mercredi 26 août 2009

Yukio Hatoyama: le japon doit rompre avec la globalisation

Celui qui semble être bien parti pour devenir le futur Premier Ministre du Japon, Yukio Hatoyama, du Parti Démocrate du Japon (PDJ), a publié dans la revue mensuelle japonaise «Voice» un long article intitulé «My political philosophy». Il est bien entendu que c’est en vue des très prochaines élections législatives du 30 Août prochain, convoquées après la défaite électorale du Parti Libéral Démocrate (PLD), le parti au pouvoir depuis presque 50 ans sans interruption, lors des Municipales du mois de Juillet dernier.


C’est ainsi que, sauf surprise de dernière minute, assez improbable étant donné l’impopularité de l’actuel parti au pouvoir et du Premier Ministre, il semblerait donc que M. Yukio Hatoyama, Président du premier parti d’opposition (PLD), devienne le futur Premier Ministre du Japon. D’où l'intérêt de son texte puisqu’il est censé dévoiler la politique que son auteur compte appliquer s’il est élu.

Que peut-on retenir de ce texte intitulé «My political philosophy»?

Premièrement que le futur Premier Ministre du Japon a pris acte du décès de ce qu’il nomme la «globalisation US style», c’est à dire une globalisation crée, soutenue et orientée en fonction des intérêts des USA, dont il dénonce avec justesse la nuisance destructrice pour les sociétés dans lesquelles cette globalisation fait son mauvais oeuvre. Entre parenthèse, et après avoir parcouru 16.000 km en voiture à travers les USA depuis la fin Juin, je me demande vraiment si ce ne sont pas eux qui furent, paradoxalement, les premières victimes de cette globalisation dont les dégâts furent peut-être même encore plus dramatique ici qu’ailleurs en raison du manque de structures sociales capables d’y résister où seulement d’en atténuer les pires excès; sans parler de la volonté politique inexistante pour ce faire, bien au contraire.


«The recent worldwide economic crisis resulted from a way of thinking based on the principle that American-style free-market economics represents a universal and ideal economic order – and that all countries should modify the traditions and regulations governing their own economy in order to reform the structure of their economic society in line with global standards (or rather American standards).»

«The economic order or local economic activities in any country are built up over long years and reflect the influence of each country's traditions, habits, and national lifestyles. However, globalism progressed without any regard for various non-economic values, nor for environmental issues or problems of resource restriction. If we look back on the changes in Japanese society that have occurred since the end of the cold war, I believe it is no exaggeration to say that the global economy has damaged traditional economic activities and destroyed local communities.»

Deuxièmement M. Yukio Hatoyama prend acte de l’affaiblissement des USA, pour ne pas dire de leur effondrement, et de la crise du dollar qui sera appelé à être remplacé. Ce qui l’amène logiquement à conclure que le monde sera désormais multipolaire. Il campe donc sur les positions de la Russie, de la Chine, du Brésil et même de la France depuis le G8.

«The recent financial crisis has suggested to many people that the era of American unilateralism may come to an end. It has also made people harbor doubts about the permanence of the dollar as the key global currency. I also feel that as a result of the failure of the Iraq war and the financial crisis, the era of US-led globalism is coming to an end and that we are moving away from a unipolar world toward an era of multipolarity.»

Troisièmement il tire la conclusion de ce qui précède pour son pays: à savoir que le Japon doit se tourner désormais beaucoup plus franchement vers l’Asie, et ce aux dépends des USA, jusqu’à oeuvrer à la mise en place d’une monnaie régionale commune aux pays de l’ASEAN, la Chine, la Corée du Sud et le Japon.

«However, we should nonetheless aspire to move toward regional currency integration as a natural extension of the rapid economic growth begun by Japan, followed by South Korea, Taiwan, and Hong Kong, and then achieved by the ASEAN nations and China. We must therefore spare no effort to build the permanent security frameworks essential to underpinning currency integration.»

C’est un texte important pour deux raisons: d’une part le ton employé n’est pas en demi-teinte, il est plutôt franc et sans détour ce qui pour des japonais est inhabituel; cela indiquerait également qu’il ne s’agit pas d’un texte de propagande électorale; d’autre part ce texte révèle soudain à quel point une partie des dirigeants japonais, probablement bientôt au pouvoir, sont conscients du problème que posent désormais les USA pour le reste du monde et pour leur pays en particulier: leur situation économique, le dollar et bien entendu leur prétention hubristique à l’hégémonie mondiale dont l'irréalisme a été démontré par les échecs successifs en Irak et en Afghanistan. Jusqu’à présent seul le PLD avait mené la politique japonaise ce qui avait mis sous le boisseau les dissonances internes à ce sujet; en effet depuis la guerre le Japon s’était toujours aligné sur les USA et n’avait jamais véritablement fait preuve de volonté d’indépendance et encore moins d’opposition. Or ce texte montre qu’apparemment cette période d’alignement inconditionnel pourrait être révolue avec l’arrivée au pouvoir du PDJ qui prend acte de l’affaiblissement structurel des USA. Cela implique un changement de cap fondamental dans la politique du Japon qui devra être de deux sortes:

  1. Economiquement le Japon devra se tourner de plus en plus vers ses partenaires régionaux aux dépends des USA, affaiblis et ruinés, par conséquent débouché économique de moins en moins intéressant pour le Japon en comparaison de ses voisins en pleine croissance, en particulier la Chine (en tout cas officiellement).
  2. Le Japon devra revoir entièrement l’aspect militaire de son alliance avec les USA, tout aussi essentiel que l’économique. Car si ces derniers s’affaiblissaient au point de ne plus être en mesure d’assurer de manière convaincante la sécurité du Japon, comme de Taiwan, ce qui est déjà sérieusement mis en doute par tout observateur normalement constitué, et comme ce texte l’envisage clairement, il est bien évident que ces deux derniers Etats devront trouver un nouveau moyen de préserver leur indépendance. D’où l’idée d’une intégration régionale plus serrée, économiquement et politiquement, avec derrière la tête l’espoir que cela limitera les ambitions de la Chine et ses conséquences sur ses voisins, en emmaillotant cette dernière dans une organisation régionale à l’image de l’Union Européenne, comme envisagé dans le texte.


On peut donc avancer désormais que le dernier partenaire et soutien inconditionnel de poids des USA, hors UK (mais quel est encore le poids de ce pays ?), risque bien lui aussi de tourner casaque, certes graduellement, à moins que la situation ne s’aggrave soudainement; en ce cas on peut se poser la question de savoir ce que fera le gouvernement japonais avec sa montagnes de Bonds du Trésor. De plus le Japon continuera t’il lui aussi de financer la dette américaine les yeux fermés, même sans dégradation de la situation ? Dans la situation actuelle des USA ce sera une question plus que préoccupante, inutile de le préciser. C’est pourquoi, en cas de victoire de M. Hatoyama, l’attitude du Japon à la conférence du G20 en Septembre prochain donnera peut-être quelques indications sur la politique qui sera suivie par le nouveau gouvernement japonais vis à vis des USA, du dollar etc...

On peut également tenir pour acquis que les USA se retrouveront complètement isolés, à court où moyen terme, et que ce statut s'accélérera au fur et à mesure de la prise de conscience par le reste du monde de leur situation véritable. En vérité il ne reste plus grand monde pour se faire des illusions à se sujet, à part eux-mêmes. En Europe la cécité ne perd t’elle pas également du terrain ? A se remémorer à ce sujet la position de la France après le G8 (voir notre post du 09.07.10) où le Président français a affirmé officiellement la nécessité de remplacer le dollar comme monnaie de référence mondiale.

