mercredi 27 janvier 2010

Le Président est nu, certes, mais ce n'est pas le seul.

Il y a un an Cochon sur Terre croyait au Père Obama; de toutes ses forces, avec toute la ferveur hystérique dont il est capable, auréolé de son habituelle et trop fameuse tolérance qui tolère tout du moment que cela lui ressemble en tous points. En bref Cochon sur Terre se réjouissait bruyamment en proclamant à la face de l’univers qu’on allait voir ce qu’on allait voir et que Cochon sur Terre deviendrait ainsi, et à nouveau, et encore, comme seuls le XIX et le XX siècles avaient pu nous le promettre, avec ces mêmes susurrements et ces mêmes mots d’ordre que l’on nous braille dans les oreilles depuis un siècle et demi, ceux là-même qui ont engendré tous les désastres dans lesquels nous pataugeons aujourd’hui: mais il y a an, cette fois c’était sûr, le paradis était sur le point de nous tomber sur la gueule, ici sur terre, sans que nous ayons besoin de remuer le petit doigt pour monter jusqu’au ciel. Il faut bien avouer que cela aurait constitué un progrès considérable et très appréciable par ces temps de raréfaction énergétique.


Il y a un an, donc, le nouveau Président des USA prenait ses fonctions en grande pompe, applaudi par Cochon sur Terre en entier qui s’était mis sur son trente et un pour l’occasion. Cela nous valut des dithyrambes et un lyrisme ébouriffant dont le grotesque avait du mal à masquer les névroses et les pathologies qui en étaient la cause directe. Nous ne reviendrons pas sur ce point mais nous ne pouvons résister au plaisir de rappeler que les soucoupes volantes qui apparurent dans le ciel de Washington alors que le nouveau Président était investi dans ses fonctions ne sont pas revenues depuis lors. Peut-être ces extra-terrestres de service sont-ils pudiques...

Nous étions donc à l’aube d’une ère nouvelle au cours de laquelle les USA se conformeraient en tous points aux rêves les plus divaguants de tous les cochons de la planète, et particulièrement ceux des gourous de salons parisiens, progressistes naturellement, qui croyaient pouvoir ressusciter à travers cet événement la gloire qui leur était due mais qui leur fût refusée tout au long de leur existence de révolutionnaires en chambre. Les bêlements assourdissants que poussa le troupeau ovin habituel condamna toute manifestation du scepticisme le plus minimal à l’occultation quasi absolue où bien alors aux gémonies. Du haut de leur tolérance immanente nos gourous toujours progressistes, en mal d'espérance et de sensations fortes (pour eux en tout cas), mais surtout d’imagination, décrétèrent l'avènement d’un âge de lumière.


Ce qui permettait de prédire l’âge de lumière en question ne reposait certainement pas sur le programme du candidat qui différait peu de celui de ses concurrents, républicain comme démocrates, à l’exception de celui de Ron Paul. D’ailleurs ce n’est pas sur cela que ses groupies se focalisèrent.

On s’attacha à souligner deux points plus où moins discrètement: le premier fût la nécessité de changer les choses après les années «atroces» des deux présidences Busch. Là-dessus on ajouta un autre point à consonance raciste qui sous-entendait que le candidat étant «afro-américain» il ne pouvait qu’être beaucoup mieux qu’un candidat blanc, homme où femme. De là s’élaborèrent des rumeurs sur la personnalité remarquable du candidat en question, sur son intelligence inouïe, sur son brio, son charisme, son sourire etc, etc... Mais le débat ne porta que bien peu sur son programme. Y en avait-il un digne de ce nom ?

En réalité chacun des groupies du candidat, que ce soit aux USA où en Europe, lui attribuèrent ses propres fantasmes en étant persuadé que le malheureux futur Président n’aurait de cesse une fois au pouvoir que de faire appliquer immédiatement tous les désirs de chacun des ses consommateurs-électeurs.


