mardi 30 juin 2009

On a les icônes qu'on peut...

Quel choc!

Il parait qu’une de nos icône est morte! Il semblerait même que ce n’était pas prévu! C’est honteux...

Du coup personne ne s’y attendait et tout ce beau monde est en pleurs.

La planète entière est en deuil et crie sa douleur à qui veut l’entendre, c’est à dire personne puisqu’il parait que jusqu’à aujourd’hui nous sommes seuls dans l’univers. Mais ce n’est pas grave car l’important est de se montrer à quel point on est triste; ou plutôt, pour reprendre un mot politiquement et culturellement correct, à quel point nous sommes tous émus... aux larmes bien entendu sinon l’exercice n’aurait aucun intérêt, et qui plus est pas n’importe quelles larmes, des larmes de crocodiles svp; peut-être même de «crocrodile» car elles sont vraiment grosses!


En tout cas cette catastrophe intergalactique dont personne ne se remettra jamais, cette mort donc tombe à point pour plusieurs raisons.

- D’une part cela permet de laisser tomber la question iranienne avec une excellente raison de le faire; cela nous évite avantageusement de nous retirer sur la pointe des pieds sans rien dire, l’air vague et embarrassé de celui qui quitte un dîner le premier car il s’y ennuie trop. Et puis c’est le début de l’été, alors on n’allait pas le gâcher pour les iraniens... Il parait que le Guide Suprême a déclaré que la mort de l’icône de Cochon sur Terre était une intervention divine. Peut-être bien mais la question iranienne commençait à lasser sérieusement son public même sans divine intervention. Pensez-vous, cela faisait maintenant plus de 15 jours que cela durait! Deux semaines sont déjà largement suffisantes pour retenir l’attention de Cochon-sur-Terre et il fallait trouver un autre divertissement d’urgence. En voilà un, largement plus intéressant.

- Economiquement c’est plutôt une bonne nouvelle puisque n’importe quoi est bon pour tenter de faire repartir notre économie. En effet cela permettra certainement de vendre quelques millions de disques, des t-shirts avec les dates de naissance et de décès de l'icône, puisqu’il parait qu’il y en a déjà en vente devant l'hôpital de LA pour $40, sans compter tout ce qui sera mis à profit (c’est à dire vraiment tout et n’importe quoi) par des hordes de cervelas en mal de profits rapides et faciles.

Il parait qu’il pourrait y avoir de sérieuses complications en ce qui concerne l’héritage car il semblerait que la sympathique famille ne s’entende pas vraiment bien et que chacun voudrait une part du gâteau, si tant est qu’il en reste quelque chose, ce qui n’est pas sûr. Les avocats sont sur l’oeil, inutile de le dire! Ya bon pour l’économie...

Enfin, ne perdons pas de temps, la mère a déjà demandé la garde de ses petits-enfants (?) et fait avancer la date de la décision du juge au 6 Juillet. Curieusement elle demande la gestion des biens de son fils bien-aimé... De plus «la famille» a décidé de demander une seconde autopsie car elle a des «inquiétudes»... C’est plutôt mignon, non, des «inquiétudes»?... Peut-être aurait-il fallu les avoir avant, mais il est vrai que le défunt ne voulait pas avoir de contacts avec cette famille si inquiète... pour son bien évidemment...

- Enfin c’est une mort très très politiquement correcte car elle a une envergure... globale. N’est-ce pas merveilleux de permettre ainsi à la planète entière de communier tout ensemble dans une débauche d’éloges qui ne l’en cèdent en rien aux platitudes et aux ridicules en tous genre que l’émotion, vraie ou fausse, permet de libérer. D’ailleurs il serait plus juste de parler de «sentimentalisme» que d’émotion. Bien entendu notre dirigeant de base (mais lequel ne l’est pas?) essuie une larme et se dit ému jusqu’à la moelle afin de paraître plus proche du «peuple»... Puisque démagogiquement très correct il n’y a donc aucune raison de ne pas en rajouter une louche, et ce d’autant moins lorsque des élections sont proches. C’est toujours bien de prouver aux éventuels électeurs qu’on est apte à partager leurs peines et leurs souffrances. Cela montre que l’on n’est pas aussi éloigné d’eux qu’ils le pensent... On est tous frères, quoi...


Donc nos dirigeants bien aimés sont tous émus à mort, de Sarkozy à Obama en passant par les ministres de toute la planète, à quelques exceptions près comme les russes ou les chinois par exemple, mais c’est bien normal: ne sont-ils pas d’atroces réactionnaires insensibles aux douleurs du peuple? On attend bien sûr que tous nos gouvernants bien-aimés soient présents en masse à l’enterrement de la star qui, parait-il, se passera à «Neverland». Tout un programme! Nous vous le prédisons l’enterrement du Pape Jean-Paul II à côté ce sera de la bibine car celui du roi du pop ne donnera lieu à aucune contestation de la part des médias ou bobos de tous les pays. Ce sera un consensus retentissant et assourdissant. On se réjouit à l’avance de voir notre grande famille terrienne unie comme un seul homme, non pardon comme une seule femme, autour de cette icône de l’humanité afin de lui rendre un ultime hommage. On en est tous bouleversés comme le montrent ces quelques réactions sélectionnées pour le plaisir des lecteurs parmi des milliers d’autres:


Jean-Louis Borloo, ministre français de l'Ecologie : « Ce qu'il est, sa peau, son sourire, sa tendresse, sa musique totale, il était absolument unique et en même temps une espèce de synthèse de l'homme dans ce qu'il a d'extraordinaire. »


Si un lecteur compatissant pouvait nous donner une traduction de ce verbiage cela nous intéresserait au plus haut point, particulièrement «musique totale» et «une espèce de synthèse de l’homme etc...». Avec nos remerciements très reconnaissants.


Sur France Info, la chanteuse et ex-jurée de la “Nouvelle Star” Marianne James a trouvé la cause du décès, peu avant la série de concerts londoniens pour laquelle il se préparait : “Il n'avait plus de batterie, comme un portable.”


Voilà une bonne comparaison; lorsque la batterie est morte on la jette avec le portable et on en achète un autre... Il était vraiment en "adéquation parfaite avec notre civilisation moderne" comme le souligne avec tant de pertinence l’auteur(e) de la réaction ci-dessous. L'icône de Cochon sur Terre était un portable abandonné, un portable à la dérive...


«Un nouvel immortel est née à côté de Lenon, Elvis, Piaf....
Un véritable magicien qui a inspiré et inspirera à nouveau toutes les nouvelles générations artistique par
son adéquation parfaite avec notre civilisation moderne.
Mikael jackson mort, mais pas disparut
"
tonycomics (Femme actuelle)


Entièrement d’accord comme déjà dit, on pourrait même dire qu’il en était l’image la plus représentative. Quand à "mort mais pas disparu(t)", cela laisse songeur... Si quelqu'un a une explication, merci d'avance.


"Je suis abasourdie!!!!!!!!!!!!!! par cette annonce. Un grand artiste, un géant ! Personne ne le remplacera, il est unique ! Je l'aime beaucoup et le regarder danser était un régal pour moi !!!!!!!!! quant aux accusations dont il a fait l'objet, je n'y ai jamais cru et n'y croirais jamais. au revoir l'artiste!!!!!!!!!"
blondinette59 (Femme actuelle)


Commentaires non nécessaires.


"j'ai du respect pour cet homme d'exception blanc ou noir ou bronzé c’est un homme, un enfant"
marraina (Femme actuelle)


«C’est un homme, un enfant...», étonnant? non. A Cochon sur Terre tous les hommes sont des enfants, tous les enfants sont des adultes et par conséquent tous les adultes sont des enfants, les femmes sont des hommes et les hommes ne sont que des femmes qui s’ignorent, c’est bien connu. Un symptôme de plus du désir d'effacement des genres, du désir d’indifférenciation générale, du désir de ne pas devenir adulte et par conséquent un symptôme de l’infantilisation globale qui ronge Cochon sur Terre. Un puissant désir de n’être «personne». Rassurons-nous le but est en vue et se rapproche à vue d’oeil!


