dimanche 31 mai 2009

NY le 31 Mai 2009

Reuters – 29 May 2009: U.S. consumer mood highest in 8 months.

A lire les journaux, à entendre les médias, à écouter les politiciens ou les économistes, tout semble aller mieux, bien qu’avec prudence, une prudence nouvelle qui est loin des affirmations assurées sur « la reprise au coin de la rue » que l’on nous servait il y a quelques semaines à peine. Néanmoins, selon l’agence Reuters, il parait que les « consommateurs », c'est-à-dire nous tous, vous et moi, puisque nous faisons partie aux yeux de nos gouvernants bien-aimés de cette espèce récente qui se définit en fonction de ce qu’elle est capable d’ingurgiter et de gaspiller ; il apparait donc, en vertu d’un de ces oracles version moderniste appelé « sondage », que la confiance des dits « consommateurs » américains n’a jamais été aussi haute depuis huit mois. Quel progrès lorsqu’on sait qu’il y a huit mois justement cette dernière n’avait jamais été aussi bas depuis plusieurs décennies ! Il est vrai qu’il fait plutôt beau ces temps-ci, ce qui serait une bonne explication à cela. D’ailleurs il n’y a pas d’autres explications plausibles si l’on se donne la peine de regarder ce qui se passe, et encore moins si l’on prend un peu de son temps si précieux à écouter ce que les gens ont à dire.

- Deux phénomènes propres à augmenter notre confiance à tous dans un avenir immaculé sont observables : le rendement des bonds du Trésor américains à long terme (30 ans) a monté et ceux des bills (3 mois) ont baissé passant sous la barre du zéro ! Qu’est ce que cela signifie ? Cela signifie d’une part que les Chinois ont cessé d’acheter des bonds du Trésor à long terme alors qu’ils en étaient les plus gros acheteurs jusque là, et qu’ils sont passé à l’achat dans les bills à trois mois. D’où l’évolution des rendements inverses de ces deux valeurs, l’une devenant plus attractive, pour mieux s’en échapper en cas de danger, et l’autre moins attrayante d’où la nécessité d’en élever le rendement pour attirer des pigeons. Ces derniers sont aujourd’hui principalement des américains qui se sont remis à épargner (3-4% du PIB), en quête d’une supposée sécurité, et la Fed comme on sait. Malheureusement la situation financière du gouvernement américain est effroyable et il est inévitable qu’il ne se trouve un jour ou l’autre en cessation de paiement lorsque les détenteurs de bonds du Trésor se rendront compte du danger que représente la détention de papier ne valant pas un clou. Alors ce sera la ruée vers la sortie et la fin de toute possibilité de vivre à crédit pour le gouvernement américain. Rappelons que ce dernier a prévu des revenus pour l’année de $ 1900 milliards (fourchette optimiste si l’on prend en compte la chute des revenus fiscaux enregistrée en Avril) et des dépenses de $ 3.600 milliards (là encore perspective très optimiste).
- Autre excellente nouvelle : la chute des prix de l’immobilier a atteint 18,7 % selon Reuters entre le début de l’année et début Avril et selon la même agence les emprunteurs les plus solvables et les plus sûrs jusque là commencent à être en retard sur leurs remboursements, les défauts de payements de ces derniers ayant doublé depuis un an, atteignant le taux de 6% contre 12% pour l’ensemble du marché. Ces « prime borrowers », la crème de la crème, considérés comme ne représentant aucun risque pour les banques sont désormais en cessation de payement en raison de perte d’emploi ou de baisse de salaires. On voit donc mal comment ce nombre grandissant de gens insolvables pourraient faire repartir l’économie en dépensant de l’argent qu’ils n’ont pas, et ce d’autant moins que lorsqu’il leur en reste ils cherchent par tous les moyens à le conserver. D’où le taux d’épargne en augmentation.
- Autre motif de réjouissance : l’Etat de Californie (première économie du pays) est désormais quasiment en faillite officielle après que la loi de finance proposée par le gouverneur ait été rejetée par les électeurs, alors que la plupart des autres Etats fédérés ne sont pas loin d’être dans la même situation ; cela entraîne partout des coupes sombres dans les effectifs du personnel éducatifs et de la police, des fonds alloués aux écoles, des remboursements de Medicaid, généralement les premiers à faire les frais de ces tentatives d’éviter la faillite.
- Autre nouvelle de nature à faire monter la confiance générale pour l’avenir : GM se mettra sous la protection du chapitre 11, c'est-à-dire en banqueroute, probablement dés Lundi ce qui, selon les « experts », mènera au chômage au moins 150.000 personnes supplémentaires, sans compter les « dommages collatéraux » provoqués dans tout le réseau d’entreprises dépendant de GM et Chrysler, dont la résurrection n’est pas du tout assurée.
- Quoi d’autre pour chauffer un peu notre optimisme ? Eh bien selon Bloomberg le chômage a dépassé les 9,2 % au mois de Mai. Ce chiffre excellent est bien entendu un chiffre officiel qui n’a pas grand-chose à voir avec la réalité qui, selon certains, se situerait autour de 15%.

Bref tout indique que la situation est en voie d’amélioration très nette ce qui justifie on ne peut plus cet optimisme rendu par l’oracle de Reuter et compagnie.

En ce qui me concerne, et d’après ce que j’ai pu voir et entendre ici à NY, rien ne vient corroborer cette supposée confiance. Au contraire il semblerait plutôt qu’une sourde inquiétude ne fasse place progressivement à la volonté d’éviter d’affronter la gravité de la situation. Mais comment ne pas remarquer les innombrables espaces commerciaux parsemant la ville en attente de locataires illusoires ? Comment ne pas se dire qu’immanquablement ce nombre va se multiplier dans les prochains mois lorsque l’on voit à quel point les survivants sont désertés par les foules de consommateurs transformées tout à coup par la grâce, non pas de la confiance mais bien de l’inquiétude, en économes d’autant plus avides qu’ils avaient dépensé sans compter auparavant ? Comment ne pas être désorienté lorsque, comme me le disaient quatre amis hier soir, les restaurants disparaissent les uns après les autres, parfois du jour au lendemain, et que les rescapés ont toujours de la place sans réservation, ce qui n’était pas envisageable il y a huit mois ? Et comment masquer l’arrêt des chantiers immobiliers qui parsèment la ville, y compris celui du World Trade Center (pas officiellement bien sûr) ? Enfin comment ne pas rester pensif lorsqu’une de vos amies qui n’a rien à faire avec la finance et encore moins avec la bourse, qui possède sa propre société depuis des années et qui ne peut être soupçonnée d’être un Dr Doom, comment ne pas rester perplexe lorsqu’elle vous dit qu’elle a décidé de vendre son portefeuille et ses liquidités pour acheter de … l’or !!! En la questionnant j’ai appris qu’elle avait pris cette décision après avoir reçu ce conseil de plusieurs personnes qui elles-mêmes faisaient la même chose de leur côté. Est-ce un indice de confiance ? C’est d’ailleurs amusant de constater que la même phrase revient dans la bouche de tous ces gens aussi divers par ailleurs : « comme mes grand parents… », « comme ma grand-mère… » etc… Ce penchant soudain pour l’or semble s’être accéléré depuis une ou deux semaines, notamment avec l’annonce de la dégradation de la note de la Grande Bretagne ; j’ai le sentiment que cela a constitué le facteur déclenchant une prise de conscience pour un certain nombre de gens ici ; l’idée que les prochains sur la liste pourraient très bien être les USA commence à faire son chemin. La chute du dollar qui s’en est suivie n’a fait que rendre plus réelle cette perspective qui semblait au plus grand nombre relever de la fiction. Tout à coup celle-ci semble se rapprocher dangereusement de la réalité, et plus rapidement qu’on ne pourrait le croire.
A rappeler que l’once d’or était à $980,30 Vendredi et que le pétrole avait atteint les $66 le baril le même jour, enregistrant sa plus forte hausse en un mois depuis 1999, en parallèle comme il se doit avec la baisse du billet vert. A noter que cette hausse du pétrole, si elle se poursuit comme certains l’envisagent, n’est pas faîte pour améliorer le déficit des USA ni un encouragement pour une hypothétique reprise, et ce d’autant moins en comptant avec un dollar de plus en plus faible ni avec la hausse des taux d’intérêts.

