lundi 31 janvier 2011

De la révolution et du sexe virtuel.

Cette fois çà y est, c’est pour de bon !
Quoi « pour de bon » ?
Eh bien la REVOLUTION ! Le grand soir si vous préférez...
Tunisie, Egypte, Yemen, Jordanie, peut-être même Syrie et j’en passe, sans compter tous ceux qui risquent de suivre.
A voir.

Quelle excitation n’est-ce pas ! Voir tous ces gens dans la rue criant et lançant des pierres aux flics où faisant face aux chars avec leurs poings. Eh bien oui il faut l’avouer cela fait des effets peu avouables à tous nos braves bobos et intellos de service parisiens. Bien évidemment on ne voudrait pas de ces désordres chez nous, on ne voudrait pas que notre confort moraaaaal et physique ne soit perturbé le moins du monde par les désordres que l’on célèbre chez les autres au nom de nos superstitions politico-moralo-idéologiques enduites dans la naphtaline depuis deux cent ans.

Alors on pleure de joie, on piaille, on piaffe et on sautille pour manifester sa «solidarité », sa «haine» du tyran de service, son amour des «populations locales» et bla bla bla... Bref on projette ses fantasmes à pleines brouettées sur les motifs réels de ces révoltes et de la colère des populations dont on se sent si proche et solidaire grâce à dame TV où Internet.

C’est un peu comme le sexe virtuel ; on y est sans y être ; on croit en avoir les sensations sans aucun danger d’attraper la schtouille, sans aucune possibilité que cela tourne à l’échec, sans craindre que l'érection ne vienne pas... Et puis on ne risque pas de se prendre une gifle...
C’est toute la beauté de la virtualité et de la manie de l’abstraction généralisée qui a gagné les cervelas depuis les grandes idéologies qui sont nées au XIXeme et qui ont provoquées les ravages que l’on sait au cours du siècle suivant.

Aujourd’hui pourtant on continue dans cette lignée en ayant oublié de manière très utile que toutes les soit-disant révolutions grandioses avec lesquelles on nous a bassiné tout au long du siècle dernier se sont invariablement terminées dans des bains de sang en provoquant des catastrophes inimaginables.

La question à se poser aujourd’hui serait plutôt de se demander avec quelques craintes : et après ?
Que se passera t’il lorsque tout le Moyen-Orient sombrera dans la révolution tant souhaitée par nos intellos et que le baril de pétrole sera à $ 200 ?

Eh bien nous réapprendrons à faire du vélo et à utiliser nos jambes.
Et puis nous recommencerons à nous prendre des gifles...

vendredi 14 janvier 2011

L'affaire Khodorkovsky - 2eme partie -



2. Khodorkovsky : du paria au martyr.


Khodorkovsky est né en 1963 de parents qui travaillaient dans la même entreprise ; sa mère était ingénieur et son père « technicien en chef ».
Il a mené des études de chimie à l’université tout en gravissant les échelons des sections des «Jeunesses communistes» de son université dont il finira par devenir un des responables.

Les Komsomols

C’est là un point capital dans la vie de Khodorkovsky pour trois raisons:

- A l’époque soviétique faire partie des Komsomols était la voie impériale, peut-être la seule, pour s’ouvrir les portes du pouvoir où à tout le moins d’entrer dans la sphère de la haute hiérarchie du parti, c’est à dire la nomenklatura ; et par conséquent d’avoir la possibilité d’obtenir les postes les plus intéressants de la société soviétique d’alors.
- De plus c’est par son passage dans les Komsomols que Khodorovsky se créera les réseaux qui, plus tard, lui permettront de « faire fortune »...
- C’est grâce au fait qu’il était responsable des komsomols de son université qu’il aura à sa disposition les fonds d’Etat qui lui permettront de mettre sur pied ses premières affaires.