«He were a Pop Star, now, he is an Angel in the Sky ♥

J'ai appris par un coup de fil son décès à 2h du mat'... Inimaginable, tout simplement... C'est Michael Jackson quoi, LE roi de la Pop. Pour moi, il était immortel...

I will never forget him ♥ (Face book)


Non, ce n’est pas pour rire et pas inventé pour la circonstance.


«IL RESTERA L'EMPEREUR DES ANNES 80 POUR NOUS AMATEUR DE BONNE FUNK IL NOUS A DONNER DU PLAISIR MERCI A TOI VIEU FRERE ADIEU ET AUSSIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIII

IIIIIIIIIIIIII PUTIN DE MERDE SA ME REND DINGUE JARIVE PAS A MY FAIRE MAIS EN TOUT HONNEUR A TOI TA ETE LE MEILLEUR JUSKO BOUT TA MORT A EU UN IMPACT MEDIATIKE PLUS VIOLENT KE LE 11 SEPTEMBRE C DIRE KE MON GARS KE T PAS NIMPORTE KI......................................!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!»(Facebook)


Pourtant on aimerait que ce soit juste une plaisanterie...


«JE T'AIME MICHAEL... ;

JE T'AIME!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!» (Facebook)


Là aussi, faites mon Dieu que ce soit une plaisanterie...


歌舞伎町媽媽桑:«Oh…my god! No way! I don’t believe it! I don’t believe it!» (Chinasmack)


En Chine aussi! Décidément aucun cervelas n'est à l'abri...


Cochon sur Terre est déchaîné, les foules en délires pleurnichantes et désespérées se répandent sur le net et se présentent leurs condoléances vingt quatre heure sur vingt quatre. Nous espérons bien sûr que twitter sera aussi efficace que lors des élections iraniennes et que Facebook remplira correctement son nouveau rôle, c’est à dire diriger et coordonner le flux grandissant de la douleur des fans du roi du pop afin de leur permettre, hommes, femmes, enfants, adultes, non-adultes, adultes en voie d’infantilisation ou même enfant entendant bien le rester pour toujours, leur permettre donc d’étaler leur désespoir personnel et collectif, sans honte et sans mesure, comme c’est le droit de tous, de tousse, de chacun et de chacune.

Bien entendu personne ne doute que nos gouvernements bien-aimés organiseront des veillées funèbres publiques et proclameront un deuil national de trois jours, ce qui permettra de se reposer pendant ce temps là et de se remettre de ces émotions cruelles. De plus il semblerait que l’ONU, sur proposition de l’Iran qui offre la moitié de la souscription, songe à ériger une statue géante à la première icône mondialisée; il paraîtrait qu’ils ont demandé aux USA de pouvoir l’ériger en lieu et place de la statue de la liberté, puisque cette dernière n’a plus aucun sens aux yeux du citoyen global d’aujourd’hui. Il y aurait même déjà un acheteur pour la statue de la liberté; on parle de la Corée du Nord qui envisagerait de l’ériger sur la place du Palais du Peuple à Pyong Yang; l’achat serait financé par un don personnel du Président Nord-Coréen pour en faire cadeau à son peuple adoré en souvenir de la glorieuse révolution communiste qui a apporté tous les bienfaits que l’on connaît. Pour en revenir à NY iI est certain qu’une statue du roi du pop aurait bien évidemment une tout autre signification aux yeux de la planète, étant donné «son adéquation si parfaite avec notre civilisation moderne», plutôt que ce concept d’un autre âge parfaitement absurde de «liberté», par conséquent forcément ringard à une époque aussi divine et illuminée que peut l'être la nôtre.


Pour conclure nous voudrions citer un commentaire qui nous a frappé par sa bassesse et l’insensibilité quasiment bestiale dont fait preuve son auteur(e). Ce commentaire lamentable vient de Chine et doit probablement être le (mé)fait d’un membre haut placé du gouvernement tant il montre de haine de soi et de rancoeur vis à vis de l’humanité humanitaire. Nous laisserons aux lecteurs le soin de réprouver par eux-mêmes une ignominie pareille et nous les avertissons que ce commentaire est strictement réservé aux plus de 18 ans, bien que 21 ans serait plus sûr.

Le voici:


新浪湖南网友: «Michael is just a singer, but to some ignorant fans he is like their parents. Michael’s death makes them act as if they have lost their parents. They wish he could bring them to another world, because they themselves are soulless people who do not serve much of a purpose living anyway. They do not have parents, no loved ones and friends, no red flowers, no green leaves, no four seasons, no motherland, only Michael. (Chinasmack)


PS - Une icône, dans la tradition chrétienne Orthodoxe héritière de Byzance, est une image religieuse particulièrement vénérée. Généralement c'est une figure religieuse dont l’existence remarquable à titres divers présente un exemple à suivre, c’est à dire un chemin montrant aux hommes comment s’élever au-dessus de leur condition; en d'autres termes comment accomplir son humanité en combattant victorieusement pour y échapper la tentation toujours présente de céder à la bestialité. Bien entendu les "icônes", indépendamment de leur forme culturelle, dont se dotent une société sont toujours les meilleurs révélateurs de l'état d'avancement de cette dernière.


A Cochon sur Terre on a les icônes qu’on peut.

Tout le monde est donc content à Cochon sur Terre, le meilleur des mondes.

vendredi 26 juin 2009

Elections en Iran: on prend un prozac et on la ferme...

Ah çà on peut dire qu’on s’en est donné à coeur joie; qu’est ce qu’on n’a pas entendu! Oh rage, oh espoirs, oh désespoirs, oh joie, cela fait deux semaines maintenant que les cochons se roulent dans la boue jusqu’au groin, à tel point qu’ils seraient presque méconnaissables s’ils ne nous étaient pas si familiers (pour notre consternation). Leurs grognements égalent leur totale ignorance de la situation et le binarisme primaire qui reste leur marque de fabrication a fait le reste. Quel concert!


Mais de quoi s’agit-il?

Eh bien il s’agit encore de notre inaltérable volonté d’exporter notre amour de ce que nous nommons la «démocratie», la «liberté», les «droits de l’hommisme», qui ne peuvent bien sûr pas se passer de la marchandisation généralisée de toute forme de vie et d’échange connues et inconnues. Chacun est suffisamment conscient de notre désintéressement et de notre compassion légendaires pour l’humanité souffrante et opprimée, c’est à dire tous ceux qui ne vivent pas encore sous un régime politique et économique aussi immaculé que celui dans lequel nous survivons tant bien que mal. Et il est bien inutile de rappeler ici (faisons le tout de même, on ne sait jamais) à quel point tous ces êtres qui n’ont pas notre chance de survivre dans ce paradis terrestre que nous avons su bâtir, combien tous ces pauvres gens y aspirent de toutes leurs forces, même lorsqu’ils ne le savent pas. C’est inconscient tout simplement.


C’est bien pour cette raison que tous nos cochons si emplis de compassion se sont tellement agités ces derniers temps à propos des élections qui se sont déroulés en Iran le 12 Juin dernier. Car ils étaient assurés que tous les iraniens sans aucune exception voulaient importer chez eux nos coutumes politiques et économiques, sans même parler de nos moeurs que l’univers tout entier nous envie, c’est bien connu. Malgré tout, certains de nos commentateurs médiatisés, nos brillants intellectuels et experts en tout genre sans parler de nos gouvernants bien-aimés, certains d’entre eux donc apprirent avec stupeur à cette occasion que non seulement il y avait bien plusieurs candidats aux élections iraniennes mais que ce pays avait connu un total d’une trentaine d’élections depuis la révolution dont dix présidentielles. Qu’il y ait un candidat passe encore, deux on pourrait faire avec pourvu qu’on soit assuré que ce soit le « gentil » qui gagne et pas le « méchant »; trois cela devient vraiment trop compliqué pour leurs cervelas. Par chance il n’y avait que deux candidats importants lors de ces élections, c’est à dire le « gentil » et le « méchant ». Bien sûr le « gentil » était élu d’avance, comme par définition, puisque le bon peuple iranien n’en pouvait plus de ne pas survivre comme nous. Qui d’ailleurs ne tiendrait pas à tout prix à survivre comme nous, on se demande? C’était pour cette raison précisément que le « gentil » candidat était le « gentil »: son unique préoccupation, selon nos experts illuminés, était de rendre son pays en tout point semblable à ce qui reste des nôtres. Quant au « méchant » bien sûr c’était un monstre, une horreur totale, peut-être même pas un être humain tant il était détestable. C’était donc couru d’avance, le « gentil » serait le gagnant, c’était inscrit dans le cours de l’histoire en éternel progrès comme on sait et comme on voit.


