Nous sommes très impressionnés ici à la Chronique de Cochon sur Terre de ce qui semble être depuis quelques semaines une accélération tout à fait remarquable de l’extension du domaine du chaos à la planète entière ; en d’autres termes, l’accélération de l’implosion du système politique et économique que nous connaissions jusqu’à aujourd’hui.
Mais ce qui nous laisse presque admiratif, en tant qu’observateur aussi extérieur que possible à toute cette cochonnerie, c’est la manière dont ce chaos se propage à tous les coins de la planète en même temps, un peu comme lorsqu’un bâtiment se met soudain à s’embraser alors que rien ne laissait voir le feu qui couvait dans ses fondations ; tout juste quelques fumets à l’apparence très anodine.
Mais nous tous, chers lecteurs de la Chronique de Cochon sur Terre, nous savions bien ce qui se passait et c’est la raison pour laquelle nous ne sommes nullement surpris de ce qui est en train d’arriver sous nos yeux néanmoins fascinés. Et nous tenons les paris que ce qui vient sera encore plus passionnant et bouleversant que ce qui est déjà advenu.
Mais, de grâce, ne nous demandez pas de jouer au medium car, comme toujours dans les situations de profonds bouleversements, tout est toujours possible, tout est toujours ouvert, surtout ce que nous ne sommes pas en mesure d’imaginer.
Mais la question serait de savoir si c’est nous, pauvres humains, qui maîtrisons les événements où bien si, bien au contraire, nous ne sommes que les jouets de l’Histoire en action ? C’est une perspective historique dont le Comte de Maistre est le plus célèbre des théoriciens, un outil qui nous aide grandement à éclairer autant que faire se peut cette époque de bouleversement systémique dans laquelle nous sommes désormais entrés.
Et il est parfaitement vrai que la simple observation des événements quotidiens nous donne bien le sentiment que ceux-ci se produisent souverainement pour ainsi dire, tandis que les hommes courent après eux en tentant de les circonvenir en fonction de leurs superstitions du jour ; et dieu sait que celles de notre époque pathétique sont grotesques ! Superstitions qui sont souvent à l’origine du désastre mais que les hommes s’obstinent encore à prendre pour des remèdes. Pour être juste, les superstitions en question engendrèrent dans un premier temps des succès apparents, bien qu’à très court terme, ce qui explique pourquoi on s’y accroche tant, même lorsque ces remèdes se révèlent être ce qu’ils sont à long terme : du poison.
Les humains contemporains ressemblent aux pompiers qui courent d’un endroit à l’autre de la maison en feu en fonction des foyers d’incendie qui éclatent de manière tout à fait imprévisible. Le problème est que leurs lances à incendie ne déversent pas d’eau sur les flammes mais bien plutôt de l’essence, avec les conséquences que l’on imagine. Et ce n’est que lorsque les événements se calment que l’impression de régner selon leur volonté reprend possession des faibles humains, incorrigibles. Mais lorsque la tempête fait rage ils ne peuvent que répondre de leur mieux, c’est-à-dire mal, à ce qui les détruit et les bouleversent tout en étant les acteurs principaux de la catastrophe.
C’est le paradoxe de la marionnette : c’est un acteur non maître de ses faits et gestes.
Or, chers lecteurs, nous sommes entrés dans un temps de bouleversement systémique qui nous dépasse complètement, bien que sa cause première n’est rien d’autre que cette hubris déchaînée qui possède complètement nos pauvres cervelas depuis un siècle et demi environ.
Quel que soit l’horizon sur lequel nos yeux posent leur regard nous ne voyons que les marionnettes qui nous servent de gouvernants danser et tressauter en fonction des événements qui s’accumulent désormais de manière si pressante qu’ils semblent se chevaucher les uns les autres, leur télescopage sans mesure engendrant encore d’autres désastres dans une chaîne qui parait désormais sans fin. A tord d’ailleurs car il y a toujours une fin ; encore faut-il savoir à quoi elle ressemblera et ce qui y survivra.
Cela personne n’en sait rien.