C’est ainsi qu’en 1987, lorsque les décrets de Gorbatchev sur l’autonomie de gestion des entreprises paraissent, il crée une entité nommée MENATEP, coopérative ayant pour but d’encourager l’invention et l’innovation dans le secteur industriel. Ces coopératives des Jeunesses communistes étaient une idée de Gorbatchev qui voulait introduire la compétition dans l’économie soviétique afin de promouvoir la productivité des entreprises d’Etat et améliorer la qualité des produits par la compétition avec ces coopératives financées par le Parti à travers les Komsomols. D’où l’importance essentielle à cette époque d’être à un poste de responsabilité dans les Komsomols puisque l’on avait à sa disposition les fonds d’Etat distribués pour encourager l’initiative privée. La plupart de ces coopératives finirent entre les mains de ceux qui distribuaient ces fonds précisément. Khodorkovsky ouvrit un café, puis transforma sa coopérative en entité commerciale ce qui lui permit de se lancer dans toute sorte de commerces, jeans délavés, cognac français fabriqué en Pologne (sic), et surtout la vente d’ordinateurs, commerce très lucratif à cette époque puisqu’il consistait à importer des ordinateurs dont plus personne ne voulait à l’Ouest en raison de leur vétusté et à les vendre en Russie avec de très grosses marges.

Menatep

Mais les affaires sérieuses commencèrent lorsque MENATEP se transforma en banque en 1990. A ce moment-là l’Union Soviétique était en train de disparaître et les Komsomols étaient devenues des coquilles inutiles mais remplies de l’argent que le Parti leur avait abondamment fourni pour encourager les fameuses coopératives de Gorbatchev. Cet argent d’Etat ne fût pas perdu pour tout le monde. Les responsables des Komsomols se l’approprièrent tranquillement et c’est de cette manière que les premières banques du pays furent crées, dont celle qui deviendra une des principales, MENATEP.
Mais tout le monde ne créa pas de banque. En revanche tout le monde en eut soudain un urgent besoin, la marché noir et les trafics les plus douteux se développant à la vitesse de l’éclair, c’est-à-dire en proportion de l’effondrement de l’autorité de l’Etat. C’est ainsi que ces banques nouvelles se montrèrent particulièrement accommodantes et compréhensives pour les demandes de ces nouveaux clients enrichis par l’appropriation illégale de biens d’Etat comme par les trafics les plus divers et les moins avouables. MENATEP fût une des plus active, celle vers qui tous les anciens apparatchiks reconvertis dans le « commerce » dirigeaient les fonds qu’ils voulaient mettre à l’abri. Car Menatep fournissait des «services financiers» très particuliers à ces groupes de soit-disant entrepreneurs, plus apparentés à la mafia qu’à tout autre chose. Ces « services » consistaient à changer des roubles contre des dollars puis à sécuriser ces derniers sur des comptes off-shore, principalement la Suisse, Gibraltar, Chypre, l’Ile de Man où encore Panama. C’est ainsi que des milliards de dollars furent «sécurisés» off-shore à travers des myriades de sociétés-écrans domiciliées dans le monde entier, transitant par New-York comme le scandale de la banque of NY le montra en 1999, affaire de blanchiment d’argent internationale dans laquelle MENATEP fut sérieusement impliquée.

A partir de la chute du communisme c’est encore grâce à ses relations dans les instances dirigeantes que Khodorkovsky fût nommé au Ministère du fuel et de l’énergie. Cette nomination, assez brève, lui permit de consolider les liens qu’il avait avec tous les bureaucrates utiles du gouvernement et de l’administration, notamment les pontes du ministère des finances, la plupart d’anciens apparatchiks reconvertis dont beaucoup finirent en taule pour corruption et vol de biens d’Etat. C’est grâce à ce réseau de relation que MENATEP fut « choisie » si souvent par de nombreuses sociétés d’Etat russes d’exportation non encore privatisée pour gérer leurs fonds ; où encore que la banque fut désignée pour gérer les fonds destinés à liquider l’accident de Tchernobyl. Ce fût aussi MENATEP qui géra les fonds du service des impôts de l’Etat russe, ceux du ministère des finances où du gouvernement de la ville de Moscou, où encore les fonds provenant de l’exportation d’armement. Bref MENATEP s’imposa comme l’ une des banques privilégiées du gouvernement russe pour «gérer» les fonds qui lui passaient entre les mains.

