lundi 30 novembre 2009

Dubaï où le mirage aux cochons

D’après les dernières annonces s’étalant à la une des gazettes de Cochon sur Terre il parait que l’Emirat de Dubaï a demandé un moratoire d’au moins six mois sur la dette de sa société «Dubaï World», société holding à qui appartient la société «Nakheel». La dette s’élève à $ 59 milliards pour cette seule société sans compter quelques $ 30 milliards supplémentaires détenus par l’Etat directement.


La nouvelle, connue pourtant depuis Mercredi matin, ne fût officiellement prise en considération que Jeudi permettant ainsi aux marchés de chuter lourdement par crainte d’une exposition des banques européennes, anglaises principalement, et asiatiques, notamment japonaises. Mais dés le lendemain les indices reprenaient leur ascension avec l’espoir que Abu-Dhabi reprendrait à son compte les dettes de Dubaï. Ce qui fut démenti le lendemain par les intéressés: Abu-Dhabi ne garantira pas l’intégralité de la dette de son voisin mais se penchera au cas par cas sur la question.

Les deux années à venir vont être extrêmement périlleuses pour l’Emirat. En effet même si son voisin Abu Dhabi vient à son secours ponctuellement dans les semaines à venir, d’une part cela ne se fera certainement pas de manière désintéressée, et d’autre part, en admettant que Dubaï parvienne à régler ses problèmes les plus pressants, comment parviendra t’il à refinancer les $ 30 milliards de dettes qui arriveront à maturité d’ici un an et demi ? Sera t’il absorbé de facto par son riche voisin ?


C’est en réalité une tout autre question qui se pose officiellement avec cette affaire de Dubaï. Une question que de nombreux analystes se posent depuis des mois mais qui est resté consciencieusement ignorée par la presse-pravda et les officiels de Cochon sur Terre, bien trop occupés à tenter de nous faire prendre les vessies de la crise pour les lanternes de la reprise. La question est celle de la solvabilité des Etats eux-mêmes, c’est à dire de leur impossibilité de rembourser les montagnes de dettes accumulées non seulement depuis trente ans mais aussi et surtout depuis un an pour tenter de remettre à flot un secteur bancaire dévasté par une crise provoquée par sa propre rapacité. Remise à flot inutile puisqu’il semblerait que la situation serait pire qu’elle ne l’était il y a un an en raison de la dégradation du secteur immobilier et de la venue à maturité des remboursements des prêts «Prime», Alt A et autre «jumbo», sans parler des défauts en augmentation affolante sur les «credit cards» ni le problème de l’immobilier commercial. Le tout aux USA et en Angleterre principalement.


La question que le défaut de payement de Dubaï pose est donc celle de la validité d’un système économique basé sur la dette et l’accroissement toujours plus grand de celle-ci, notamment afin de pouvoir en payer les intérêts. Exactement ce qu’a tenté de faire Dubaï depuis six mois en empruntant afin de payer sa dette actuelle. Aujourd’hui ce petit jeu suicidaire est apparemment terminé. Et soudain, alors que la situation est connue depuis longtemps déjà, on entend des voix qui s’élèvent pour s’inquiéter de l’état des dettes d’autres Etats. Des regards inquiets se tournent tout à coup vers la Grèce, la Turquie, la Hongrie, la Lettonie... Mais ces mêmes yeux se détournent toujours obstinément de l’Angleterre et des USA... Pour combien de temps pourront-ils jouer aux autruches en plongeant leurs cous pelés dans les montagnes de dollars et de Livres sterling imprimés à la hâte par la Fed et la Banque d’Angleterre afin d’éviter que la situation que subit Dubaï aujourd’hui ne devienne la leur ?


Bien entendu, et tout à fait dans la ligne de ce que l’on connaît d’elles, c’est à dire de leur compétence et de leur probité, les agences de notation se sont précipitées pour abaisser les notes des compagnies de Dubaï en difficulté, en faillite en réalité, mais bien entendu uniquement après que l’annonce du report de payement ait été effectuée... Le faire avant eût été trop leur demander, un peu comme le scandale rapidement étouffé de leurs compromissions inadmissibles dans la crise des subprimes dont elles ont largement favorisée l’expansion par leurs notations enthousiastes des produits financiers les plus douteux et les plus nauséabonds. En bref ces agences de notation ont une fois de plus montré à quel point on ne pouvait se fier à elles. Et l’avenir, c’est à craindre, montrera encore d’ici peu combien elles sont irrémédiablement partie prenante avec ce sur quoi elles sont censées avoir une opinion objective afin de guider le choix des investisseurs. Il est même utile de se demander si leur existence ne finirait pas devenir contre productive, voire dangereuse.


Dubaï. L’Emirat de rêve, la huitième merveille du monde, le nouvel eldorado etc... Bref l’archetype du mirage contemporain.


Mais qu’est-ce qu’un mirage ?

Le mot « mirage » vient du latin « mirari » qui signifie admirer, contempler; « mirari » a donné le verbe « mirer, se mirer » qui signifie, d’après le Littré: « se regarder dans un miroir ou dans quelque autre chose qui renvoie l’image des objets qu’on lui présente ». Nous pouvons donc en conclure que le mirage est une illusion fabriquée par nos désirs et nos rêves.

Voici la description du mirage en question proposée par le gouvernement de Dubaï sur son site:

«Visitors will be delighted beyond their expectations. Dubai is a holiday paradise - white beaches on which to relax and enjoy the sun, the best hotels in the world and an absolute shopper’s delight offering a unique and richly exotic experience that is both modern and traditional. As one of the safest and most relaxed environments on earth - Dubai is truly distinctive.

From snow-skiing in the morning to a desert safari in the afternoon, a myriad of activities cater to the adventurer’s dream. The finest of the world’s hotels, gourmet cuisine and outstanding standards of service combined with traditional Arabian hospitality make Dubai a novel and satisfying experience for today’s demanding holidaymaker.» (Sources: www.dubaitourism.ae)

Ce soit-disant paradis artificiel se voulait l’endroit sans limites, c’est à dire le lieu où tout était possible, où encore la destination par excellence de toute la mégalomanie disponible dans un cerveau humain, déconnectée de toute réalité. Cette absence complète de réalisme où de simple bon sens est toujours rendue possible lorsque l’homme croit s’être affranchi des limites inhérentes à sa condition. L’argent en quantité soit disant illimitée et un développement technologique auquel,parait-il, rien ne résiste ont fait perdre la tête à l’humanité moderne à un point encore jamais atteint dans l’histoire. Dubaï en est à cet égard l’exemple caricatural.

