Le monde n’en finit pas de frémir de rumeurs catastrophistes, de bruits qui se répandent à longueur de journée sur ce que le lendemain nous réservera comme mauvaises nouvelles, sans parler des surlendemains qui, eux, seront toujours bien pire que leurs prédécesseurs, ce qui constitue malgré tout une sorte de progrès à l’envers…
Il faut bien admettre que c’est vrai, bien que manquant toujours d’envergure et d’imagination, puisque le mal se révèle généralement encore plus étendu que ce que les scénarios les plus échevelés avaient pu imaginer. C’est pourquoi il n’y a presque plus aucun moyen d’échapper à cette avalanche ininterrompue de savants crétins, bardés de chiffres, chacun énonçant des hypothèses ou des théories sur ce qui se passe (et que se passe t’il je vous prie ? Se passe t’il même quoi que ce soit ?), élucubrations toutes aussi fumeuses les unes que les autres, ce que les événements ultérieurs ne manquent généralement pas de révéler avec éclat. Cette frénésie explicative a pourtant du mal à camoufler que personne ne comprend ni ne contrôle plus rien, sous les yeux horrifiés du monde entier, à commencer par ceux-là même qui, quelques mois avant que la ronde infernale ne se déclenchât, fustigeaient toujours toute contestation ou critique que ce soit envers ce système immaculé qui fonctionnait si parfaitement et qui donnait tant de satisfaction. C’était à qui donnerait comme preuve les plus irrécusables le sacro saint taux de croissance, la hausse du PIB, la hausse du niveau de vie, la hausse des prix (heu non pas celle là !), la hausse de la consommation, la hausse de la bourse, la hausse du niveau de la mer etc ; enfin bref tout ce qui existait de bel et bon pour l’économie irait toujours vers des sommets encore plus haut en toute circonstance… Tout allait pour le mieux dans le plus beau des marchés possible puisque tout se haussait du col depuis des lustres et que cela ne pouvait que durer indéfiniment pour les siècles des siècles espérant ainsi, j’imagine, monter jusqu’aux cieux grâce à la course mondiale au gratte-ciel le plus élevé de la planète ; tout cela sans avoir la moindre idée de la réaction que déclencherait le grattage en question. Désormais il est plus que probable que ce soit le postérieur du dit ciel que nous ayons gravement démangé étant donné les conséquences dites « climatiques » que cette irritation provoquée par nos gratte-ciel parait avoir engendré. Je vous laisse imaginer si cette hypothèse était vérifiée où nous nous trouverions : je crains que ce ne soit bel et bien dans la merde qui se trouve elle-même le plus souvent au fond du pot de chambre ! Quant à l’expérience de nos ancêtres nous avertissant que « rien ne monte jamais jusqu’au ciel » justement, ou encore l’épisode de la tour de Babel par exemple, c’était juste bon pour ces êtres si frustres et si primitifs qu’ils n’avaient même pas de portables, ces êtres dont nous avons tellement honte que nous avons fait tout ce qu’il fallait pour les oublier à jamais. Tandis qu’avec nous çà allait changer et on allait voir de quel bois on se chaufferait ; effectivement cela a si bien marché qu’il semblerait même que çà se réchaufferait un peu trop par les temps qui courent…
C’est ainsi qu’aujourd’hui les trompettes de la victoire globalisante, capitaliste et démocratique, se sont soudainement tues dans un bel ensemble pour faire place aux tambours des veillées funèbres, voiles noirs et mines de circonstance, chiffres à l’appui bien entendu (les mêmes qu’avant avec un moins devant au lieu du plus) puisque sans eux nous serions dans l’incapacité de comprendre quoi que ce soit à ce qui nous tombe sur le dos. Et il faut bien le redire, des chiffres on nous en sert jusqu’à la garde, des palanquées de chiffres dans tous leurs états qui se baladent librement sur toutes les ondes et dans tous les journaux, provoquant une panique d’autant plus grande qu’ils sont tous différents les uns des autres, surtout lorsqu’il s’agit de traiter du même sujet. On ne peut plus faire un pas sans trébucher sur un chiffre qui nous est asséné sans qu’on n’ait rien demandé à personne. Ce qui semble le plus étonnant dans tout çà c’est qu’en si peu de temps notre monde bâti au forceps sur la hausse vertigineuse de tout et n’importe quoi, surtout n’importe quoi apparemment, se retrouve cul par-dessus tête (à moins que ce ne soit l’opposé) : c’est tout aussi vertigineux mais à l’envers ; de la hausse illimitée on est passé en une nuit à la « dégringolade accélérée », tout aussi infinie d’après ce que nous pouvons en voir. En tout cas il y a une symétrie épatante dans tout cela ! Par exemple ces banques qu’on nous