Mais au bout d’un an force est de constater un paradoxe pour le moins ironique; aucun des groupies n’est satisfait du candidat porté au pinacle il y a un an seulement, alors que ses ennemis les plus acharnés, pas forcément pour les bonnes raisons, sont peut-être ceux qui en sont le plus secrètement satisfaits.

Effectivement on peut dire qu’après 365 jours au pouvoir, ces mêmes 365 jours que cochon sur terre avaient décrété à l’avance si prometteurs, on peut affirmer que le bilan du Président est assez déplorable. Nous ne reviendrons pas sur ce qui fût fait et ce qui ne fût pas fait, sur les promesses non réalisées et la politique suivie qui s’identifie tant à celle de son prédécesseur, au point que de nombreux commentateurs ont du se rendre à l’évidence, enfin !; la politique des USA, que ce soit à l’extérieur où à l’intérieur, reste toujours la même qu’elle que soit l’administration au pouvoir, malgré quelques belles paroles et une attitudes en apparence plus «cool»...


Ce suivisme, ce conformisme, cet alignement sur la politique et les désirs généraux du système, tout cela finit par ouvrir lentement les yeux de certains des plus fidèles groupies qui, désormais, sont peut-être ceux qui sont les plus critiques envers le Président sous les ricanements des républicains qui sont, aujourd’hui en tout cas, en bonne voie pour renvoyer les démocrates dans les cordes aux élections de Novembre. A moins que... mais c’est une autre histoire.

Comme l’a montré la réaction de la candidate démocrate battue aux élections du Massachusetts il semblerait que les démocrates eux-mêmes commencent à ruer dans les brancards, c’est à dire à rendre l’Administration et le président responsables de leur défaite présente, et probablement à venir. C’est effectivement une manière de tenter de sauver son siège qui risque d'entraîner une poussée de fièvre extrémiste afin de montrer à ses électeurs combien on sait se démarquer de l’Administration et de son Président de plus en plus impopulaires, sans tenir plus aucun compte des affiliations partisanes, comme tendrait à le prouver la montée en puissance du mouvement «tea party». Une population désabusée vis à vis de l’establishment, une population qui avait cru, où fait semblant de croire une dernière fois, que l’élection d’Obama changerait tout ce qui n’allait pas parce-qu’on leur avait fait croire que ce dernier ne faisait pas parti de la même bande que ceux dont on voulait se débarrasser. Aujourd’hui l’échec sur toute la ligne du Président et de son Administration risque de laisser la voie libre non seulement aux extrêmes de toutes catégories mais aussi à l’émergence d’une autre forme de contestation politique ne rentrant plus dans le cadre du bicéphalisme institutionnalisé. En bref une contestation extérieure à l’oligarchie au pouvoir.


Cette forme de contestation extérieure aux cercles du pouvoir de l’oligarchie américaine tendrait naturellement à terme à remettre en cause la source de ce pouvoir lui-même, c’est à dire les institutions. Et nous ne pouvons pas passer sous silence le jugement rendu par la Cour Suprême il y a quelques jours seulement, à une faible majorité de 4 sur 5, permettant aux candidats aux élections de faire financer leurs campagnes par les entreprises sans aucunes limites. Cela a déjà provoqué un grand mouvement de contestation et de fureur parmi la population puisque c’est la reconnaissance officielle que non seulement les politiciens sont entre les mains des lobbys, ce qui est vrai, mais aussi que la politique des USA est faite en fonction de ces intérêts particuliers au détriment de l'intérêt général. Inutile de souligner que cela n’a fait qu’alimenter encore un peu plus la vague de colère qu’avaient déjà provoqué les fameux «bailouts», ainsi que la sensation grandissante parmi la population que l’on cherche à sauver le système au détriment des citoyens eux-mêmes; c’est ainsi que ce même système est perçu de plus en plus nettement, quoi que difficilement, comme non réformable à mesure que l’on prend conscience de l’incapacité du Président non seulement de changer quoi que ce soit mais de son alignement complet sur le système lui-même. Et cette prise de conscience se fait sur un fond de désastre économique, de chômage grandissant, de pauvreté de plus en plus insoutenable (30% des USA sont sous le seuil de pauvreté d’après le rapport du Brookings Institute de Lundi dernier), de paralysie et de pagaille en accroissement, de déficits budgétaires chroniques des Etats fédérés comme de l’Etat fédéral lui-même; les conséquences de tout cela deviennent de plus en plus dramatiques au point que certains à Washington s’inquiètent pour la stabilité intérieure du pays.