C’est alors que nous revient en mémoire l’image du palais de cristal utilisée par Peter Sloterdijk de manière si éclairante pour notre civilisation moderne. Dubaï c’est la caricature du palais de cristal. Car à Dubaï l’humanité triomphante a voulu s’affranchir non seulement des limites que lui impose la nature en terme d’habitat et d’environnement, c’est à dire sans chercher à s’adapter aux conditions climatiques par exemple, mais en plus l’homme a voulu y importer des conditions de vie insoutenables sans un gigantesque flot continu humain, financier et matériel. Dans un endroit où il n’y a rien, que du sable sans pétrole !, il faut tout importer. Mais dans un endroit où il est même impossible de créer un moyen de subsistance afin de posséder un minimum d’autonomie, ne serait-ce qu’alimentaire, un endroit qui dépend à cent pour cent d’apports extérieurs pour survivre, le moindre accroc dans le flot ininterrompu d’approvisionnement de toute sorte met toute l’entreprise en danger de mort immédiate; y compris et surtout l’interruption du flot d’argent à crédit nécessaire à faire vivre la ville et à entretenir les infrastructures, comme le dessalement de l’eau de mer par exemple.

Nonobstant tout cela les dirigeants de Dubaï se sont lancés dans des projets mégalomaniaques qui, la plupart du temps, sont vantés comme étant «la plus haute tour du monde», le plus «grand centre commercial du monde» etc... Tout devait être démesuré: le plus haut, le plus grand, le plus cher, le plus grotesque etc... de tout ce qui se faisait sur la planète, le tout sans aucune des ressources indispensables au maintien en vie de tous ces projets une fois bâtis. Or dans ce cas précis la ressource qui permet d’importer tout le reste est l’argent. Et cet argent ne fût obtenu que par la dette, c’est à dire des sommes astronomiques empruntées à des agents extérieurs, dont on comptait les rembourser en tablant sur une poursuite toujours plus rapide d’un développement « économique » qui ne reposait que sur un mirage, le mirage de la croissance illimitée et infinie alimentée par des matières premières et énergétiques inépuisables à un coût abordable.


Saint Exupery a écrit dans «Terre des hommes»:


« La chaleur monte, et, avec elle, naissent les mirages (...). De grands lacs se forment et s’évanouissent quand nous avançons ».


Nous voilà prévenus. Les mirages s’évanouissent dés qu’on les approche de trop près, c’est à dire dés que la réalité les effleure, c’est à dire aussi dés que nos têtes se refroidissent. Aujourd’hui ces apparences mensongères que notre époque miraculeuse nous fournit en abondance sont désormais sur le point de s’évaporer toutes les unes après les autres et c’est à cette chute des dominos sous le poids de la réalité que notre monde cristallin de Cochon sur Terre doit désormais faire face. Il n’en sortira pas mais il ne le sait pas encore, tout occupé qu’il est à ignorer le mur de la réalité contre laquelle il bute à répétition comme un bélier furieux.


Dubaï, le parfait mirage aux cochons, est-il le début de la seconde étape du développement de la crise systémique dans laquelle nous nous trouvons où n’est-ce qu’un simple avant-goût de celle-ci ? Dans tous les cas c’est la préfiguration de la grande crise des dettes souveraines à venir.


Mais pour l’instant tout le monde est content à Cochon sur Terre, le meilleur des mondes.

dimanche 22 novembre 2009

Présidence de l'Europe et l'Europe des nations.

Réjouissons-nous nous avons reçu un nouveau Président ainsi qu’un(e) Haut(e) Représentant(e) pour les Affaires Etrangères toute neuve... Vraiment nous pouvons affirmer haut et fort notre légitime fierté d’être si démocratiquement représentés par des personnalités si remarquables. Et puis ne nous y trompons pas, quel signe fort d’avoir ainsi respecter un de nos fétiches les plus sacrés: la parité !

Quelle leçon n’est-ce pas ! Quand on pense à ces Russes par exemple qui en sont encore à se contenter d’avoir UN Président et UN Premier Ministre en même temps, c’est consternant. Si au moins ils étaient gays et qu’ils couchaient ensemble, mais apparemment même pas... Il est bien évident que si c’était le cas nous nous empresserions de les faire entrer dans notre Europe divine.


Tant pis pour eux!

Car nous, désormais, nous avons un homme et une femme pour nous représenter, c’est-y pas merveilleux ! Certes, nous aurions préféré UNE PrésidentE pour réparer les injustices innombrables de ces si sinistres siècles passés (quelle horreur le passé!), ceux qui sont derrière nous, Dieu merci, ceux qui ne reviendront jamais plus puisque nous ne pouvons que progresser, c’est à dire aller toujours de l’avant, toujours plus vite.

Eh oui car il faut tout de même bien avouer que notre espérance à tous, c’est à dire les «gens de progrès», comme il existe d’ailleurs des «gens de maison», des «gens de couleurs», des «gens du voyage», des «gens d’ailleurs» où même des «gens inconnus», notre espérance à tous donc est qu’un jour l’Europe qui nous est chère soit présidée par... UNE FEMME évidemment. Cela viendra, n’en doutons pas, et peut-être même aurons-nous la divine surprise d’avoir notre chère petite princesse à ce poste, nous voulons parler bien sûr de l'ineffable Princesse Royale... Bien évidemment le comble du progrès serait d’avoir un travesti, où encore mieux un homme qui soit devenu une femme, par choix, en toute liberté bien entendu et par conséquent en toute connaissance de cause, c’est dire par conviction que l’homme n’est qu’une étape inférieure et barbare sur le chemin de l’évolution inéluctable de l’espèce, non pas vers l’hermaphrodisme mais bien vers la Femme, achèvement ultime de l’homme. Malheureusement il faudra attendre encore un peu pour en arriver à ce degrés d’évolution inouï car nous savons combien nos campagnes sont toujours remplies de peuples incultes et ringards, en bref des réactionnaires à tendance nettement patriarcale, voire même, pour les pires d’entre eux, attachés à la différence des sexes (je sais c’est horrible mais c’est la triste réalité !).

En attendant ces jours radieux nos gouvernants bien-aimés ont démontré au monde, à l’univers et surtout à Dieu qu’ils pouvaient se débrouiller sans Lui et sans nous, c’est à dire qu’ils étaient capables de nous donner des gouvernants comme eux, en tous points aussi médiocres et insipides qu’eux, sans nous demander notre avis démocratique et illuminé. Mais ne nous plaignons pas et soyons leur reconnaissants car cela s’est fait pour notre plus grand bien à tous, comme tout ce qu’entreprennent nos gouvernants bien-aimés sans exception.