avait appris pendant des années à regarder avec crainte et dévotion, ces établissements dont les patrons étaient révérés à l’égal des dieux : à terre en réanimation artificielle ! Ces entreprises si performantes dont on nous vantait les bénéfices à deux chiffres (je parle en pourcentage évidemment !) : à genoux, couteau sur la gorge. Et toutes, si prospères et si solides qu’elles fussent, toutes sont aujourd’hui menacées de banqueroute (mais oui les mêmes, celles qui dégageaient des profits colossaux un an auparavant !) ; elles en sont désormais réduites à mendier des aides de l’Etat comme des chiens leur pitance, dans un admirable ensemble pour chœurs et orchestre sans oublier les tremolos ou je pense. Mais oui l’Etat, vous savez bien ce truc dépassé, ce machin antédiluvien qui, nous assurâmes t-on sur tous les tons pendant des années, non seulement ne valait rien mais qui en plus de tout était un danger public qu’il fallait empêcher de nuire à notre économie divine et apolitique par tous les moyens possible. Mais oui c’était lui ce vieillard sénile qu’il fallait mettre sous tutelle parce qu’il n’était plus de son temps et qu’il gênait au plus haut point les affaires, le marché, l’économie ; bref, vous dis-je, il empêchait les gens sérieux de tourner en rond (ce qui signifie des gens pas comme nous ; enfin vous je ne sais pas mais moi c’est certain). Sans lui nos sacrés marchés auraient fonctionnés, fonctionneraient et fonctionneront toujours à la perfection. Allons faîtes un effort que diable, il faut que nous comprenions (moi en tous cas car je comprends de moins en moins) que lorsque tous les obstacles à l’expansion illimitée des marchés seront levés alors là, croyez en nos économistes illuminés je vous prie, alors là ce sera le bonheur complet, l’harmonie globale illimitée, l’orgasme économique assuré.
Donc, si j’ai bien entendu la leçon, la solution pour sortir de la crise, selon nos maîtres du monde bien aimés, ne peut se faire que d’une manière : faire payer toutes les dettes de nos banques et entreprises en banqueroute par l’Etat puis supprimer ce salaud à cause de qui nous nous retrouvons au fond du pot de chambre évoqué plus haut puisque sa seule présence a empêché de réaliser la perfection absolue du marché. Et vous qui me lisez il n’est pas nécessaire de faire les petits malins plus longtemps en demandant d’un air innocent comment nos banques divines et immaculées réussiraient à sortir du trou où elles se trouvent si l’Etat n’était pas là pour payer. Car si l’Etat n’avait pas existé il est évident que nous ne serions pas en crise ! Cette fois j’espère que c’est compris et qu’il ne faudra plus y revenir : nos divins banquiers ne sont responsables de rien de ce qui est arrivé ; la preuve en est qu’aucun ou presque de nos maîtres du monde ne s’est jeté par la fenêtre comme leurs prédécesseurs l’avaient fait en 1929. Nous pourrions arguer que ce peu d’enthousiasme à se précipiter par la fenêtre pour sauver l’hon… (le quoi ?), bref que cela manque singulièrement de panache et ne fait que confirmer la petitesse et la mesquinerie de tous ces gens, renforçant ainsi l’image déplorable que nous tous nous faisons d’eux. Eh bien laissez-moi vous dire que nous aurions grand tord vous et moi car si leurs prédécesseurs et maîtres en banqueroute des années 1930 se sont jetés par les fenêtres de leurs gratte-ciel respectifs ils avaient des raisons de le faire ; tandis que nos maîtres du monde, eux, n’en n’ont pas, ce qu’il faudrait peut-être mettre à leur actif (ah, ah, ah)…
C’est ainsi qu’aujourd’hui les trompettes de la victoire globalisante, capitaliste et démocratique, se sont soudainement tues dans un bel ensemble pour faire place aux tambours des veillées funèbres, voiles noirs et mines de circonstance, chiffres à l’appui bien entendu (les mêmes qu’avant avec un moins devant au lieu du plus) puisque sans eux nous serions dans l’incapacité de comprendre quoi que ce soit à ce qui nous tombe sur le dos. Et il faut bien le redire, des chiffres on nous en sert jusqu’à la garde, des palanquées de chiffres dans tous leurs états qui se baladent librement sur toutes les ondes et dans tous les journaux, provoquant une panique d’autant plus grande qu’ils sont tous différents les uns des autres, surtout lorsqu’il s’agit de traiter du même sujet. On ne peut plus faire un pas sans trébucher sur un chiffre qui nous est asséné sans qu’on n’ait rien demandé à personne. Ce qui semble le plus étonnant dans tout çà c’est qu’en si peu de temps notre monde bâti au forceps sur la hausse vertigineuse de tout et n’importe quoi, surtout n’importe quoi apparemment, se retrouve cul