C’est ainsi que lorsque les privatisations commencèrent en 1992 MENATEP ne pouvait pas être mieux placé pour en profiter au mieux de ses propres intérêts. De plus les entreprises privatisées étaient souvent celles dont les fonds étaient «gérés» par la banque qui l’achetait dans des enchères truquées à l’avance. Beaucoup dirent qu’en fin de compte ce furent les fonds des entreprises privatisées qui permirent leur rachat par les banques qui avaient leurs fonds en dépôt...

Apatit et Avisma

En 1994 une société du nom d’APATIT fût mise aux enchères, une vente bidon où Khodorkovsky s’arrangea pour que seules 4 sociétés lui appartenant puissent être qualifiées pour enchérir à l’exclusion de tout autre enchérisseur. En conséquence 20% des actions furent achetées par Khodorkovsky et ses associés pour la somme « énorme » de $220.000. APATIT, à l’époque, était valorisée à $1,4 billions. Mais cet achat était soumis à une condition : il fallait que les associés investissent $283 millions dans la société. Inutile de dire que non seulement aucun investissement ne fût effectué dans la société mais que Khodorkovsky ignora superbement les ordres de la Cour réclamant la restitution des 20% d’actions achetées pour contrat non rempli. De plus il revendit ses 20% à sa banque MENATEP qui elle-même les revendit à une compagnie off-shore.
Les sociétés off-shore sont un élément essentiel des trafics de Khodorkovsky comme de tous les autres oligarques. Dans le cas qui nous occupe APATIT vendait ses produits à des sociétés off-shore appartenant à des hommes de paille de Khodorkovsky à des prix beaucoup plus bas que ceux du marché qui elles-mêmes les revendaient aux prix du marché international. Il y avait deux conséquences prinicpales à ces procédés:

L’Etat était floué puisque les impôts sur les bénéfices étaient minimes, lorsqu’il y en avait.
Les actionnaires minoritaires étaient volés également puisque les bénéfices étaient transférés à des sociétés off shore ne leur appartenant pas.

C’est pour cette raison que lors de son premier procès Khodorkovsky fût condamné dans cette affaire pour avoir spolié les actionnaires d’APATI et la société elle-même de plus de $200 millions; sans compter le manque à gagner pour l’Etat.

AVISMA, qui fût achetée en 1995, subit le même traitement que les autres en ce sens que la société vendait sa production de minerais (titane principalement) à des prix plus bas que ceux du marché à des sociétés off-shore appartenant à Khodorkovsky ; à leur tour ces sociétés revendaient la marchandise aux prix internationaux souvent avec 100% de marge. Encore une fois cela évitait de payer des taxes à l’Etat et les dividendes aux actionnaires minoritaires.

Yukos

En 1995 le gouvernement de Yeltsin fût confronté à deux problèmes :

1) il était à court d’argent malgré les coupes successives de plus en plus drastiques dans les budgets de la sécurité sociale, de la santé et des dépenses d’armement, après avoir survécu pendant quelques années en vendant (en bradant) 85.000 petites entreprises. Mais en 1995, il restait à l’Etat un très beau patrimoine ; en fait ce qui restait à l’Etat russe constituait les joyaux de la couronne comme Norilsk Nikel, Gazprom où Rostelecom entre autres ; et c’était précisément cela qui faisait saliver les oligarches. L’idée était de créer un noyau d’investisseurs ayant les moyens financiers de remettre d’aplomb les entreprises les plus prestigieuses de l’ère sovietique. Les banquiers y étaient prêts. Il y avait donc des acheteurs et un vendeur. Tout allait bien ? Eh bien non car il y avait un sérieux obstacle ; cet obstacle c’étaient les représentants du parti communiste, entre autres, à la Douma qui refusaient obstinément toute vente des actifs industriels russes dans le domaine du pétrole, des mines où du gaz.