Voilà donc la grande Europe paritaire, démocratique, materialiste, fraternelle, globale, endettée et consensuelle donnant une leçon exemplaire à l’univers. Car le grand mot de ces nominations fût le... nous vous le donnons en mille: consensus bien entendu ! A quoi pensiez-vous donc, voyons ! Consensus, vous dis-je... D’ailleurs pour mettre d’accord 27 gouvernements il a fallu chercher les non-personnalités les plus développées et les plus représentatives de la médiocrités généralisée dans laquelle nous barbotons pour notre plus grand plaisir à tous. La pari fût gagné brillamment par nos gouvernants bien-aimés car le choix fût si difficile qu’ils ont du recourir à d’illustres inconnus, comme la Baronne Ashton. Vous pourrez toujours nous dire qu’elle ne fût nommée que pour éviter l'innommable Tony Blair où encore David Milliband; effectivement de ce point de vue n’importe quelle inconnue leur sera toujours préférable.


Nos gouvernants bien-aimés nous ont donc montrés à nouveau à quel point ils étaient dignes de nous représenter par leurs capacités insurpassées à écarter rationnellement toute possibilité de nommer un individu compétent, voire honnête, aux postes les plus importants, c’est à dire à ces postes où il serait urgent d’avoir de tels personnages par les temps qui courent. Car il y en avait un, Jean-Claude Juncker, le Premier Ministre du Luxembourg, fin connaisseur de l’Europe, vieux routier de la Communauté, bref candidat idéal à la présidence de l’Europe. Mais il n’avait aucune chance de l’emporter puisqu’il était bien sûr trop compétent ; de plus, et cela lui fût fatal, il était malheureusement doté de beaucoup trop de personnalité pour pouvoir être accepté: il parait que M. Sarkozy opposa son veto à sa nomination, en raison précisément du franc-parler de M. Juncker qui n’a pas épargné le Président français dans le passé d’où, parait-il, une tenace rancune.

Exit Juncker pour des raisons de haute politique.


Mais rassurons-nous M. van Rompuy et la Baronne Ashton sont qualifiés en diable pour leurs nouvelles fonctions, c’est à dire pour nous représenter tous, nous les 500 millions d’habitants de la première puissance économique et commerciale du monde. D’ailleurs voici ce qu’en a dit la Chancelière d’Allemagne, Mme Merkel, afin de nous convaincre de leur choix réfléchi et judicieux:



"J'ai toute confiance qu'ils ne diront pas de bêtises" a déclaré la chancelière allemande.


Quand au Président français, voici ce qu’il a déclaré aux journalistes qui se montraient sceptiques sur les capacités du nouveau Président de l‘Europe


M. Van Rompuy "est l'une des plus fortes personnalités autour de la table du Conseil", a-t-il assuré.


Nous le croyons sur parole et cela ne nous étonnerait guère étant donné les membres du Conseil en question. "Une des personnalités les plus fortes" avec celle de la table...

Cela nous démontre également combien les critères de nos deux compères furent élevés pour choisir la direction de l’UE. Cela nous donne par la même occasion une bonne idée de l’estime dans laquelle ils tiennent l’institution elle-même.


Plus sérieusement, le choix de deux inconnus aux premières fonctions de l’Europe, ces postes prévus pour être représentatifs de la Communauté vis à vis du reste du monde; ces postes destinés à répondre à la question de Kissinger lorsqu’il demanda qui il devait appeler au téléphone lorsqu’il désirait parler à quelqu’un représentant l’Europe; ces nominations donc de deux inconnus à la tête de l’Europe ne doivent certainement rien au hasard et pourraient se placer dans une évolution qui tendrait de plus en plus à faire de la Communauté une «Europe des nations» plutôt qu’une Europe de type fédéraliste.


En effet comment ne pas se demander si la France, par exemple, accepterait de se laisser dicter sa politique étrangère alors qu’elle multiplie les initiatives indépendantes dans ce domaine, sans trop se poser de question de savoir si cela convient où non à l’Europe où aux USA ?

Quelques exemples:

Il parait qu’au prochain sommet de Copenhague sur le climat la France et le Brésil vont proposer une initiative jointe.

De même la vente de porte-hélicoptères de type «Mistral» à la Russie décidée par la France sans aucune consultation avec l’OTAN par exemple, et encore moins avec l’Europe.

Où encore la participation de la France aux conversations secrètes en vue de remplacer le dollar par un panier de devises pour les achats de pétrole etc...


Ces exemples parmi bien d’autres ne laissent pas une place immense à une politique extérieure européenne commune à tous les Etats membres. En effet il est difficile de supposer que des nations comme la France où l’Allemagne sacrifient leur politique étrangère au profit d’une bureaucratie européenne. De plus, depuis le début de la crise financière, c’est à dire depuis le début de la prise en considération par le monde de l’effondrement de la puissance américaine, l’évolution des relations internationales va dans le sens d’une réémergence de la nation comme seule référence possible et valable dans les relations internationales. L’écroulement de l’URSS hier, permettant la renaissance des nations qui la constituaient en tant qu’Etats indépendants, l’effondrement de la puissance des USA aujourd’hui, qui , selon certains, aura peut-être pour effet de dissoudre l’Union au profit des Etats fédérés, auront permis également aux différentes nations qui constituaient leurs blocs respectifs de prendre progressivement leur indépendance et de mener à nouveau des politiques étrangères en fonction de leurs intérêts propres et non pas en fonction de ceux des blocs idéologiques dont elles dépendaient auparavant.

C’est dans cette perspective de transition en évolution accélérée depuis l'effondrement de l’URSS hier par la crise que traversent les USA, la crise financière et la crise du système en général que le monde subit aujourd’hui, que les nations libérées de la domination des deux leaders des blocs constituées après 1945 apprennent à nouveau à penser et à mener leurs propres politiques en fonction de ces nouvelles données fondamentales.


En clair c’est dans un monde à nouveau multipolaire que les nations doivent désormais mener leur politique étrangère.


C’est pourquoi il n’est pas surprenant dans ce contexte que l’Europe se soit dotée de représentants inconnus et sans possibilité d’influer, n’en doutons pas, sur les politiques extérieures de nations telle que la France, toujours fidèle, en dépit des discours officiels, à sa tradition d’indépendance, où gaulliste c’est selon; de toute manière cette dernière se situe dans la droite ligne de toute l’histoire de notre pays.