La Chine, la Russie, l’Inde, le Brésil, la France et probablement l’Allemagne, et maintenant le Japon... Il semblerait que le compte à rebours s'accélère pour les USA et qu’un jour prochain les décisions se prennent sans eux et contre eux.




jeudi 20 août 2009

Health Care Reform: the dead end où la montée des périls.

Le feuilleton du Health Care Reform n’en finit pas de provoquer des surprises, des U turns, et de spectaculaires crises d’hystéries. En tout cas par l’intermédiaire des médias, merci aux Town Hall meetings qui permettent de gonfler chaque phrase où chaque rassemblement de plus de deux personnes à la dimension d’un événement national voire plus.

Mais sur le terrain, c’est à dire dans la rue, en bref dans la vraie vie, il n’y a nulle trace de toute cette agitation. On pourrait même dire que personne n’en parle à moins de lancer le sujet, et encore les paroles restent mesurées et pour le moins prudentes.

Jusqu’à maintenant.


Il semble qu’un tournant important a été franchi ce week-end dans cette affaire. En effet la Maison Blanche a annoncé que l’option publique n’était pas du tout essentielle au programme (ce qui est totalement faux) et qu’en conséquence son abandon ne poserait pas de problème majeur au Président.

Explication. C’est le signe d’un changement de stratégie complète de la Maison Blanche dans cette affaire. Jusqu’à maintenant le Président avait tenté d’obtenir une solution bipartisane sur ce problème majeur du Health Care Reform, comme d’habitude, raison pour laquelle il avait capitulé sur tous les sujets essentiels face aux lobbys et aux républicains, comme d’habitude, rendant ainsi la Réforme quasiment inutile, voire contre-productive puisque les coûts pour les assurés risquent de monter inexorablement en raison de la dépendance complète de ces derniers vis à vis des assurances. Sans parler des prix des médicaments non négociables obtenu par le lobby des industries pharmaceutiques. Mais c’était le coût à payer pour obtenir le vote des républicains qui, entre parenthèse, est absolument inutile puisque les démocrates contrôlent le Sénat et la Chambre des représentants. D’où la colère de nombre de démocrates face à cette stratégie d'accommodement, suicidaire politiquement (voir post du 7 Août). Face à l’évidence, enfin!, c’est à dire confronté à l’opposition plus que virulente des républicains, il semblerait que l’Administration se soit résignée à changer de stratégie pour faire adopter cette réforme, bien qu’ impotente due aux exigences républicaines.


D’où l’annonce de l’abandon de la «public option» envisagée publiquement ce week-end. Quelle est la signification de cette déclaration ? Cela veut dire que la Maison Blanche a renoncé à obtenir le vote républicain et qu’elle se tourne désormais vers les démocrates pour ce faire. Mais certains de ces mêmes démocrates sont résolument opposés eux-aussi à cette réforme et particulièrement à la «public option». D’où cette déclaration pour se les concilier. Le deal est la suppression de la «public option» contre le vote de la reforme émasculée. Malheureusement pour le Président cette annonce a déclenché la fureur de tous les Congressmen démocrates qui veulent la «public option». Cette fois l’Administration voit se dresser contre elle une autre partie de ses propres troupes qui, semble t’il, soulevée par la rage, a décidé de se passer du Président et d’agir comme bon leur semble. Il est certain que parmi ces derniers nous retrouvons tous les démocrates qui sont partisans du «single payer system», (voir post du 7 Août) c’est à dire au moins 83 membres du Congrès. Il semblerait que cet épisode ait soudain réveillé la combativité des partisans du «single system payer», où même de la plus simple «public option», le tout alimenté par l’espoir, désormais fondé, de pourvoir imposer au Président leurs exigences puisqu’il est maintenant clair qu’ils sont les maîtres du jeu. Car s’ils refusent de voter cette reforme en trompe l’oeil il n’y aura pas de solution possible; c’est à dire qu’aucune reforme, qu’elle soit véritable où caduque, ne pourra voir le jour puisqu’il n’y aura aucune majorité pour la soutenir chez les démocrates, sans parler des républicains qui, de toute manière, voteront contre. Mais s’ils imposent de garder au moins la «public option» les démocrates qui y sont opposés ne la voteront pas et ce sera une fois encore l‘impasse.


Etant donné la situation actuelle il y a de quoi être pessimiste, non seulement pour la Health Care Reform mais aussi pour l’avenir politique du Président qui, avec cette affaire, se trouve de plus en plus discrédité, non seulement aux yeux des républicains, cela va sans dire, mais du public et, pis que tout, des démocrates eux-mêmes dont i ne faudrait pas sous-estimer la fureur grandissante d'une partie d'entre eux. A partir du moment où ces derniers considéreront définitivement l’Administration comme inconsistante, ce qui apparaît de plus en plus clairement aux yeux de tous, sans aucune ligne politique définie ni stratégie claire, alors ces démocrates du Congrès risquent fort de se comporter indépendamment des voeux de l’Administration et du Président. Ce dernier se trouvera de plus en plus isolé face à un Congrès incontrôlable et à une population sceptique et désemparée au mieux.


Il est désormais très probable que ce soit la situation qui se développe dans les semaines à venir. Or à une époque où ce pays traverse une crise majeure, encore une fois pas seulement économique où financière mais véritablement existentielle, à une époque où ce pays est confronté à l’exacerbation exponentielle des divisions internes qui furent contenues jusqu’à maintenant grâce aux flots d’argent qui recouvraient le pays, le manque d’autorité du Président est un facteur capital dans l’aggravation du désordre général. Ce manque d’autorité de plus en plus éclatant, ce manque non seulement de volonté mais aussi de vision politique de plus en plus manifeste, laisse clairement le champs libre aux puissances déstructurantes qui sapent désormais en toute impunité les fondements du gouvernement fédéral, à la recherche exclusive de leurs intérêts propres sans que l'intérêt général ne soit pris en compte ni défendu par qui que ce soit. La pagaïe s’étend, le système est quasiment bloqué et la cocotte minute est en état de surchauffe.


lundi 17 août 2009

Des ranchs du Montana à Bernanos.

Je suis depuis 5 jours dans un ranch du Montana, au milieu de rien où au milieu de tout, selon la perspective dans laquelle on se place. Nous sommes ici au Sud-Est du Montana, proche du Wyoming et du Yellowstone National Park, que je recommande vivement de visiter, à 10 miles de toute route goudronnée, perdus au fond d’une petite vallée où serpente une rivière où vient s’abreuver toute la faune sauvage où non qui vit dans la région. Je suis l’hôte des propriétaires de ce ranch qui n’est pas énorme puisqu’il fait 4.000 acres (1 hectares vaut 3 acres à peu près); comme tout ranch qui se respecte l’élevage est leur principale activité; non pas l’élevage des cochons, il y en a déjà assez comme çà, mais des bovins.

Cela me fait des vacances !

Entre parenthèse la visite du Yellowstone National Park m’a permis de me retrouver nez à nez avec un bison qui avait décidé que la route lui convenait pour sa promenade hebdomadaire, ce qui a engendré un gigantesque embouteillage au milieu du parc, avec des miles (I mile vaut 1.6 km) de files de voitures attendant le bon vouloir du sieur bison de dégager. Heureusement j’étais de l’autre côté de la route ce qui m’a évité d’attendre pendant des heures.

J’avoue avoir été déçu par l’animal en question car je le pensais beaucoup plus gros. Ce sont des sortes de vaches foncées, plutôt maigres, avec une proéminence couvrant les épaules et le cou jusqu’à la tête, un peu comme un gnou (si je ne me trompe pas d’animal...), le tout couvert de poil noir frisés. Des cornes bien sûr, des yeux situés assez bas sur le crâne et un regard sur l’existence et le reste qui m’a semblé assez las. Cela peut se comprendre aisément. Ce doit être un bison sage à défaut d’être futé (ahahah). La question est de savoir si ce regard sur le vie était spécifique à ce bison où à l’espèce en général. Dans ce dernier cas il faudrait leur envoyer d’urgence nos cochons pour des stages intensifs car cela leur ferait certainement le plus grand bien.