Pourtant quelques semaines avant les élections, les résultats de celles-ci en avaient été correctement anticipé par une organisation indépendante basée à Washington («Terror-Free for tomorrow») qui a l’habitude de pratiquer des sondages dans la région et dont le travail pour la BBC et ABC News a déjà été récompensé par le Emmy award. Ce sondage a été mené par téléphone en farsi du 11 au 20 Mai pour le Washington Post.

Que nous apprenait-il?


1) Il révéla que le Président sortant menait déjà par 2 voix contre 1 contre Mousavi,

2) Contrairement aux voyances de nos pythies professionnelles qui hululèrent à l’envie combien toute la jeunesse iranienne aspirait au changement et que celui-ci se ferai grâce à Internet, le rapport révéla que les jeunes entre 18 et 24 ans constituaient le plus fort soutien du Président sortant, ainsi que les populations rurales et les plus démunis, notamment dans les quartiers pauvres de Téhéran. D’autre part il établit également que seuls 1/3 des Iraniens avaient accès à Internet.

3) Il montra également que les étudiants des universités, les diplômés et les iraniens disposant de revenus les plus élevés soutenaient Mousavi, ce qui signifie que son principal soutien était cantonné à la classe moyenne des centres urbains.


Aujourd’hui tous les cochons hurlent à la fraude sur tous les tons et dans tous les médias possibles et imaginables. Pourtant on trouve à boire et à manger entre ceux qui proclament qu'il n'y a pas eu fraude et leurs contradicteurs, tel le rapport sorti tout à fait à propos par «Chatham House» insistant sur le fait que les élections avaient certainement été truquées en raison de "faits hautement improbables". Beaucoup se sont basés sur ce rapport pour verser de l’huile sur le feu bien que ce dernier ait été lui-même fortement contesté. La vérité est qu'on ne saura peut-être jamais jusqu'à quel degré il y eût fraude.

Mais on peut constater ce qui suit:

Le Président sortant ( élu tout à fait légitimement en 2005 avec 61,9% des voix contre son rival Rafsanjani: 35,9% ) a recueilli 62,6% des voix contre 33,8% pour Mousavi. On peut constater que cela correspond à peu près à ce qui se passa il y a quatre ans, nous retrouvons les mêmes proportions et les mêmes écarts. A ces dernières élections (2009) il y avait 46,2 millions d’électeurs inscrits; 39,2 millions allèrent aux urnes dont 38,8 millions furent validés (400.000 invalidés); 24,5 millions votèrent pour le Président sortant, Ahmadinejad, contre 13,2 millions à Mousavi. S’il y avait eu fraude, il aurait fallu que la fraude se porta sur plus de 5,5 millions de votes pour que les élections soient gagnées par Mousavi. C’est plus que douteux, c’est le moins qu’on puisse dire. De plus Mousavi avait 40.676 observateurs sur les lieux de vote et aucun n’a relevé officiellement de fraude ou n’a émis de doutes sur le déroulement des élections. Qu’il y ait eu des irrégularités comme s’en sont plaint les perdants, certes, il n’y a pas de raisons qu’il y en ait moins que chez nous, mais probablement pas au point de modifier le résultat de ces élections au détriment du vainqueur.

Un autre témoignage intéressant au sujet de cette élection iranienne est celui du chef du Mossad, Meir Dagan, dont on peut soupçonner que la qualité de ses informations devrait être de premier ordre. Voici ce qu’il déclara Jeudi dernier à la commission pour les Affaires Etrangères et la Défense de la Knesset:


The violence in the wake of the elections in Iran and allegations of vote rigging are not different from "any other democracy… the discussion within the Iranian elite… is an internal affair." (Source: Jerusalem Post)

D’autre part l’argument selon lequel les « ultra-conservateurs » ont commis une fraude pour tenter d’empêcher un réformateur de prendre le pouvoir ne tient pas la route. Tout d’abord il faudrait savoir si oui ou non Mousavi est bien le réformateur que tous nos cochons font de lui. Cela parait difficile à soutenir lorsqu’on se souvient que le même Mousavi fût Premier Ministre entre 1981 et 1989, c’est à dire pendant la guerre avec l’Irak. Le Président de l’époque était... Khamenei, c’est à dire l’actuel Guide Suprême. De plus est-il concevable qu’il y ait eut un réformateur au pouvoir deux ans après la révolution et qu’on lui ait laissé la conduite de la guerre? En réalité rien dans le passé de Mousavi ne peut nous permettre de faire de lui un réformateur: ni sa politique économique pendant la guerre, ni celle qu’il s’attacha à maintenir après cette même guerre contre Rafsanjani qui poursuivait ses intérêts et ceux du bazar, comme aujourd’hui. Sans compter que c’est le réformateur préféré de l’Occident sans mémoire qui mit en chantier le programme nucléaire iranien et que c’est sous son autorité que l’Iran finança l’attaque des casernes des marines US à Beyrouth (qui provoqua la mort de plus de 300 soldats américains) et celle des militaires français (qui provoqua également de nombreux morts). Le cher réformateur que l’Occident se plaît à célébrer comme un martyr de la dictature fût surnommé à l’époque «le boucher de Beyrouth»...

Voici ce que pense Meir Dagan, de notre soit-disant réformateur tel qu’il le déclara au Comité de Défense et des Affaires Etrangères de la Knesset Jeudi dernier.


"The reality in Iran is not going to change because of the elections. The world and we already know [Iranian President Mahmoud] Ahmadinejad. If the reformist candidate [Mir Hossein] Mousavi had won, Israel would have had a more serious problem because it would need to explain to the world the danger of the Iranian threat, since Mousavi is perceived internationally arena as a moderate element ... It is important to remember that he is the one who began Iran's nuclear program when he was prime minister." (Source: Haaretz)


Dans ce contexte on ne peut plus incertain nos pathétiques dirigeants européens se précipitèrent vent debout pour se mêler lourdement des affaires internes iraniennes, contrairement à ce que tente de faire Obama avec habileté, et ce malgré les pressions qui s’exercent sur lui de la part non seulement des néo-cons mais aussi de certains membres de son administration, comme le Vice-Président et la Secrétaire d’Etat. Jusque-là il avait tenu bon mais il semblerait que cette attitude raisonnée et digne d’un homme d’Etat ne soit en train d’être mise au rebut en raison de problèmes de politique intérieure, ce qui risque de miner toute sa stratégie vis à vis de l’Iran. L’Europe, donc, sans aucune stratégie sur rien du tout ni aucune pensée faisant appel à une demi once de raisonnement à l'exception de ce qu'on appelle "l'émotion", c'est à dire rien de plus que de la sensiblerie à forte tendance électoraliste, l'Union Européenne, par la voix de la France, de l’Allemagne et de la GB notamment, s’est donc dépêchée de se mêler de ce qui ne la regardait pas en donnant des leçons totalement déplacées aux iraniens et, pire que tout, hors de propos. Imaginons deux secondes la crédibilité de nos braves bouffons européens en matière de «démocratie» lorsque le monde entier peut assister mi effaré mi rigolard à ce qui se passe quand les peuples européens votent d’une manière qui ne plaît pas à leurs estimables dirigeants: par exemple sur le Traité de Lisbonne que l’Irlande, la France ou la Hollande n’ont pas ratifié. Eh bien on les fait revoter jusqu’à ce qu’ils votent comme ils doivent voter. C’est ainsi que nos dirigeants conçoivent ce qu’ils nomment la «démocratie». On ne voit donc pas très bien de quel droit ils se permettent ensuite de donner des leçons de «démocratie» à n’importe qui d’autre... et ce d’autant plus que toute intervention de la part de l’Occident en faveur ou en défaveur de l’un ou l’autre des parties ne fait que donner des armes ou des prétextes à ceux qui, en Iran, répètent à l’envie que leurs adversaires sont payés par l’Occident pour détruire la nation.