Encore une fois, et au risque de nous répéter, le mouvement «tea party» est un symptôme important de ce désabusement général qui fait place progressivement à de la colère pure et simple. Robert Reich qualifie fort bien ce mouvement du «tea party» qu’il nomme le «I am mad as hell party» puisqu’il rassemble tous ceux qui sont furieux contre l’establishment washingtonien, démocrate comme républicain, toutes tendances confondues, mouvance offrant peu de prises pour le moment aux tentatives de récupérations par les partis politiques traditionnels. Même si ces gens du «Mad as hell party» viennent d’horizons divers, même s’ils ne sont pas d’accord entre eux politiquement, ils se retrouvent au sein de ce mouvement par leur seule colère contre l’establishment, colère qui finit par évoluer contre le système lui-même. C’est probablement cela le plus important: à savoir que l’échec d’Obama, le «yes we can» jeté aux oubliettes de l’histoire, en bref l’espoir que quelque chose pouvait être fait pour réformer ce qui ne marchait pas, où plutôt ce qui empêchait supposément les choses de fonctionner idéalement dans le meilleur des mondes US, cet échec engendre dans les esprits une lente remise en cause du système lui-même au milieu du désordre général qui s'accroît en raison, entre autre, de l’incapacité du Président à s’imposer et à donner une direction claire à sa politique. Mais pour ce faire il aurait encore fallu qu’il sache ce qu’il voulait, c’est à dire, en terme politique, avoir un programme; mais ce dernier faisait cruellement défaut depuis le départ. C’est aujourd’hui seulement que les cochons s’en aperçoivent; désormais c’est trop tard.


Le Président est nu; certes il est désormais déconsidéré tant sur le plan national que sur le plan international, mais il n’est pas le seul, loin s’en faut. Le système américain lui-même se retrouve dénudé; le système américain tant vanté et emmailloté si soigneusement par sa propre propagande depuis des décennies dans des habits de paillettes scintillantes, ce système de rêve ne fait désormais plus guère illusion, tant à l'intérieur qu’à l'extérieur; l’»american dream» est mort. Et l’échec d’Obama, c’est à dire son alignement complet sur les dogmes du système, sa poursuite de la politique de Busch enrobée de discours qui ne font plus aucune impression si ce n’est un agacement grandissant, cet échec donc a soudain servi de révélateur. Cette mort longuement occultée ne peut plus désormais être cachée; c’est un peu comme si le cadavre de la grand mère dont on niait le décès depuis des années pour toucher sa retraite frauduleusement sortait du placard sans prévenir tandis que l’inspecteur de la Sécurité Sociale est en visite dans la maisonnée. L'effondrement du mythe Obama a fait sortir les américains et le monde de leur ensorcellement; la pression des événements, la pression des crises qui se succèdent les unes aux autres en s’accumulant de plus en plus rapidement feront le reste.

La nudité du Président ne fait que refléter celle du système tout entier.


Mais pour le moment tout le monde est content à Cochon sur Terre, le meilleur des mondes.

dimanche 17 janvier 2010

Haïti où la poursuite du spectacle.

Haiti est dévastée. Un tremblement de terre a laissé l'île, et plus spécialement la ville de Port-au-Prince, dans un état de dévastation effrayant. Les habitants eux aussi ont payé un lourd tribut, on parle de 50.000 à 100.000 morts; chiffres à prendre avec précaution même s’il est déjà certain que le nombre de morts sera très élevé. Bref, une fois de plus, une calamité s’est abattue sur cette partie de l’île autrefois nommée Hispanolia, où encore la «perle des Antilles» à l’époque de la domination française en raison de sa richesse, aujourd’hui à peine un souvenir.