Quoique... A la réflexion ne sont-ils pas déjà en stade d'imbécillité terminale ?


Bien, revenons au ranch.

Je le disais plus haut un ranch de 4.000 acres contenant environ 200 à 300 têtes de bétail, c’est à dire des vaches, des veaux, qui sont vendus à six mois, et huit taureaux (alors là vraiment gros, et certains sont noirs comme du charbon et magnifiques...). Bien entendu il y a également des chevaux que l’on monte pour faire le tour des pâturages afin de vérifier que les vaches ne se sont pas échappés, ce qui arrive souvent, où pour faire des excursions dans les montagnes environnantes. La faune sauvage est constituée de toutes sortes d’animaux très divers tels que des castors, des marmottes, des serpents, des cerfs où des ours qui, tous, provoquent des dégâts importants, chacun selon leur capacité de nuisance respective qui peut être considérable; et leur taille ne change rien à l’affaire. Sinon il y a de nombreuses espèces d’oiseaux auxquelles je ne connais rien, des aigles de tailles diverses dont j’ai oublié les noms et qui passent leur temps à survoler les prairies et les canyons verdoyants à la recherche de mulots, lapins où autres mets de choix. Tout cela baigne dans un silence formidable qui, parait-il, n’est pas du goût de nombre de visiteurs. Ce qui n’est pas fait pour m’étonner.


Ne croyez pas que 4.000 acres et 200 où 300 têtes de bétail permettent de vivre sur un grand train. Nullement. Non seulement cela ne paye son homme que très mal mais en plus cela devient de plus en plus difficile et décourageant, à tel point que les ranchs de la région sont vendus les uns après les autres à des étrangers, c’est à dire des gens n’habitant pas l’Etat et qui ne perpétueront pas l’élevage ni aucune vie agricole quelle qu’elle soit. Ce sont des achats effectués comme placements à long terme; mais pendant ce temps là la vie disparaît et les fermes restent inhabitées. Deux problèmes se posent aux ranchers:


  • les prix des terres sont monté beaucoup trop haut depuis ces dernières années ce qui les empêchent de racheter les ranch mitoyens des leurs afin de leur permettre de s’agrandir et d’améliorer leurs conditions de vie en ayant plus de bétail.
  • Les prix de la viande sur pied ne sont pas montés depuis quarante ans. Ce qui signifie, bien sûr, qu’ils ont considérablement baissé à monnaie constante.


La conjonction de ces deux facteurs est en train de détruire toute la vie rurale qui subsistait encore dans cette partie du pays. En conséquence les fils de ranchers ne veulent plus vivre la vie qu’ils ont vu leurs parents vivre, quant ils le peuvent, et émigrent dans les villes, ce qui aboutit à la vente des propriétés et à la désertification des campagnes. De plus, et c’est beaucoup plus grave, cela provoque une dépendance alimentaire de plus en plus importante du pays vis à vis de l’étranger puisque ce qui n’est plus produit est importé, notamment du Mexique (bovins, porcs et poulets).


En effet le rapport d’un ranch comme celui sur lequel je me trouve, s’il était très intéressant il y a quarante ans, est devenu aujourd’hui notoirement insuffisant pour faire vivre une famille, même lorsque cela implique la vie austère que l’on mène par ici. Les propriétaires de ce ranch sont âgés, elle dans les 70 ans et lui 77-78 ans. Ils ont fêtés leur 50 ans de mariage l’année dernière, ont 4 enfants, 12 petits enfants, tous plus où moins éparpillés dans la région sauf une de leur fille qui vit en Californie. Le fils aîné vit sur le ranch avec sa famille et travaille avec son père puisqu’ils n’ont plus personne d’autre pour les aider; il y a quarante ans il y avait encore six hommes et leurs familles sur la propriété. Mais le rendement est devenu si bas que cela ne permet plus d’avoir quelqu’un avec eux alors qu’ils en auraient besoin pour avoir plus de têtes de bétail. J’ai pu voir les prix de vente des vaches. Cela se fait aux enchères dans la ville située à 30 miles du ranch, lieu où se produisent toutes les transactions pour le bétail dans le County. Ce dernier est acheté par des intermédiaires qui le revendent aux groupes agro-industriels. Ceux-ci gardent le bétail pendant quelques mois, le nourrissent pour le faire grossir encore plus, le bourrent de vitamines et d’antibiotiques puis l’emmènent à la boucherie. Le rancher qui garde sa vache pendant plusieurs années, 10 ans à peu près, quelque fois plus si elle vêle souvent, est celui à qui ce business rapporte le moins. La dernière facture que j’ai pu voir montrait que pour 11 vaches il recevait, après les différentes taxes payées, environ $ 6.200,00. Au poids, selon la race etc... les prix varient entre 0,50 cents et 0,90 cents par pounds (environ 450 grammes). A comparer avec les prix demandés dans les supermarchés: pour un steak par exemple il est courant de demander $7 à $8 par pounds, et pour la meilleure qualité beaucoup plus. Les revenus sont donc très bas, surtout après avoir déduit les achat de matériel, les notes de vétérinaire et tout ce qui est indispensable à la vie d’une ferme...


Voilà pour l’aspect matériel du problème. Mais si on y ajoute la vie que mène ces gens, cela n’est vraiment pas fait pour attirer les foules contemporaines mais plutôt pour les faire fuir à toute jambe.

Le ranch fût acheté par le père du propriétaire actuel en 1933, un émigré norvégien qui arriva aux USA dans les années 1920. Son fils est né ici et n’a pratiquement pas quitté la région de toute sa vie. Sa femme est également originaire de la région et ils ne sont allé à l’étranger qu’une fois dans leur vie il y a 25 ans, en Norvège, pour visiter leur famille. Ils vont parfois en Californie pour voir leur fille, qui est médecin près de LA, et leurs petits-enfants. Bref ils ont passé leur vie sur leur ranch et dans sa région proche. Il n’est pas question ici de divertissements où de voyages d’agrément ni même de vacances. Le Dimanche, parfois, on va faire un tour en montagne à côté, ramasser des framboises sauvages, excellentes d’ailleurs, des myrtilles où des fleurs, tenter de voir un ours où deux, puis on rentre chez soi. On achète ce dont on a besoin et pas plus, pas de dépenses inutiles où superfétatoires. Ce qui ne veut pas dire qu’on vit mal où qu’on manque de quoi que ce soit. Loin de là ! On vit frugalement et on ne manque de rien d’essentiel. C’est presque merveilleux de voir à quel point il y a peu de choses essentielles au bout du compte, et contrairement à ce que notre monde paradisiaque tente de nous faire croire, on se passe très facilement de tout le reste, c’est à dire de presque tout ce dont il est constitué.

Leur existence est très réglée. La journée commence à 6 heures chaque jour, il s’en va à 7 heures et ne rentre qu’en fin d’après-midi; elle reste à s’occuper des travaux domestiques. Cela dure depuis plus de 50 ans qu’ils sont mariés. Ils se retrouvent le soir tous les deux autour de la table de la cuisine et se racontent leurs journée, de la même manière que s’ils en étaient encore à leur première année de mariage. On y parle de vaches, d’événements survenus au village, du temps qu’il fera et de ce qu’il faudra faire en fonction de cela, arroser où pas etc... Ne croyez pas que ce soit sarcastique de ma part, rien ne saurait être plus faux. Comment être ironique lorsque l’on a sous les yeux des gens qui vivent de cette manière, content de leur sort car s’en satisfaisant, alors que l’on peut en côtoyer tant d’autres abondamment fournis de tout ce que l’on peut souhaiter, comme de tout ce que l’on ne souhaite pas d’ailleurs, et qui sont chroniquement frustrés ?