La conclusion de tout cela est que l’on peut se poser la question de savoir si nous ne sommes pas à la veille du retournement du marché, comme l’escomptent la plupart des meilleurs investisseurs qui se sont tous positionnés dans cette perspective.
J’ai l’impression que l’inquiétude s’accroit et que les fausses bonnes nouvelles ne prennent pas autant que le voudraient ceux qui les propagent, où plutôt qu’elles ont désormais de moins en moins d’effets. Il est possible que cette inquiétude grandissante n’ait pas besoin d’un grand cataclysme pour se transformer soudainement en un rush pour se mettre à l’abri de ce que l’on commence à percevoir de manière plus ou plus précise de la situation réelle du pays. Néanmoins la surprise d’être tombé en si peu de temps dans une situation si catastrophique joue encore un rôle de modérateur sur la perception de la situation véritable ; on se dit que ce n’est pas possible, que cela reviendra, que les journaux exagèrent... Mais la chute du dollar, l’abaissement de la note de la GB, la faillite de GM, la faillite de la Californie, la chute ininterrompue des prix de l’immobilier sans compter tout le reste ont finis par agir sur les esprits les plus fermés à la réalité. Et il est à craindre que lorsque ces derniers s’ouvriront soudainement à cette réalité la panique ne les fasse se précipiter vers la sortie de secours en entraînant tout sur leur passage. Ce jour là il vaudra mieux ne pas être en travers du chemin.

mercredi 27 mai 2009

NY le 27 Mai 2009

Après plus d’une semaine passée ici on se rend mieux compte du nombre énorme d’espaces commerciaux à louer. Même les quartiers du Upper East Side ne sont nullement épargnés. Il y en a tout autant que Down Town ou dans le West Side. Et il est très probable qu’il y en aura beaucoup plus d’ici quelques mois en raison des loyers insoutenables et de la fréquentation en chute libre malgré les discounts de plus en plus intéressants. Il est courant de voir ces derniers franchir les -50%, -60% et -70% n’est pas rare dans les vitrines pour attirer le chaland qui ne s’y aventure plus puisque les américains se sont remis à épargner. Le taux d’épargne des ménages américains est passé de 0%, il faudrait même dire – x% en raison de l’argent dépensé à crédit, donc 0% à 3-4% ce qui constitue une progression non négligeable en si peu de temps. Mais c’est bien entendu de l’argent qui n’ira pas alimenter la reprise que certains s’obstinent à voir « au bout du tunnel »…

A Soho avant-hier. Ce quartier qui était ces dernières années si fréquenté et ou l’on ne voyait que des magasins bourrés à craquer de consommateurs déchainés, ressortant avec des sacs pleins les bras et des cartes de crédit rougeoyantes à force d’être sollicitées, ce quartier si à la mode était bien peu animé ce jour là. Pourtant c’était une journée qui avait tout pour provoquer une affluence record : un temps superbe et un we prolongé. Néanmoins les magasins étaient vides. Toutes ces enseignes, toutes ces marques de luxe dont on nous faisait des gorges chaudes lors des annonces de bénéfices et de chiffres d’affaire record en fin d’année, toutes étaient désertées. Les rues n’étaient pourtant pas vides, même si elles n’étaient pas pleines comme on pouvait en avoir l’habitude, mais l’ex-consommateur passait devant sans s’y arrêter. C’était une impression étrange de marcher dans ces rues pavées épargnées par la spéculation immobilière, escorté par ces locaux encore pleins de marchandises dont plus personnes ne voulaient malgré le racolage et les rabais extravagants. Ces devantures, soulignées des grands noms de la mode comme un rouge à lèvre trop agressif, me faisaient maintenant penser à des prostituées vieillies sans qu’elles s’en soient rendu compte et ne comprenant pas pourquoi la clientèle ne se pressait plus à leurs portes. Elles utilisaient pourtant tous les moyens de racolage connus mais rien n’y faisait : leur temps était passé. C’était clairement le sentiment que j’avais en me baladant entre ces magasins soit disant de luxe : l’époque qui avait fait leurs brefs mais fructueux beaux jours étaie passée et ne reviendraie pas. Ils étaient comme des coucous qui s’étaient installés dans un nid fabriqués par d’autre, en l’occurrence des ateliers de la fin du XIXeme notamment de confection. Ils laisseront la place à leur tour sous peu. Mais qui ou quoi les remplacera ?

Précisions : en ce qui concerne l’immobilier commercial aux USA la Deutsche Bank vient de publier un rapport intitulé « Commercial real Estate at the precipice » dans lequel il est stipulé que 56,8 % des hypothèques commerciales existantes ne seront pas qualifiées pour négocier un refinancement de leur emprunt. D’autre part l’agence Moody prévoit une perte d’au moins $ 375 milliards sur les $3,5 trillions de prêts hypothécaires commerciaux encore dus. Cela implique un taux de perte de 11% c'est-à-dire le double de celui subi à cause de la crise des prêts hypothécaires immobilier résidentiel. C’est évidemment sans compter les dépréciations à venir en raison de la chute libre des prix des biens commerciaux qui ne trouvent plus de locataires. Comme pour les conforter dans leurs prévisions le second plus grand promoteur américain de malls, « General Growth Properties », propriétaire de plus de 200 malls à travers le pays, s’est déclaré en faillite car il ne parvenait plus à rembourser ses dettes. Quelques jours plus tard une tour de bureaux de quarante étages a été saisie par le créditeur car le propriétaire, « Macklowe Properties », ne pouvait plus, là encore, rembourser ses emprunts. En clair le pire est à venir.


La cour Suprème de Californie a confirmé hier l’interdiction du mariage pour les homosexuels, provoquant la fureur de certains de ces derniers. Les journaux ont largement commenté la nouvelle, laissant penser qu’il y avait eu des milliers de gens dans les rues pour protester contre cette décision, notamment à NY. En réalité il se trouve que nous nous sommes retrouvés tout à fait par hasard une amie et moi face à la manifestation en question qui aurait rempli de honte n’importe lequel de nos syndicalistes français en raison du nombre si réduit de participants. S’il y avait cinq cent personnes ce serait le bout du monde. Mais à entendre les médias le pays était sur le point de se lever en masse pour protester.


L’autre nouvelle dont on parle beaucoup est la nomination à la Cour Suprême du juge Sotomayor. Les médias et les lobbys en font des gorges chaudes et chacun y va de son commentaire sur les droits des femmes, les droits des minorités, en bref des droits de tous contre tous. Ce qui est frappant dans ce déluge de réjouissances c’est que personne ne prend en considération l’intérêt général du pays, c'est-à-dire de la communauté nationale dans son sens le plus large, transcendant tous les petits intérêts particuliers, et qui était encore il n’y a pas si longtemps celui autour duquel se rassemblait tout le monde. Aujourd’hui chacun tente de récupérer des avantages sans se préoccuper de l’intérêt général, sans se rendre compte que tous ces intérêts particuliers finissent par se heurter violemment sans aucune possibilité de les satisfaire tous. Mais ce sont des droits. C’est ce que Philippe Murray avait si bien décrit et nommé : « moderne contre moderne ».