Ces nominations de personnages falots à la tête de l’Europe, voulues par la France et l’Allemagne parait-il, reflètent donc la volonté de ces dernières de ne pas se laisser déposséder de leur indépendance ni de leur capacité à traiter de manière souveraine en matière de politique étrangère. En ce qui concerne les questions intérieures ne doutons pas que les nations qui constituent l’Europe n’abandonneront de leurs pouvoirs que ce qu’elles voudront bien et cela en fonction de leurs intérêts propres. D’ailleurs, comme le montre ce qui reste des critères de Maastricht à propos des déficits budgétaires, ces dernières reprennent leur souveraineté dés qu’elles le jugent nécessaire sans trop se préoccuper des jérémiades de Bruxelles... Malheureusement pouvons-nous ajouter à propos de ce point bien précis des déficits et des dettes gouvernementales.


C’est Michel Rocard, Vendredi dernier, qui a donné le ton définitif sur la signification réelle de ces nominations à la tête de l’Europe:


"l'Europe politique est morte ; en fait, elle a déjà subi cinq assassinats, tous meurtriers". D'après M. Rocard, l'ensemble des pays européens, Royaume-Uni en tête, veulent en fait "préserver leurs territoires et empêcher que l'Europe devienne une entité capable de faire vraiment de la politique à leur place" (Sources: France Inter - 20 Novembre 2009)

A part l’étrange accouplement «assassinats, tous meurtriers» ce diagnostique nous parait juste.


Lui le regrette. Nous non.

L’Europe politique est morte, certes, mais a t’elle jamais existé à la manière dont M. Rocard la souhaiterait ? Le pourra t’elle jamais de la manière envisagée par les Fédéralistes ? Est-ce même souhaitable ?


Pour notre part nous ne le souhaitons pas car nous savons trop, par l’exemple de nombreuses entités politiques du passé où contemporaines, qu’une superstructure étatique de type fédérale n’a de cesse de chercher à s’emparer des pouvoirs des Etats fédérés sans jamais être rassasiée jusqu’à ce que l’impotence et l'inefficacité ne finisse par faire imploser le tout. C’est ce à quoi il semble que nous soyons en train d’assister aux USA, même si la dissolution de l’Union ne soit qu’une possibilité, de plus en plus sérieuse certes mais non certaine, en dépit des affirmations de plus en plus nombreuses qui se font entendre aux USA à ce sujet. De plus, une entité de ce type, par sa propension naturelle à grossir toujours plus jusqu’à l’indigestion, finit immanquablement par devenir un danger pour ses propres citoyens, non seulement en tentant d’effacer toujours plus leurs différences d’origine mais aussi par l’extension progressive de la surveillance de ceux là même que l’Etat est censé protéger.

Un Etat quel qu’il soit est toujours naturellement amené à vouloir étendre ses pouvoirs sur la population vivant sur son territoire; et cela se fait toujours par une extension non maîtrisée de sa bureaucratie qui finit par paralyser la vie du pays en s’introduisant dans tous les détails de la vie des citoyens, y compris la sphère dite privée qui finit par disparaître sous le poids de l’inquisition étatique, donc bureaucratique et policière. L’apparition de l’Etat moderne et son extension insatiable s’est faite par une lutte toujours plus féroce contre les contre-pouvoirs qui existaient pour protéger les populations des abus de l’Etat précisément.


C’est pourquoi nous préférons la nomination de fantoches aux postes européens dont on a parlé plutôt que celle d’individus qui auraient réussi à renforcer l’appareil bureaucratique bruxellois déjà terriblement lourd et impotent; c’est un moindre mal où plutôt la moins mauvaises des solution.

Et tant mieux si les gouvernements chinois où russes appelleront Paris, Berlin où Londres plutôt que Bruxelles pour avoir de nos nouvelles à tous.


Mais pour le moment, comme prévu, tout le monde est content à Cochon sur Terre, le meilleur des mondes.


jeudi 12 novembre 2009

Fort Hood: le major Hasan et nous.

Un petit tour et puis s’en va ! Comme d’hab nous direz-vous avec raison. Oui, comme d’hab, et c’est pour cette raison que nous avons pris notre temps afin d’ajouter notre grain de sel sur cette histoire sinistre alors que presque tous l’ont oublié. Il est vrai que cela s’est passé il y a une semaine déjà... Considérable...

Il faut avouer malgré tout que la presse-aux-ordres n’a pas beaucoup insisté sur l’affaire, comme si çà la gênait aux entournures. Bien sûr que çà la gêne aux endroits sensibles de son cervelas déjà si spongieux qu’il faut des sacs en plastique pour l’empêcher de s’écouler par le nez ! Et comment que cette histoire dérange nos «establishments» globalisés, nos progressistes «pursetdurs» de tous poils !


Du coup nous avons eu une pléthore d’explications toutes plus débiles les unes que les autres, par conséquent dans la droite ligne de tout ce qui nous est infligé à longueur d’année. Nous avons eu droit à l’habituelle excuse psychologique, à la non moins vulgaire et récurrente deresponsabilisation (il n’avait pas de guirl friend, il n’avait pas d’enfants, il était seul dans la vie etc, etc...); bref on a tout fait pour circonscrire le cas à un problème strictement individuel qui ne serait qu’une triste exception au milieu de l’océan de félicité quasiment surnaturel dans lequel nous baignons tous grâce aux génies cumulés, où accumoncelés on ne sait, de nos dirigeants bien-aimés. Les Colorado de la pensée (pour nos amis américains) où nos Rhône extralucides (pour nous autres français), à l’image de feu l’illustre Danube de la pensée roumain, tous ces fleuves pleins d’énergie et de vision politique sidérantes se sont précipités dans des commentaires de l'événement dignes de ceux d’une basse-cour agitée de province.


Nous avons eu droit à peu près à tout ce que le spectre de la Cochonnerie Instituée pouvait nous offrir. Et comme on sait le choix est vaste!

Les réactions officielles les plus notables furent de deux sortes:

  • Les tenants du complot islamique, avec mises en garde, hystériques où non, contre les agents d’Al Quaeda infiltrés aux USA et attendant l’heure de frapper la vertueuse patrie du «freedom», à l’image des déclarations du sénateur Joe Liberman sur Fox News.
  • Les tenants de l’individualisation du problème afin d’éviter qu’une autre chasse aux sorcières ne se déclenche dans ce pays qui n’a jamais connu de repos à ce niveau depuis celles de Salem au 17 eme. Dans cette ligne le chef d’état-major de l’armée US, le général George Casey, fut interviewé sur CNN et ABC, se mettant au diapason du Président US lui-même.


