jeudi 6 août 2009

De notre identité nationale à l'étranger...

Il y a deux jours je me trouvais dans le Sud-Ouest du Colorado, plus exactement à proximité du Parc National de «Misa Verde», que je recommande d’aller voir car c’est très beau.

Je me trouvais dans une v...., enfin une agglomération (oui, je sais je la ferme!), dans laquelle je tournais en rond désespérément à la recherche d’un magasin qui pourrait me fournir des fruits. Eh oui, dans certaines région de ce pays il est difficile d’en trouver ! Heureusement, et à mon plus intense soulagement, je découvris un ... Wall Mart !


Inutile de vous dire que je me précipitais dans le parkings pour 10.000 voitures, sans compter les places des autobus, des camions et des avions, enchanté à l’idée de pouvoir enfin m’acheter des fruits.

Oui je sais ! Wall Mart me direz-vous avec vos mines dégoûtées de Bobos à roulettes, français qui plus est, c’est à dire encore plus gâtés que le reste du monde, ceux qui ont la chance inouïe d’habiter en France où ils peuvent descendre acheter leur pain quant bon leur semble, où ils peuvent aller chez l’épicier du coin pour acheter des fruits où se taper un bout de saucisson venant tout droit du Cantal, sans parler de s’installer à la terrasse d’un café pour vous goinfrer d’un croissant !!! Non mais vous croyez que c’est une situation normale, vous ? Eh bien laissez-moi vous dire que non seulement votre situation de français en France n’est pas normale mais en plus elle est unique ! Alors tâchez de comprendre les pauvres français à l’étranger qui ont le plus grand mal à se nourrir d’une façon qui serait à peine acceptable en France car sachez le bien: si on vous obligeait à subir ce qu’un français à l’étranger doit supporter en matière alimentaire, vous seriez tous dans la rue avec des fourches ! Nous, dans la situation qui est la nôtre, on tente de survivre le moins mal possible et s’il le faut grâce à Wall Mart.


Eh bien non, c’est pour cela que vous ne pourrez jamais vous rendre compte à quel point c’est jouissif de repérer un Wall Mart dans une v....., non, une agglomération aux USA. Sauf lorsqu’il y a un Whole Food (organiques et hors de prix), mais c’est rare car ces magasins là ne fréquentent pas n’importe quelle agglomération. Ils sont très snobs... D’ailleurs lorsque j’ai eu le courage, toute honte bue et bien avalée, d’avouer à une amie avec qui je dînais à Santa-Fe l’autre soir, que je fréquentais les magasins en question (Wall Mart), j’ai cru qu’elle allait se mettre à vomir dans mon assiette. Mais il faut savoir que la population de Santa Fe ne se déplace que dans les Whole Food. Il y en a d’ailleurs un très bien dans lequel je me suis précipité dés que je l’ai repéré (j’ai un très bon flair pour ce genre de chose, et je suis convaincu que c’est dû à un gêne particulier aux français).


Donc reprenons. Je sors de ma voiture à la vitesse de l’éclair et me précipite tête baissée, nez en avant, à l’intérieur de la section «Food». Etant donné que tous ces magasins sont aménagés de la même manière (c’est bien la seule occasion que je bénirai l’uniformité) j’allais tout droit au rayon fruits et légumes, assuré d’y trouver mon bonheur pour la journée à venir. Généralement je suis souvent assez isolé devant ce rayon, les rayons chips, candies et autre soft drinks où beers étant beaucoup plus encombrés. Quelle ne fût pas ma stupéfaction, et pratiquement mon indignation, de voir le rayon envahi par une bonne dizaine d’individus, de tous âges, y compris des enfants, tous agglutinés autour de MES fruits, retournant, tâtant, comparant, reniflant etc... le tout en grande discussion, quasiment métaphysique si j’en jugeais à la gravité des visages qui regardait tous ces fruits d’un air nettement suspicieux. Je m’approchais lentement, l’air dégagé de celui qui ne s'intéresse pas du tout à ce que racontent les voisins, tout en faisant tout pour ne pas perdre une miette de leur conversation. Voilà ce que cela donna, sans aucun besoin de traduction :