De plus il ne s’agit nullement de révolution mais de querelles intestines au régime. Il s’agit d’une lutte entre deux courants issus de la Révolution. Il ne s’agit donc pas du tout du peuple contre un régime dictatorial car chacun des candidats s’appuie sur une large fraction de ce même peuple. Que l’Occident l’admette ou non, Ahmadinejad bénéficie d’un support au moins aussi important que son rival, si ce n’est plus si on se base sur les résultats de l’élection. Quant à Mousavi, même si on se tient à l’élection il bénéficie malgré tout de plus de 13 millions de voix, ce qui n’est pas à négliger. Donc l’un et l’autre représente chacun une partie importante de la population iranienne, quels que soient les résultats des élections. Aucun d’eux au pouvoir ne se jettera dans les bras de l’Occident car non seulement aucun iranien ne l’accepterait mais en plus il leur faudrait l’aval du Guide Suprême.


"what matters is the position of the [supreme] leader and this has not changed. The riots take place only in Teheran and one more region, they won't last for long." (Source: Jerusalem Post - Meir Dagan au Comité pour les affaires étrangères et la Défense de la Knesset)

Le Guide Suprême, c’est à dire Khamenei, a au contraire vu son pouvoir confirmé en plusieurs étapes depuis Jeudi dernier. Ce jour là le plus important organe du régime, l’Assemblée des Experts (86 membres), doté du pouvoir d’élire le Guide Suprême mais aussi de le destituer, s’est rallié ouvertement à lui. A la suite de son discours de Vendredi cette même Assemblée a réaffirmé Samedi son soutien au Guide Suprême et a appelé la nation à suivre les directives de Khamenei. Ce même jour l’Etat Major de l’Armée et plusieurs voix influente du régime apportèrent leur soutien à leur tour au Guide Suprême. Même si les agitations persistent on peut voir aujourd’hui que le mouvement s'essouffle nettement et qu’il est désormais probable que sans leader ni programme il s’éteigne comme un feu sans combustible ainsi que l’a dit Meir Dagan.


En réalité l'Occident se condamne à ne rien comprendre nulle part, y compris en Iran, à force de projeter ses propres névroses politiques et économiques sur tout ce qui n’est pas lui, c’est à dire sur tout ce qui n’a pas été formaté selon notre modèle bien-aimé de société. Il est en effet particulièrement difficile pour nos gouvernants aussi bien que pour nos subtils médias et nos non moins brillants intellectuels d’envisager une seconde qu’il soit possible, voire même envisageable, que l’on puisse refuser notre paradis terrestre. Il ne peut pas entrer dans leurs cervelas respectifs, et encore moins collectifs, qu’il puisse y avoir des êtres humains désirant vivre selon leurs voeux, c’est à dire selon d’autres lois et d’autres coutumes que les nôtres, ou plutôt que celles de nos dirigeants et autres « piple », si tant est que l’on puisse encore décemment affirmer que ces gens survivent encore selon certaines coutumes alors qu’ils font tout ce qui est en leur pouvoir pour éradiquer le plus vite possible ce genre de reliques, inutiles vestiges archaïques dans une société utilitariste et moderne comme la nôtre. Tout cela montre mieux que tous leurs pauvres discours combien ils sont inaptes et réfractaires à toute véritable différence; en d’autre terme combien secrètement ils peuvent être allergique à toute altérité puisqu’ils n’en supportent qu’une seule: la leur.


Alors qu’il y ait eu fraude, oui, il semblerait que cela soit le cas puisque les Gardiens de la Révolution eux-mêmes ont déclaré qu’ils avaient relevé des irrégularités dans 50 villes portant sur 3 millions de votes. Mais cela, apparemment, ne remet pas en cause la réélection du Président sortant. De plus, même si cela survenait selon toute improbabilité, aucuns des deux candidats n'a l'intention de renverser le régime: y introduire des réformes, certes, notamment économiques car il s'agit pour chaque camp de mettre la main sur les revenus disponibles, mais certainement rien d’autre, y compris en ce qui concerne le programme nucléaire, enfant légitime de Mousavi lui-même. Mais le cadre de la république islamique, ainsi d’ailleurs que l’a déclaré Mousavi, n'a jamais été remis en cause par personne.

Nous sommes bien conscient du choc terrible que cela provoquera chez tous les cochons qui avaient tant espéré l’occidentalisation des iraniens, c’est à dire leur décrépitude à notre niveau. C’est pourquoi il serait charitable de préconiser à tous ces cochons là, ceux qui se sont si indignés depuis leurs fauteuils avec tant de générosité en faveur des iraniens, n'hésitant pas à mettre leur précieuse santé en grand danger, il faudrait leur donner d'urgence à tous de fortes doses de prozac pour calmer leurs nerfs soumis à si rude épreuve et qu’il puissent de cette façon dormir sur leurs deux oreilles afin de récupérer une santé altérée par leur souci de l'autre si développé.

Et puis cela nous fera des vacances jusqu’à la prochaine indignation.

En attendant tout le monde est content à Cochon sur Terre, le meilleur des mondes.


jeudi 25 juin 2009

Montréal, le 25 Juin 2009

NewYork City - Ithaca

La traversée de l’Etat de NY de l’Est à l’Ouest et du Sud au Nord est très instructive. Généralement lorsque l’on parle de NY on ne pense qu’à la ville en oubliant, ou en ignorant, que cette dernière n’est qu’une partie de l’Etat du même nom, et qu’elle n’en n’est même pas la capitale. Celle-ci est Albany. C’est un grand territoire, un peu plus vaste que l’Angleterre mais beaucoup moins peuplé; en 2008 il y avait 19,5 millions d’habitants dans l’Etat de NY pour 141.205 km2.


Dés que l’on quitte la ville de NY par le Nord, c’est à dire par l’autoroute 87 en direction d’Albany, on se rend compte que la ville et l’Etat du même nom n’ont rien à faire ensemble, ou plutôt que ce sont deux mondes différents. Tout d’abord il faut sortir de NY City, traverser ces banlieues ravagées par l’industrialisation puis par la désindustrialisation qui la suivit, ces carcasses d’usines abandonnées, ces routes entrelacées les unes dans les autres qui paraissent n’avoir d’autre but que de perdre définitivement celui qui aurait eu la témérité de s’aventurer sur ce réseau dantesque; mais, il faut le souligner, la signalisation du réseau routier américain est très bien faîte. Une fois sorti de ce cimetière industriel (gloire des XIX-XXeme siècles eux-mêmes gloire de l’humanité moderne en quête du progrès comme d’autre de la pierre philosophale) on se retrouve soudain en pleine nature, même lorsque l’on emprunte l’autoroute (87) car celui-ci traverse des paysages grandioses à perte de vue, couverts de forêts dont on voit parfois les restes sanglants de certains de leurs habitants sur les bords de la chaussée (un chevreuil par exemple). Ceci dit ce même paysage se répète indéfiniment sur des centaines de kilomètres, en réalité jusqu’au Quebec à la frontière Nord-Est des USA et du Canada. C’est un peu monotone à la longue, surtout si l’on a été habitué aux paysages si variés de la France. Néanmoins c’est très beau.