Le grand avantage de ces deux théories c’est qu’elles permettent de rester intégralement dans les bornes de la doxa officielle et qu’elles ne déparent pas d’un poil du conformisme idéologique de Cochon sur Terre.


Le responsable de la tuerie de Fort Hood est un pur produit de ce que l’on a appelé pendant quelques décennies «l’American Dream». Issu d’une famille émigrée des environs de Jérusalem, il est né en Virginie et a passé sa vie aux USA, en Américain de première génération. Ses parents ont «réussi» comme on dit, c’est à dire qu’ils se sont constitués un capital à travers leur travail, des gens entreprenant, propriétaires de restaurants et de magasins. Bref le bonheur total versus USA.

Le major Hasan s’est engagé dans l’armée contre l’avis de ses parents et a entrepris des études médicales qui ne furent, parait-il, pas une réussite. Prenons ces détails officiels avec des pincettes, comme le fait qu’il fût envoyé à Fort Hood afin d’être «encadré» car, nous dit-on, on s’inquiétait déjà à son sujet. Hum, et l’inquiétude était si grande que, bien évidemment, on l’avait recruté pour l’envoyer sur le front, en Afghanistan, un endroit de tout repos ne nécessitant pas du tout d’individus sûrs et psychologiquement sains mais bien au contraire ceux au sujet desquels on s’inquiétait déjà tout particulièrement, et ce d’autant plus lorsqu’ils sont musulmans. A moins que ses supérieurs aient confondu l’Afghanistan avec Israël...


Tout cela tombe sous le sens !


Donc on s’emploie à noyer le poisson d’arrache-pied en se torturant le cervelas afin de trouver une explication plausible qui ait l’avantage inestimable de se jeter à marche forcée dans la direction opposée à toute compréhension de cette affaire. Mais pour le moment le suspens reste entier et on ne sait pas encore laquelle des deux théories va l’emporter: le complot international où l’individu médiocre et débile, bref un fou. Ceci dit notez bien que les deux thèses seraient parfaitement conciliables. Cela pourrait donner ceci: un groupe de terroriste international (devinez qui: Al Qaeda où l’Iran ?) a recruté un brave soldat américain un peu simplet que l’armée US avait gardé dans ses rangs par pure charité, comme à son habitude; et ces terroristes ont fait exécuter cette oeuvre répugnante à ce très brave soldat qui ne s’est pas du tout rendu compte de ce qu’on lui faisait faire. Et ce alors que l’armée lui avait organisé une petite virée en Irak pour lui changer les idées et lui remonter le moral, genre séjour au soleil avec spa et séance de massage intégrée. Quelle ingratitude !

Tout cela est d’une logique à toute épreuve, non?


Eh bien d’après le NYTimes du 9 Novembre cette jolie synthèse qui aurait contenté tout le monde a du plomb dans l’aile car il semblerait que le Major Hasan, en dépit de ses fréquentations douteuses, n’aurait peut-être pas été recruté par un groupe terroriste bien connu, ni même par un Etat terroriste bien connu. Le monde serait-il mal fait ? Changeons-le !


Major Hasan’s 10 to 20 messages to Anwar al-Awlaki, once a spiritual leader at a mosque in suburban Virginia where Major Hasan worshiped, indicate that the troubled military psychiatrist came to the attention of the authorities long before last Thursday’s shooting rampage at Fort Hood, but that the authorities left him in his post


Counterterrorism and military officials said Monday night that the communications, first intercepted last December as part of an unrelated investigation, were consistent with a research project the psychiatrist was then conducting at Walter Reed Army Medical Center in Washington on post-traumatic stress disorder.


“There was no indication that Major Hasan was planning an imminent attack at all, or that he was directed to do anything,” one senior investigator said. He and the other officials spoke on the condition of anonymity, saying the case was under investigation


In a statement, the Federal Bureau of Investigation said, “At this point, there is no information to indicate Maj. Nidal Malik Hasan had any co-conspirators or was part of a broader terrorist plot.” The statement concluded that “because the content of the communications was explainable by his research and nothing else was found,” investigators decided “that Major Hasan was not involved in terrorist activities or terrorist planning.”

(Sources: NYTimes - 9 Nov 2009).


Exit le complot international ! Dommage, on aura tout de même essayé mais cela ne peut pas marcher à tous les coups tout de même. Alors que reste t’il ? Eh bien la seconde théorie: le pauvre type un peu simplet qui déraille soudainement sans que personne n’ait pu le prévoir. Une triste histoire strictement individuelle comme il y en a de temps à autre dans notre monde paradisiaque (très peu comme nous le verrons un peu plus loin), sans que personne ne comprenne ces anomalies. C’est inexplicable, (un peu d’humilité pour une fois!), ce doit être génétique où quelque chose dans ce goût là, en tout cas quelque chose auquel nous ne sommes absolument pour rien. C’est très regrettable, c’est horrible, c’est inhumain (ah vraiment?), toute nos condoléances et bla bla bla... et on passe à d’autres questions dont nous avons la maîtrise parfaite comme la situation en Irak, l’Afghanistan, la dépression, la crise du système dans son ensemble, le changement climatique etc...


Comme évoqué plus haut le Major Hasan était un produit du so-called American Dream. Son engagement dans l’armée US était un signe qu’il croyait à ce rêve américain, comme tant d’autres. Malheureusement, une fois à l’intérieur du système il s’est rendu compte par lui-même de la réalité de ce que la propagande passe son temps à masquer sous des tombereaux de conformismes psychologiques à l’eau de rose, de formatages insidieux, de préjugés tenaces transformés en modèles de tolérance etc... Bref, lui aussi, comme tout le monde, s’est fait prendre entre d’une part la pince de la propagande incessante à laquelle nous sommes tous soumis continuellement et d’autre part celle de la réalité à laquelle nous sommes confrontés lorsque nous n’y prenons pas garde. Et le gouffre qui sépare le mirage de la réalité est tellement infranchissable que nombreux sont ceux qui y perdent leur latin (c’est une image bien sûr !).

Le Major Hasan, lui, a perdu la tête.


Il y a de nombreux facteurs pour lesquels le Major Hasan a pu perdre la tête. Ils ne manquent certes pas et nous pouvons en citer plusieurs sans crainte de nous tromper. En premier lieu nous pouvons citer l’ambiance générale qui règne dans le pays, la montée des tensions et des peurs, la montée des divisions et des haines, le gouffre toujours grandissant entre le mirage américain et la réalité que la population doit affronter chaque jour; et surtout, particulièrement lorsque nous parlons d’un militaire, les effets déstructurants, tant sur le plan national qu’individuel, des guerres d’Irak où d’Afghanistan.