Dans tous les cas ce nouveau désastre fournit un bon prétexte à Cochon sur Terre de sortir de la léthargie congénitale dans laquelle il replonge dés que rien d’excitant ne vient distraire son ennui institutionnalisé.

Pensez donc ! Des morts par dizaines de milliers, des images d’un autre monde, c’est le cas de le dire, des horreurs dignes d’un film de Hollywood que l’on peut regarder de chez soi en toute sécurité en ingurgitant force canettes de coca light tout en écoutant le dernier tube à la mode; on peut ainsi s’indigner tranquillement sans aucun risque, on peut se défouler en s’étalant sur son blog, on peut s’apitoyer à qui mieux mieux, on peut suer la compassion à grande distance sans courir le danger que l’on nous demande de faire quoi que ce soit; et puis cela nous donne un sujet de conversation digne du café du commerce avec les voisins, les collègues de bureau, où mieux encore avec son conjoint à qui on n’a plus rien à dire depuis la dernière frayeur à la mode, c’est à dire la tentative d’attentat sur le vol Amsterdam-Detroit de Décembre dernier. En bref cela donne à Cochon sur Terre une bonne occasion de sortir de l’Ennui confortable et si bien organisé qui ronge ses habitants.


D’ailleurs il suffit de voir les blogs de toutes sortes pour se rendre compte à quel point Cochon sur Terre est agité par ce désastre. Chacun y va de son avis, chacun fait des leçons de morale, chacun critique tout le monde, chacun s’agite face à son écran pour montrer à quel point il est concerné et solidaire par PC où Mac interposé...

Parcourant le web il est amusant de constater combien tous reviennent sur leurs clichés préférés et éculés depuis des lustres, en toute occasion, plaquant leurs superstitions respectives sur des situations qui n’ont souvent rien à faire les unes avec les autres, où bien si peu que cela en devient comique. A cette occasion la palme du tragique en l’espèce est celle du toujours pathétique Pat Robertson, télévangéliste de son état, qui généralement met toujours un point d’honneur tout à fait involontaire à ne jamais en rater une seule, le tout assaisonné de sa finesse psychologique coutumière sans parler de sa compréhension de l’histoire particulièrement élaborée. Jugez en:


"Something happened a long time ago in Haiti and people might not want to talk about it. They were under the heel of the French. Napoleon the Third and whatever. And they got together and swore a pact to the devil...But ever since, they have been cursed by one thing after the other." ( Sources: Pat Robertson)


On appréciera la précision historique; indépendance de Haiti en 1804 et règne de Napoléon III entre 1852 et 1870. Peu importe, tout cela c’est du pareil au même, nous ne sommes pas à 50 ans près ! C’est vrai que cela constitue un détail diablement insignifiant par rapport au reste de la déclaration.


Sinon, comme prévu, les écologistes nous parlent d’une catastrophe écologique, ce qui est vrai; les gauchistes, crypto communistes (il en reste, oui, oui) et compagnie accusent avec une très grande originalité le grand capital et les impérialistes; les néo-libéraux se contentent de radoter leurs antiennes habituelles en prônant une dérégulation totale afin de laisser le marché oeuvrer tandis que les keynésiens de service hululent du haut de leurs perchoirs dorés qu’il faut des milliards d’aides afin de remettre le pays en état et confier tout cela à notre Etat maternel bien-aimé. En bref appliquons sans plus attendre les brillantes médications qui ont si merveilleusement fonctionné chez nous comme nous savons si bien; toutes ces charmantes recettes qui ont si bien réussi à l’humanité depuis trois siècles, celles qui nous promettaient avec une rationalité toute scientifique le paradis sur terre pour après-demain matin à 10h 32 précisément, que ce soit le paradis ouvrier où le paradis capitaliste. Quoi qu’il en soit tous ces violents laxatifs que nous avons subi tout au long de cet admirable XX ème siècle sont donc toujours prônées comme si l’état actuel de la planète et de l’humanité ne leur était redevable en rien. Bien au contraire nous expliquent nos Cochons de service nous en sommes là parce-que nous n’avons pas appliqué nos recettes-miracle jusqu’au bout: laissez-nous faire et vous verrez de quel bois on se chauffera, clament-ils encore... Oui, c’est peut-être précisément le moment d’arrêter les frais. Entre parenthèse Haïti est déboisée à 96%.