2) le second problème étaient les élections présidentielles qui se rapprochaient car les sondages effectués donnaient gagnants les communistes, ceux la même qui refusaient la grande braderie du patrimoine industriel russe si chère aux oligarches. Mais surtout il était sérieusement à craindre que si les communistes revenaient au pouvoir ces derniers pourraient remettre en cause le pillage de cette partie du patrimoine de l’Etat russe qui avait déjà eu lieu en 1992-1993.

Pour résoudre ces deux problèmes les oligarches proposèrent ceci :

1) Pour assurer la réélection de Yeltsin, vitale pour eux, ils mobilisèrent l’argent nécessaire pour le maintenir au pouvoir et mirent les médias qu'ils contrôlaient à sa disposition.
2) En contrepartie on organisa la grande braderie entre nous. Mais il fallait un peu d’imagination pour faire passer la pilule.
Le banquier Vladimir Potanine imagina ce plan : puisque le parti communiste refusait toute vente d’actifs industriels l’Etat russe allait emprunter aux banques des oligarches l’argent dont il avait besoin et le prêt obtenu serait gagé par des actions des groupes industriels qu’il ne pouvait pas vendre à cause des communistes, entre autres. Mais ces derniers ne voulaient pas non plus que des groupes étrangers puissent mettre la main sur ces sociétés. Qu’à cela ne tienne, on s’arrangera entre soi, entre russes, entre oligarches (c’est-à-dire pas plus de sept personnes) ; il sera interdit aux étrangers de participer aux enchères. Cela avait un autre avantage : les prix d’estimation seraient ainsi gardés exceptionnellement bas pour permettre aux Russes de participer... C’est ainsi que l’on chargea les banques des oligarches (et la première d’entre elles Menatep) de donner une valeur aux sociétés sur lesquelles elles mettraient des enchères pour avoir « le droit » de prêter de l’argent au gouvernement en échange des actions des sociétés qu’elles avaient valorisé et qu’elles détiendraient en gage. Et si l’Etat faisait défaut sur les prêts, eh bien les oligarques garderaient leurs actions... tant pis pour eux...

C’est ainsi que les oligarques se retrouvèrent de facto propriétaires des plus belles entreprises du pays, aux ressources extraordinaires, pour des sommes dérisoires :
Quelques exemples :
- Potanine mit la main sur Norilsk Nikel, le plus grand producteur de nikel du monde.
- Berezovsky et Abramovitch achetèrent la moitié du groupe pétrolier Sibneft pour$100 millions (Abramovitch vendit ses 25% quelques années plus tard pour $9 milliards)
- Khodorkovsky obtint 78% de Yukos pour $309 millions (en 2003 cette société était valorisée $25 milliards et $40 en 2007).

Khodorkovsky was the biggest winner in a process that saw the transfer of some 70 percent of the wealth of the former Soviet Union into the hands of barely a dozen individuals. It involved the wholesale shutdown of industries, the wiping out of millions of jobs and the shipping out of the country of several hundreds of billions of dollars.
For the broad masses of working people in the former Soviet Union the process that made Khodorkovsky one of the world’s richest men was an unmitigated catastrophe, resulting in an unprecedented destruction of jobs and incomes.
The Russian government has estimated that 31 million Russians—more than 20 percent of the population—are today subsisting on less than $50 a month. A recent United Nations, survey, meanwhile, found that half the country’s population is living in poverty; and the Russian State Statistics Committee last year revealed that more than 40 million Russians suffer undernourishment on a regular basis. Social polarization in Russia rivals that which exists in Latin America, while the destruction of both living conditions and the health care system sent the country’s life expectancy plummeting to 57 and resulted in a population loss comparable only to periods of catastrophic wars, plagues and famines.
(Sources : Bill Vann - 4 Novembre 2003)

C’est en s’assurant de la réélection de Yeltsin que les oligarques parvinrent à mettre la main sur l’Etat.

« The worst corporate governance abuser in the world ».