A ce propos nous pouvons citer l’article du Wall Street Journal sur le taux de suicide de l’armée américaine qui ne cesse d’augmenter depuis 2006, ayant dépassé pour la première fois le taux de suicide de la population civile:


The October suicide figures mean that at least 134 active-duty soldiers have taken their own lives so far this year, putting the Army on pace to break last year's record of 140 active-duty suicides. The number of Army suicides has risen 37% since 2006, and last year, the suicide rate surpassed that of the U.S. population for the first time.


The Army hit a grim milestone last year when the suicide rate exceeded that of the general population for the first time: 20.2 per 100,000 people in the military, compared with the civilian rate of 19.5 per 100,000. The Army's suicide rate was 12.7 per 100,000 in 2005, 15.3 in 2006 and 16.8 in 2007.

(Sources: Wall Street Journal - 3 Novembre 2009)


Il faut ajouter à cela le fait que le temps de déploiement des unités de l’armée US envoyées en Irak n’a jamais été aussi long depuis la seconde guerre mondiale et que cela expliquerait pourquoi les taux de désordres psychologiques dus au stress sur le terrain atteignent le taux aussi impressionnant de 35% parmi les soldats revenus d’Irak. Entre parenthèse cela montre également combien la demande d’envoi d’au moins 40.000 troupes supplémentaires en Afghanistan peut-être irréaliste et dangereuse pour l’intégrité de l’armée et pour le pays lui-même en augmentant une pression déjà à la limite du supportable.


Le site de nos «camarades» trotskystes, qui est généralement bien informé et dont les analyses sont de bonnes qualités en dépit des relents qu’on imagine et qu’il faut mettre de côté, a conclu son article à propos de cette affaire de cette manière, conclusion à laquelle nous souscrivons sans retenue:


«Endless war is wreaking havoc on American society. The Fort Hood shootings emerge almost inevitably out of this horror and confusion» (www.wsws.org).


Ce qu’il faut s’empresser de préciser néanmoins c’est que ces guerres sont nécessaires pour permettre au complexe militaro-industriel de survivre, plutôt très bien d’ailleurs, par les commandes gigantesques que cela leur amène. Il s’agit de ne pas oublier la part énorme du budget des USA consacrées aux dépenses en armement: pratiquement $1 trillion par an si on compte les dépenses camouflées dans d’autres budgets que celui du Pentagone (officiellement $ 700 milliards environ par an). Cela représente à peu près 20 - 25% des dépenses de l’Etat américain. Le problème quasiment cornélien de toute cette histoire insensée est que l’arrêt des commandes militaires, où au moins d’une partie d’entre elles, provoquerait la mise au chômage immédiat d’un grand nombre de gens et la faillite d’une partie des dernières industries existant encore aux USA, l’aéronautique notamment. C’est à dire celles qui n’ont pas été «délocalisées» pour raisons de Sécurité Nationale.


Pour en revenir au Major Hasan il est donc loin d’être le seul à perdre la tête. Certes une tuerie de ce genre n’est pas fréquente mais elle n’est pas unique. Et il ne s’agit pas de dire que cela n’arrive qu’aux USA, bien qu’effectivement ce soit beaucoup plus fréquent là-bas qu’ailleurs. Pourquoi ? Parce-que la dichotomie, où plutôt l’état de schizophrénie permanente dans laquelle nous oblige de vivre le système est beaucoup plus forte aux USA où les ravages provoqués par l’extension toujours plus large du système sur le pays doivent impérativement être compensés par une propagande toujours plus délirante car de moins en moins crédible. Faire croire aux gens qu’ils vivent dans un monde idyllique lorsque leurs proches n’ont pas de travail, lorsque d’autre dorment dans leurs voitures où sous des tentes, lorsque les sans-abris sont envoyés hors des villes, comme à NY, où encore lorsque la compétition est tellement acharnée entre les individus pour garder leur travail que ceux-ci sont prêts à se faire exploiter pour ne pas perdre leur gagne-pain, il devient de plus en plus difficile de garder la tête froide. De même lorsque l’existence finit par se résumer à gagner le plus d’argent possible (dans le meilleur des cas...) au détriment de tout ce qui pouvait constituer une existence à peu près décente, c’est à dire lorsque l’homme a finit par voir le travail comme une fin en soi et non plus comme un moyen, lorsque le marché est devenu le critère absolu pour tous les recoins de l’existence humaine, lorsque le matérialisme le plus bas et le plus vil est devenu le seul critère de référence, alors, parfois, certains «pètent un cable» comme on dit. Ils «pètent un cable» car ils ne supportent plus cette dichotomie insupportable entre la réalité et le mirage que l’on nous sert à chaque instant en nous faisant passer notre monde détruit et misérable pour le paradis; et s’ils ne supportent plus cette dichotomie c’est qu’ils ont pris conscience de cette dernière, lentement, insidieusement, jusqu’à ce que la tension ne soit plus supportable et que le système étant ainsi fait, avec son conformisme étouffant entre autre, il ne leur soit plus possible de ne pas exploser.

Le Major Hasan, lui, s’est retourné contre ce qu’il avait embrassé avec ferveur, n’en doutons pas; l’horreur de ce retournement n’est que le reflet de sa déception. D’autres choisissent de se retourner contre eux-mêmes, qu’ils soient militaires où civils (pensons à ce qui se passe chez EDF par exemple), d’autres encore, les plus nombreux, sombrent dans le désespoir où dans une dépression chronique, sans parler de tous ceux qui fuient à tire d’aile toute approche de ce qui pourrait mener à une prise de conscience de la réalité... La liste serait infinie puisque c’est notre monde tout entier qui a été détruit, infesté par ce système inhumain; inhumain puisque c’est un système qui a une image de l’homme entièrement fausse qu’il partage avec le marxisme.