Mais pour le moment le désordre s’étend inexorablement dans presque tous les coins de la planète, comme une traînée de poudre. Comme indiqué tout à l’heure ces foyers de désordre qui éclatent presque simultanément sur notre pauvre planète ont tous la même origine : l’implosion du système dans lequel nous survivons. L’humanité est dans une impasse, un sens unique dont nos gouvernants bien-aimés tentent de s’extraire en prenant les poisons pour des remèdes et surtout en croyant à tord que les problèmes auxquels nous faisons face aujourd’hui sont conjoncturels et non pas systémiques. D’où l’approfondissement toujours plus grand de la crise jusqu’à ce que mort s’en suive.
Mais mort de quoi au juste ?
Si l’on souscrit aux analyses classiques que l’on entend souvent, et qui ont certainement leur part de vérité, on nous répondra à cette question par des explications d’ordre économique, social où politique, mais des explications qui, aussi justes puissent elles être, ne parviennent pas à la racine du problème fondamental qui a engendré précisément toutes ces catastrophes pour aboutir à l’impasse mortelle dans laquelle se trouve l’humanité aujourd’hui.
Bien sûr les révoltes au Moyen-Orient sont dues à des problèmes économiques...
Bien sûr la situation des USA où de l’Europe et autre est due à un excès de dettes et donc à un problème d’insolvabilité générale.
Bien sûr les guerres d’Irak où d’Afghanistan, voire même de Libye, sont dues à une nécessité de se saisir des réserves de pétrole appartenant à ces pays afin de s’assurer de l’approvisionnement continu dont nos pays ont un besoin vital pour ne pas s'effondrer.
Bien sûr ces guerres pour le pétrole ne font que préfigurer celles à venir qui auront pour objet la mainmise sur toutes ces matières premières en voie de disparition que nous tenons toujours pour inépuisables.
Bien sûr ces guerres ne sont qu’un avant-goût de celles à venir qui auront pour but la possession des sources d’eau potable tout autour de la planète etc, etc...
Bien sûr ces guerres pour le pétrole sont les premières guerres que l’humanité contemporaine va mener pour sa survie ; ce sont les premières guerres préfigurant les nombreuses autres à venir qui seront encore beaucoup plus sanglantes que ces deux-là car il s’agira véritablement de vie où de mort pour les peuples impliqués. Et tout cela sera exacerbé par la modification du climat qui, apparemment, n’en n’est qu’à ses débuts.
Mort de quoi nous demandions-nous plus haut ?
Mort de l’ordre mondial tel que nous le connaissions depuis 1945.
Certes, vous le savez chers lecteurs, cette implosion du système s’est faite en deux temps : disparition de l’URSS d’abord puis effondrement en cours des USA. Ce qui signifie la fin de la tentative d’organisation globale de l’humanité, quelle que soit la forme de cette organisation d’ailleurs. Il se trouve que cette fameuse globalisation, économique et politique, est en train de prendre fin sous nos yeux. Car cette globalisation avait pour principal promoteur les USA dont la situation catastrophique ne leur permet plus de la défendre face à la montée de puissances régionales auxquelles ils ne peuvent plus résister.
Donc fragmentation du monde et apparition, où devrait-on dire réapparition, de puissances régionales, généralement les mêmes que celles qui avaient été reléguées au second plan par l’occidentalisation générale du monde : Chine, Inde, Turquie, Iran etc...
Mort du système économique que nous connaissions depuis 1945, instauré par les USA et leurs alliés. Système économique qui est en plein effondrement aujourd’hui et qui entraîne dans sa chute ceux qui le supportaient à bout de bras.
Système économique qui a engendré un accroissement suicidaire de l’espèce humaine, entraînant à son tour une accélération exponentielle de l’épuisement des matières premières, la destruction de l’environnement et une pollution sans cesse plus grande et parfois irréversible, à l’échelle humaine tout au moins, de la planète tout entière ; cela a désormais pour effet, apparemment en tout cas, une modification du climat à une échelle telle que la survie de l’espèce pourrait désormais être en question.