Durant cette période 1995-2000 Khodorkovsky et Menatep se forgèrent une réputation atroce dans le monde entier. Ils furent réputés pour se livrer aux pires abus possibles et imaginables (économiques et autres), attitudes qui valurent à Khodorkovsky en 2000 le titre peu enviable de « worst corporate governance abuser in the world ».

Il y avait bien sûr l’habituelle myriade de sociétés off shore qui permettait de siphonner hors de Russie des milliards de dollars sur lesquels ni l’Etat russe ni les actionnaires minoritaires ne touchaient un kopeck. Ce qui revenait à pratiquer non seulement l’évasion fiscale à grande échelle mais aussi du détournement de fonds, abus de bien social etc... Bien sûr tout le monde faisait la même chose, où en tout cas tous les oligarques, mais personne ne le fit à l’échelle du management de Yukos. C’est d’ailleurs ainsi que le manque de rentrées fiscales mena la Russie au défaut de payement; entrainant la dévaluation du rouble qui mena les principales banques russes à la faillite, dont MENATEP.
Outre l’expropriation systématique des actionnaires minoritaires de toutes les sociétés faisant partie de la galaxie Yukos-Menatep, ces abus consistaient aussi à s’arranger pour ne pas rembourser les emprunts accordés. C’est ainsi que MENATEP avait obtenu des prêts à concurrence de $266 millions qu’elle avait gagée contre des actions représentant 32 % de Yukos : les créditeurs étaient Daiwa Bank, Standard Bank of South africa et West Merchant Bank. Ces dernières refusèrent un étalement de leurs crédits sur trois ans proposés par Khodorkovsky et saisirent les actions de Yukos qu’elles avaient en gage. C’est alors que Khodorkovsky commença à vendre tous les actifs les plus rentables de Yukos à ses propres sociétés off shore et dans le même temps menaça les trois banques de dissoudre leurs actions de Yukos en créant des millions de nouvelles actions. Les banques paniquèrent et vendirent leurs actions avec de grosses pertes, actions qui furent rachetées par ... Khodorkovsky à travers des sociétés off shore.

Il y avait un autre minoritaire, un investisseur américain qui avait injecté $100 millions dans trois unités de production de Yukos et qui entendait bien ne pas se laisser faire. Mais en Mars 1999 il fût exclu de l’assemblée des actionnaires, il vit ses parts diluées par le triplement du nombre d’actions de Yukos et les actionnaires décidèrent de continuer à vendre le baril de pétrole de Yukos pour $1,50 à des sociétés off shore (on connaît le schéma) alors qu’à cette époque le baril de pétrole se vendait déjà $30 (on imagine les sommes détournées ... Le Parquet russe parle de $20 - $25 milliards).

Still, Khodorkovsky's name was mud for the rest of 1999. Dart took out a series of full-page ads complaining about Yukos in The Wall Street Journal, The New York Times and The Washington Post. Investors appealed to the US government, World Bank and other global institutions for assistance, all of whom condemned Yukos. After a survey of corporate governance practices in 25 emerging markets in November 2000 put Russia dead last, Yukos had a good claim on the title of "worst corporate governance abuser in the world."
(Sources : 06.09.2010 - Ben Aris - )


Du paria au martyr : une campagne de propagande remarquable.

Dés que Khodorkovsky se fût assuré du contrôle de toutes les sociétés et filiales de Yukos en expropriant les actionnaires minoritaires et en éliminant tous ceux qui lui résistaient (voir note 1), il rapatria les actifs qui avaient été mis sous contrôle de ses sociétés offshore et il se consacra au développement de la production de Yukos. Des investissements furent effectués dans les infrastructures qui en avaient bien besoin, la production de pétrole fût poussée au maximum pour générer le plus de revenus possible à un moment où le prix du pétrole, comme dit plus haut, était déjà monté à $30 par baril. Les profits devinrent colossaux et Yukos devint un des plus gros producteurs de pétrole du monde (jusqu’à produire 1,1 millions barils par jours), représentant 40 % de la production russe, la Russie étant le second producteur mondial.
Malgré cela il reste, comme on l’a vu plus haut, que Khodorkovsky, et à travers lui Yukos et Menatep, étaient vus dans le monde des affaires comme les pires gangsters qui existaient et en conséquence des gens qu’on ne pouvait fréquenter ni de près ni de loin sous aucun prétexte. Et bien entendu des gens avec lesquels on ne pouvait avoir aucune relation d’affaire sauf si on voulait se faire voler à coup sûr ; dans ce dernier cas il aurait été plus rapide, et moins coûteux, de leur donner directement l’argent dans un compte off-shore plutôt que d’investir dans une société dont on se serait fait déposséder à coup sûr quelques mois seulement après y être entré.