  • Non, mais on va pas acheter çà, t’as vu la couleur ! dit un homme d’une quarantaine d’année avec un air franchement indigné par la couleur de la pomme qu’une femme fourrait dans un sachet d’un air décidé.
  • Ouais ben couleur ou pas couleur on les achète parce que moi j’en ai marre de rien bouffer depuis deux jours, coupa la femme (la sienne j’imagine) en remplissant un sachet des pommes litigieuses.
  • En plus j’sais pas si vous avez remarqué mais c’est un Wall Mart, continua l’homme qui n’aimait pas les pommes d’un air de léger reproche.
  • Et alors ? répondirent les autres.
  • Eh bien c’est ceux qui exploitent leurs caissières il parait.
  • Oui, ben tu fais c’que tu veux mais c’est pas mon problème, répondit sa femme en prenant des framboises. Et puis j’te signales que chez nous c’est du pareil au même; Casino où j’sais plus lequel qui paye leurs caissières 700 où 800 Euros par mois... Alors Wall Mart où pas Wall Mart...
  • Qu’est ce que je donnerai pas pour une bonne baguette, dit soudain un autre en regardant autour de lui.
  • Ben c’est pas ici qu’tu vas la trouver ta baguette, moi j’te l’dis, répliqua celui qui n’aimait pas les pommes. J’suis allé voir, y a qu’des trucs dans des sachets en plastique. Imbouffables; alors merci, j’te les laisses.
  • Alors t’as trouvé, demandèrent les deux hommes d’une seule voix à un autre qui arrivait avec un caddie à moitié rempli.
  • Ben non, y a qu’du californien, répondit le nouveau venu d’un air dépité.
  • Merde alors, tu vas pas me dire qu’ils ont pas de bordeaux dans ce patelin, c’est pas possible çà !
  • Le vin californien c’est peut-être pas si dégueulasse que çà après tout, il parait qu’ils ont des vignes françaises en Californie.
  • Bon, écoutez les gars, arrêtez de râler parce que vu qu’on vient d’arriver; alors il faudra bien s’y faire parce qu’il y a encore deux semaines à tenir. Laissez-nous acheter ce qu'il nous faut et occupez-vous des boissons. Cette fois c’était une autre femme, du même âge que les autres, qui fit cette déclaration ferme et pleine de bon sens.

Tandis que les hommes partaient de leur côté en lançant des regards inquiets aux étalages, les femmes et les enfants continuaient de fourrer des fruits dans le caddie avec un empressement qui me rappela le bon vieux temps de la pénurie communiste en URSS où dans les pays de l'Est. Cette époque, dont certains sont si nostalgiques, où il fallait toujours être prêt à acheter ce qui se présentait à l'étalage, même si on n'en n'avait nul besoin immédiat, de peur de ne pas retrouver l'article en question pendant les dix prochaines années.


Après les avoir laisser faire leurs courses tranquillement je fis les miennes et remontais dans ma voiture.

Arrivé à la station d’essence la plus proche je me garais à la pompe à côté d’une autre voiture. Je descendis pour aller payer à la caisse, car ici on paye d’abord; cela évite de partir par inadvertance sans payer... Je revins à ma voiture où je commençais à remplir mon réservoir. Il s’avéra que les occupants de la voiture voisine de la mienne étaient français. Encore ! Les parents et leurs deux enfants, habitant Lyon. On parle du voyage, quant êtes-vous arrivé et bla bla bla. Puis on passe aux choses sérieuses avec la mère, très sympathique.


  • Vous faîtes comment vous ?
  • Pardon ?
  • Eh bien pour vous nourrir ?
  • Ah, oh ce n’est pas très simple, répondis-je en riant.
  • Ah vous trouvez aussi, dit la mère presque soulagée à l’idée qu’ils n’étaient pas les seuls dans la même situation.

Je lui racontes alors la scène à laquelle j’ai assisté dix minutes avant au Wall Mart.

  • Ah ben nous aussi ! s’exclama t’elle. On achète des fruits dés qu’on trouve un Wall Mart parce-que tout est tellement gras ici, c’est dégoûtant. On se nourrit de fruits, de yaourts et de céréales.
  • Exactement comme moi, répondis-je.


Décidément on ne pourra pas dire qu’il y n’y a pas quelque chose de bizarre chez nous autres les français; bizarre dans le sens d’unique bien entendu.

Notre forte identité nationale probablement, qui est par ailleurs bien réelle, contrairement à ce qu'on tente de nous faire croire.



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