Certains agitent l’idée que les républicains vont tout faire pour empêcher cette nomination. En réalité il n’y a presque pas de possibilité pour eux de l’éviter puisqu’ils ne détiennent pas la majorité au Sénat. Ils pourraient retarder le processus par ce que l’on appelle « filibustering ». Mais il reste très improbable que la plupart des sénateurs républicains se prêtent à ce genre de facétie pour plusieurs raisons : d’une part c’est un combat perdu d’avance car non seulement les démocrates ont la majorité au Sénat mais en plus la nominée a le soutien d’un certain nombre de républicains ; en effet Mme Sotomayor fût nommée juge fédéral par le Président Georges Busch senior et sept sénateurs républicains actuels ont soutenu sa nomination en 1998 à la cour d’appel couvrant NY, le Vermont et le Connecticut. D’autre part, et ce qui est beaucoup plus important, cela ne changera rien à l’équilibre existant actuellement à la Cour Suprême. De plus cela ne pourrait que rendre le GOP encore plus discrédité qu’ils ne l’est actuellement sans aucun bénéfice tangible. Seule une découverte inattendue et invalidante aux yeux des sénateurs dans le curriculum vitae de Mme Sotomayor lors des auditions approfondies que la juge aura à subir pourrait changer le cours des choses. Comme l’a dit un des soutiens républicains de Mme Sotomayor, l’ancien Attorney General Gonzales :

"Based on what we know today, it appears to me that she's going to be confirmed. But, again, we don't know what we don't know."

samedi 23 mai 2009

NY, le 23 Mai



Aujourd’hui (22 Mai) il fait un temps splendide et tout le monde se prépare à partir. Dés deux heures de l’après midi les files de voitures commenceront à se former et à s’étendre du centre de Manhattan jusqu’aux rivages encore froids des Hampton, ou encore vers le New Jersey ou le Connecticut. En effet nous sommes à la veille d’un long w.e puisque Lundi est férié aux USA : c’est le Mémorial Day, le jour ou l’on est censé nous souvenir de ceux qui sont morts sur les champs de bataille. Il n’est pas certain que ce soit véritablement le cas, tout le monde étant plus préoccupé de savoir de quoi sera fait le we. De plus, pour un certain nombre de New Yorkais c’est le début de la saison de location dans les Hampton, qui se termine généralement à la fin du mois d’Août. Pour ceux-ci le we sera plutôt occupé à préparer leur maison pour les prochains mois d’été. Ah, petit détail, les prix à la location ont beaucoup baissé…
Déambulant dans les rues de haut en bas et de droite à gauche, comme à mon habitude, rien ne parait bouleversé dans la ville, dans cette ville d’où est pourtant partie la crise qui a contaminé le monde entier. Il y a bien des espaces commerciaux à louer, beaucoup plus qu’avant certes, et on en attend encore bien plus dans les mois à venir, mais il n’est pas certain que je l’aurai remarqué si je n’avais été prévenu avant d’arriver ; plus de gens faisant la manche également, de toute sorte, de toute provenance, mais là non plus rien de spectaculaire.
Les conversations ne se portent pas naturellement sur les questions financières, sur la crise, sur le chômage et sur ce que l’on rapporte dans les médias de manière générale. Il semblerait que l’on évite un peu d’en parler, comme si cela portait malheur, même si l’on sait qu’il y a quelque chose d’étrange à la porte, prêt à nous tomber sur le dos. Mais comme je l’ai déjà entendu de nombreux interlocuteurs : « De toute manière qu’est ce qu’on peut faire ? ». Donc on continue.
Pourtant certains détails font penser que l’inquiétude est sous-jacente aux comportements en apparence habituels. Par exemple hier, lorsque fût annoncé l’abaissement de la note de l’Angleterre par les agences de notation, l’inquiétude s’est révélée au grand jour ; la crainte, justifiée, était que les prochains sur la liste ne soient les USA, ce qui aurait déjà dû être le cas depuis longtemps si les trois agences de notation avaient un minimum d’indépendance, ainsi que l’a souligné Mme Merkel lorsqu’elle a appelé à la création d’une agence de notation européenne il y a quelques semaines.
Dés que l’on franchit la barrière des conversations superficielles et convenues, on parle de la crise. Mais c’est une crise vue exclusivement à travers des lunettes locales, comme si ce qui se passait ailleurs n’existait pas ou n’avait pas de lien avec les problèmes que les habitants de « big apple » pouvaient rencontrer. Le budget de la ville est à nouveau en déficit, les institutions dépendant financièrement des « charities » pour survivre doivent faire face à des baisses spectaculaires des donations, ce qui les obligent à procéder eux-aussi à des licenciements, comme au Metropolitan Museum par exemple. On commence à sonner le rappel de « volunteers » pour contribuer à l’entretien de Central Park en raison du licenciement d’une partie du personnel de maintenance du parc pour cause de déficit budgétaire. Le prix de l’électricité a augmenté spectaculairement depuis un an tout comme le prix des denrées alimentaires, certains articles de base ayant presque doublé en deux ans. Voilà le genre de propos relatifs à la crise que l’on peut entendre, mais jamais je n’ai encore entendu quoi que ce soit à propos de ce qui se passe au niveau international ou même au niveau du pays lui-même ; par exemple que la Californie, premier état de l’Union, soit en faillite pas un mot ; que le PIB du Mexique se soit effondré de 8,2% au premier trimestre, que les prévisions de la Fed se montrent beaucoup plus pessimistes qu’elles ne l’étaient en Janvier (les perspectives de chômage passant de 8,2-8.8% pour l’année à 9,8% alors qu’au mois d’Avril on en était déjà à 8,9%), que les mises en chantier de logements neufs sont en baisse de 12,8% au mois d’Avril, établissant ainsi une baisse record depuis 50 ans, de tout cela et de bien d’autres mauvaises nouvelles encore, on ne parle pas, y compris de l’Irak ou de l’Afpak.
Donc tout ne va pas bien mais on ne veut pas y penser ; par conséquent on n’en souffle mot, on fait comme si tout était normal, on fait le gros dos en attendant que cela passe. Car cela passera bien, non ? Il suffit de tenir… Peut-être, peut-être mais rien n’est moins sûr.
Hier au coin de Madison et de la 28eme rue il y avait un type qui faisait des bulles, des bulles de savon d’une taille que je n’avais jamais vu jusque là. Il les créait avec une facilité que M. Greenspan aurait pu lui envier malgré sa maîtrise incontestée dans ce genre d’affaire. C’était de grosses bulles, assez disgracieuses car trop grosses, s’élevant avec une certaine difficulté dans les airs en raison de leur poids. Les passants n’y prêtaient pas beaucoup attention, probablement parce-que NY est encore dans sa propre bulle, attendant son éclatement inéluctable avec un mélange de panique et de soulagement.
Et puis les bulles on connaît déjà, non ?

mardi 12 mai 2009

De la grippe porcine ou comment les cochons se suicident

Nous avons eu chaud, on a failli réussir à nous faire peur ! Pourtant nos médias si talentueux ont fait tout ce qu’ils ont pu pour semer la panique à Cochon-sur-Terre à l’aide des annonces grand spectacle dont ils sont si friands et coutumiers, comme les parallèles établis avec la grippe espagnole de 1918-1921 qui fit 50 millions de morts… Mais en dépit de tout ce travail l’affolement ne s’est pas propagé car apparemment, ou pour le moment, la grippe porcine ne se répand qu’avec une lenteur affligeante. Et puis nous nous sommes lassés car cela faisait déjà un peu plus d’une dizaine de jours qu’on nous bassinait avec cette pandémie qui s’est révélée jusqu’à aujourd’hui extrêmement décevante ; notre attention s’est donc détournée vers d’autres nouvelles plus croustillantes et plus dignes de stimuler très temporairement l’ennui congénital qui est le nôtre, savamment développé et entretenu par nos gouvernements de Cochon-sur-Terre.

Nous étions donc au bord du désastre, sur le seuil de la catastrophe, sur le point de tomber dans les bras d’une pandémie qui n’aurait pas manqué de nous embarquer presque tous pour un voyage, parait-il, si long que l’on n’en revient pas, un « trip » non subventionné ni même organisé par un tour operator quelconque ! En réalité il semble qu’à Cochon sur Terre les nouvelles alarmistes autant qu’alarmantes se suivent à la queue leuleu comme pour ne jamais nous laisser la possibilité de réfléchir à quoi que ce soit. Et l’éventail est large : que ce soit un virus, une crise financière doublée d’une crise économique sans parler de la crise écologique ou de la crise de société qui mine notre monde idyllique, les terroristes ou les armes nucléaires en Iran, bientôt avantageusement remplacée par celles du Pakistan en voie de désintégration et beaucoup d’autres mortels dangers pour notre glorieuse civilisation de la marchandise immaculée. Comme on voit nous ne pouvons plus nous passer d’une menace contre nous, contre notre mode de survie, contre notre modèle sociétal si réussi etc… Malheureusement il semblerait que dans cette liste innombrable de dangers en tout genre nous en ayons oublié un. Vous pourriez dire que ce n’est pas bien grave étant donné la liste impressionnante de tous les autres ; il ne devrait pas être bien difficile de venir à bout d’un seul danger après tous ceux contre lesquels nous luttons victorieusement à chaque instant. Et pourtant vous auriez grand tord si vous pensiez de la sorte car cette menace pour nous-mêmes n’est pas à prendre à la légère. Nous pourrions même affirmer que c’est la plus dangereuse à laquelle nous ayons à faire face. Ce danger redoutable c’est nous-mêmes.
La grippe porcine dont on parle tant nous en donne un exemple frappant.