Donc en 2000 Khodorkovsky était encore un paria, habillé à la soviétique comme le montrent les photos de lui à cette époque, un homme assis sur une fortune à l’origine plus que douteuse mais qui s’accroissait de manière fulgurante en raison de la hausse des prix du pétrole et de la production de Yukos qui, comme déjà dit, était poussée au maximum des possibilités de production. Mais Khodorkovsky était un homme qui voulait développer ses activités à l'extérieur de la Russie. Or avec la réputation d’être le plus grand escroc de Russie, et dieu sait qu’il y avait de la concurrence ! sans compter les soupçons de meurtres commandités par Yukos-Menatep (Note 1), personne n’aurait voulu le recevoir ni de près ni de loin, et encore moins faire une affaire avec lui. Il lui fallait donc obligatoirement ravaler la façade et s’acheter une réputation plus convenable pour s’attirer les bonnes grâces des Occidentaux.
Il lui fallait apprivoiser les Occidentaux en adoptant leurs manières de faire afin de les tranquilliser suffisamment pour libérer leur appât du gain ligoté par la peur. En un mot il fallait les rassurer en parlant le même langage qu’eux.

« A group of bankers from Brunswick (which later sold out to UBS in 1997) went to see Khodorkovsky and explained that the most he could ever get out of Yukos was the $2bn annual revenue. But if he could turn his image round, then he could make far more from the share appreciation; at the start of 1999, Yukos' shares were trading at a price/earnings multiple of 1.3x, way below its Russian peers that were trading at multiples of 6.8x.

Khodorkovsky seized on the idea and threw himself into the task of cleaning out his own Aegean stable. It is a testament to the shortness of investors' memories that he was so spectacularly successful. Within three years, Yukos was the doyen of good corporate governance in Russia and Khodorkovsky was the 16th richest man in the world.»
(Sources : 6 September 2010 - Ben Arris - Moscow)

Ce vocabulaire lui fut expliqué par ces banquiers qui lui montrèrent qu’il pouvait devenir encore beaucoup plus fortuné en rendant ses actionnaires plus riches plutôt que de les voler ; pour cela il fallait transformer sa manière de gérer Yukos en se mettant aux normes occidentales et non pas en restant à celles de la mafia. Il fallait apprivoiser les Occidentaux et pour cela il fallait les rassurer en leur faisant oublier ce qu’ils savaient de lui. Il est vrai que l’argent aide énormément à faire oublier ce qui dérange... Pour ce faire, donc, on monta une énorme campagne de relations publiques pour rehausser l’image de Yukos-Menatep-Khodorkovsky de manière à « se faire des relations » utiles dans l’establishment occidental, et particulièrement US, afin de trouver des moyens et des individus capables de l’aider à développer ses affaires encore plus rapidement de façon à ce qu’elle deviennent encore plus lucratives.
Donc on paya.
Mais on paya intelligemment, là où il fallait en fonction de qui on avait besoin.

The campaign was due to kick off in 2000, so in December 1999 Khodorkovsky bought off Yukos' most vocal critic, Dart, by paying him a reputed $120m-160m for his remaining shares, or roughly what Dart had invested in the first place. More importantly, Dart agreed to a gagging clause, so that even former employees like Papesh, who were so vocal in the 1990s, wouldn't comment for this report.»
(Sources : 6 September 2010 - Ben Arris - Moscow)

Une fois le plus dangereux et bruyant des détracteurs de Khodorkovsky acheté et réduit au silence, la campagne publique commença. Elle fût si bien menée, de manière si efficace, qu’en trois ans, celui qui se vit refuser en 2000 une entrevue demandée à Mme Condoleezza-Rice, devint aux yeux des médias occidentaux le parangon de la gestion transparente et rigoureuse à l’Occidentale, celui qui introduisit en Russie les méthodes occidentales de comptabilité, celui qui recruta des occidentaux pour l’aider à développer Yukos etc...