Une centaine de km au Nord de NY se trouve la ville de Kingston ou je suis sorti de l’autoroute pour emprunter des routes secondaires en virant plein Ouest jusqu’à la ville d’Ithaca au bord du lac Cayuga, situé au Sud de la ville de Syracuse. Cela représente environ 250 km de routes très peu encombrées, c’est le moins que l’on puisse dire, généralement au milieu de forêts et de quelques pâturages s’étendant à perte de vue, parfois agrémenté de grands lacs. Il y a un air de Suisse là dedans, mais une Suisse à qui on aurait retiré ses montagnes et ses sommets enneigés, même si la neige, elle, est belle et bien présente en hiver. Et plutôt plus que pas assez. Entre Kingston et Ithaca on ne peut manquer d’observer l’état de pauvreté dans lequel se trouvent tous les villages que l’on traverse. Et il y en a! Ces villages sont clairement dépeuplés et ont connus des jours nettement meilleurs. Les maisons, anciennes et charmantes pour la plupart, en bois peint comme toujours dans cette région du Nord des USA, sont en mauvais état lorsqu’elle sont encore habitées, et bien évidemment croulantes lorsqu’elles ne le sont plus, personne apparemment ne se pressant de les racheter et encore moins de les remettre en état. Les panneaux «for sale», dérisoires et pathétiques témoins d’une vie évacuée, ne sont souvent même plus debout sur leur piquet, mais plutôt gisant à terre, inutiles comme une arme dont le propriétaire serait mort. Les églises elles-mêmes sont bien souvent fermées et en très mauvais état également, et il n’est pas rare d’en voir deux dans le même village ce qui laisse supposer qu’il y eut un temps ou la population était bien plus nombreuse, ce qui permet de mesurer l’étendue de la catastrophe qui s’est abattue sur ces régions, impliquant l'exode de toutes ces populations autrefois indépendantes par leur métier, paysan ou artisan, intégré dans une communauté, et se retrouvant disloquées et jetées dans la grande ville anonyme, avec pour seuls abris l’équivalent local de nos hlm, des heures journalières de métro ou de trains pour se rendre sur leur lieu de travail, et pour bonus un salaire ridicule ne leur permettant pas de payer des études à leur progéniture ni même de leur procurer une sécurité sociale a minima.

Plus on se dirige vers l’Ouest plus on se rend compte que cette immense région était peuplée de fermes de petite ou moyenne surface, pratiquant l’agriculture mais surtout l’élevage si on se fie aux pâturages encore visibles dégagés sur les forêts, chaque ferme avec sa maison d’habitation, soeur des maisons villageoises dont on parlait tout à l’heure, entourées par les habituels silos à grain au toit conique et par les immenses et souvent magnifiques granges aux toits en forme de bateau renversé qui servaient à stocker les foins au-dessus des étables ou l’on abritait le bétail pendant l’hiver. Il y en a partout tout au long du chemin, parsemant le paysage comme des cailloux pour rappeler la présence de l’homme au milieu de ces effrayantes étendues d’arbres, l’homme luttant contre la nature mais perdant face à l’industrialisation de l’agriculture. Ces granges énormes ainsi que leurs dépendances étaient toutes peintes en rouge, un rouge sang de boeuf ce qui dans le contexte ne parait pas absurde. Et curieusement cela se marie parfaitement dans ce paysage dont la seule couleur est le vert. On en est presque reconnaissant de ces tâches sang de boeuf qui émergent de temps à autre au milieu de cette monotonie qui n’en finit pas. Malheureusement, comme déjà dit, toutes ces fermes sont dorénavant inactives voire abandonnées. Seules quelques unes ont résisté à la débâcle et parfois, au détour d’un pâturage, on peut apercevoir un troupeau de vaches paissant tranquillement dans un champs. Ce qui ne manque pas de nous faire penser à leurs malheureux congénères confinés dans ces horribles élevages industriels qui ont remplacé les petites exploitations d’antan. Et par déduction on ne peut s’empêcher non plus d’avoir un peu de pitié pour le pathétique consommateur qui s’empiffre de cette viande dont on ne veut pas savoir ce qu’elle contient, mais qui estime que se gaver de cette viande de médiocre qualité, bourrées d’antibiotiques et autres cochonneries, plusieurs fois par jour constitue un progrès jamais assez cher payé... Mais c’est peut-être dû au fait que la facture ne s’est pas encore présentée à la porte.

Patience çà vient...


samedi 20 juin 2009

NY, Le 20 Juin 2009

Une jeune femme d’à peine trente années.

Toujours strictement habillée, plutôt à la mode sans trop d'exagération, comme il faut, dans le ton général sans s’en démarquer outre mesure, suffisamment pourtant pour faire remarquer à qui de droit que l’on à faire à quelqu’un d’indépendant; ce qui n’est pas le cas.

Une jeune femme toujours polie lorsqu’on la croise dans l’escalier ou dans l'ascenseur mais qui ne se laissera pas aller à vous adresser la parole sans raisons valables pour le faire; en revanche « merci » ou « excusez-moi », «bonjour» ou « au revoir », ce qui relève pratiquement du miracle par les temps qui courent.

De plus elle fait encore partie de ces bipèdes en voie d’extinction de masse qui se balade dans la rue les oreilles libres d’écouteurs diffusant des «sons» si forts que tout l’entourage en profite.


La seule chose que l’on savait d’elle c’est qu’elle travaillait dans une des cinq grandes banques de Wall Street, une de celles qui ont le plus profiter des fameux bailouts qui vont coûter si cher au contribuable américain; une de ces cinq banques suffisamment en bonne santé financière, selon elles en tout cas, qui se dépêchent en ce moment même de rembourser les prêts qui leur furent accordés pour les sauver de la débâcle complète il y a quelques mois, celles là même qui aujourd’hui font les fines bouches en murmurant qu’on les a forcé à accepter cet argent dont elles n’avaient pas besoin... Raison pour laquelle elles rembourseront ces prêts dés que possible puisqu’elles n’en n’ont pas besoin. On se demande dans ce cas pour quelles raisons elles éprouvent le besoin de faire appel au marché pour ce remboursement qui ne leur a servi à rien...


Quoi qu’il en soit nous nous sommes croisés, la jeune femme dont nous parlions plus haut et moi. C’était hier soir. Comme d’habitude dans l’entrée, l’un ouvrant la porte pour laisser passer l’autre. Ce soir là pourtant ne fût pas comme les autres. Tout d’abord elle n’avait pas l’air d’aller très bien, le visage un peu pâle, les yeux légèrement gonflés et surtout cet air, cet air absent, ou peut-être hagard, comme lorsqu’on a reçu un grand choc, inattendu bien sûr. La différence était si grande que mon regard a dû laisser entrevoir involontairement les questions qui se pressaient derrière mes yeux.


  • I am fired...


Je restais bêtement à la regarder sans rien dire, peut-être parce que j’étais trop étonné du changement qui s’était opéré en si peu de temps sur son visage et dans son attitude. Elle avait l’air à la fois totalement perdue et absente.


-I am fired.


Encore une fois. Puis elle se mit à parler sans s’arrêter, comme çà dans l’entrée de l’immeuble, à un inconnu, ou peut-être après tout étais-je le plus connu sans le savoir à force de se croiser comme çà à longueur de semaines. Cela doit créer des liens pour ceux qui n’en n’ont aucuns avec qui que ce soit. Ce qui devait être son cas.

J’eus droit à tout.

Son éducation, son enfance, ses études, sa puberté et naturellement son travail puisque ce dernier était véritablement le centre de son existence comme elle me l'apprit ce soir là. Et pour finir elle se mit à sangloter tout en me racontant ce qui lui arrivait.

En bref elle s’était fait virer le matin même, sans aucune raison à part le fait qu’il fallait faire des économies, en toute logique puisque cette même banque était en train de rembourser les prêts du gouvernement en proclamant que sa santé financière ne pouvait être meilleur. Quoi de plus normal dans ces conditions que de mettre à la porte ses employés! Et dans son malheur elle avait encore la chance d’avoir pu rester dans son bureau car on la gardait jusqu’à la fin du mois de Juin. Ce qui est très inhabituel ici.