Nous savons que les premiers cas connus se déclarèrent au Mexique, et plus précisément dans l’Etat de Vera Cruz où la société américaine Smithfield Farms (le plus grand producteur de porcs et de boeufs au monde) possède d’énormes élevages industriels de porcs, notamment à Perote, sous le nom d’une de ses filiales Granjas Carroll qui élève environ 950.000 porcs par an (pour l’année 2008). De nombreux indices laissent penser que ce nouveau virus est issu directement de ces énormes élevages industriels de porcs. Mais tout d’abord qu’est ce que ce virus ?

« According to the US Centers for Disease Control, the new virus is a mixture of four different viruses: North American swine flu, North American avian flu, human H1N1 flu and a swine flu strain found in Asia and Europe.

It is unusual to be infected by two flu viruses at the same time, and even rarer for one of those viruses to come from another species. But it does happen, especially in pigs, which are susceptible to both human and bird flu viruses. Repeated reassortments can produce mixtures like that found in the swine flu virus now spreading worldwide.”
(New Scientist - Pr Michael Le Page - 27 Avril 2009)

En d’autre terme ce virus est un monstre que seules des conditions anormales peuvent engendrer.

Or pour de très nombreuses personnes ces conditions anormales sont celles crées par les élevages industriels, dénoncées depuis des années comme dangereuses car ayant le potentiel de développer des épidémies en créant de nouveaux virus de plus en plus résistants aux antibiotiques dont on gave les animaux élevés dans ces fermes industrielles. Que ce soit au Mexique, aux USA, au Canada ou ailleurs, il n’est pas rare que l’on trouve 6.000 porcs nourris ensemble dans le même bâtiment dans des conditions plus que douteuses. Ces animaux stressés, nourris de bouillies artificielles, sont entassés dans des cages si étroites qu’ils ne peuvent souvent pas bouger, vivant au dessus de leurs excréments dont l’ammoniaque issu du lisier leur brûle les voies respiratoires, sans aucun contact avec la lumière naturelle sans pouvoir respirer un minimum d’air frais, le tout incitant une chute importante de leur système immunitaire ce qui provoque une faible résistance aux virus. Or les virus mutent dans les voies respiratoires des porcs, celles qui sont précisément brûlées par l’ammoniaque, particulièrement les virus humains et aviaires. C’est là qu’ils donnent naissance à des monstres comme celui auquel nous devons faire face aujourd’hui. De là ces virus sont transmis non seulement par les ouvriers qui travaillent dans ces fermes industrielles en contact permanents avec des milliers d’animaux, dont une partie sont malades, mais aussi par la voie des airs, que ce soit par le vent, les oiseaux ou les mouches qui pullulent sur les montagnes de lisier qui s’entassent sans précaution autour de ces fermes industrielles.

«(…) les élevages industriels n’offrent aucune sécurité sur le plan biologique. Il y a des gens faisant des allées et venues sans arrêt. Si vous vous tenez à quelques kilomètres sous le vent d’un élevage industriel, vous pouvez facilement attraper des virus pathogènes. Et le lisier n’est pas toujours éliminé. »
(Pr Ellen Silbergeld – Professeur des sciences de la santé environnementale à la John Hopkins University)

Mais les méfaits de ces élevages industriels ne cessent pas là.
Ils provoquent de multiples dégradations à l’environnement dans lequel ils se trouvent qui engendrent à leur tour des problèmes graves de santé publique. C’est ainsi que les déchets d’origine animale (animaux morts de maladie) et les quantités énormes d’excréments que ces exploitations génèrent sont beaucoup trop importantes pour être absorbées par les sols environnant ce qui provoque une pollution importante des sols et des nappes d’eau, des lacs ou des cours d’eau se trouvant à proximité.
Les témoignages des habitants de La Gloria, village se trouvant près de l’élevage industriel de la société Granjas Carroll, filiale de Smithfiel Farms, d’où est probablement sorti le virus dit de la grippe porcine, correspondent très exactement à ce que rapportait la commission du Pew Research Center sur l’élevage industriel en Avril 2008.


« D’après un habitant de la communauté, Eli Ferrer Cortes, les matières fécales et organiques produites par la société Granjas Carroll ne sont pas traitées de manière adéquate, ce qui provoque une pollution de l’eau et de l’air dans la région » (Traduction de l’auteur)
(« La Marcha », journal de Vera Cruz – Mexique)

Une forte pollution atmosphérique est également relevée autour de toutes les fermes industrielles, jusqu’à provoquer des troubles respiratoires graves que l’on peut observer chez les habitants de La Gloria comme chez tous ceux vivants à proximité d’un de ces élevages, notamment aux USA, diagnostic confirmé là encore par le rapport de la commission :

« Communities near IFAP facilities (fermes d’élevages industrielles) are subject to air emissions that can significantly affect certain segments of the population (…).
(…) Adverse community health effects from exposure to IFAP air emissions fall into two categories: 1) respiratory symptoms, disease and impaired function and 2) neurobehavioral symptoms and impaired functions.”
(Pew Research Center Commission on Industrial Farm Animal Production – 29 Avril 2008)

D’autre part les porcs élevés dans des fermes industrielles sont systématiquement bourrés d’antibiotiques afin de les protéger contre les taux d’infection de plus en plus élevés que l’on rencontre dans ces industries. Malheureusement cela aurait tendance à produire l’effet inverse, c'est-à-dire à créer des bactéries de plus en plus résistantes aux antibiotiques et aux vaccins qui sont eux aussi communément administrés aux animaux. Ces virus de plus en plus tenaces peuvent se transmettre ensuite aux humains comme l’a prouvé le cas de cette nouvelle sorte de staphylocoque doré que l’on voit désormais se développer, responsable de 20% des infections humaines dues aux virus. C’est ainsi que le 21eme siècle pourrait bien devenir le siècle qui restera dans l’histoire comme celui qui aura généré le plus de nouveaux virus, et par conséquent de nouvelles maladies, face auxquelles nous risquerions d’être de plus en plus démunis si l’on poursuivait dans cette voie. Ce que nous ne manquerons pas de faire.
L’industrie alimentaire tente par tous les moyens à nier et étouffer ces problèmes, notamment par des actions de lobbying intenses. La Pew Commission a d’ailleurs déclaré qu’elle s’était heurtée à l’opposition systématique des conglomérats lors de son enquête et que ces derniers avaient même menacé les chercheurs qui collaboraient avec elle de ne plus financer leurs recherches. Cette industrie tente de justifier ces élevages industriels par leur soit disant efficacité. C’est un leurre. Aux USA par exemple il y avait en 1965 53 millions de porcs repartis sur 1 million de fermes ; aujourd’hui il y en a 65 millions répartis sur seulement 65.000 sites appartenant à des conglomérats dont le plus gros est Smithfield Farm (porcs et bœufs). Cette soit disant efficacité n’est possible qu’en raison des prix très bas des denrées alimentaires, de l’eau et de l’économie liée au confinement des animaux dans les bâtiments. Malgré cela la rentabilité de ces sites reste faible ce qui explique pourquoi la main d’œuvre doit être réduite au maximum, d’où l’automatisation de tout le système d’alimentation des animaux, y compris l’eau, ainsi que l’automatisation de l’évacuation des excréments et autres déchets comme les carcasses des animaux morts des suites d’infections notamment.