En revanche tout le monde s’accorde sur une chose: il y a URGENCE. Et lorsqu’il y a urgence nous savons tous combien nous sommes efficaces, il suffit de se souvenir de la Nouvelle-Orléans où du tsunami en Thaïlande, sans parler du reste. Il semblerait que nous soyons donc sur le point de recommencer les mêmes absurdités, les mêmes gaspillages invraisemblables, la même inefficacité crasse, le tout dans une débauche de matériels comme on aime, alimentée par une orgie de dollars et d’euros en voie de dévaluation, une agitation confinant à l‘hystérie comme il nous sied si bien puisque c’est le mode d’agir habituel de Cochon sur Terre. L’important c’est de brasser des chiffres astronomiques, des chiffres si importants que l’on pourrait presque se poser la question de savoir si le but ne serait pas uniquement de nous flatter nous-mêmes par la contemplation du déploiement de notre propre puissance que ces chiffres sont censés refléter. Mais rassurons-nous cela n’est pas perdu pour tout le monde car la marchandisation généralisée de l’existence règne toujours en maître à Cochon sur Terre, y compris lorsque les causes sont les meilleures; il y a toujours de l’argent à faire.

Voici ce que pense l’excellent journaliste de terrain américain Patrick Cockburn de l’aide internationale:


Haitians are now paying the price for this feeble and corrupt government structure because there is nobody to coordinate the most rudimentary relief and rescue efforts. Its weakness is exacerbated because aid has been funneled through foreign NGOs. A justification for this is that less of the money is likely to be stolen, but this does not mean that much of it reaches the Haitian poor. A sour Haitian joke says that when a Haitian minister skims 15 per cent of aid money it is called ‘corruption’ and when an NGO or aid agency takes 50 per cent it is called ‘overhead’.

Many of the smaller government aid programs and NGOs are run by able, energetic and selfless people, but others, often the larger ones, are little more than rackets, highly remunerative for those who run them. In Kabul and Baghdad it is astonishing how little the costly endeavors of American aid agencies have accomplished. “The wastage of aid is sky-high,” said a former World Bank director in Afghanistan. “There is real looting going on, mostly by private enterprises. It is a scandal.” Foreign consultants in Kabul often receive $250,000 to $500,000 a year, in a country where 43 per cent of the population try to live on less than a dollar a day.

None of this bodes very well for Haitians hoping for relief in the short term or a better life in the long one. The only way this will really happen if the Haitians have a functioning and legitimate state capable of providing for the needs of its people. The US military, the UN bureaucracy or foreign NGOs are never going to do this in Haiti or anywhere else. (Sources: The Independant - Patrick Cockburn)

D’autre part il ne faudrait pas oublier que Haiti est quasiment sous mandat international depuis 2004, data à laquelle le Président de l’époque, Aristide, fût contraint à la démission sous la pression des USA et, parait-il, de la France, notamment parce-que le Président parlait de relever les salaires de $2 à $5, non pas à l’heure mais à la journée, ce qui aurait réduit les marges des multinationales US. Affirmation à prendre avec précaution néanmoins en ce qui concerne les causes réelles de l’éviction d’Aristide de son poste au cours de son second mandat car il est tout aussi exact que les partisans de ce dernier se comportèrent de manière qui n’eurent rien à envier à celles des tontons macoutes qui les précédèrent lors de la dictature des Duvallier pères et fils. Mais cela peut servir de prétexte commode à éviter ceci.