A ce propos voici le commentaire d’un lecteur d’un article de Pat Buchanan sur cette affaire:


«Capitalism, individual rights! You see, there is a limit to capitalism, and that limit is being reached rihgt now. Reducing man to his economic dimension was Marx’s stupidity, and it ended up with a catastrophe. The neo-liberals and neo-cons profess the same kind of political anthropology, working hand in hand with the multicultural left. As the Lord says, you shall know them according to their fruits. These are the fruits» (Sources: www.americanconservatives.com)


D’après le sondage effectué par Globscan auprès de 29.000 personnes à travers le monde qui portait sur le capitalisme et la chute de l’Union Soviétique, sondage réalisé pour le compte de la BBC (Sources: BBC - 9 Novembre 2009), une forte proportion de gens à travers le monde (23%) considère que le capitalisme est mortellement vicié. En France 43% des sondés sont de cette opinion. Ce qui est encore plus intéressant c’est que 74% des même sondés français pensent que la fin du marxisme à travers la désintégration de l’Union Soviétique était une bonne chose. Le problème semble être que personne ne voit d’alternative au système que nous connaissons aujourd’hui, sans retomber dans un communisme dont personne ne veut plus non plus, avec les meilleures raisons du monde. C’est par conséquent le capitalisme par défaut, non par amour, ce qui explique très bien pourquoi la majorité des sondés est pour un capitalisme régulé.


Le Major Hasan, lui aussi, ne voyait plus de solution possible à part la destruction symbolique de ce en quoi il avait cru, de ce à quoi il avait adhéré, c'est à dire du système dont la prise de conscience de son caractère intrinsèquement destructeur de toute humanité lui est progressivement devenue insupportable. Son acte, c'est à dire la tuerie, quoique pathologique, révèle néanmoins une réaction de base saine même si, encore une fois, la manière dont cette réaction s'est traduite est condamnable.

Dans ce sens là nous sommes tous des Major Hasan car nous sommes tous confrontés à la même problématique: c'est à dire le nihilisme d'un système qui nous a mené à l'impasse. Mais nous ne savons pas comment en sortir car nous ne voyons aucune alternative à ce système lui-même. La question à poser est peut-être de savoir s'il faut attendre une alternative pour nous élever contre ce qui nous détruit.

Mais sommes-nous encore capable d'agir ?

Et puis le voulons-nous vraiment ?

En d’autres termes la révolte de l’humanité contre sa condition arrive à son terme; il s'agit maintenant de savoir si cette fin coïncidera avec celle de l'espèce où si cette dernière réagira en reprenant la place qu'elle avait abandonné dédaigneusement il y trois siècles.

jeudi 5 novembre 2009

Non, le mur de Berlin n'est pas tombé!

Il parait que le mur de Berlin est tombé il y a vingt ans... Et l’on en parle beaucoup à Cochon sur Terre, sur tous les tons, c’est à dire avec des airs de triomphes rentrés, des mines de victoires épanouies saupoudrées de sous-entendus lourdement esquissés: ce sont les meilleurs qui ont gagné, et nous sommes les meilleurs bien entendu, les plus vertueux, les plus beaux, les plus admirables, le sel de la terre tandis que notre monde est l’achèvement paradisiaque de notre volonté progressiste surhumaine déchaînée.

Le mur de Berlin c’était en Novembre 1989. C’était il y a déjà si longtemps que de jeunes adultes ne l‘ont pas connu; et pourtant pour ceux qui s’en souviennent cela ne parait pas si éloigné. D’ailleurs de nombreux journaux demandent à leurs lecteurs ce dont ils se rappellent comme si les souvenirs des journaux télévisés du soir et des inepties très régulièrement rapportées par les journaleux avaient le moindre intérêt. Car ce dont on peut se souvenir de ce fait historique ne peut-être que le produit de ce qui nous était présenté à l’époque de l'événement lui-même, avec les commentaires hautement pertinents qui les accompagnaient... A l’image de ce qui se passa en Roumanie...


Que furent les commentaires de l’époque, que sont les explications d’aujourd’hui ? Eh bien en gros ce sont pratiquement toujours les mêmes, en tout cas dans les cercles officiels, c’est à dire dans l’establishment occidental incluant les médias et la secte pullulante des «spécialistes» en tout genre.

En bref nous avons gagné la guerre froide car notre système était le meilleur. Et puisque l'effondrement du système soviétique en avait apporté la plus belle preuve il ne nous restait plus qu’à répandre les bienfaits de notre propre système sur la planète tout entière afin de transformer le monde, et l’humanité par la même occasion puisque cette dernière est transformable à volonté, comme peut l’être toute marchandise digne de ce nom. Bardés de cette certitude nouvelle nous lançâmes la «globalisation», c’est à dire la marchandisation généralisée de tout ce qui bougeait comme de tout ce qui ne bougeait pas.


Il est certain que l'effondrement du système communiste, pourri jusqu’à la moëlle, laissa un vide mortel que l’Occident s’efforça de combler du mieux qu’il put, et le plus rapidement possible. En réalité ce furent surtout les USA qui furent les plus prompts à réagir, non seulement parce-qu’ils passaient pour la seule superpuissance qui restait mais surtout peut-être parce qu’ils étaient les plus menacés par ce vacuum même. Comme le déclara un diplomate soviétique à des homologues US à Malte lors de la rencontre Busch senior-Gorabatchev en Décembre 1989:


«Nous venons de vous faire le pire des cadeaux: nous vous avons privé d’ennemi.»


Cette disparition de l’ennemi menaçait tout à coup tout le système d’effondrement car soudain le roi occidental était nu à son tour. En effet les oripeaux dont nous nous étions affublés et dont nous nous montrions si fiers, c’est à dire les défenseurs de la liberté, de l’humanité et bla bla bla, tout à coup ces déguisements qui servaient à masquer le nihilisme intrinsèque du système sur lequel fonctionnait l’Occident tout entier venaient à manquer avec la disparition du jumeau qui nous occupait si utilement jusqu’alors, c’est à dire avec l’effacement de ce qui nous avait donné jusque là une raison de survivre: nous étions menacés par le bloc communiste, l’Empire du Mal, et nous devions nous défendre légitimement, nous l’Empire du Bien. Mais tout à coup, à cause de cette trahison-effondrement de notre frère de lait, nous nous retrouvions au bord du gouffre, saisis de vertige par l’ampleur du vide qui se découvrait sous notre démarche d’ivrogne après la fête.


Bien sûr on ne cesse de nous répéter sur tous les tons à quel point notre système de société est meilleur, à quel point nous sommes plus heureux que ne l’étaient les habitants des pays communistes, à quel point nous sommes plus riches et combien notre situation matérielle est préférable à celle qui était la leur. Ne crachons pas dans la soupe ; oui, notre situation matérielle était largement meilleure que celle des anciens habitants des pays communistes; oui, notre système politique laissait plus de droits et respectait plus les individus que ne le faisait l’autre système; non, nos régimes politiques n’étaient pas des dictatures où des régimes totalitaires; non, nous n’avions ni goulags ni camps de concentration... Et pour finir oui il faisait meilleur survivre dans nos contrées que dans les pays communistes sans le moindre doute. C’est absolument vrai et il ne s’agit pas de le nier, bien entendu.


