Que de bruit, que d’espoirs, que de promesses ! Des quantités industrielles, comme il se doit dans notre monde bucolique, de palabres, d’explications, d’incompréhensions, de justifications, sans oublier l’habituelle glorification de notre civilisation immaculée et des ravages qu’elle a provoqué et qu’elle continue de produire avec une allégresse pas encore démentie; officiellement en tout cas.
Des dizaines de chefs d’Etat, des centaines voire des milliers de sherpas pour accompagner ces illustres individus, le tout enfermés derrière des murs épais afin d’éviter une confrontation avec les quelques milliers de manifestants qui s’étaient donnés rendez-vous en même temps afin de faire entendre leur mécontentement à ces soit-disant puissants de notre monde en perdition.
Pendant quinze jours on palabra, pendant deux semaines on se crêpa le chignon, pendant un demi mois on manifesta, bref ce fût une belle pagaille qui dût certainement rendre la vie infernale aux pauvres habitants de Copenhague qui n’avaient rien demandé à personne.
On a beaucoup glosé sur les manifestations et sur les désordres que cela engendrerait. Mais personne n’a tellement relevé la confusion encore plus grande qui sembla régner en maître au sein même de la conférence, un désordre bien plus impressionnant encore que celui que nous offrait la rue. D’ailleurs ce fût si vrai qu’il n’y eut même pas la photo dite «traditionnelle», celle qui permet généralement d’afficher et de proclamer la réussite inouïe de la conférence en question alors que rien ne fût décidé et que souvent on ne fût d’accord d’être d’accord que sur une déclaration n’engageant personne sur rien du tout. Cette fois, même cette pitrerie ne fût pas réalisée. C’est dire !
Il parait que ce fût également une partie de colin-maillard pour le Président US que chacun s'efforçait d’éviter tandis que lui tentait de voir tout le monde en particulier. Le seul qui accepta de converser avec lui fût le Président Medvedev, probablement à cause des négociations en cour à Genève. Tandis que les Chinois, les Brésiliens, les Indiens où encore les Africains du Sud refusèrent toute entrevue au Président US pour toute sorte de motifs qui allait de l’avion à prendre à l’annulation pure et simple au dernier moment d’un vague rendez-vous envisagé. Si bien que pour finir le Président US, déambulant dans les couloirs, finit par tomber à l’improviste, à sa plus grande stupéfaction, sur tous ceux avec qui il avait tenté d’avoir une entrevue en vain tout au long de la journée. Ils étaient en effet tous là en pleine discussion, entre eux, sans ces fauteurs de troubles américains; les Brésiliens, les Indiens, les Africains du Sud et les Chinois. Obama s’y invita et on dut lui trouver une chaise et se pousser pour lui faire une place que personne ne souhaitait lui voir prendre. C’est de cette manière, c’est à dire à l’arraché comme on dit, que fût vaguement établi un document sans aucune portée autre que celle de permettre au Président US de faire un coup de pub en déclarant qu’il avait sauvé la conférence.
The countries reached agreement on three pages of noncommittal boilerplate - and Mr. Obama rushed out to declare that he had once again saved the day. "For the first time in history," he said, "all major economies have come together to accept their responsibility to take action to confront the threat of climate change." He then left the global warming conference, hurrying to beat the record-setting blizzard descending on Washington. (Sources: Washington Times - 23.12.09)
D’ailleurs comment accorder quelque importance que ce soit à cette déclaration pour le moins grotesque, sinon pathétique en raison de ce que cela induit de désespoir pour regagner une popularité qui s'effondre inexorablement, non seulement aux USA mais encore plus sur la scène internationale. En effet qui n’a pas compris que toutes les belles paroles du Président US ne mènent nulle part ailleurs qu’à la bonne vieille politique du système contre lequel le monde entier s’insurge depuis des années. La grande différence aujourd’hui par rapport aux années Bush est que les USA sont désormais sur la pente glissante de l’effondrement accéléré de leur puissance; et désormais tout le monde en a pris conscience comme l’a montré cette partie de cache cache avec les dirigeants des pays du BASIC (Brésil, Afrique du Sud, Inde, Chine) dans les couloirs de la conférence. Comment donc attribuer une quelconque valeur à cette déclaration ridicule:
"all major economies have come together to accept their responsibility to take action to confront the threat of climate change."