Qui mérite le sarcasme ?

Elle lui rappelle de prendre ses médicaments et le surveille du coin de l’oeil sans rien dire, sans qu’il s’en rende compte. Ils n’y a pas entre eux de marques de tendresse exagérée, il n’y a pas de grandes démonstrations d’affection hollywoodiennes; pas le genre de la maison. Ce sont des gens qui ont eu une vie dure, qui ont des moeurs austères, ce qui ne les empêchent pas de rire et d’être content de leur sort mais cela n’encourage pas non plus le nombrilisme car on n’a pas beaucoup de temps pour cela. Le travail au champs pour remplacer les psys devrait permettre de faire faire de substantielles économies à la Sécu locale et donner des résultats certainement plus probants.

Ils ont élevés leurs 4 enfants, les enfants ont grandis et sont partis puis ont eu des enfants eu-mêmes qui seront bientôt en âge d’en avoir à leur tour...

Peut-on dire et ainsi de suite ?

Malgré le fait qu’ils ne vivent pas sous le même toit, les liens ne sont pas coupés ni même distendus entre les générations (pas encore). Les trois enfants qui vivent toujours dans le Montana entretiennent des relations suivies entre eux et avec leurs parents. Les grands parents jouent encore un rôle importants pour leurs petits enfants et les aident souvent financièrement, comme par exemple pour les aider à payer leurs études qui sont hors de prix aux USA. A ce niveau là je me demande ce qui arrivera lorsque cette génération ne sera plus là. Il est à craindre que ce ne soit l’éparpillement général, la fin des liens entre membres de la famille et la réduction de chacun au rôle assigné par notre société divine, déjà décrit cent fois ici, de contribuable et de consommateur.

Rien ne peut mieux résumer cette vie que ces lignes de Bernanos écrites il y a plus de 60 ans:


« Nous pensons juste ce qu’il faut, nous ne pensons pas pour penser mais pour accomplir plus efficacement notre travail quotidien, faire notre œuvre, élever nos enfants et mériter la suprême grâce qui est de vieillir avec patience, afin de pouvoir, le moment venu, mourir en paix, regarder la mort en face. Ce n’est pas notre faute si les expériences désespérées du monde moderne risquent bientôt de rendre notre tâche, non seulement difficile, mais impossible.»


J’ai encore ici, comme je l’ai déjà eu ailleurs trop souvent, le sentiment terrible de voir s’achever ce qui a débuté il y a environ 300 ans en Europe: la destruction de l’homme, où pour être plus exact la destruction de l’humanité de l’homme. C’est encore aujourd’hui le même schéma dénoncé par tant de gens depuis le 18eme siècle qui s’articule par la conjonction de deux méfaits:


  • d’une part la transformation des anciens individus en masses compactes de consommateurs coupés de leurs semblables et sevrés de toute préoccupation autre que matérielle.
  • d’autre part l’apparition d’un monstre, l’Etat jamais rassasié, qui dévore toujours plus la liberté des anciens individus jusqu’à les placer sous sa complète tutelle.


Lorsque cette ancienne liberté disparaît au profit d’un processus mortel de domestication et de clonage par l’Etat et la société de consommation; lorsque l’évolution de toutes les sociétés qui subirent l’industrialisation à outrance aboutit à l’extension parasitaire du marché à tous les domaines de l’existence; lorsque cette marchandisation générale de l’existence de tous impose l’uniformité des aspirations et des désirs des populations domestiquées; lorsqu’on en arrive à retirer aux parents l’éducation de leurs enfants, lorsque le soin des plus âgés et tous les multiples aspects de la vie de moins en moins privée de chacun, toujours pour les mêmes raisons, sont tous remis entre les mains gluantes de l’Etat; en conclusion, et pour aller vite, lorsqu’on en arrive au prodige de faire accepter à toutes ces populations massifiées et formatées la situation totalement anormale de l’homme contemporain, comme non seulement légitime mais désirable, on aboutit alors au monde qui est le nôtre aujourd’hui, celui que Bernanos décrivait ainsi:


«Le monde moderne est un monde humilié, un monde déçu, c’est ce qui le rend furieux. Le sentiment de la ridicule disproportion entre ses réalisations et ses promesses donne à cette fureur un caractère de férocité. Tous les ratés sont cruels. Le monde moderne est un monde raté, il risque aujourd’hui de se jeter dans le suicide pour échapper à l’intolérable aveu de son impuissance..»


Dans ce ranch du Montana, dans cette région où subsiste encore des hommes non domestiqués par les fléaux du modernisme, les cadavres rodent néanmoins à la porte; cadavres articulés, cadavres embaumés et maquillés, cadavres nourris et confortables mais cadavres quand même.

Mes hôtes, eux, ne connaîtront jamais cette dégradation, mais il est probable, pour ne pas dire certain, qu’ils seront les derniers à ne pas être mis sous tutelle et asservis à l’état de consommateur subventionné.

Ici donc les spectres sont encore tenus à distance par la seule présence de ces hommes encore libres. Les morts-vivants ne peuvent être confrontés à cette lumière ; elle les tuerait puisqu’ils ne savent survivre que dans l’obscurité des soubassements douillets des fosses sceptiques de notre monde idylliques. Mais lorsque la vie s’éteindra ils recouvriront alors de leur vaste couverture opaque et étouffante le territoire jadis fertile, et désormais abandonné par l’homme, des terres libres.

Le temps de la survie sera désormais la norme ici aussi, comme il l’est déjà presque partout ailleurs.

(Burnt Out Lodge, écrit le 9 Août 2009)

mercredi 12 août 2009

Congress corporate jets: yes, pigs do fly and they love it !

Les Américains ont un proverbe qui nous plaît énormément, ici à la chronique de cochon-sur-terre, et vous allez comprendre pourquoi immédiatement. Le voici:


« Pigs do not fly »


Malheureusement, et à notre plus grande désolation, nous avons appris (Sources: WSJ - 07.08.09) que c’était faux. Désormais il nous faudra transformer le proverbe:


« Yes, pigs do fly and they love it ! »



Eh oui les cochons volent ! Cela nous le savions déjà pourrez-vous me dire. Certes. Mais tout de même, pas à ce point là ! Où plutôt devrions-nous préciser qu’une certaine catégorie de cochons volent. Il faudrait ajouter qu’ils volent à très haute altitude et que nous seulement ils aiment cela mais qu’ils en abusent.

Qu’est-ce à dire, qu’a t’il encore inventé, vous demanderez-vous ?

Rien n’est inventé, voici les faits.


Tout le monde se souvient qu’en Novembre dernier les CEO de deux des ex big three (GM et Chrysler), c’est à dire deux des constructeurs automobiles US, étaient venus à Washington pour quémander un soutien financier au gouvernement afin d’éviter... la faillite... Cela provoqua un grand scandale, notamment parmi les membres du Congrès qui trouvèrent que c’était un peu fort de café de demander une aide financière au contribuable (à travers le Congrès) pour éviter une cessation d’activité tout en utilisant des jets privés pour ce faire. Pourquoi pas... Le mois suivant, ayant retenu la leçon, les mêmes vinrent à Washington ... en voiture, ce qui semblait plus logique pour des constructeurs d’automobiles. Comme on sait, ayant obtenu l’argent qu’ils voulaient ils firent faillite aussitôt après comme de nombreux observateurs l’avaient prédis.