Par conséquent qu’a fait la communauté internationale depuis cinq ans ? Nous pouvons dire rien puisque toute l’aide de l’ONU s’est trouvée limitée à une présence militaire de maintien de la paix à cause du veto systématique de ces mêmes pays qui, aujourd’hui, se précipitent le coeur en bandoulière pour aider ceux à qui ils ont refusé pendant cinq ans toute aide sur le long terme qui aurait pu aider à recréer une agriculture familiale, par exemple, ayant pour but une auto-suffisance alimentaire du pays, au lieu d’encourager la constitution de grandes exploitations dont les cultures sont destinées à l’exportation...


De même qui se souvient que ce malheureux pays fût soumis soit à l’occupation étrangère (US entre 1915 et 1934), soit à l’intervention directe dans la politique intérieure du pays en soutenant les dictateurs corrompus et sanguinaires Duvallier père et fils où en aidant les coups d’état de 1991 et 2004, de peur que Haiti ne lorgne sur Cuba afin de réussir le même naufrage exemplaire qui aurait laissé toute la population dans la misère générale par amour de l’égalité. Ce ne fût pas le cas mais le naufrage fût malgré tout au rendez-vous, notamment grâce à l’application des recettes miraculeuses du néo-libéralisme globalisant qui chassa des dizaines de milliers de familles de leurs lopins de terre pour les envoyer s’entasser dans les bidonvilles de Port au Prince, sans ressources, survivants dans des abris de fortune accrochés à des ravins instables par l’arrachage systématiques de tous les arbres à portée de hache. Inutile de préciser qu’aucunes de ces cabanes ne répondent bien évidemment ni de près ni de loin aux standards anti-sismiques en vogue dans nos pays. D’ailleurs comment cela pourrait-il être le cas lorsque ces abris de fortune ne possèdent ni électricité, ni eau courante, et que nulle route ne les relie à quoi que ce soit ?


Le résultat est qu’aujourd’hui 75% de la population survit avec moins de $ 2 par jour et 56% avec moins de $1. Le résultat est que la criminalité atteint des hauteurs stratosphériques, que les gangs rançonnent la population quant ils ne se font pas la guerre dans les rues, que le trafic de drogue est florissant, sans parler de la corruption générale ni de la violence endémique (rapts, crimes, viols, extorsion de fonds etc...) qui restent le lot quotidien de la vie à Port-au-Prince. Le résultat est l’émigration de plus de 12.000 haïtiens chaque année qui tentent leur chance en s'exilant à Saint Domingue, aux USA où encore au Quebec.


Haïti est en ruine, laminée, détruite. Soit.

Mais quelle en est la cause la plus directe ?

Le tremblement de terre où nous ? La nature où l’humanité prise de folie depuis plusieurs siècles ? Cette même humanité qui prétend toujours réparer les dégâts qu’elle a elle-même causé en poussant encore plus loin l'expérience désastreuse qui a mené à la catastrophe dans laquelle nous nous trouvons tous, et dont Haïti n’est que l’exemple le moins privilégié; parmi d’autres néanmoins.

Mais l’essentiel n’est-il pas que cela nous occupe jusqu’à ce qu’une autre distraction du même acabit ne vienne entretenir quelques instants notre attention déficiente, blasée et malade ? Nous aurons alors largement oublié Port-au-Prince et ses malheureux habitants au profit (sans jeu de mot) d’un krach de la bourse où bien d’une attaque terroriste quelconque.

Tout comme nous avons oublié la Somalie, le Bangladesh, le Zimbabwe, le Tibet, l’Ethiopie, la Corée du Nord où le Rwanda ainsi que toutes les autres innombrables distractions que nous consommons avidement et avec reconnaissance. Car il y a encore de nombreux endroits sur terre où les populations continuent de crever de faim et de misère comme à Haïti, généralement pour les mêmes raisons (nous ne parlons pas du tremblement de terre). Mais ce n’est plus à la mode et ne constitue donc plus un spectacle intéressant. Ne voulons-nous pas toujours plus de neuf, d’inédit, de variété, de la même manière que nous exigeons toujours plus de nouveaux modèles de voitures où de portables, de crayons à billes où de préservatifs aux parfums exotiques et aux couleurs stimulantes ?