Mais elle répétait son histoire, sans beaucoup de variantes il faut bien le dire, ce qui me laissait penser que ce devait être assez proche de la vérité. Elle qui avait tant travaillé pour obtenir ce poste (je n’avais pas la moindre idée de ce que cela pouvait être), elle qui avait toujours été la seconde dans toutes ses études, brillantes bien entendu, elle qui avait tout prévu jusqu’au moindre détail pour mener sa vie comme elle le voulait, elle qui avait une vision détaillé de tout ce qu’elle voulait obtenir de son existence et qui savait comment l’obtenir qui plus est, ce qui est assez utile il faut bien l’avouer. Le plus extraordinaire fût tout de même lorsqu’elle me dit que cette catastrophe l’empêcherait de se marier dans deux ans comme prévu. Là je fus suffisamment surpris pour l’interrompre:


  • Mais vous avez un «boy-friend?»
  • Non, mais j’en aurai trouvé un pour me marier dans deux ans. Maintenant c’est fichu!

Elle me répondit cela avec son air momentanément retrouvé et assuré de femme d’affaire à qui rien ne résiste, qui fit ensuite place à de nouvelles larmes et de nouvelles cataractes de paroles.

Elle était paniquée. Vous pourrez dire que cela se comprend lorsqu’on perd son job dans un moment de crise pareille. Certes. Mais dans ce cas là j’avais la nette impression que c’était surtout le fait d’avoir à faire face à l’inconnu c’est à dire d’avoir à affronter quelque chose que l’on ne maîtrise pas. Soudain tous ces jolis petits plans sur la comète concoctés par les parents pour leur fille, puis par cette dernière, peut-être pour faire plaisir à ses parents, tout cela se retrouvait cul par dessus tête sans que jamais quiconque n’ait envisagé une seule seconde que cela pourrait se produire un jour; ou plutôt que ce genre de chose pouvait arriver dans la vie, et plutôt plus fréquemment qu’autre chose. Seulement voilà, ces gens là ne pouvaient le savoir car ils vivaient dans un rêve, un rêve plein de dollars qui tombaient toujours dans les bras grands ouverts de ceux qui se donnaient la peine de les ouvrir, un rêve qui promettait monts et merveilles en sucre agrémenté de paillettes dorées à tous ceux qui pourraient entrer dans le paradis de «l’American dream», ou plutôt de son mythe et de tout ce qui lui faisait escorte.

C’est aujourd’hui ce rêve qui explose en plein vol. Et bien entendu il ne sera plus question de faire un petit tour et de revenir à la case départ comme si rien n’était arrivé. C’est arrivé. Et ce qui se produit pour cette jeune femme est une analogie de ce qui se passe pour notre monde. Il nous faut désormais apprendre à vivre d’une autre manière.

mardi 16 juin 2009

NY, le 16 Juin 2009

Les temps à venir s’annoncent turbulents, mais ce n’est pas un scoop. Ce ne devrait constituer tout au plus qu’une banale confirmation de ce que nous pouvons observer depuis un certain temps déjà. Mais la crise multi-facettes, où devrions-nous dire La Crise, que le monde subit aujourd’hui, et qui ne fait que s’accélérer et s’approfondir à chaque jour qui passe, empêche toute tentative de prédiction quelle qu’elles soient, à moyen terme et encore moins à long terme. Quant au court terme on peut s’y aventurer en prenant le risque de se tromper, peut-être non pas tant sur le fait de la nature et de la « qualité » de la crise, mais plutôt dans les formes que celles-ci peut revêtir. Car il est de plus en plus visible qu’elle peut désormais se draper dans n’importe quel vêtement, même le plus décent et inoffensif en apparence. Le facteur fondamental dans l’évolution de cette crise est la rapidité à laquelle non seulement elle se répand mais à laquelle elle s’approfondit, non sans provoquer des incohérences majeures dans l’attitude des uns et des autres.

Or c’est précisément cela que l’on peut observer depuis une semaine ici à NY, et aux USA en général. En effet nous pouvons remarquer deux faits en évolution rapide depuis une huitaine de jours. D’une part il semblerait que l’inquiétude s’accroit et d’autre part que la lune de miel des Américains avec leur Président touche sa fin, où plutôt que nous soyons en train de vivre le début de la fin de cette lune de miel. Ces deux faits sont-ils corrélés entre eux, s’alimentent-ils l’un l’autre dans une sorte de spirale qui s’accélère tout comme la Crise elle-même ? Il est très probable que la perception de plus en plus aigüe de la gravité de la crise par les Américains est un facteur à prendre en compte lorsque l’on considère la manière, nouvelle et soudaine, dont le Président commence à être attaqué de tous côtés. Et il ne s’agit pas de parler des républicains, où plutôt des néo-cons, mais bien d’une partie de ceux qui ont voté pour lui aux dernières élections. Certains de ces derniers avaient chargé Obama de leurs revendications les plus outrageuses, voire les plus absurdes où même les moins réalisables sans daigner prendre en considération la levée de boucliers que cela créerait de la part de ceux, la majorité, que cela ne concerne pas. Le problème est que tout le monde s’est mis à revendiquer tout et n’importe quoi sans aucune considération d’un intérêt général quelconque. Et c’est de cette façon que nous arrivons à une situation dans laquelle chacun s’élève contre tous en proclamant son droit inaliénable à voir sa revendication acceptée même si cela doit se faire contre l’intérêt général. Encore faudrait-il être capable de savoir quel pourrait bien être cet intérêt général, de plus en plus vague et donc abstrait par définition, lorsque chacun finit par confondre son intérêt personnel propre à très court terme avec celui de la communauté fédérale.

Cette inquiétude qui augmente dans le public n’a de liens ni avec la perte d’influence des USA dans le monde ni avec leur puissance déclinante. En réalité, d’après ce que l’on peut observer et entendre, cela est assez vague, là encore, et il semblerait plutôt qu’il y ait un courant grandissant pour un retrait des affaires du monde ; en d’autres termes le courant isolationniste reprendrait sérieusement du poil de la bête, corrélé en cela aux difficultés intérieures grandissantes, ou plutôt à leur perception nouvelle comme telle. Plus d’une fois nous avons entendu dire : « s’ils ne veulent pas de notre aide (les irakiens, les afghans, les pakistanais, les européens, bref le reste du monde…) on n’a qu’à s’en aller, nous n’avons besoin de personne. ». Ce qui bien sûr prête à sourire étant donné que les USA, comme on sait, ont vécu à crédit pendant trente ans avec l’argent du reste de la planète. Et c’est précisément cela qui est en train de changer, c'est-à-dire qu’une prise de conscience encore confuse soit en train d’émerger dans l’esprit du public comme quoi il se pourrait bien que plus rien ne soit plus jamais comme avant. Ce qui est parfaitement vrai en dépit de ce que les médias et le gouvernement peuvent encore affirmer sur tous les tons. Mais la brèche s’élargit d’autant plus que certains officiels commencent à lâcher le discours rassurant qui était de mise jusque là et à s’inquiéter publiquement de la dette de l’Etat Fédéral (Ben Bernanke soi-même !) et des conséquences catastrophiques que cela va avoir pour le pays. Cette dette faramineuse, que certains n’hésitent d’ailleurs plus à déclarer non-remboursable, met de l’eau au moulin de ceux qui agitent le chiffon rouge du coût des guerres (Irak, Afghanistan, Pakistan), le coût des bases à l’étranger et en conséquence de la présence des troupes américaines hors du sol américain. Certains ajoutent que le coût du retrait des troupes US d’Irak ne pourrait même pas être payé tant cela demanderait de logistique pour évacuer les montagnes de matériel accumulé depuis 2003. Il n’y aurait d’autre solution que d’en abandonner la plupart aux Irakiens, c'est-à-dire quasiment tout…