Le 7 Août dernier on apprit que le Congrès prévoyait de dépenser $550 millions (bill HR 3326) pour l’achat de 8 avions privés, ce qui constituerait une augmentation importante de la flotte déjà en activité (environ 24 avions) pour le transport des membres de l’Administration, du Pentagone et du Congrès. On pourrait objecter que pour le nombre de gens à transporter çà ne semble pas extravagant. Certes. Mais là où cela devient amusant c’est la réaction du Congrès face aux hurlements que cela provoqua dans le public; le Congrès avança diverses excuses toutes aussi peu crédibles les unes que les autres, dont la plus imprudente fût d’affirmer que la demande venait du Pentagone. Or, lorsque l’on examine la demande en question on se rend compte que le Pentagone n’a demandé l’achat que de deux avions pour remplacer deux équivalents devenus hors d’âge, plus deux actuellement en location afin d’abaisser les coûts. Pourquoi pas, même si c’est bien la première fois dans son histoire que ce dernier s'abaisse à faire des économies budgétaires ! Surtout lorsqu’on vient de voter son budget pour l’année 2010 ($634 billions officiellement...) en augmentation de presque $100 billions depuis l’année précédente. C’est touchant...


Le Congrès ajouta donc à la demande du Pentagone l’achat de 4 avions: 2 Boings 737 ($70 millions chaque) et 2 Gulfstream V ($66 millions chaque). Il faut savoir que tous ces appareils sont des versions militaires car ils sont sous la responsabilité du Pentagone qui gère cette flotte d’appareils selon les besoins des diverses administrations évoquées plus haut (Gouvernement, Congrès Armée). Par conséquent on peut légitimement se dire que si le Pentagone demande de remplacer quatre avions c’est qu’il pense inutile d’en ajouter quatre supplémentaires. Apparemment le Congrès en jugea autrement.

Vous demandez-vous pourquoi le Congrès a requis l’achat de ses 4 appareils supplémentaires de son propre chef ? Peut-être y a t’il un élément de réponse dans ce qui suit. En 1995 le nombre de voyages des membres du Congrès à l’étranger furent de 550 pour un coût de $1.3 millions; l’année dernière il y en eût 3.000 pour un coût de $13 millions...Il faut savoir également que le mois de l’année au cours duquel les distingués membres du Congrès voyagent le plus avec les avions du gouvernement est le mois d’Août pour un coût de $6.2 millions (2008); c’est bien normal c’est le mois où ils sont en vacance !


Il faut bien avouer que nous sommes un peu de mauvaises foi dans cet article. En effet la colère du Congrès contre les CEO de GM et Chrysler qui venaient leur demander de l’argent en avion privé pour les sauver de la faillite était vraiment justifiée; quant on est en faillite on n’utilise pas d’avion privé pour demander à son créditeur de l’argent; non mais vraiment ils n’ont aucun sens commun ces CEO !

Question 1: A votre avis la prochaine fois que Geithner ira à Pékin il ira à la nage ?

Question 2: Et s’il obtient par miracle ce qu’il demande croyez-vous que cela se terminera comme Chrysler et GM ?


Tout le monde est donc content à Cochon sur Terre, le meilleur des mondes.


Note to our american readers: if you would like to have the list of the members of the House who voted in favour of the bill we will send it to you upon request. It was voted with a majority of 92%.

samedi 8 août 2009

Obama et la Health Care Reform: le consensus a un coût....

La reforme du Health Care System US est le serpent de mer de la politique US depuis des décennies. Nombreux sont ceux qui parlèrent de réformer ce système, certains tentèrent même de faire quelque-chose, comme les Clinton au début de la première présidence, sans aucun résultat comme on sait. Pourtant ce sujet revient sur le devant de la scène cycliquement sans que personne ne fasse rien, avec une régularité tout aussi consternante. Mais l’espoir reprit soudain de la vigueur avec la candidature d’Obama. En effet celui-ci en fit un des thèmes les plus importants de sa campagne, voire le plus emblématique selon certains. Cela souleva un certain enthousiasme chez les aficionados du futur Président tant ils plaçaient de confiance en lui. Aujourd’hui l’heure de tenir sa promesse, le moment de réaliser le chantier emblématique de sa présidence a sonné.


Tout d’abord il faut bien comprendre que ce que l’on nomme «health care» aux USA est un système horriblement compliqué, comprenant de multiples organismes couvrant très partiellement différentes catégories de gens qui se trouvent dans la nécessité de prendre des assurances privées qui ne les remboursent que lorsqu’ils sont en pleine santé. Dés que ce n’est plus le cas les primes augmentent d’une manière exponentielle ce qui obligent le plus souvent les souscripteurs à cesser de cotiser. En revanche le seul organisme, gouvernemental, qui soit plutôt satisfaisant est Medicare qui prend en charge les gens de plus de 65 ans et les handicapés.


En quelques chiffres officiels voici la situation réelle.

Aujourd’hui il y a aux USA 46 millions de non assurés et 60 millions n’ont pas de possibilité de recevoir des soins médicaux à domicile. Environ 18.000 américains meurent chaque années parce-qu’ils ne vont pas chez le médecin lorsqu’ils le devraient. A ce propos (Sources: sondage Reuters du 12 Juin 2009) 17,4% des foyers américains ont déclaré avoir repoussé où retardé des soins médicaux l’année dernière tandis que 40% des foyers américains prévoyaient de faire la même chose dans les prochains trois mois; 15% annuleront leur visite habituelle chez le médecin au cours des mois qui viennent. Tout cela étant dû au manque d’argent comme le montre bien le fait que les ménages disposant d’un revenu de moins de $50.000 par an sont ceux qui sont les plus sujets à être incapables de payer leurs frais médicaux.

En lien direct avec ce qui précède il faut savoir qu’en 2007 62% des cas de banqueroute personnelle étaient dues à des dépenses médicales et on estime ces dernières à environ $ 7.200 par américains chaque année (Sources: Sénateur Bernie Sanders)

De plus, selon l’ONU, l'efficacité du système de «sécurité sociale» américain se situe au 37 ème rang mondial, ce que l’on croit volontiers si on se fie par exemple au taux de mortalité infantile US qui se situe au 46 ème rang mondial à 6,26 (Sources: CIA World Factbook 02 April 2009), sans parler de ceux dus au diabète où aux maladies cardio-vasculaires.

Et la cerise sur le gâteau est que toute cette usine à gaz voit ses coûts exploser de manière incontrôlée. En effet le coût du Health Care System atteint aujourd’hui la somme astronomique de $ 2.4 trillions, soit 18% du PIB (Sources: Sénateur Bernie Sanders), ce qui en fait un système deux fois plus cher que celui de la France per capita pour une inefficacité qui relève du scandale pur et simple si on se réfère aux chiffres cités précédemment.


Comme on peut le voir la situation est particulièrement mauvaise et la Health Care Reform constitue certainement une des nécessités les plus urgentes, bien qu’elle soit loin d’être la seule !

L’unique solution à ce désastre et à cette pagaie, où en tout cas la plus simple à entreprendre (toute proportion gardée), la moins coûteuse à la fois pour le gouvernement et pour les assurés, aurait été l’extension à l’ensemble de la population du système Medicare (single payer system) dont, apparemment, les bénéficiaires (les plus de 65 ans et les handicapés) se montrent très satisfaits. Cela aurait eu plusieurs avantages:


  • 1) ce système est déjà en place et de ce fait est familier aux médecins et aux divers protagonistes.
  • 2) cela aurait permit de réduire considérablement les coûts d’achat des médicaments prescrits puisqu’il n’y aurait eu qu’un acheteur (l’Etat) qui aurait pu négocier à la baisse les prix avec les groupes pharmaceutiques ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. De plus le gouvernement aurait pu menacer d’acheter les médicaments moins chers des groupes canadiens où européens si l’industrie pharmaceutique US n’était pas compétitive, comme cela a déjà été suggéré par de nombreuses personnes, dont le Président lui-même lors de sa campagne.
  • 3) les assurés ne seraient plus obligés de débourser de l’argent en attendant d’être remboursés par leurs assurances (quant ils le sont...).
  • 4) plus de paiements des honoraires des médecins par l’assuré.
  • 5) pour les salariés plus besoin de payer les «health insurance premiums» que leurs employeurs leurs demandent de payer de plus en plus souvent.
  • 6) plus besoin de payer des fortunes pour des plans d’assurances privées comportant des restrictions telles qu’on se retrouve non couverts en cas de problèmes.