En revanche ce qu’il s’agit de dénoncer c’est de prendre pour excuse la fin du communisme pour affirmer que notre système est le meilleur de tous et le seul et unique viable. Car cela revient à dire qu’en dehors du communisme où de notre système il n’y a pas de salut; cela revient à affirmer que l’humanité ne peut choisir qu’entre deux types d’organisation politique, économique et sociale une fois pour toute: soit le communisme soit le capitalisme tel qu’on le connaît. C’est d’ailleurs assez logique puisque en bons progressistes nous aurions touché à la perfection et que celui des deux système qui reste debout est le meilleur par définition. Par conséquent il n’y a plus nulle part où aller; il n’y a donc plus aucune autre alternative. C’est contre cela qu’il faut s’élever car sous ce prétexte fallacieux on empêche la remise en cause du système actuel, on évite de questionner la possibilité qu’il puisse exister d’autres voies que celle de l’économie comme fin ultime de l’existence à travers la consommation à outrance et à n’importe quel prix de tout et de n’importe quoi, provoquant ainsi le pillage de la planète avec pour aboutissement la disparition de l'espèce.


Cela permet surtout d’éviter de remettre en cause la très basse conception de l’homme commune au communisme et au capitalisme, adversaires inexpiables en apparence mais irrévocablement liées par leur prémisse idéologique: une idée fausse de l’humanité, une théorie qui voit dans l’homme un animal qui ne demande que la satisfaction de ses besoins matériels pour être pleinement satisfait. Et si, selon la théorie absurde bien connue, l’homme est un animal rationnel constamment à la recherche de son intérêt bien compris, comment interpréter la crise de «delirium tremens» qui a fini par saisir l’humanité dans son ensemble depuis une cinquantaine d’année et dont on voit l’aboutissement aujourd’hui, cette crise qui ressemble étrangement à une course au suicide de l'espèce ? Serions-nous si rationnels que cela ?


La vérité c’est que l’homme est tout sauf rationnel. Capable de raisonnements, certes, mais certainement pas rationnel comme nous le démontre abondamment notre charmante époque, sans parler de notre édifiante histoire. Si nous l’étions comment expliquer l’absence de réaction de l’humanité face aux changements climatiques en cours ? Non seulement l’inertie mais bien plus la négation grandissante de tous problèmes dus à l’action de l’homme alors que tous les éléments disponibles tendent de plus en plus dans cette direction; cela donne t’il une image d’un homme rationnel ?

La vérité c’est que l’humanité est «désespérée» comme le disait déjà Bernanos en parlant de ses contemporains qu’il nommait «l’homme moderne». Nous pourrions ajouter que l’humanité d’aujourd’hui est non seulement désespérée mais aussi terrorisée, entraînés que nous le sommes par notre propre nihilisme sur la voie de l’extinction.


L’homme contemporain est désespérée, l’homme contemporain est terrorisé, l’homme contemporain n’a plus la force de faire face à sa propre fin. Il n’est plus en mesure d’accepter sa mort car il s’est privé de toute possibilité pour le faire. Non seulement il s’est ôté tout moyen pour faire face à sa condition et l’accepter mais il a fait tout ce qu’il a pu pour éviter la confrontation avec cette vérité que ses ancêtres avaient toujours pris grand soin d’intégrer. C’était d’ailleurs ce qui faisait leur humanité et constituait le tragique de leur condition d’homme; mais c’est également ce qui en faisait la grandeur.

La révolte de l’homme moderne contre sa condition fût alimentée par l'essor de la technologie, sa prise de possession de la nature suivie de près par son exploitation intensive. Heidegger nommait cela son «arraisonnement». Nous pourrions dire son «viol». Possédé, la tête tournée par ce qu’il considérait comme ses succès, l’homme moderne rejeta Dieu et Diable dans la même poubelle et s’institua seule et unique mesure de toute chose.


C’est cette illusion qui est en train de se dissiper de nos jours avec l’échec catastrophique de nos soit disant modèles de société. Cela a commencé par l'effondrement du communisme. Cette implosion a brièvement donné l’illusion au monde que le modèle qui restait temporairement debout était le meilleur et par conséquent celui que la planète dans son ensemble se devait d’adopter de toute urgence. Mais aujourd’hui, après vingt ans de saccages tant humains que naturels, nous assistons à la désintégration du second modèle, celui qui avait soit disant prouvé par la sélection naturelle qu’il pouvait apporter à l’humanité la félicité universelle et éternelle. La cause de la frénésie hystérique dont l’humanité est possédée n’est pas à chercher ailleurs. Car la signification profonde de cet échec est que l’homme ne peut pas échapper à sa condition contrairement à ce qu’avait cru les modernes. Et le problème est que l’homme contemporain ne sait plus comment faire face à cette vérité aussi ancienne que l’humanité.


Le mur de Berlin fut érigé pour empêcher les Allemands de l’Ouest de fuir le paradis socialiste pour l’enfer Occidental. Nous pourrions dire qu’il fut bâti pour éviter aux Allemands de l’Est de choisir, pour leur faire oublier la possibilité d’autre chose. Le mur de Berlin c’était l’abolition du choix, c’est à dire l’abrogation de toute référence étrangère à celle dans laquelle on était obligé de survivre. En bref le mur de Berlin c’était l’affirmation par tous les moyens qu’il n’y avait qu’un seul monde possible par la négation de tout ce qui n’était pas lui. Le mur de Berlin n’était pas forcément une preuve d'agressivité; c’était bien plus la révélation d’une terreur paranoïaque de la part des bâtisseurs. C’était d’abord un mur psychologique avant d’être un mur en béton hérissé de barbelés, au propre comme au figuré.


Sous peine de disparaître l’humanité contemporaine doit abattre le mur de Berlin qu’elle continue d’ériger frénétiquement autour d’elle afin de ne pas voir l’ombre qui la menace et qui la terrorise. L’homme contemporain doit comprendre qu’il y a d’autres possibilités de sociétés, d’autres manières de vivre que celle qui est la notre. Cela implique qu’il doit avoir le courage de faire face à son échec, à l’échec de sa révolte contre sa condition, à l’impossibilité de pouvoir se renier lui-même sans se détruire.

L’humanité doit réapprendre à accepter son humanité.