Aujourd’hui Cochon sur Terre est servi. Pour le moment. Jusqu’à ce que l’ennui le reprenne.

Ne nous inquiétons pas, ça vient.


Mais pour le moment tout le monde est content à Cochon sur Terre, le meilleur des mondes.

dimanche 3 janvier 2010

Tentative d'attentat sur le vol Amsterdam-Detroit: une réussite exemplaire !

Extrait d'un texte destiné à un essai sur les USA. Ce qui suit fût écrit en Mai 2009 lors de mon séjour d'un mois et demi à New-York, avant mon périple de plusieurs mois qui s'acheva à San-Francisco.


"Le grand historien américain Richard Hofstadter (1916 - 1970) a écrit au début des années 60 un essai dont le titre est: « The paranoid style in US politic ». C’est une vieille habitude de la vie politique américaine dont on peut affirmer que les racines sont religieuses et remontent au 17eme, avec les persécutions entreprises par les puritains, notamment les chasses aux soit disant sorcières de Salem où encore les massacres d’Indiens. Politiquement parlant les crises de paranoïa commencent rapidement après la fondation du pays, dés la fin du 18eme avec les « Bavarian Illuminati » qui était un mouvement anti-jacobin dont les membres craignaient un complot révolutionnaire et anti-religieux aux USA, subventionné par les révolutionnaires français. Cela se poursuivit avec la crise anti-maçonnique au début du 19eme, puis la crise anti-catholique au milieu du 19eme, la crise anti-immigré au début du 20eme, le Maccarthysme dans les années cinquante et l’anti-communisme qui suivit, et enfin la crise de paranoïa actuelle. On voit donc que les périodes de calme sont assez rares et que les différentes hystéries se succèdent les unes les autres avec une régularité pour le moins étonnante. Nous y reviendrons.


Selon Richard Hofstadter les individus atteints de ce «paranoid style» voient l’histoire comme une conspiration «set in motion by demonic forces of almost transcendant power, and what is left to be needed to defeat it is not the usual methods of political give-in-and-take, but an all-out crusade...» Et il continue un peu plus loin: «Since what is at stake is always a conflict between absolute good and absolute evil, the quality needed is not a willingness to compromise but the will to fight out to a finish.» Et il ajoute: «This demand for unqualified victories lead to the formulation of hopeless demanding and unrealistic goals, and since these goals are not even remotely attainable, failure constantly heightens the paranoid frustration.»


C’est ce qui ne manque pas de frapper lorsque l’on se retrouve face à cette procédure sécuritaire invraisemblable. On ne peut s’empêcher de se dire que toute cette immense machinerie, cette bureaucratie mobilisée pour ficher le monde entier, ces moyens colossaux déployés pour arrêter d’éventuels terroristes qui ne passeront certainement jamais par une frontière officielle pour perpétrer leurs actes de mort, on ne peut s’empêcher de voir dans tout cet arsenal un coté à la fois obscène et pathétique. En clair je ne pouvais pas ne pas y voir un aveu formidable d’impuissance, un aveu de faiblesse et de peur, le tout masqué par une fuite en avant délibérée dans un déploiement enragé de puissance technologique qui, comme le montre les échecs en Irak et en Afghanistan, ne sert finalement pas à grand chose. Ce sont ces «hopeless demanding and unrealistic goals» qui montrent le mieux l’hubris dont sont atteints les dirigeants américains, cette mégalomanie qui les amènent logiquement à s’appuyer sur la technologie la plus avancée, de plus en plus coûteuse, nécessitant des moyens toujours plus complexes et lourds pour être mise en oeuvre, de plus en plus en décalage avec ce qu’elle prétend combattre. Et qui, pour finir, génère une hypertrophie bureaucratique qui, à son tour, génère la confusion et l'inefficacité. Et puis à la fin de toute l’histoire, cela aboutit à asservir toujours plus, grâce à un flicage globalisé, ceux que l’on était censé protéger au départ et dont les fiches dûment complétées, elles, finissent par remplacer celles de ceux que l’on était censé combattre. Car la machinerie une fois en place doit bien se trouver une occupation, même si c’est pour oeuvrer contre ceux qu’elle était censé servir à défaut de ceux, introuvables, qu’elle était censée éliminer.