alors que l’Union Européenne n’était même pas partie prenante à cette réunion ? Le Président US aurait-il oublié, où peut-être n’est-il pas au courant, que l’Union Européenne avec ses 500 millions d’habitants est la première puissance commerciale et économique de la planète ? La Russie non plus n’était pas concernée sans parler du Japon... Des mots, des mots, du bla bla, des effets de manche; mais aujourd’hui tout cela finit par lasser les dirigeants des pays étrangers qui désormais n’ont de cesse de s’organiser sans les USA et en dépit d’eux comme nous le soulignons à la Chronique de Cochon sur Terre depuis un certain temps déjà. Cette tendance ne fait que s'accélérer avec la perception par le reste du monde de l’impotence du Président des USA, prisonnier du système et de son inertie si l’on veut, soit, mais surtout manquant du caractère nécessaire pour imprimer les changements indispensables dont son pays a tant besoin.
The Copenhagen conference was a lesson in power and humility. The countries in the BASIC bloc demonstrated that the United States lacks the leverage necessary to convince them to make decisions that work against their national interests. And Mr. Obama is learning the uncomfortable lesson that there are limits to what his personal charisma can achieve.
Mr. Obama did make history at Copenhagen, but not in the way he expected. It says a great deal about American power and prestige when international leaders go to so much trouble to avoid meeting with the president of the United States. The American Century is over. (Sources: Washington Times - 23.12.09).
C’est la première leçon de Copenhague: le monde s’organise de plus en plus sans les USA, en dépit d’eux, où encore si l’on préfère malgré eux: en d’autres termes cette partie de cache cache à Copenhague a souligné l’isolement grandissant des USA dans les affaires internationales.
La seconde leçon qui se trouve dans le sillage de la première c’est que la globalisation n’est plus qu’un vain mot ne recouvrant plus aucune réalité. Il est d’ailleurs bien possible que l’année 2010 voit le retour de manière plus officielle que ce n’est le cas actuellement d’un protectionnisme qui sera, espérons le, établi par bloc économique où régional. Pour le dire d’une autre manière il est probable, et souhaitable, que le «local» tant prôné par les écologistes devienne de plus en plus une réalité à l’avenir.
Troisièmement il nous semble, ici à la Chronique de Cochon sur Terre, que Copenhague a montré, où plutôt démontré, l’inanité de telles conférences pour définir un mode d’action afin d’éviter une aggravation de la situation. En effet comment peut-on penser une seconde que des gouvernements issus du système qui nous a mené dans l’impasse où nous nous trouvons aujourd’hui pourraient casser cette machinerie elle même ? N’est-ce pas utopique ? Au point où nous en sommes n’est-ce pas criminel de laisser le soin d’éteindre l’incendie qui ravage notre immeuble aux pyromanes qui l’ont déclenché ?
The hectic meetings and maneuvers of the conference’s final day demonstrated two incontrovertible facts of 21st century world politics: the intensifying struggle among all the world’s capitalist states, whose conflicting economic interests make any unified response to the threat of global warming impossible; and the declining power of American imperialism in particular, which was unable to impose its will at Copenhagen. (Sources: www.wsws.org - 19.12.09)
Il est bien évident, comme le soulignent nos collègues trotskistes du World Socialist Web Site, que nous ne pouvons pas demander aux représentants du système qui nous a mené à la catastrophe dans laquelle nous pataugeons de remettre en cause ce même système. Par conséquent il n’est pas besoin de se lamenter de l’échec de ce sommet. C’était à attendre en toute logique.
En revanche, et en opposition formelle à leurs soit disant solutions socialo-trotskistes tout aussi catastrophiques et portant en elles exactement les mêmes conséquences que le système capitaliste tel qu’on le connaît, l’histoire du XXème siècle l’a abondamment prouvé; en revanche donc il s’agirait d’agir sans tenir compte des gouvernements où des organisations qui en sont issues puisque l’on sait combien ils sont tous dépendants des industries et de leurs lobbies. Ceux-ci en effet n’ont aucuns intérêts à ce qu’une quelconque action pour éviter une aggravation de la crise soit entreprise puisqu’elle celle-ci se ferait nécessairement contre eux.