«Ce n’est pas par hasard si l’on a assisté pendant les dix dernières années à une explosion de nouveaux virus, précisément au moment où l’élevage industriel s’est tellement développé. Par exemple, entre 1994 et 2001, le pourcentage de porcs américains qui vivent et meurent dans d’immenses fermes industrielles a grimpé de 10% à 72%. La grippe porcine, qui était stable depuis 1918, a soudain pris un essor extraordinaire pendant cette période.»
(The Independant – 01.05.09 – John Hari)

Dans ce domaine encore la rationalisation à outrance, la maximisation des profits et la déshumanisation se sont faites aux dépends de l’exploitation traditionnelle de type familial qui restait encore en 1965 la grande majorité dans les campagnes américaines comme ailleurs. C’est ainsi que les fermes familiales qui produisaient diverses variétés de culture à la fois, possédaient plusieurs sortes d’animaux sans compter le verger ou le potager, ces fermes en tant qu’entité économique plus ou moins viable ont disparu et avec elles le tissu social local dont elles étaient parties prenantes. Elles ont fait place à une agriculture industrielle produisant une seule variété de culture ou une seule espèce animale à la fois. Pour s’assurer des revenus garantis les éleveurs ont abandonné leur indépendance aux mains de grands conglomérats qui leur achètent leur production tout entière ; cela les oblige à s’endetter pour investir dans les installations nécessaires à de telles productions et à se mettre sous contrat avec ces conglomérats. Une fois endettés ils se retrouvent prisonniers de leurs acheteurs sans lesquels ils ne pourraient écouler leur production. Ce système a provoqué un exode rural et un appauvrissement général des campagnes :

« (…) In fact, industrialisation leading to corporate ownership actually draw investment and wealth from the communities in which specific IFAP facilities are located”
(Pew research Center Commission on Industrial Farm Animal Production – 29 Avril 2008)

Alors quelles solutions adopter pour éviter une véritable épidémie, que faire pour empêcher de nouveaux virus de se former, toujours plus résistants à nos antibiotiques ? Que faire également pour retrouver une nourriture plus saine et plus riche pour l’homme ? Officiellement nos gouvernements bien-aimés prônent la prévention d’une épidémie par les vaccins et la médication, ce qui signifie qu’il suffirait d’attendre qu’une infection se déclare quelque part pour vacciner tout le monde et fournir les médicaments nécessaires. Prions donc pour que nous les ayons en réserve, ce qui semble improbable, et surtout que nous ayons ceux qui seront adaptés au cas qui se présentera. Or comment avoir un vaccin ou des médicaments efficaces contre un virus que l’on ne connaît pas ? Et dans ce cas combien de temps sera-t-il nécessaire pour en trouver un puis le fabriquer ? Dix ans, vingt ans, plus encore? Comme on l’a bien vu pour le cas du sida cela demanderait peut-être même beaucoup plus de temps ; et si épidémie il y avait il y aurait des millions de morts bien avant d’avoir même trouver quoi que ce soit, sans parler de le mise en circulation de l’hypothétique produit. La grippe espagnole est là pour nous remémorer ce qu’est une véritable épidémie, une maladie qui se transmet à une vitesse foudroyante et qui peut faire 50 millions de morts en deux ou trois ans (1918-1921).
La vérité est que nous ne savons plus ce qu’est une épidémie comme nos ancêtres il n’y a pas si longtemps les connaissaient encore. Car lorsqu’il s’en déclenche une cela provoque un carnage en moins de temps qu’il n’en faut pour le dire. Or non seulement nous l’avons oublié mais en plus de tout nous faisons tout notre possible pour en créer une par nos pratiques d’apprentis sorciers. Les vaccins ou les médications ne sont pas suffisants, loin de là. Lorsque nous aurons à les utiliser cela signifiera qu’il sera bien trop tard puisque le virus sera déjà dans la place. Cette solution n’empêche nullement la maladie d’arriver, elle ne constitue qu’une tentative de la ralentir ou de l’empêcher de nuire le plus possible. Mais comme on sait certaines d’entre elles peuvent résister à tout ce que l’on connaît et ce d’autant plus que les virus deviennent de plus en plus résistants à nos médications les plus fortes.
Il faut donc remonter plus loin afin de prévenir un tel cataclysme. Il faut prendre le mal à sa racine ce qui signifie remonter jusqu’à la cause du problème : l’industrialisation à la fois de l’agriculture et de l’élevage qui est intrinsèquement hautement pathogène. S’attaquer au problème c’est s’attaquer au pouvoir des géants du secteur. Plus qu’un problème économique c’est à un problème politique que nous avons désormais à faire.

“Any amelioration of this new pathogen ecology would have to confront the monstrous power of livestock conglomerates such as Smithfield Farms (pork and beef) and Tyson (chickens). The commission reported systemic obstruction of their investigation by corporations, including blatant threats to withhold funding from cooperative researchers.
This is a highly globalised industry with global political clout. Just as Bangkok-based chicken giant Charoen Pokphand was able to suppress enquiries into its role in the spread of bird flu in southeast Asia, so it is likely that the forensic epidemiology of the swine flu outbreak will pound its head against the corporate stonewall of the pork industry.”
(The Guardian – 01.05.2009)

Vu sous un autre angle l’élevage des bovin, et donc leur consommation, provoquerait encore une autre sorte de nuisance pour nous tous, y compris les végétariens… En effet selon un rapport de l’ONU datant de 2006 le cheptel bovin mondial serait responsable de 18% de l’émission des gaz à effet de serre, autant que ce qui est dû aux transports. Des chercheurs japonais ont confirmé cette étude en soulignant que leurs calculs montraient que les 2/3 de l’énergie nécessaire à produire 1 kg de bœuf venaient : du transport de la nourriture nécessaire à l’alimentation des bovins et de la production elle-même. Cela ne devrait pas être faux non plus pour les porcs.

That means that 2.2lb of beef is responsible for greenhouse gas emissions which have the same effect as the carbon dioxide released by an ordinary car travelling at 50 miles per hour for 155 miles, a journey lasting three hours. The amount of energy consumed would light a 100-watt bulb for 20 days.
Most of the greenhouse gas emissions are in the form of methane released from the animals' digestive systems, New Scientist magazine reported.
But more than two thirds of the energy used goes towards producing and transporting cattle feed, said the study, which was led by Akifumi Ogino from the National Institute of Livestock and Grassland Science in Tsukuba, Japan.
(The Telegraph – 23 Juillet 2007)

Désormais il reste à savoir si l’on peut améliorer une organisation pathogène par essence? A priori la réponse est négative. Bien au contraire il faudrait se débarrasser au plus vite de ce système intrinsèquement mauvais et dangereux. La solution ne pourrait passer que par une réorganisation complète de notre manière de cultiver les terres et d’élever le bétail. Cela devrait privilégier la pérennité d’un réseau d’exploitations multiples comme cela existait auparavant, qui produiraient pour un marché local, à définir selon les coûts des transports nécessaires à l’écoulement des produits, un marché non biaisé par des positions dominantes et dans lequel la qualité du produit sera privilégiée sur la quantité. Cela aurait de nombreuses conséquences dont parmi d’autres: une revitalisation des campagnes et la réapparition de communautés campagnardes stables approvisionnant des marchés locaux; une réduction de notre consommation non seulement de viandes mais également d’autres produits agricoles, ou pour le dire autrement un abandon du gaspillage général qu’implique le système actuel ; la forte réduction des surfaces cultivées en maïs destiné au bétail des fermes industrielles, ce qui aura pour conséquence la réduction de la consommation d’eau puisque 70% de cette dernière est d’origine agricole dont plus de la moitié pour le mais etc…

Alors faut-il espérer ? Non. La peur, si peur il y eut, n’est pas restée longtemps à l’affiche, remplacée rapidement par d’autres préoccupations tout aussi volatiles. Car à Cochon sur Terre l’intérêt et le court terme sont les deux mamelles de notre manière bien à nous de dysfonctionner. Et puis les profits et le court terme représentent un mélange irrésistible auquel aucun cochon digne de ce nom ne saurait résister comme la situation financière actuelle nous le prouve. C’est ainsi qu’il n’y a quasiment aucune chance que la situation ne s’améliore, bien au contraire, puisque cela nécessiterait non seulement une action sur le long terme mais en plus de moindres gains en perspective. C’est pourquoi il est très probable que nous aurons à subir un jour, en tout cas d’après de nombreux chercheurs, une véritable crise sanitaire, c'est-à-dire une épidémie comme nous ne savons plus ce qu’elle représente puisque nous qualifions de ce terme n’importe quoi pourvu que nous jouions à nous faire peur. Lorsqu’elle viendra cette pandémie à laquelle s’attendent tant de gens, nous n’aurons pas le temps de nous demander quoi que ce soit ni d’atermoyer. Et peut-être même ne croirons-nous pas la nouvelle trompétée comme de juste avec exactement la même dose de frénésie hystérique avec laquelle on nous abreuve de sensationnalisme bon marché chaque jour. Déjà vu penserons-nous : SARS, grippe porcine sans compter toutes les autres fausses mauvaises nouvelles, toujours plus dramatiques les unes que les autres. Nous ne serons donc pas prêts et rien n’aura été fait pour nous y préparer. Nous mourrons alors non plus comme des mouches mais bien comme des cochons ; et comment en serait-il autrement lorsque l’on a vécu toute son inexistence comme des cochons ?
Pour le moment tout le monde est donc content à Cochon sur Terre, le meilleur des mondes.

mardi 5 mai 2009

Mirages, mirages, la reprise est au bout du tunnel!