On a un étrange sentiment de schizophrénie répandue à tous les niveaux du pays, une fracture qui tendrait à s’accentuer entre la population d’un coté et les gouvernants, le Congrès et les médias inclus On a l’impression curieuse que les dirigeants vivent dans un monde différent que celui de ceux dont ils sont censés être les représentants. On a l’impression que ces derniers s’inquiètent de plus en plus officieusement au fur et à mesure que les premiers se rassurent officiellement sur l’amélioration supposée de la situation. Il est troublant de lire les journaux qui annoncent sans cesse des nouvelles catastrophiques tout en les présentant comme des améliorations de la situation quasiment miraculeuses… Parfois on se demande si l’on n’est pas temporairement dans l’œil du cyclone, dans une zone sans secousses alors que la tempête se déchaine au-dehors, tout en sachant très bien que notre heure viendra plutôt plus vite que prévu. Si ce n’était pas le cas pourquoi les Américains se seraient ils remis à épargner le plus possible ? Est-ce un indice de confiance ou d’inquiétude ? Il suffit de voir les magasins qui ferment tous les uns après les autres dans les rues de NY pour confirmer que chacun fait désormais attention à ses dépenses. Nul besoin de courbes et autres mathématiques pour s’en convaincre : la rue suffit ! Tandis que les médias et le gouvernement ne cessent de clamer sur tous les tons « tout va bien, tout est maîtrisé, le bout du tunnel illuminé est en vue », on a l’impression de voir les gens dans la rue répondre « ouais, c’est çà, cause toujours… » et je ne rajouterai pas le reste.

jeudi 11 juin 2009

Grippe porcine: tous aux abris!

Enfin ! L’OMS a élevé le niveau d’alerte : nous avons désormais une pandémie de niveau 5 sur le dos. Pas trop tôt, depuis le temps que l’on nous bassinait avec cette grippe porcine ou N1H1… Cette fois ça y est, c’est une pandémie, on a mis le temps mais on l’a, c’est sûr ! D’ailleurs un homme de 53 ans est mort Samedi matin au Costa Rica, donc la nouvelle pandémie progresse à vue d’œil, et il n’y a pas de quoi rire. Bon il faut dire aussi que l’homme en question souffrait du diabète et d’une affection pulmonaire chronique… Et il était hospitalisé depuis plus d’une semaine… Enfin, en attendant il est mort, donc nous sommes tous menacés, nous tous les sept milliards de Cochons sur Terre.
D’ailleurs pour ceux que cela ferait rire il faut ajouter comme preuve de l’avancée désormais foudroyante de la nouvelle pandémie qu’il y a eu un 3eme décès au USA ; un pauvre jeune de 30 ans ! Heu, oui il souffrait de troubles cardiaques chronique, mais tout de même ! Il est mort donc la pandémie se propage à grande vitesse !
Et puis pour ceux qui continueraient à faire les sceptiques, voici les faits chiffrés : il y a déjà 3440 personnes suspectées d’être contaminées. Considérable, non ? Heu, oui dans 29 pays, y compris les USA (320 millions d’habitants). 48 morts tout de même, dont 45 au Mexique, 3 aux USA et 1 au Canada « considéré comme lié au virus ». On ne va pas chipoter pour çà : « considéré comme lié au virus » est suffisamment clair !

A titre de rappel, comme la piqure (ah ah ah), nous devons tous savoir que chaque année « la grippe saisonnière tue par exemple 4.000 personnes par an au Canada, 36.000 aux Etats-Unis et 2.500 en France. »

D’autre part la grippe porcine ou virus N1H1 provoque d’autres victimes, inattendues celle-là : les producteurs de viande, c'est-à-dire les propriétaires des fermes industrielles d’où on pense que le virus est issu directement. Eh bien les pauvres chéris ont demandé de changer la dénomination de « grippe porcine » car cela provoquait… je vous le donne en mille… LA BAISSE DE LEURS VENTES !

Cher lecteur, bienvenue à Cochon sur Terre, le meilleur des monde !

- Sources : « La Tribune de Genève » - 11 Juin 2009

mercredi 10 juin 2009

NY - Le 10 Juin 2009


Obama sera t'il un Gorbatchev américain?



Bien sûr de nombreux commentateurs, ici aux USA, n’ont pas manqué de faire des parallèles entre la situation des USA et celle de l’Union Soviétique quelques années avant son effondrement, c'est-à-dire pendant les années où Gorbatchev fût au pouvoir. Bien sûr d’autres, où les mêmes, n’ont pas manqué non plus d’établir des comparaisons entre Obama et Gorbatchev, allant jusqu’à nommer le premier « le Gorbatchev américain ». De toute manière il est certain que c’est une des grandes peurs de l’establishment américain. Combien de fois n’entendons-nous pas ici : « vous voyez son vrai visage commence à apparaître ! » à chaque fois qu’un vague projet de réforme s’annonce, comme celui de la Sécurité Sociale, où comme n’importe quelle autre proposition destinée à modifier quoi que ce soit. Le spectre du « révolutionnaire » fait sa réapparition et ce qui va avec, le transfert des « privilèges » d’une partie à une autre. En théorie en tout cas.


Or voici que ce même Gorbatchev publie un article le 7 Juin dernier dans le Washington Post exhortant le monde à faire sa perestroïka avant qu’il ne soit trop tard. Le monde ? En lisant l’article nous avons plutôt l’impression qu’il s’adresse tout particulièrement aux USA. En effet à plusieurs reprises, et ce malgré le titre de l’article, il cite les USA comme étant plus spécialement concernés par cette pérestroïka qu’il appelle de ses vœux:


(…) the need for a more far-reaching perestroika -- one for America and the world -- has become clearer than ever (…)..

The current global crisis demonstrates that the leaders of major powers, particularly the United States, had missed the signals that called for a perestroika. The result is a crisis that is not just financial and economic. It is political, too (…)..

(…) Washington will have to play a special role in this new perestroika, not just because the United States wields great economic, political and military power in today's global world, but because America was the main architect, and America's elite the main beneficiary, of the current world economic model. That model is now cracking and will, sooner or later, be replaced. That will be a complex and painful process for everyone, including the United States.

However different the problems that the Soviet Union confronted during our perestroika and the challenges now facing the United States, the need for new thinking makes these two eras similar (…). (souligné par nous).


Comme on le voit les USA sont les premiers visés par cet appel à la perestroïka et ce d’autant plus lorsque l’on note de quelle manière il exempte partiellement le reste de la planète des désastres induits par la copie « du modèle » anglo-saxon, en raison justement de leur adoption d’un modèle économique instituant


(…) the right balance between the government and the market, for integrating social and environmental factors and demilitarizing the economy.


Elements of such a model already exist in some countries. Having rejected the tutorials of the International Monetary Fund, countries such as Malaysia and Brazil have achieved impressive rates of economic growth. China and India have pulled hundreds of millions of people out of poverty. By mobilizing state resources, France has built a system of high-speed railways, while Canada provides free health care. Among the new democracies, Slovenia and Slovakia have been able to mitigate the social consequences of market reforms (…).


Clairement les deux premières phrases sont destinées aux USA, c’est à dire ce pays qui n’a pas d’équilibre entre gouvernement et marché, qui n’a pas intégré les facteurs sociaux et environnementaux dans sa politique internes et dont l’économie est la plus militarisée de la planète.

Cela signifie que les USA, et le monde entier bien sûr avec eux, ont besoin non pas d’une réforme du système existant mais bien plutôt de son remplacement par un autre sans quoi cela ne servira qu’à repousser l’inéluctable désastre qui nous guette et à le rendre encore plus catastrophique.


But if all the proposed solutions and action now come down to a mere rebranding of the old system, we are bound to see another, perhaps even greater upheaval down the road. The current model does not need adjusting; it needs replacing(...).