En conséquence, si l’on veut qu’une réaction efficace soit entreprise pour contrecarrer les effets dramatiques engendrées par le système qui est le nôtre aujourd’hui, il convient de se mettre en travers de la route des gouvernants et de leurs comparses; il convient d’agir sans eux et si besoin est contre eux. Il s’agit de faire appel à la société civile elle-même afin qu’elle se prenne en charge sans faire appel à nos gouvernements bien-aimés. C’est en tous cas ce que concluent de nombreuses personnalités allant du gouverneur républicain de Californie Arnold Schwarzenegger à Corinne Lepage où Georges Monbiot.
Voici ce qu’en dit Mme Corinne Lepage, Présidente de Cap21, Vice-Présidente du Modem, eurodéputé:
Il faut donc changer de gouvernance et le gouverneur Schwarzenegger l'a clairement exprimé. Ce n'est pas dans les couloirs de Washington, a-t-il affirmé, mais dans les grands mouvements sociaux, citant le mouvement des femmes ou de la résistance à la guerre du Vietnam, que se font les grands changements. Au fiasco de Copenhague, il faut opposer les réalisations présentées par les villes et régions, dans toutes les régions du monde qui, elles, changent le monde concrètement. Les technologies existent. Restent à trouver les financements en particulier dans le Sud.
La société civile ne peut désormais plus compter que sur elle-même pour assurer son avenir, et c'est cette gouvernance qu'il convient d'organiser. Notre qualité de consommateur doit être utilisée pour choisir en fonction de nos objectifs généraux. Et si la Chine décide de refuser des efforts et exporte son carbone en considérant qu'il doit être mis à notre débit, la réponse est simple : refusons ses produits et achetons-en d'autres fabriqués à proximité ou issus du commerce équitable. Ce que les politiques occidentaux n'ont pas été capables de faire, les consommateurs, s'ils le décidaient réellement, pourraient le faire. (Sources: Le Monde - 22.12.09)
La vérité est qu’il n’y a pas d’autre solution. Si quelque chose doit être fait, si quelque chose peut être fait, cela ne pourrait l’être que par un mouvement impliquant une partie de la population se dressant contre leurs gouvernements pour les forcer à agir au mieux, non pas de leurs intérêts, c’est à dire ceux des lobbies industriels, mais des populations elles-mêmes. Or c’est probablement là que le bât blesse le plus car on ne voit pas beaucoup ces mêmes populations sur le pied de guerre, c’est le moins qu’on puisse dire !
Où étaient-elles ces populations si concernées par la crise climatique ? Où étaient-ils ces millions de manifestants ? Il n’y en eut que quelques centaines, peut-être quelques milliers au plus; et il est presque sûr qu’il y avait plus de participants au sommet lui-même que de protestataires dans les rues de Copenhague. Alors comment faire agir une société civile lorsque cette dernière est aussi accrochée à ce qu’elle nomme ses «acquis» ? Comment faire lorsqu’elle se révolte à la première tentative d’un gouvernement de réformer ses pourtant récentes mauvaises habitudes ? Comment faire lorsque le gouvernement en question recule face au mécontentement par peur d’un échec aux prochaines élections ? Et comment faire lorsque cette soit-disant société civile croit de moins en moins à la réalité du changement climatique, comme c’est le cas aux USA par exemple ?
Je crois que les gens vraiment déterminés à ce que des mesures soient prises doivent adopter une attitude beaucoup plus conflictuelle. Je souhaite voir une série d’actions directes, conflictuelles et non violentes à travers le monde contre la plupart des industries à forte intensité de carbone, comme les mines de charbon, contre les entreprises qui exploitent les sables bitumineux, contre les raffineries de pétrole, contre les banques et les investisseurs qui permettent que de telles choses se produisent. Nous avons besoin de voir des gens qui amènent ça dans l’esprit du public. On parvient à cela plus efficacement en faisant des actions qu’en faisant des discours. (Sources: Georges Monbiot - Interview du 19.12.09)
Il est en effet de plus en plus probable que se constituera de petits groupes résolus à agir quel qu’en soit le prix; des individus qui, face à l’aggravation de la situation et à l’impotence des gouvernants, se retrouveront amenés à agir de manière spectaculaire et conflictuelle mais également violente, contrairement à ce qu’affirme Monbiot ci-dessus. C’est d’ailleurs un schéma classique qui se répète tout au long de l’histoire. Les grands changements ont toujours été le fait d’une minorité qui n’hésita pas à agir et à utiliser la violence pour faire avancer leurs objectifs et leurs idées face à la résistance de la société à laquelle ils s’attaquaient. Combien plus frappant, en effet, serait le sabotage d’une exploitation de charbon où d’une raffinerie de pétrole plutôt que de grands et vains discours vis à vis d’une opinion publique apathique !