Le saviez-vous ? Eh bien nous sommes sauvés ! Enfin presque… Car au cas ou vous ne le sauriez pas la bourse monte, monte, monte, à tel point que chacun se reprend à espérer, ou plutôt à Croire, qu’elle ne s’arrêtera plus de monter, pour toujours et jusqu’à la fin des temps. Alléluia !

Grâce à leur sagesse légendaire les marchés ont anticipé la reprise, la croissance, les profits, la consommation indispensable et le gaspillage institutionnalisé pour que tout reparte comme « avant », avant cette parenthèse malheureuse qui ne se reproduira jamais plus c’est promis, juré, craché. L’essentiel aujourd’hui c’est que la reprise soit dans la poche… des banques évidemment, et que plus rien ne l’arrête jamais plus.


Cochon-sur-Terre est sans dessus dessous et on peut le comprendre : la reprise serait donc au bout du tunnel ! On la sent, on la cherche et on veut la retrouver ; tous à vos groins donc, trouvons-là car elle est à notre portée, c’est sûr ! Et nous voilà tous groins en terre comme des chasseurs de truffes pourchassant la reprise et sa divine odeur dans tous les coins de feuilles de journaux, sur toutes les ondes de radio, de télévision ou d’internet, sous le tapis ou sur le rebord de la pissotière, n’importe où pourvu qu’on découvre ou elle se planque. La meilleure preuve qu’elle soit sur le point de se découvrir, d’elle-même en plus de tout, c’est que nos « illustres-gourous-qui-ne-se-trompent-jamais » l’ont vu… En rêve bien sûr, mais comme nous le savons pertinemment les rêves de nos grands prêtres bien aimés sont des prophéties d’une clairvoyance inouïe. Il y aurait même de la lumière au bout du tunnel, ce qui expliquerait pourquoi ils l’aient si bien repérée.

Nous pourrions nous demander légitimement pourquoi cette salope de reprise ne se dépêche pas un peu plus au lieu de nous faire attendre en proie à notre angoisse existentielle bien connue de singes mégalomanes version bling bling. Car on se demande vraiment ce qu’elle peut bien fabriquer au bout de ce sacré tunnel alors qu’il suffirait d’un peu de bonne volonté de sa part pour faire la moitié du chemin vers nous et nous l’autre moitié vers elle afin de la ramener en toute sécurité de notre coté du tunnel ou il fait si bon survivre, car il est certain qu’avec une tête en l’air pareille elle n’aura même pas songé à emporter son gilet de sauvetage jaune fluo « conseillé et obligatoire ». Mais pour cette fois nous ne dirons rien. Nous serions donc quittes et la bouderie cesserait enfin pour notre plus grand mal-être à tous, y compris le sien bien sûr. D’ailleurs si cela pouvait la faire revenir plus rapidement nous serions prêts à lui payer une cure de thalasso pendant une semaine afin quelle se remette définitivement dans la boue, avec massages et karcher en prime ; il parait que c’est bon pour la peau ! Mais non, au lieu de cela elle reste là-bas, au bout de ce maudit tunnel qui semble si long que c’est à peine si on la distingue dans un vague halo de lumière blafarde, dixit le Président des Etats-Unis d’Amérique.

Nous pourrions nous poser la question : peut-être est-elle malade cette reprise, après tout ? Peut-être est-elle tout simplement en train de crever d’indigestion dans un fossé au bord de la route, à la sortie du tunnel, ce qui expliquerait pourquoi nous la voyons de manière si floue. Imaginons qu’elle soit par terre, gisant dans des gravats de chantiers immobiliers inachevés, au milieu des trillions de dollars imprimés par la Fed pour nous sauver en la faisant revenir, alors que précisément elle serait en train de se noyer dedans car elle n’aurait jamais appris à nager dans un tel raz de marée de dollars dévalués. Imaginons que la reprise ne puisse plus se relever, assommée par tout ce papier, et qu’elle serait alors en train d’expirer sous nos yeux mal voyants, là au bout du tunnel, insensible à nos appels filiaux et à nos gémissements de fidèles abandonnés. Ou bien imaginons qu’elle soit dans le coma, c'est-à-dire en récession, ou pire encore dans un coma dépassé, c'est-à-dire en dépression !

Voilà peut-être l’explication de toute cette histoire : la reprise nous fait une dépression ! Voilà la vérité : elle est assise, là au bout du tunnel au milieu de la route (quelle folie !), car elle est en train de nous faire une dépression carabinée ! Oh c’est déjà arrivé, certes, mais là ce n’est vraiment pas le moment ; on peut même affirmer que çà tombe au plus mal. Vous pourriez dire qu’elle choisit toujours les plus mauvais moments pour nous faire une dépression celle-là ; vous auriez raison car à chaque fois c’est la même chose, elle nous fait une dépression alors que nous n’attendions rien, que tout allait bien dans le meilleur des mondes immondes possible, que nous étions enfin parvenu à bâtir une prospérité illimitée pour toujours, solide, incontestable et bien méritée.

Et patatra, voilà qu’elle nous refait une dépression !


Pourtant on ne peut pas dire que nous nous ménageons pour la faire revenir, jugez-en par vous-mêmes :


- Le PIB américain est en baisse de 6.1% au premier trimestre en rythme annuel, versus 6.3% sur le dernier trimestre 2008 ce qui représente la contraction la plus importante depuis plus de 50 ans.

- Les exportations US ont chuté de 30% au premier trimestre 2009.

- Les importations US ont chuté de 34.1% au premier trimestre 2009

- Les investissements des ménages et entreprises US ont chuté de 38% au premier trimestre 2009.

- Les ventes de GM ont reculé de 34% en Avril à 173.000 voitures.

- La faillite programmée de GM.

- La faillite de Chrysler.

- Le chômage officiel aux USA a augmenté de 631.000 personnes en Avril.

- Le déficit budgétaire US pour 2009 prévu à 12% du PIB mais montera sûrement beaucoup plus haut.

- Les USA ont 13.000 milliards de dettes.

- La Chine et les investisseurs étrangers n’achètent plus de bond du Trésor forçant ainsi la Fed à racheter de plus en plus de dettes (Report of Representative Mark Kirk, member of the House of Appropriations Comittee).

- Comment les USA vont-ils financer leur déficit abyssal de 2009, sans parler des suivants ?

- Défauts de payement des hypothèques en Californie : +19% en Avril.

- Plus de 2 millions de foyers américains saisis ou en défaut de payement.

- Les constructions de logements neufs aux USA en baisse de 38% depuis Janvier 2009.

- L’économie de la zone Euro va se contracter de 4.2% en 2009 (IMF).

- Zone Euro : les commandes industrielles en chute de 34.5% (source IMF).

- Allemagne 2009: contraction de l’économie entre 5 et 6% (IMF), le déficit budgétaire atteindra 5.5% du PIB (IMF) et la chute des exportations sera de 23% (IMF).

- UK 2009: PIB en baisse de 4.1% (IMF), la dette passera de 50% du PIB à 80% (IMF).

- Espagne 2009 : PIB en baisse de 3% (IMF), taux de chômage actuellement à 17.4% (IMF) devant atteindre les 20% dans les prochains mois (IMF), le déficit budgétaire prévu à 8% du PIB.

- France 2009 : Taux de chômage actuellement à 8.2% et atteindra les 10% à la fin de l’année (OCDE), déficit budgétaire de 6% (OCDE).

- Chine : + de 20 millions de chômeurs.

- etc,etc,etc…………………..


