerait chez soi et reprendrai sa misérable vie quotidienne sans broncher, se contentant des réformes constitutionnelles arrangées entre Frères Musulmans et militaires. Mais la Présidence est restée aussi forte que naguère sous Moubarak et les militaires sont toujours aussi puissants. La différence aujourd’hui est que les Frères Musulmans ne peuvent pas s’empêcher de verrouiller  tranquillement tous les centres du pouvoir alors qu’ils ne furent élus que par une minorité de la population en âge de voter (plus de 60% d’abstentions) et que leur popularité est en chute libre étant donné leur incapacité à arranger une situation économique dramatique (voir notre article à ce sujet ici).

Les USA et leur valetaille européenne soutiennent Morsi et ses Frères Musulmans, comme ils soutiennent d’ailleurs les Frères Musulmans en Syrie et ailleurs lorsque cela sert leurs intérêts. Mais également, rendons leur justice sur ce point, parce qu’ils s’imaginent que les FM sont les meilleurs remparts contre les salafistes. Le raisonnement est peut-être bon lorsqu’il n’y a aucune autre alternative aux FM, mais lorsqu’il existe un gouvernement en place, laïc et stable, protégeant les minorités vivant sur son territoire, comme en Syrie, on peut légitimement se poser la question de l'intérêt qu’il y a à renverser le dit gouvernement au profit des Frères Musulmans.

Bref, les USA viennent de faire savoir que le gouvernement US et l’ex sauveur de l’humanité soutenaient sans réserve le Président Morsi et ses Frères Musulmans alors que l’émeute sévit dans les rues des principales villes d’Egypte : en tout cas Port Said, Ismailia et Le Caire, villes où Morsi a décrété un couvre-feu pendant 30 jours afin de calmer le jeu. C’est le contraire qui s’est produit et la population s’est fait un devoir de ne pas respecter le dit couvre-feu.

Désormais, plus de 55 morts après le début des émeutes, sans parler des centaines de blessés, après que le ministre de la défense ait déclaré que si la crise politique n’était pas réglée rapidement l’état risquait de s'effondrer, après que le gouvernement ait lancé un appel au dialogue avec l’opposition, refusé par celle-ci il y a deux jours, puis soudain acceptée par un de ses leaders El Baradei aujourd’hui même, sans doute sous pression amicale de la part d’Occidentaux paniqués et de l’armée, bref après tous ces événements précipités, on se demande ou tout cela va mener.

A la guerre civile et au chaos où à la prise du pouvoir par l’armée où bien par les salafistes ?

Une chose est sûre : l’armée ne laissera pas les salafistes prendre le pouvoir sans s’y opposer. Et il est bien possible que, le sachant, cela explique pourquoi ces derniers ont approuvé hautement l’acceptation par El Baradei de rencontrer les représentants du gouvernement et des salafistes pour mettre un terme à la crise en trouvant un arrangement politique.

« Consensus », mes petits chéris ; endormons les braves gens. On aura le temps de couper les têtes après cela.

Ce faisant les salafistes gagnent du temps. Cela leur permet de s’organiser pour faire face aux épreuves à venir en s’armant avec des armes qu’ils font venir de Libye (merci qui ?), financées par leurs mentors saoudiens qui détestent les Frères Musulmans qu’ils voient comme un danger mortel pour leur propre régime. Les salafistes savent que le temps n’est pas encore venu pour eux, les Frères Musulmans n’ayant pas encore assez échoué, la situation n’étant pas encore assez explosive ni catastrophique pour qu’ils soient vus comme un recours possible par un plus grand nombre de gens, ceux qui avaient mis leurs espoirs dans les FM où dans les partis d’opposition. Les Salafistes, eux, ont besoin d’un écroulement général et d’une situation chaotique afin de prendre le pouvoir et d’établir leur régime wahhabite.

Nos alliés Saoudiens seront alors pleinement rassurés et satisfaits.

Désormais attendons de voir ce que donnera la rencontre entre les représentants de l’opposition, totalement désunie et de ce fait incapable de profiter des événements pour acquérir une stature politique plus crédible, et le gouvernement.
Gageons qu’il en sortira une bouillie pour les chats et que rien ne changera. Où plutôt que le chaos va s’installer gentiment dans le pays, comme prévu (ici).
Car il y a une autre question que nous devons nous poser : la population, celle qui est actuellement dans la rue, celle qui pense que sa révolution lui a été volée (ce qui est vrai) et qu’il faut la poursuivre jusqu’au bout, définitivement, cette partie de l’équation acceptera t’elle de jouer le jeu à nouveau ? Acceptera t’elle de se faire avoir une seconde fois ? Acceptera t’elle ce que lui minauderont des politiciens discrédités ?

Gageons que certains (les salafistes par exemple) s’emploieront à lui faire croire qu’il ne faut rien céder, cette fois.

Pendant ce temps, le FMI et le gouvernement égyptiens négocient un énième prêt qui ne sera jamais remboursé, ce que tout le monde sait.

Mais l’Egypte vaut bien un prêt de plus, non ?

Pendant ce temps là, tout le monde est content à Cochon sur Terre, le meilleur des mondes.

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