La quatrième leçon, donc, c’est que face à l’inaction des gouvernants il est probable que nous risquions d’être confrontés à des actions spectaculaires de la part de groupes restreints d’activistes. Plus les gouvernants se défendront en utilisant la violence eux aussi plus la spirale se développera et plus l’on montera aux extrêmes. Il est également probable que plus la situation s’aggravera plus la violence risquera de se déployer pour faire bouger les choses et les gens.
Il est d’ailleurs plus qu'étonnant que face à une situation telle que celle que l’espèce humaine doit affronter de nos jours, il est surprenant en effet qu’il n’y ait pas encore eu d’actes de terrorisme vert; non pas islamique mais écologique un peu à l’image des attentats anarchistes de la fin du XIXeme siècle. Cela pourrait donc venir ce qui d’ailleurs ne laisse présager en rien de l’issue de toute cette affaire de climats qui se confond désormais pleinement avec la crise de civilisation que nous connaissons.
Copenhague fut un fiasco, soit. Mais ce fut un échec auquel on pouvait légitimement s’attendre et les lamentations auxquelles nous avons droit aujourd’hui ne font rien d’autre que souligner l’irréalisme de ceux qui les profèrent. Nous avons déjà dit pourquoi.
Copenhague fit ressortir peut-être comme jamais auparavant l’effondrement de la puissance et de l’influence des USA sur le reste du monde, malgré les gesticulations du Président des USA de plus en plus discrédité tout comme son pays.
Copenhague fut également l’occasion de voir pleinement combien la soit disant «gouvernance mondiale» avait vécu, combien cette dernière était bel et bien morte et jetée par dessus bord.
Copenhague ouvre peut-être symboliquement un nouveau chapitre de l’histoire, celui au cours duquel l’humanité devra faire face à la menace de sa possible extinction et y réagir de manière appropriée sous peine de disparaître; si tant est qu’il en soit encore temps; si tant est qu’on y puisse encore quoi que ce soit. Car il est certain que ce changement climatique soit dû à l’activité humaine où non n’est que secondaire par rapport à la catastrophe qui nous menace.
Et comme l’a montré Copenhague il n’est pas du tout certain, soyons optimistes, que l’humanité soit capable de faire face à ce défi; non, il n’est pas du tout certain que l’humanité soit capable d’oublier ses querelles et ses intérêts particuliers pour s’occuper de l'intérêt général, la survie de l'espèce. De ce point de vue il est certain que les expériences du passé n’incitent guère à l’optimisme, même le moins débridé, bien au contraire. Il suffit de prendre l’exemple des mayas où des habitants de l'île de Pâques, parmi beaucoup d’autres, pour se rendre à l’évidence: face au danger il est très rare que les conflits particuliers cessent pour faire place à une union des forces et des ressources afin de repousser l’ennemi commun.
Alors qu’est-ce qui pourrait nous sauver ? Eh bien que tout cela ne soit qu’une fausse alerte, un canular monté par un lobby ayant des intérêts dans les éoliennes où autres panneaux solaires par exemple, afin d’en récupérer les bénéfices que cela impliquerait... financièrement bien sûr. Ne sommes-nous pas dans un monde où l’on reste persuadé que l’homme éminemment rationnel n’est guidé que par son intérêt bien compris ?
C’est vrai que le comportement de l’homme est si rationnel...
... comme Copenhague l’a si bien démontré par exemple.
Mais pour le moment tout le monde est content à cochon sur Terre, le meilleur des mondes.