La vérité c’est que la proposition de loi en faveur du «single payer system» (soutenue à la Chambre des Représentants par Rep. John Conyers sous le code HR676 et au Sénat par le Sénateur Bernie Sanders sous le code S 703, avec l’appui de 83 membres du Congrès) n’a même pas été prise en compte; elle a même été carrément ignorée à la fois par la direction démocrate du Congrès et par la Maison Blanche, malgré toutes les promesses électorales.

Que s’est-il passé?

Il s’est produit ce qui arrive habituellement dans ce pays dés qu’une menace de changer le système apparaît à l’horizon, ce qui signifie dés que des intérêts particuliers (par opposition à l’intérêt général) courent le risque d’être remis en cause. Il y en avait de nombreux mais nous nous attacheront particulièrement aux plus puissants d’entre eux. Il y en a deux principalement. Comme toujours ces intérêts «particuliers» font du lobbying intensif, ce qui est le terme en langue de bois pour la corruption officielle et légale; ce qui n’empêche nullement l’illégale de se produire évidemment. Cette Réforme, et nous parlons de la véritable, c’est à dire de celle qui ne verra pas le jour, menaçait des intérêts puissants, si puissants que les leaders démocrates du Congrès et la Maison Blanche ont capitulé bravement en rase campagne face à eux. De qui parlons-nous ?


Du lobby des industries pharmaceutiques et du lobby des assurances de santé. Leur stratégie fût simple mais habile et efficace. Leur plus grande peur était de ne pas avoir leur mots à dire durant l’élaboration de la nouvelle loi. Pour éviter cela ils ont habilement soutenu les réformes qui les gênaient le moins, c’est à dire celles qui ne leur coûtaient rien afin de rendre visible leur bonne volonté et être invité à participer à la table des négociations. L’objectif fût atteint rapidement.

C’est ainsi que le principal représentant des industries pharmaceutiques, le lobbyist Bill Tauzin, fût reçu à la Maison Blanche plusieurs fois ces dernières semaines. Le résultat pour ses clients fût conforme à leurs attentes. Il réussit à obtenir deux choses surréalistes :


  • 1) la promesse de ne pas remettre en cause la loi votée sous l’administration Busch qui interdit à Medicare de négocier les prix des médicaments achetés par cette agence gouvernementale aux industries pharmaceutiques US (oui, vous avez bien lu!).
  • 2) la promesse, qui découle de la première, de ne pas mettre en compétition l’industrie pharmaceutique US avec ses homologues canadiennes et européennes, cela en opposition totale avec la proposition d’Obama pendant sa campagne d’importer des médicaments européens et canadiens meilleurs marchés aux USA.


Quant aux assurances de santé elles obtinrent tout simplement l’abandon du «single payer system», c’est à dire qu’en gros elles parvinrent à leurs fins de ne rien changer et de garder leur monopole sur le système d’assurance santé américain et de pouvoir continuer à augmenter leurs tarifs pour des assurances, soigneusement concoctées par leurs avocats, qui ne les obligent pas à payer ce pour quoi elles perçoivent des cotisations. Dans ces conditions on n’aura pas de mal à comprendre pourquoi ces compagnies d’assurance ont vu leurs bénéfices augmenter de 170% entre 2003 et 2007.


On peut se demander pourquoi la direction démocrate au Congrès et la Maison Blanche ignorèrent si complètement la solution préconisée par le Sénateur du Vermont Bernie Sanders et le Rep. John Conyers, la seule réellement valable car apportant un vrai changement permettant à tous les américains d’être assurés sans courir le risque de la banqueroute où de crever d’une maladie parfaitement guérissable par manque d’argent comme cela se passe aujourd’hui régulièrement (18.000 cas par an) ?


Il y a deux explications qui sont liées l’une à l’autre.


- La première est la nécessité politique pour le Président de remporter cette bataille sur la Health Care Reform dont il avait fait un de ses chevaux de bataille durant sa campagne électorale. Nécessité d’autant plus pressante que sa côte de popularité est nettement en train de baisser (50%) dans l’opinion publique américaine, principalement due à la perception de plus en plus aiguë par les américains de ce qui commence à être vu comme de la faiblesse de caractère et, pire encore, comme une inadéquation pour le job face à la crise monumentale qu’affronte le pays. C’est ainsi que plutôt que d’engager une féroce bataille contre ses opposants et de risquer d’y perdre des plumes, voire de ne pas réussir à quoi que ce soit, le Président et la direction démocrate optèrent pour une négociation, c’est à dire une capitulation, qui leur permettrait de faire apparaître ce maquillage de façade de l’assurance santé comme une triomphale victoire grâce à la formidable force de caractère du Président. Tout valait mieux que rien.

- La seconde est liée à la personnalité du Président. Celle-ci soulève des interrogations depuis le début de son apparition sur la scène, c’est à dire lorsqu’il se lança dans la course à l’investiture. Mais ces questions étaient faîtes sur le mode de la sympathie et de la spéculation toujours positive du genre: «on verra ce qu’on verra! », où «méfiez-vous de l’eau qui dort». Aujourd’hui les questions se font de plus en plus inquiètes, lorsqu’elles ne se transforment pas en affirmations agressives: «il n’a aucun caractère», «il a une belle gueule mais cela ne suffit pas» etc... Il est désormais de plus en plus avéré que le Président fait toujours tout pour éviter un conflit et ne résiste pas à négocier à n’importe quel prix, à arrondir les angles, bref la recherche d’un consensus, en particulier lorsque cela implique d’affronter l’oligarchie au pouvoir, c’est à dire, comme on dit ici, l’establishment. Malheureusement il semblerait que ce soit précisément ce trait de caractère qui commence à être le plus mal perçu par les américains, non pas qu’ils trouvent leur Président rébarbatif, mais bien parce qu’ils commencent à trouver que cette faiblesse à l’égard de l’establishment, précisément, pourrait leur être fatale et que, de plus, il semble incapable de donner une direction claire à la politique de son Administration, tant au niveau intérieur qu'extérieur.


Il se trouve que cette volonté de trouver un compromis à tout prix pour pouvoir aboutir à passer une Health Care Reform, même si celle-ci n’est qu’une coquille vidée de toute substance et ne change rien à la situation, sinon que les coûts vont encore augmenter et mener le système à la faillite encore plus rapidement qu’escompté, il se trouve que toute cette manoeuvre est en train d’avoir l'effet exactement inverse à l’effet recherché. Personne n’est dupe. Et cette recherche du consensus à tout prix, qui lui a déjà tant coûté politiquement, va avoir un effet dévastateur dans cette affaire, et ce d’autant plus qu’il y avait beaucoup d’espoir d’une vraie réforme chez ses partisans. Non seulement il donne encore des arguments à ses ennemis en dépensant des fortunes pour rien, où presque, et par conséquent augmente encore leur fureur, mais en plus il mécontente et déçoit ses partisans en ayant abandonné le principal de ce qui aurait dû et pu être une véritable et nécessaire réforme.

En clair, dans cette affaire, et si la loi est votée selon le compromis passé au Congrès, le Président aura réussi à créer un véritable consensus: tout le monde sera furieux contre lui.


jeudi 6 août 2009

De notre identité nationale à l'étranger...