Franchement, de vous à moi, et sans vouloir faire de peine à nos « illustres-gourous-qui-ne-se-trompent-jamais », y en a marre ! Peut-être serait-ce l’occasion d’en finir une fois pour toute ? Peut-être faudrait-il qu’on la laisse crever au bout du tunnel au lieu de tenter de la récupérer comme à chaque fois, puisqu’elle nous refait le coup de la dépression si régulièrement, détruisant ainsi systématiquement nos efforts et notre prospérité bien-aimée ? Ne pourrions-nous pas l’oublier cette reprise, ne pourrions-nous pas nous en passer une bonne fois pour toute ? Peut-être faudrait-il faire le calcul de ce qu’elle nous coûte, car en fin de compte il serait bien possible qu’elle nous coûte bien plus cher qu’elle ne nous rapporte… On ferait peut-être une immense économie en la laissant au bout du tunnel, loin de nous, sans possibilité qu’elle nous refasse une dépression et qu’elle ne finisse par nous saper le moral avec ses sautes d’humeur d’enfant gâtée. Peut-être devrions-nous l’assassiner une bonne fois pour toute et s’en débarrasser au lieu de chercher à la faire revenir encore une fois avant qu’elle nous fasse à nouveau le coup de la dépression, comme d’habitude lorsque tout ira divinement bien dans le plus idyllique des paradis virtuel possible.


Pour conclure, et sans vouloir causer le plus léger doute à nos « illustres-gourous-qui-ne-se-trompent-jamais», il faut avouer que le rêve de ces derniers ne nous a pas convaincu étant donné la liste non exhaustive citée ci-dessus des coûts engagés et subis pour faire revenir la reprise. Certes ils nous clament avec des airs extatiques de savants de laboratoires illuminés que les chiffres, les foutus chiffres, sont meilleurs que prévus, que « c’est-mauvais-mais-tout-de-même-pas-si-mauvais-que-çà-bien-que-pas-terrible-c’est-sûr-mais-ne-vous-en-faîtes-pas-car-la-situation-est-entre-de-bonnes-mains ». Hum, le problème est peut-être que les « bonnes mains » en question sont aussi les mêmes qui nous ont flanqués dans le pétrin !

Et si la liste citée ci-dessus, au lieu de constituer la plus sûre voie vers la sortie de la dépression n’était pas, au contraire, une autoroute royale vers le précipice ? Se pourrait-il, en fin de compte, que « nos-illustres-gourous-qui-ne-se-trompent-jamais » se soient trompés ? Bien sûr que non ! Il vous suffit de relire la liste ci-dessus, non-exhaustive, de toutes ces nouvelles excellentes pour vous en convaincre : la reprise est bien au bout du tunnel et la preuve qu’elle nous attend c’est qu’il y a de la lumière ; la lumière de sa veillée funèbre…

Tout le monde est donc content à Cochon sur Terre, le meilleur des mondes.

samedi 2 mai 2009

Cent jours d'Obama: et après c'est Waterloo?

M. Barack Obama a fait ses premiers cent jours, comme d’autres leurs premiers pas. Il est d’ailleurs fort probable qu’il ait également fait ses premiers pas dans la foulée, si l’on peut dire.
Ces premiers pas, ou cent jours comme l’on voudra, ont suscité un enthousiasme peu commun, une joie quasi générale, le tout fruit d’une adulation qui serait passée pour grotesque partout ailleurs qu’à Cochon-sur-Terre. Néanmoins pour ridicule qu’ils puissent être ces attentes et ces espoirs projetés sur le Président américain sont proportionnels à l’angoisse qui tenaille Cochon-sur-Terre.

Certes nous conviendrons que l’homme semble sympathique, que son style décontracté et sa bonne mine sont agréables à voir, et que par comparaison avec ce qui lui précéda il est certain que nous sommes prêts à prendre des vessies pour des lanternes. Ceci expliquerait au moins en partie pourquoi les commentaires sont généralement positifs à propos des premiers pas de M. Obama. Ce serait d’abord de la reconnaissance de notre part qu’il soit à ce poste à la place de son prédécesseur.
Cela serait aussi l’explication du décalage que nous pouvons observer entre le sentiment très positif que le Président des USA génère à titre personnel dans le public et ceux plutôt sceptiques quant aux résultats de son gouvernement même si l’on a une certaine tendance à incriminer « la crise » et « l’héritage » plutôt que sa façon propre de gérer la situation. Car s’il est certain qu’il n’était pour rien dans la situation qui était la nôtre lors de son accession à la présidence, il n’en reste pas moins que ce qui s’est fait depuis pour affronter la crise reste de sa responsabilité, même si l’on ne peut pas demander que tout soit résolu en trois mois ; ni même en quatre ans d’ailleurs ; si tant est que l’on puisse demander la résolution de quoi que ce soit. En revanche ces trois premiers mois permettraient de distinguer les orientations principales de ce que devrait être la politique du gouvernement pour la durée de la présidence à venir, en théorie en tout cas. En cela nous pouvons faire plusieurs observations.
Il s’agit d’abord d’en bien distinguer les deux parties : le front extérieur et le front intérieur. A partir de là nous pouvons partir avant toute autre chose de la constatation que la politique du gouvernement US, tant intérieure qu’extérieure, est contrainte plus qu’elle n’est libre de ses choix, qu’elle est réactive, ou défensive si l’on préfère, plutôt qu’active. En d’autres termes le Président des USA et son gouvernement sont pressés par ce que l’on nomme « la crise », ou par « les événements », si l’on veut. Car c’est bien là le facteur sous-jacent à toute la politique américaine du moment, et ce sera le cas de plus en plus intensément dans les mois qui viendront au fur et à mesure que le sol se dérobera sous les pieds des acteurs politiques US. L’observation des faits nous permet de dire que les politiques US n’ont pas encore pris la mesure de l’ampleur réelle de cette crise ni ce qu’elle impliquait pour eux et leur pays. Ils ne sont d’ailleurs pas les seuls. C’est pourquoi nous avons le sentiment qu’ils courent après la crise, qu’ils arrivent toujours immanquablement après elle et qu’ils en sont tenus à improviser dans l’urgence après qu’elle soit passée là ou ils ne l’attendaient pas. Même les dégâts provoqués et constatés sont encore appréhendés en sous estimant la gravité de la situation ce qui a pour résultat que les mesures prises se révèlent rapidement insuffisantes et donc inappropriées, ce qui implique une succession de mesures d’urgence qui, chacune, ne fait que révéler l’échec de la précédente. Car la crise n’est pas ici ou là : non, la crise est partout à la fois puisque c’est une crise systémique ; elle s’approfondit en disloquant tout le système sans que rien ne puisse la stopper.