On ne peut s’empêcher d’avoir ce sentiment étrange d’être à la porte d’un camp retranché, assiégé par des hordes de barbares campant aux pieds de ses miradors, de ses réseaux électroniques destinés à se protéger des terroristes, de ses murs érigés contre les immigrants mexicains, de ces drones destinés à survoler la frontière avec le Canada pour signaler d’éventuels illégaux aux patrouilles trop peu nombreuses pour un territoire beaucoup trop vaste; un sentiment de forces désespérées jouant le tout pour le tout, s’arc-boutant dans un dernier effort totalement inadéquat, et inefficace de surcroît, pour rejeter l’envahisseur.

Il ne s’agit pourtant pas de nier une menace, il ne s’agit pas d’ouvrir les frontières en grand et laisser entrer le monde entier, certainement pas. Il s’agit simplement de se demander si la réponse apportée est bien la bonne; il s’agit de se poser la question de savoir si ce monstrueux système mis en place pour contrer ce qui est perçu comme une menace est nécessaire et approprié à la tâche qui lui est fixé; il s’agit surtout de savoir si cette idéologie du zéro risque, complètement absurde, n’est pas le prototype même de la «demand for unqualified victories which lead to the formulation of hopeless demanding and unrealistic goals» d’une part, et d’autre part si cela ne mène pas précisément à cette débauche de moyens qui finissent par se neutraliser les uns les autres et par sombrer dans l'inefficacité en raison de leur hypertrophie même."


Ajoutons brièvement que cet attentat manqué fût une immense réussite. En effet les conséquences de cet échec seront tout aussi absurdes que si l'avion avait explosé pour de bon, le tout sans aucune victime !
Il suffit de voir les réactions hystériques et paniquées de la fourmilière de Cochon sur Terre après avoir reçu ce coup de pied dans l'arrière train. On déclare la guerre à Al Quaeda (sic) pour la seconde fois (on a du oublier que c'était déjà fait depuis neuf ans) et on menace à nouveau d'envahir un nième pays, cette fois le Yemen, comme si cela changera quoi que ce soit et comme si les USA avaient les moyens de le faire. Quelle importance on empruntera ! Apparemment l'Afghanistan n'a pas suffit à montrer à nos dirigeants bien-aimés que les invasions ne sont pas forcément les moyens les plus efficaces pour réduire les terroristes.
En France et en Europe on s'emploie bien évidemment à augmenter encore les mesures de sécurité, probablement pour accélérer la faillite annoncée des compagnies aériennes en rendant définitivement les voyages en avion le plus odieux possible; cela, peut-être, incitera à voyager moins loin et à utiliser le train en attendant que, là aussi, on rende son utilisation impossible.
Encore un effort, nous sommes dans la bonne direction ! Nous allons bientôt tous rester chez nous...
Ce qui, entre parenthèse, est excellent pour notre climat. Comme quoi le terrorisme a des conséquences écologiques positives.

Toutes ces mesures sont donc destinées à l'inefficacité grandissante, à coûter de plus en plus cher et, au bout du compte, à échouer systématiquement comme le démontre cette tentative réussie d'attentat. Réussie car cela va augmenter considérablement la pagaille et la désorganisation générale qui sont les principales caractéristiques du système, ô combien. Cet événement n'a fait que le souligner de manière spectaculaire. Et plus le système ubuesque dans lequel survit Cochon sur Terre se chargera de fardeaux de moins en moins soutenables, comme c'est le cas tous les jours, plus son effondrement s'accentuera.

Mais nous reviendrons sur le sujet prochainement, particulièrement sur ce qui pourrait bien être la nouvelle stratégie des terroristes destinée, si c'était le cas, à une réussite époustouflante.