Il y a deux jours je me trouvais dans le Sud-Ouest du Colorado, plus exactement à proximité du Parc National de «Misa Verde», que je recommande d’aller voir car c’est très beau.

Je me trouvais dans une v...., enfin une agglomération (oui, je sais je la ferme!), dans laquelle je tournais en rond désespérément à la recherche d’un magasin qui pourrait me fournir des fruits. Eh oui, dans certaines région de ce pays il est difficile d’en trouver ! Heureusement, et à mon plus intense soulagement, je découvris un ... Wall Mart !


Inutile de vous dire que je me précipitais dans le parkings pour 10.000 voitures, sans compter les places des autobus, des camions et des avions, enchanté à l’idée de pouvoir enfin m’acheter des fruits.

Oui je sais ! Wall Mart me direz-vous avec vos mines dégoûtées de Bobos à roulettes, français qui plus est, c’est à dire encore plus gâtés que le reste du monde, ceux qui ont la chance inouïe d’habiter en France où ils peuvent descendre acheter leur pain quant bon leur semble, où ils peuvent aller chez l’épicier du coin pour acheter des fruits où se taper un bout de saucisson venant tout droit du Cantal, sans parler de s’installer à la terrasse d’un café pour vous goinfrer d’un croissant !!! Non mais vous croyez que c’est une situation normale, vous ? Eh bien laissez-moi vous dire que non seulement votre situation de français en France n’est pas normale mais en plus elle est unique ! Alors tâchez de comprendre les pauvres français à l’étranger qui ont le plus grand mal à se nourrir d’une façon qui serait à peine acceptable en France car sachez le bien: si on vous obligeait à subir ce qu’un français à l’étranger doit supporter en matière alimentaire, vous seriez tous dans la rue avec des fourches ! Nous, dans la situation qui est la nôtre, on tente de survivre le moins mal possible et s’il le faut grâce à Wall Mart.


Eh bien non, c’est pour cela que vous ne pourrez jamais vous rendre compte à quel point c’est jouissif de repérer un Wall Mart dans une v....., non, une agglomération aux USA. Sauf lorsqu’il y a un Whole Food (organiques et hors de prix), mais c’est rare car ces magasins là ne fréquentent pas n’importe quelle agglomération. Ils sont très snobs... D’ailleurs lorsque j’ai eu le courage, toute honte bue et bien avalée, d’avouer à une amie avec qui je dînais à Santa-Fe l’autre soir, que je fréquentais les magasins en question (Wall Mart), j’ai cru qu’elle allait se mettre à vomir dans mon assiette. Mais il faut savoir que la population de Santa Fe ne se déplace que dans les Whole Food. Il y en a d’ailleurs un très bien dans lequel je me suis précipité dés que je l’ai repéré (j’ai un très bon flair pour ce genre de chose, et je suis convaincu que c’est dû à un gêne particulier aux français).


Donc reprenons. Je sors de ma voiture à la vitesse de l’éclair et me précipite tête baissée, nez en avant, à l’intérieur de la section «Food». Etant donné que tous ces magasins sont aménagés de la même manière (c’est bien la seule occasion que je bénirai l’uniformité) j’allais tout droit au rayon fruits et légumes, assuré d’y trouver mon bonheur pour la journée à venir. Généralement je suis souvent assez isolé devant ce rayon, les rayons chips, candies et autre soft drinks où beers étant beaucoup plus encombrés. Quelle ne fût pas ma stupéfaction, et pratiquement mon indignation, de voir le rayon envahi par une bonne dizaine d’individus, de tous âges, y compris des enfants, tous agglutinés autour de MES fruits, retournant, tâtant, comparant, reniflant etc... le tout en grande discussion, quasiment métaphysique si j’en jugeais à la gravité des visages qui regardait tous ces fruits d’un air nettement suspicieux. Je m’approchais lentement, l’air dégagé de celui qui ne s'intéresse pas du tout à ce que racontent les voisins, tout en faisant tout pour ne pas perdre une miette de leur conversation. Voilà ce que cela donna, sans aucun besoin de traduction :


  • Non, mais on va pas acheter çà, t’as vu la couleur ! dit un homme d’une quarantaine d’année avec un air franchement indigné par la couleur de la pomme qu’une femme fourrait dans un sachet d’un air décidé.
  • Ouais ben couleur ou pas couleur on les achète parce que moi j’en ai marre de rien bouffer depuis deux jours, coupa la femme (la sienne j’imagine) en remplissant un sachet des pommes litigieuses.
  • En plus j’sais pas si vous avez remarqué mais c’est un Wall Mart, continua l’homme qui n’aimait pas les pommes d’un air de léger reproche.
  • Et alors ? répondirent les autres.
  • Eh bien c’est ceux qui exploitent leurs caissières il parait.
  • Oui, ben tu fais c’que tu veux mais c’est pas mon problème, répondit sa femme en prenant des framboises. Et puis j’te signales que chez nous c’est du pareil au même; Casino où j’sais plus lequel qui paye leurs caissières 700 où 800 Euros par mois... Alors Wall Mart où pas Wall Mart...
  • Qu’est ce que je donnerai pas pour une bonne baguette, dit soudain un autre en regardant autour de lui.
  • Ben c’est pas ici qu’tu vas la trouver ta baguette, moi j’te l’dis, répliqua celui qui n’aimait pas les pommes. J’suis allé voir, y a qu’des trucs dans des sachets en plastique. Imbouffables; alors merci, j’te les laisses.
  • Alors t’as trouvé, demandèrent les deux hommes d’une seule voix à un autre qui arrivait avec un caddie à moitié rempli.
  • Ben non, y a qu’du californien, répondit le nouveau venu d’un air dépité.
  • Merde alors, tu vas pas me dire qu’ils ont pas de bordeaux dans ce patelin, c’est pas possible çà !
  • Le vin californien c’est peut-être pas si dégueulasse que çà après tout, il parait qu’ils ont des vignes françaises en Californie.
  • Bon, écoutez les gars, arrêtez de râler parce que vu qu’on vient d’arriver; alors il faudra bien s’y faire parce qu’il y a encore deux semaines à tenir. Laissez-nous acheter ce qu'il nous faut et occupez-vous des boissons. Cette fois c’était une autre femme, du même âge que les autres, qui fit cette déclaration ferme et pleine de bon sens.

Tandis que les hommes partaient de leur côté en lançant des regards inquiets aux étalages, les femmes et les enfants continuaient de fourrer des fruits dans le caddie avec un empressement qui me rappela le bon vieux temps de la pénurie communiste en URSS où dans les pays de l'Est. Cette époque, dont certains sont si nostalgiques, où il fallait toujours être prêt à acheter ce qui se présentait à l'étalage, même si on n'en n'avait nul besoin immédiat, de peur de ne pas retrouver l'article en question pendant les dix prochaines années.


Après les avoir laisser faire leurs courses tranquillement je fis les miennes et remontais dans ma voiture.

Arrivé à la station d’essence la plus proche je me garais à la pompe à côté d’une autre voiture. Je descendis pour aller payer à la caisse, car ici on paye d’abord; cela évite de partir par inadvertance sans payer... Je revins à ma voiture où je commençais à remplir mon réservoir. Il s’avéra que les occupants de la voiture voisine de la mienne étaient français. Encore ! Les parents et leurs deux enfants, habitant Lyon. On parle du voyage, quant êtes-vous arrivé et bla bla bla. Puis on passe aux choses sérieuses avec la mère, très sympathique.


  • Vous faîtes comment vous ?
  • Pardon ?
  • Eh bien pour vous nourrir ?
  • Ah, oh ce n’est pas très simple, répondis-je en riant.
  • Ah vous trouvez aussi, dit la mère presque soulagée à l’idée qu’ils n’étaient pas les seuls dans la même situation.