Apparemment il y eut deux axes dans cette politique de restauration de façade de la triade Yukos-Menatep-Khodorkovsky :

1) Le recrutement de la société APCO, filiale de Grey Advertising, une des plus importantes sociétés de publicité et de relations publiques du monde. C’est ainsi que Margery Kraus, Président de APCO, devint membre du conseil de Menatep Group (le holding basée à Gibraltar qui détenait la majorité des parts de Yukos. La banque du même nom avait fait faillite en 1998. Rassurez-vous cette faillite n’a rien coûté à Khodorkovsky contrairment aux petits épargnants, aux actionnaires minoritaires et aux créditeurs). On dit que Khodorkovsky dépensa $300 millions en relations publiques en trois ans. A comparer aux minables $15 millions attribués à la Open Russia Fondation crée par Yukos sur les conseils de APCO afin d’améliorer son image aux yeux des occidentaux. On fit appel à un certain nombre de figures de l’establishment occidental, essentiellement anglo-saxon, afin de cautionner l’homme nouveau, fréquentable donc, voire recherché, qu’entendait devenir Khodorkovsky. C’est ainsi qu’on vit soudain Henry Kissinger devenir membre du conseil de la fondation en compagnie de Lord Jacob Rothschild, tout comme Khodorkovsky se retrouva soudain propulsé dans des réunions ultra sélect où il put côtoyer Warren Buffet et Bill Gates où encore Georges Soros. En ce qui concerne la Open Russia Fondation les activités de celle-ci laissent transparaître une volonté manifeste de se faire des relations dans les milieux occidentaux influents, essentiellement US (par exemple don de $100.000 aux charité de Laura Busch, don à la Librairie du Congrès de $1.000.000 etc...), plutôt que tout autre chose.

2) L’autre axe fût d’investir dans des fonds où des compagnies puissantes, détenues par des personnages influents. Le plus emblématique fûrent les $100 millions investis dans le Carlyle Group dans lequel on retrouve la famille Busch et bon nombre d’ex-membre de la CIA du plus haut niveau comme Franck Carlucci, son président de l’époque, ancien directeur de la CIA sous Carter puis ancien Secrétaire à la Défense sous Reagan (Georges Busch senior lui aussi était ancien directeur de la CIA), où James Baker III, Secrétaire d’Etat sous Reagan etc...

On peut légitimement affirmer que cette campagne fût un succès étourdissant puisqu’en deux ans tout le monde oublia complètement ce qui s’était réellement produit en Russie durant les années 90 et la part que Khodorkovsky et Menatep y avaient pris. Les médias sont bien entendu les premiers à écrire aujourd’hui l’inverse de ce qui se trouvaient dans leurs colonnes il y a dix ans, c’est-à-dire avant le démarrage de la campagne de propagande lancée par Khodorkovsky pour redorer son blason (c’est une image...). Ce sont les premiers à avoir oublié l’orchestration du pillage systématique des richesses de l’Etat russe pendant les années 90 pourtant si dénoncé e à l’époque par eux-mêmes ; oubliés les meurtres dont le chef de la sécurité de Yukos ainsi que son commanditaire, un des premiers actionnaires de Yukos Nevzlin, aujourd’hui réfugié en Israël, furent jugés coupables (note 1) ; oublié le « plus grand escroc de Russie », oublié le rapport de la Banque Mondiale de 1997 dans lequel Khodorkovsky est vitriolé etc...
Tout cela était du passé. Désormais Khodorkovsky était devenu le dernier saint au calendrier, la vitrine exemplaire des pratiques nouvelles de bonne gouvernance de la Russie, l’exemple à suivre et à encourager, bref l’Occident voyait soudain à travers Khodorkovsky sa propre image idéalisée. C’était le rêve devenu réalité. Tous les espoirs furent soudain permis.