L’ancien Secrétaire Général du PCUS parle en connaissance cause, lui qui tenta de réformer le système soviétique à bout de souffle afin de lui injecter une bouffée d’oxygène rajeunissante et lui redonner ainsi une nouvelle jeunesse ; cela aurait permis de conserver les structures de l’Etat soviétique intactes, c'est-à-dire le parti communiste et la doctrine marxiste-léniniste comme Evangile. Ce qui est curieux c’est l’usage contradictoire du mot « perestroïka » que fait M. Gorbatchev. Ce mot signifie « reconstruction » ou « restructuration » en russe, ce qui implique à la fois la conservation des éléments de base mais également l’emploi de nouveaux matériaux. Certes. Mais l’auteur l’utilise à la fois dans le titre de son article ( « We had our perestroïka, it is time for yours ») qui suggère le bénéfice que nous tirerions d’une simple réforme. Toutefois, un peu plus loin, l’auteur se contredit en soulignant qu’il ne s’agit pas de réformer notre système mais bien de le remplacer par un autre. Il ne s’agit donc plus de « perestroïka ». De toute manière la « perestroïka » en tant que telle, c'est-à-dire la tentative de réforme qui débuta avec l’accession au pouvoir de Gorbatchev en 1985 et qui prit fin en 1991, cet essai de restructuration échoua puisque les institutions qu’il voulait préserver se sont effondrées corps et biens. En revanche il est certain que la conjonction de la « Glasnost » et des réformes entreprises, la « perestroïka », entrainèrent le pays trop loin pour revenir en arrière. Les vannes avaient été ouvertes et il n’était désormais plus possible de les refermer ; le courant était trop fort et finit par tout emporter sur son passage. Pourquoi ? Parce que les mentalités n’étaient plus prêtes à accepter l’ancien ordre des choses et que la Glasnost leur donna l’occasion de se libérer. Et cela plus que la perestroïka fut la cause de la chute de l’URSS. M. Gorbatchev le dit d’ailleurs à la fin de son article :

However different the problems that the Soviet Union confronted during our perestroika and the challenges now facing the United States, the need for new thinking makes these two eras similar. In our time, we faced up to the main tasks of putting an end to the division of the world, winding down the nuclear arms race and defusing conflicts. We will cope with the new global challenges as well, but only if everyone understands the need for real, cardinal change -- for a global perestroika. ( souligné par nous).

Mais là est peut-être la question fondamentale pour notre époque. Sommes-nous prêts ? Sommes-nous conscients de la nécessité absolue d’une nouvelle façon de penser ? Sommes-nous convaincus que la manière d’appréhender le monde qui est la nôtre depuis si longtemps est à la base du désastre dans lequel nous sommes prêts à verser ? Et puis sommes-nous si persuadés que cela de la gravité de la situation ? En fin de compte ne nous plaisons-nous pas trop dans notre monde idyllique croulant pour vouloir le changer, à la différence des soviétiques ?

Rien n’est moins sûr ! Nous pourrions même affirmer le contraire. Pour le moment la majorité des populations et des dirigeants ne pensent qu’à une seule chose : faire redémarrer le système au plus vite afin que tout revienne comme avant la crise et renouer ainsi avec les années de crédit facile et d’énergie bon marché. Pratiquement personne à l’exception d’une minorité ne soutient le contraire. D’ailleurs il suffit de voir quelles sont les mesures prises par les différents gouvernements pour sortir de la crise. Il s’agit de ressusciter le cadavre et non pas de l’incinérer définitivement. Dans ces conditions comment espérer une action résolue pour remplacer le système ? Et puis par quoi ? Comment ? Qui propose quoi que ce soit, officiellement entendons-nous ? Pour faire des propositions il faudrait d’abord avoir une vision claire de ce qui se passe, ce qui n’est apparemment le cas pour aucuns de nos dirigeants bien-aimés. Personne n’a la moindre idée de ce qui arrive et tous agissent comme si nous faisions face à une crise habituelle, si ce n’est par son ampleur. Le manque du plus petit sens de l’histoire fait d’ailleurs partie intégrante d’une des causes des problèmes que l’humanité traverse. D’ailleurs même M. Gorbatchev n’est pas prêt pour le genre de changement nécessaire. Il reste dans la sphère de la réforme du système, il reste étranger à toute radicalisation. Il reste à ce que l’on entend en Europe un peu partout, c'est-à-dire un mélange de capitalisme de type rhénan repeint en vert. Mais le dogme de la croissance illimitée et de la consommation à outrance pour la soutenir n’est nullement remis en cause ni par les cercles dirigeants ni par l’écrasante majorité des populations. Or c’est pourtant bien là l’un, et non le seul, des aspects principaux du problème. De plus il faudrait peut-être souligner également que l’effondrement de L’URSS ne peut se mesurer à notre situation que dans une mesure limitée étant donné que la situation que nous connaissons concerne le monde entier et non pas tel ou tel pays pris isolément.

Alors M. Obama, dont on fait si grand cas, est-il un Gorbatchev américain, c'est-à-dire celui qui sera l’instrument par lequel le système sera mis à bas ? Pour cela il faudrait premièrement qu’il soit convaincu que le système dont il fait partie intégrante nécessite de profondes réformes, ne serait-ce que pour survivre encore quelques temps ; deuxièmement il aurait besoin de l’énergie, du courage et de la ténacité que M. Gorbatchev déploya dés le début de sa prise de pouvoir pour imposer ses réformes contre l’establishment qui s’y opposait avec la virulence que l’on sait. Les quatre premiers mois de la présidence de M. Obama ne laissent rien paraître ni de sa conviction que le système soit profondément atteint ni, en conséquence, qu’il ait besoin d’un remède de choc pour le maintenir en réanimation artificielle. En politique intérieure nous assisterions plutôt à une tentative désespérée du maintien du statu quo à tout prix (jeu de mot conseillé) ; quant à sa politique extérieure elle ferait plutôt penser à une continuation de la politique traditionnelle américaine par des voies plus conciliatrices vis-à-vis du reste du monde que celle de son prédécesseur, mais avec le même but final qui est le maintien de la prééminence des USA sur le reste de la planète. En réalité le Président et son administration sont encore en plein rêve et n’ont pas encore compris que la situation de leur pays ne leur donne plus les moyens de leur politique, qu’elle soit extérieure ou intérieure. Dans ces conditions M. Obama ne peut pas être le Gorbatchev américain. C’est regrettable car cela aurait pu atténuer quelque peu l’atterrissage qui se fera donc dans les pires conditions et qui risque d’avoir lieu dans les mois qui viennent, quand tout le monde réalisera ce que certains, ici même aux USA, savent déjà, c'est-à-dire que les USA sont en faillite. Et lorsque cela arrivera M. Obama et son administration ne seront plus que des jouets impuissants et effarés de l’immense événement qui les emportera eux et tout le reste, en gardant à l’esprit que l’écroulement financier des USA et de ceux qui gravitent dans leur sphère n’est qu’un des aspects de la crise générale, et probablement finale, à laquelle est confrontée ce que nous nommons notre « civilisation ».

La seule chose que nous pourrions concéder à ceux qui prétendent que M. Obama est le Gorbatchev américain c’est qu’il n’est pas impossible que le Président des USA ne devienne malgré lui l’instrument par lequel pourrait se faire cet effondrement, comme son homologue soviétique le fût en son temps, effondrement qui sera encore plus radical que même M. Gorbatchev ne l’escompte. La différence entre les deux est que le soviétique avait pleine conscience de la gravité de la situation de son pays d’une part, et d’autre part qu’il accéléra la chute du système lorsqu’il prit conscience de l’impossibilité de le reformer. Aujourd’hui la situation empirant, c'est-à-dire les effets de la crise se précipitant en finissant par devenir incontrôlable, ce qui n’est pas vraiment loin d’être le cas, il se pourrait bien que les actions de M. Obama, au lieu de renforcer le système comme escompté, ne contribue à le détruire et à faire advenir autre chose : un chaos complet d’où émergera peut-être les « green shoot » d’une autre société.

Alors non, M. Obama ne sera probablement pas le Gorbatchev américain car n’ayant pas conscience des événements il nage à contre courant au lieu de l’accompagner. Se faisant il s’épuisera vite et se fera entrainer par la puissance des flots déchainés qu’il est en train de libérer sans le vouloir ni même sans en avoir conscience.