Je lui racontes alors la scène à laquelle j’ai assisté dix minutes avant au Wall Mart.

  • Ah ben nous aussi ! s’exclama t’elle. On achète des fruits dés qu’on trouve un Wall Mart parce-que tout est tellement gras ici, c’est dégoûtant. On se nourrit de fruits, de yaourts et de céréales.
  • Exactement comme moi, répondis-je.


Décidément on ne pourra pas dire qu’il y n’y a pas quelque chose de bizarre chez nous autres les français; bizarre dans le sens d’unique bien entendu.

Notre forte identité nationale probablement, qui est par ailleurs bien réelle, contrairement à ce qu'on tente de nous faire croire.



mercredi 5 août 2009

De quelques détails sur le bord de la route...

Vous saviez que les USA sont des Etats unis entre eux par une Constitution en vertu de laquelle les Etats délèguent à l’Etat Fédéral certaines de leurs prérogatives d’Etats souverains. Selon la fameuse formule, que certains ici commencent à réinterpreter en faveur des Etats Fédérés, «l’Etat Fédéral n’est qu’un agent des Etats Fédérés». Ce qui signifie que chaque Etat Fédéré est indépendant, possède des lois qui lui sont propres, ainsi que des habitudes de vie, des moeurs où même des vision de la vie variables d’un Etat à l’autre. En théorie en tout cas, car les différences, la plupart du temps, se réduisent à des limitations de vitesse variant de dix miles selon l’Etat, à des exemptions d’impôts de l’Etat fédéral pour les sociétés (le Delaware où la Floride), le droit de porter des armes à feu librement (Montana par exemple) où les mariages entre individus de même sexe (Massachussets). Il y a encore de nombreux autres exemples mais là n’est pas le propos.


Il y en a pourtant un dont personne ne parle jamais mais qui est ... surprenant pour le Français ringard comme moi qui se balade à travers les USA en utilisant le réseau routier.

Aussitôt passé la frontière de l’Etat du Michigan, le conducteur attentif ne peut manquer de remarquer des panneaux étranges... Pour être plus précis les panneaux en eux-mêmes ne posent aucun problème; ils sont grands, carrés et oranges de manière à ce qu’on ne puisse pas les rater. Ces panneaux là sont toujours postés avant des zones de travaux afin de prévenir les automobilistes de la présence d’ouvriers sur le bord de la route, et par conséquent de ralentir afin d’éviter un accident. Jusqu’à maintenant vous ne voyez pas l’étrangeté du panneau; attendez un peu. Qu’est-il écrit sur le panneau? Dans le Michigan ceci:


«If you hit a worker you will pay $ 7.500,00»


N’est-ce pas curieux ? Imaginez un peu les syndicats si on mettait des panneaux de ce genre sur nos route en France où en Europe ! D’ailleurs syndicats où autres, ce ne serait certainement pas très populaire et je suis certain que cela soulèverait une polémique d’enfer. Quoique, à la réflexion, j’ai des doutes car à ma connaissance personne n’a jamais soulevé la question, même en Europe, et même pour se faire le plaisir de critiquer ces méchants Américains.

D’une part c’est un peu inquiétant de voir des autorités se sentir obligé d’avertir de ne pas tuer un ouvrier; comme si, sans cela, les autochtones se mettraient en tête de se faire une partie de ball-trap où d’auto-tamponneuses avec les ouvriers travaillant sur le bord des routes. D’autre part la peine encourue, en l'occurrence $7.500,00 dans le Michigan, est vraiment légère dans ce pays où il y avait soit disant tant de gens fortunés. Heureusement que ces derniers ne sont pas les criminels assoiffés du sang des ouvriers qu’on nous décrit encore dans les journaux réactionnaires de type Pravda ! Car comme divertissement je vous assure qu’il y en a qui payent beaucoup plus que cela pour un vulgaire sanglier...

Mais l’histoire n’est pas terminée. Lorsque je suis passé dans l’Etat de l’Indiana j’ai à nouveau repéré les fameux panneaux déjà décrit. Les mêmes, à un détail près. La somme n’était plus la même. En Indiana le panneau dit ceci:


«If you hit a worker you will pay $ 10.000,00»


Les enchères montent !

Je me suis longuement demandé pourquoi il existait une telle différence de prix entre l’Etat du Michigan et l’Etat de l’Indiana. Officiellement, me suis-je dit, l’esclavage a été aboli partout aux USA depuis 1865, fin de la guerre civile comme on l’appelle ici. Donc ce n’est pas la cause de cette différence de prix entre un ouvrier de l’Etat du Michigan et un ouvrier de l’Etat de l’Indiana. Et puis si accident il y a à qui revient la somme ? A l’entreprise qui emploie l’ouvrier, à la famille où à l’Etat ? C’est évident, non ? A l’Etat bien sûr... Il ne s’agit pas non plus de race où de question physique de ce genre puisqu’on ne précise pas de différence de prix en fonction de la religion, de la taille, du poids où de la couleur des yeux. Il n’est pas précisé que l’on payera plus pour un ouvrier aux yeux bleus où pour un ouvrier obèse où encore pour un bouddhiste plutôt que pour un protestant, un ouvrier maigre où un ouvrier aux cheveux blonds. Rien de tout cela. Il y avait donc une autre raison qui m’était inconnue. Eh bien j’avais tord car je connaissais la raison et vous la connaissez aussi mais vous ne l’avez pas lié à cette circonstance particulière.


C’est pourtant d’une logique implacable!

Réfléchissez un peu ! Prenons les deux mots clés de ce casse tête américain. Nous avons « ouvrier » et « $ 7.500 » versus « $10.000 ». Alors vous avez deviné ? Non, vraiment nous n’avons pas beaucoup d’imagination les Français, nous sommes décevants. Moi qui croyait dur comme fer à l’adage « on n’a pas de pétrole mais on a des idées », franchement c’est consternant car la conclusion c’est que nous n’avons ni pétrole ni idée... Eh ben, l’avenir s’annonce mal, à part que nous ne serons pas les seuls à ne plus avoir de pétrole, puisque plus personne n’en n’aura plus, ce qui est tout de même une relative consolation. J’espère simplement que nous ne serons pas les seuls à ne pas avoir d’idées...

Bon, eh bien la réponse est : c’est à cause du chômage !

Ah ça y est, tilt ! Eh bien oui, dans le Michigan ils ont un taux de chômage beaucoup plus élevé que dans l’Indiana, ce qui explique facilement et logiquement la différence de prix.


Et comment ai-je deviné ? Eh bien en lisant le Wall Street Journal, tout simplement. Je me suis tout à coup rappelé que j’étais au pays du capitalisme et du Marché par excellence. Donc cette différence de prix s’explique parfaitement par la loi du marché, c’est à dire la loi de l’offre et de la demande. Quant on vous dit que rien ne résiste au Marché, en voilà une preuve de plus !


Nous pouvons donc tirer trois enseignements importants de la présence de ces panneaux sur le bord des routes US:

  • le premier c’est que les gens fortunés sont intrinsèquement bons, sans quoi ils se feraient un malin plaisir de jouer à l’auto-tamponneuse dés qu’ils en auraient l’occasion; car à ce prix là c’est franchement donné !
  • Le second enseignement c’est que nous avons enfin la preuve irréfutable que l’homme est bel et bien devenu une marchandise comme une autre.
  • Le troisième c’est que le rédacteur de la chronique de Cochon-sur-Terre est atrocement ringard (non, j’suis pas cool quoi...) car apparemment personne n’est choqué sauf lui de la présence de ces panneaux sur le bord des routes.


Tout le monde est donc content à Cochon sur Terre, le meilleur des mondes.