Pas pour longtemps.
Car le conte de fée fût brutalement interrompu lorsque Khodorkovsky fut arrêté en Octobre 2003. Depuis ce moment-là il est devenu un saint et un martyr aux yeux de la plupart des médias de désinformation occidentaux. Un martyr de la cause capitaliste, un martyr de la liberté contre l’oppression et le stalinisme résurgent, un opposant héroïque au dictateur Poutine, un libéral authentique pourchassé pour son amour de la transparence, de la démocratie etc...

Mais pourquoi lui ?



- Note 1 -

Afterwards the name of Nevzlin was basically mentioned in media in connection with the case of Aleksey Pichugin – the former security officer of YUKOS oil company. Pichugin was arrested in June 2003, after his arrest the “YUKOS case” was initiated. Pichugin was accused of organization of several contract crimes including murders. The investigation considered the possible worked-out scheme according to which Pichugin searched for the right people from criminal society for killing persons out of YUKOS favour by Nevzlin’s instructions.
(Source: Rossiyskiye vesti - 17.09.2003)

Nevzlin fût jugé coupable de complicité (puisque c'en était le commanditaire) des crimes suivants:

The organization of Limited liability partnership “Trade company “Phoenix” Director Valentina Korneeva. Korneeva owned the small “Tea” shop in Pokrovka street, which took Menatep’s fancy. The shop’s value amounted to approximately half a million dollars but Korneeva was offered for it only thirty thousand that’s why the woman refused. Hired killers Vladimir Shapiro and Mikhail Ovsyannikov shot a bullet in her head at the entrance of her own home in January 1998.

The contract murder of Nefteyugansk governor Vladimir Petukhov in summer 1998. In July 1998 Petukhov and his bodyguard were fired point –blank by contract killer Eugeny Reshetnikov and his fellow Gennady Cigelnik.
(Source: Izvestiya - 18.05.2006)

The contract murder of the spouses Gorins. Sergey Gorin cooperated for a long time with Pichugin. In 1998 Pichugin offered Gorin to find people for beating the YUKOS employee Kolesov and Moscow governor’s adviser Olga Kostina. Pichugin was even the godfather of Gorin’s son Aleksey. Pichugin introduced Gorin to Mikhail Khodorkovsky and promised him career development. Gorin however didn’t wait for promises to be fulfilled and unsuccesfully tried to meet one more time Khodorkovsky. After that he met Khodorkovsky father who promised to help. At the same time Gorin laid down his demands to Pichugin – employment or 100 thousand dollars. Gorin got part of the amount. In the short run on November 20, 2002 Sergey Gorin and his wife Olga, who was in the know of her husband’s proceedings, were kidnaped from home. Children were locked in the bathroom. The bodies of Gorins were not found although the spots of blood and medulla were visualized at home.
(Source: Kompromat - 20.02.2004)

The murder attempt at the former Chief of Moscow government public relations department Olga Kostina . In November 1998 the explosion occured near the door of the apartment where the former “Menatep” PR employee Kostina was registered. Nobody suffered although several bridgings were damaged by the explosion wave.
(Source: Izvestiya - 05.10.2004)

The murder attempt at one of the managers of Austrian oil company East Petroleum Eugeny Rybin. Rybin’s car was exploded and shot from self-firer. By a lucky accident Rybin was not in the car because he remembered about his nephew’s birthday and decided to come over to his place. In the attempt on Rybin’s life his driver died. Rybin himself accused YUKOS in the attempted murder because he invested money in two oilfields owned by “Tomskneft” unit which was a part of East oil company. In 1997 YUKOS bought more than 60% of VNK shares and made “Tomskneft” cancell the agreement with Rybin’s company without returning his shares and money. Rybin filed a 100 million rubles claim.
(Source: Izvestiya - 18.05.2006)