par-dessus tête (à moins que ce ne soit l’opposé) : c’est tout aussi vertigineux mais à l’envers ; de la hausse illimitée on est passé en une nuit à la « dégringolade accélérée », tout aussi infinie d’après ce que nous pouvons en voir. En tout cas il y a une symétrie épatante dans tout cela ! Par exemple ces banques qu’on nous avait appris pendant des années à regarder avec crainte et dévotion, ces établissements dont les patrons étaient révérés à l’égal des dieux : à terre en réanimation artificielle ! Ces entreprises si performantes dont on nous vantait les bénéfices à deux chiffres (je parle en pourcentage évidemment !) : à genoux, couteau sur la gorge. Et toutes, si prospères et si solides qu’elles fussent, toutes sont aujourd’hui menacées de banqueroute (mais oui les mêmes, celles qui dégageaient des profits colossaux un an auparavant !) ; elles en sont désormais réduites à mendier des aides de l’Etat comme des chiens leur pitance, dans un admirable ensemble pour chœurs et orchestre sans oublier les tremolos ou je pense. Mais oui l’Etat, vous savez bien ce truc dépassé, ce machin antédiluvien qui, nous assurâmes t-on sur tous les tons pendant des années, non seulement ne valait rien mais qui en plus de tout était un danger public qu’il fallait empêcher de nuire à notre économie divine et apolitique par tous les moyens possible. Mais oui c’était lui ce vieillard sénile qu’il fallait mettre sous tutelle parce qu’il n’était plus de son temps et qu’il gênait au plus haut point les affaires, le marché, l’économie ; bref, vous dis-je, il empêchait les gens sérieux de tourner en rond (ce qui signifie des gens pas comme nous ; enfin vous je ne sais pas mais moi c’est certain). Sans lui nos sacrés marchés auraient fonctionnés, fonctionneraient et fonctionneront toujours à la perfection. Allons faîtes un effort que diable, il faut que nous comprenions (moi en tous cas car je comprends de moins en moins) que lorsque tous les obstacles à l’expansion illimitée des marchés seront levés alors là, croyez en nos économistes illuminés je vous prie, alors là ce sera le bonheur complet, l’harmonie globale illimitée, l’orgasme économique assuré.
Donc, si j’ai bien entendu la leçon, la solution pour sortir de la crise, selon nos maîtres du monde bien aimés, ne peut se faire que d’une manière : faire payer toutes les dettes de nos banques et entreprises en banqueroute par l’Etat puis supprimer ce salaud à cause de qui nous nous retrouvons au fond du pot de chambre évoqué plus haut puisque sa seule présence a empêché de réaliser la perfection absolue du marché. Et vous qui me lisez il n’est pas nécessaire de faire les petits malins plus longtemps en demandant d’un air innocent comment nos banques divines et immaculées réussiraient à sortir du trou où elles se trouvent si l’Etat n’était pas là pour payer. Car si l’Etat n’avait pas existé il est évident que nous ne serions pas en crise ! Cette fois j’espère que c’est compris et qu’il ne faudra plus y revenir : nos divins banquiers ne sont responsables de rien de ce qui est arrivé ; la preuve en est qu’aucun ou presque de nos maîtres du monde ne s’est jeté par la fenêtre comme leurs prédécesseurs l’avaient fait en 1929. Nous pourrions arguer que ce peu d’enthousiasme à se précipiter par la fenêtre pour sauver l’hon… (le quoi ?), bref que cela manque singulièrement de panache et ne fait que confirmer la petitesse et la mesquinerie de tous ces gens, renforçant ainsi l’image déplorable que nous tous nous faisons d’eux. Eh bien laissez-moi vous dire que nous aurions grand tord vous et moi car si leurs prédécesseurs et maîtres en banqueroute des années 1930 se sont jetés par les fenêtres de leurs gratte-ciel respectifs ils avaient des raisons de le faire ; tandis que nos maîtres du monde, eux, n’en n’ont pas, ce qu’il faudrait peut-être mettre à leur actif (ah, ah, ah)…
Les maîtres du monde de cette époque, en effet, avaient les meilleures raisons pour se suicider dans un bel ensemble : non seulement ils étaient rongés par la honte et la culpabilité mais en plus ils étaient en Dépression les pauvres... Tandis que les nôtres ne montrent nulle trace de honte et ne se sentent coupables de rien du tout. C’est toute la différence entre ces deux sortes de maîtres du monde : ceux de 1929 proclamèrent « c’est pas lui c’est moi ! » avant de se jeter par la fenêtre tandis que les nôtres crient « c’est pas moi c’est lui ! » avant de rentrer chez eux tranquillement car ils possèdent toujours un toit, eux.
Tout le monde est donc content à Cochon-sur-Terre, le meilleur des mondes.
Tout le monde est donc content à Cochon-sur-Terre, le meilleur des mondes.