Sur le front extérieur nous pouvons voir cela très lisiblement. D’une part il y a la volonté réelle du Président de donner un autre tour aux relations des USA avec le reste du monde, une volonté d’apaisement en opposition complète avec la politique menée par l’administration précédente. Il n’y a aucune raison de ne pas voir dans cette inflexion un choix et une conviction du Président actuel avec pour objectif de maintenir les intérêts américains fondamentaux et non pas par pure charité, comme voudraient nous le faire croire nombre d’illuminés. D’autre part il n’en n’est pas moins vrai que ce désir d’apaisement soit doublé d’une nécessité absolue de réduire les engagements militaires du pays, à la fois pour des raisons financières mais aussi stratégiques ; par exemple l’armée US, exsangue, ne pouvant plus faire face matériellement aux tensions auxquelles la précédente administration l’avait soumise en la faisant intervenir sur plusieurs fronts à la fois. L’Irak, l’Afghanistan et maintenant la question mexicaine : il a fallu choisir et l’extrême gravité de la situation mexicaine et de ses conséquences directes pour les USA l’a emporté sur tout autre considération ; d’où le retrait planifié d’Irak et l’apaisement avec l’Iran dont on a grand besoin pour la question afghane, comme avec la Russie et la Chine. Mais cette stratégie même trahit l’incompréhension de l’ampleur de la crise qui touche le pays ; crise temporaire qui forcerait à sacrifier le moins essentiel pour conserver ce qui parait le plus important. Alors que dans quelques mois, dans une année peut-être, ce qui parait essentiel aujourd’hui sera vu comme secondaire et probablement abandonné sous pression alors qu’une vision claire de la crise aujourd’hui aurait permis de faire des choix cohérents à plus long terme, certes plus spectaculaires et radicaux mais permettant de minimiser les dégâts en préparant l’avenir. C’est toujours l’illusion que rien de vital n’est touché et qu’il suffit de préserver le plus important en attendant que cela passe et que le bon vieux temps revienne. Mais il ne reviendra pas.
Il est donc certain que sur le front extérieur le Président a imprimé une nouvelle orientation à la politique des USA par rapport à celle de la précédente administration, dans la forme tout au moins, mais en maintenant la doctrine de fond qui est de préserver au mieux la prééminence de son pays sur tous les autres. On cède donc en apparence tout en prenant garde de ne rien laisser filer derrière le paravent. Le G20 en fût une bonne illustration :
- L’appel de la Russie, de la Chine et d’autres à étudier la possibilité de créer une nouvelle monnaie de référence autre que le dollar a été combattu farouchement par les USA et à été reporté sine die. En apparence en tout cas puisque l’idée a été lancée et qu’elle aura très certainement de beaux jours devant elle. Plus la crise s’approfondit plus le dollar a de chance de s’effondrer et en conséquence de cesser d’être la monnaie de référence, ce à quoi la Chine notamment se prépare activement en diversifiant ses avoirs en dollar et en se constituant des réserves d’or (75% de hausse depuis deux ans correspondant à mille tonnes avec le désir affiché de porter ces réserves à 5000 tonnes). La Russie et la Chine n’ont-ils pas émis toutes deux l’idée d’une monnaie de réserve indexée sur l’or ?
- Au G20 toujours, les USA ne se sont ils pas opposés à un organisme de régulation international, imposant des régulations nationales en lieu et place, tentant ainsi de préserver cette place dans la finance mondiale qui leur a si bien réussi ?
Ces exemples sont intéressants en ce qu’ils montrent à nouveau que la politique soit disant nouvelle du Président des USA revient à suivre la ligne traditionnelle de la politique de ce pays depuis la dernière guerre, débarrassée des folies et de la paranoïa de la dernière administration, ce qui veut dire maintenir leur prééminence sans provocations inutiles. Si les USA avaient accédé à ces deux demandes de leurs collègues du G20, cela aurait eu pour condition le renoncement à leur prééminence au profit d’un partage des rôles avec d’autres partenaires, c’est à dire la reconnaissance de leur affaiblissement général. Ils auraient pu alors aisément montrer la direction des réformes et les mener à bout avec la bonne volonté soulagée de tous les autres. Cela leur aurait également permis de conserver une place de choix dans la nouvelle organisation et probablement d’éviter la catastrophe à venir qui pourrait bien leur faire perdre ce qu’ils auraient pu conserver en se plaçant en tête des réformateurs. Une occasion perdue par aveuglement sur la situation réelle encore une fois.

Sur le plan intérieur le Président ne s’est pas démarqué de la politique économique de son prédécesseur. Comment l’aurait-il pu puisqu’il a pris ceux qui ont crée les conditions du désastre actuel, c'est-à-dire ceux qui ont abrogé le « Glass-Seagall Act » et le « Shad-Johnson Juridictional Act » signés par Clinton sur proposition républicaine. Il faut bien comprendre que ces dérégulations furent prises avec l’aval des républicains comme des démocrates, sur les pressions intéressées des banquiers de Wall Street, ceux qui en profitèrent le plus avant de s’effondrer et de se faire renflouer avec l’argent du contribuable. Par conséquent il ne faut pas s’étonner que la politique économique d’Obama ne diffère en rien de celle de Busch ; c’est parfaitement normal puisqu’elle est conçue par les mêmes quelle que soit l’administration en place. De plus comment ne pas garder en mémoire que les plus gros contributeurs de la campagne électorale d’Obama sont ces mêmes banques d’affaires dont sont issues les promoteurs des plans et autres bail-out destinés à sauver… Qui veut un dessin ?
En revanche nous ne pouvons pas préjuger de l’avenir. En effet nous pouvons supposer que la politique de sauvetage des banques qui est actuellement suivie depuis le mois de Septembre, puisqu’il n’y a pas de changement, est plus ou moins imposée au Président par ses conseillers, Larry Summers en tête. Mais quelle sera l’attitude d’Obama lorsqu’il sera avéré que cette politique est un échec complet ? Se tournera t’il alors vers des gens qu’il a ostensiblement ignoré jusqu’alors, tels Krugman et Stiglitz, contraint et forcé par les circonstances, encore une fois ? Cela reviendrait à entériner une rupture brutale avec les banques d’affaire qui passeraient par leur mise sous « receivership », sur les conseils d’économistes indépendants du sérail car n’appartenant pas à Wall Street. Ce serait aussi l’occasion pour le Président de montrer son indépendance et de bénéficier d’un soutien populaire renouvelé à travers tout le pays tant le mécontentement à l’égard de Wall Street atteint des sommets au fur et à mesure que la situation se dégrade. Cela dit même si cette évolution se confirmait, ce que nous croyons probable pour notre part, cela n’implique pas le moins du monde que M. Obama soit un réformateur, et encore moins le révolutionnaire que certains voient en lui. Ceux-là font passer leurs fantasmes pour des réalités qui ne viendront certainement jamais. FDR a déjà ouvert la voie d’un interventionnisme d’Etat avec le New Deal et le passage du Glass-Steagall Act par exemple. Et puis si cela avait été le cas Obama aurait saisi l’occasion dés le 20 Janvier au lieu de quoi il s’est entouré des conseillers habituels des administrations démocrates, dont beaucoup viennent de l’administration Clinton. Et même lorsque le Président parle de Paul Volcker c’est encore d’un membre du sérail qu’il s’agit. Rien de nouveau sous le soleil.
Certains se pâment devant les mesures annoncées par le Président en faveur des énergies renouvelables comme si c’était la preuve d’une originalité révolutionnaire et débordante. Mais là encore rien n’est neuf dans ces propositions puisqu’elles ne font que reprendre plus ou moins les programmes que le parti Démocrate propose depuis des années. Il suffit de se souvenir de Al Gore et de son engagement en faveur de l’écologie. D’autres encore défaillent d’admiration face à la volonté présidentielle de s’attaquer au serpent de mer de la Sécurité Sociale ainsi qu’à la reforme de Medicare et Medicaid, comme si c’était la première fois que de telles initiatives se produisaient. Là encore rien d’original pour un Démocrate, il suffit de se rappeler les tentatives de la présidence Clinton à ce sujet, même si cela resta dans les cartons face au tollé soulevé à l’époque par ces tentatives.

Si les cent premiers jours de M. Obama à la présidence des USA sont une rupture ils ne le sont que par rapport à la politique de la précédente administration mais certainement pas par rapport à la politique traditionnelle des USA depuis la fin de la deuxième guerre mondiale, et encore moins par rapport aux programmes du parti Démocrate traditionnel. En politique extérieure le désir de maintenir la prédominance de son pays dans les affaires du monde reste bien ancré et le Président Obama travaille à le maintenir autant qu’il le peut et que la situation le permet, tout en retrouvant des formes plus propres à la faire accepter par les autres pays. En politique intérieure le Président a repris les programmes écologiques et du « Welfare State » que le parti Démocrate a déjà proposé depuis des années par l’intermédiaire de ses candidats aux présidentielles. Sur le plan économique la politique d’Obama ne diffère pour le moment en rien de la politique économique de n’importe quelle administration depuis Reagan, et s’il lui arrivait de placer les banques sous « receivership » il ne ferait rien de plus que FDR n’avait fait avant lui.
Nous ne voyons donc pour le moment aucune trace d’une amorce de changement radical ou que ce soit, ni sur le plan extérieure ni sur le plan interieure, et nous ne pensons pas qu’il y en aura car cela impliquerait une mutation complète de la perception de la situation des USA non seulement de la part du Président lui-même mais aussi de ses conseillers et du parti Démocrate. Car seul M. Obama ne pourrait rien faire. De plus jusqu’à aujourd’hui rien dans l’attitude du Président n’a pu laisser transparaitre une velléité quelconque ni même une capacité de changement radicale allant à l’encontre du système actuellement en place.
C’est pourquoi les cent jours de M. Obama à la Maison Blanche laissent craindre que le Président des USA persévère dans sa politique actuelle jusqu’à ce que la crise ne ramène tout le monde sur terre. A ce moment là, dans la morne plaine de Waterloo nous attendrons Grouchy vainement.
Mais pour le moment tout le monde est content à Cochon sur Terre, le meilleur des mondes.