Nous en sommes probablement aujourd’hui, en tant qu’espèce et non en tant que civilisation, au même point que les habitants de l’île de Pâques lorsque leurs ressources commencèrent à ne plus être suffisantes pour nourrir tout le monde. La paix relative, la concorde relative et l’abondance qui maintenait les deux premières disparurent pour faire place à la guerre civile pour l’appropriation des ressources qui restaient. Ce furent des guerres pour la survie qui entraînèrent des destructions encore plus grandes accélérant de ce fait la disparition générale des habitants de l’île de Pâques.
Nous en sommes là en tant qu’espèce, à l’échelle de la planète par conséquent. L’ordre mondial plus où moins établi est en train de s’effondrer pour cause de disparition progressive de la puissance des promoteurs de cet ordre précisément ; apparition de graves problèmes d’approvisionnement non seulement en matières premières mais désormais en denrées alimentaires. Tout cela entraînant une compétition de plus en plus exacerbée entre les différents acteurs pour ces ressources en voie de disparition dont tout le monde a besoin pour survivre, ce qui aboutira immanquablement à des guerres pour la survie.
Car après des années d’abondance théorique pour tous, l’humanité doit faire face à la pénurie généralisée de ce qu’elle avait appris à considérer comme inépuisable et naturel : énergie, matières premières, denrées alimentaires. Pendant quarante où cinquante ans l’humanité s’était habituée à considérer tout cela comme un dû inépuisable et très bon marché ; aujourd’hui elle doit faire face à la pénurie générale engendrant des coûts insupportables.
La vérité est qu’il n’y a désormais plus assez pour tout le monde : plus assez d’énergie, plus assez de matières premières, plus assez de nourriture.
Il ne pourra désormais y avoir qu’un peu pour quelques-uns, jusqu’au jour où il n’y aura plus rien pour personne.
Mais pour le moment la question est de savoir qui seront ces quelques-uns et comment ils se répartiront ce qui reste.
Cela se réglera par les armes.
L’Afghanistan, l’Irak où la libye ne sont que les prémisses de ce qui vient, comme déjà dit, nous le savons, mais il est bon de le répéter. A noter cependant que ces actions militaires n’ont fait qu’augmenter considérablement l’extension généralisée du chaos puisqu’elles sabotent l’ordre établi depuis 1945; de ce fait elles font disparaître les quelques illusions que l’on aurait pu entretenir sur une réponse unifiée de l’humanité à ces problèmes qui menacent désormais sa survie en tant qu’espèce.
A noter également que ceux qui furent les promoteurs de cet ordre post-1945 sont les mêmes que ceux qui sont en train de déstructurer ce même monde par leur non-respect des règles qu’ils avaient édicté en leur temps. C’est pourquoi il sera difficile d’éviter que d’autres à l’avenir n’agissent de la même manière pour s’approprier les richesses du voisin qui leur manqueront.
De l’eau par exemple, des céréales où des métaux, eux aussi en voie d’épuisement.
L’extension générale du chaos se produit au fur et à mesure que les structures du système établies après 1945 implosent.
Néanmoins leur effondrement reflète un mal beaucoup plus grave, un mal qui a touché presque toutes les civilisations qui nous ont précédé mais qui aujourd’hui nous touche tous en tant qu’espèce. Ce mal a été théorisé par Joseph Tainter, anthropologue et historien américain, qui s’est intéressé aux raisons pour lesquelles des civilisations pouvaient disparaître si rapidement après avoir atteint leur apogée.
En gros il s’agit ici de la « complexité » qu’une société donnée utilise pour résoudre les problèmes auxquels elle doit faire face au cours de son existence. Il se trouve que ce surcroît de complexité permet à la société en question de résoudre les problèmes temporairement ; mais il arrive un moment à partir duquel tout accroissement de complexité non seulement ne parvient plus à résoudre le problème dont il est censé venir à bout mais devient une charge pour la société en question. Et c’est à ce moment que l’écroulement débute et s’achève généralement en un laps de temps très court (plusieurs dizaines d’années).
Toute complexité engendre une certaine fragilité, en conséquence plus une société est complexe plus elle se révèle vulnérable à un incident qui peut engendrer une réaction en chaîne et entraîner la ruine de la société en question.
Or, pour en revenir à nos moutons contemporains, sur quoi s’est donc bâtie le développement extraordinaire de notre monde moderne ? Comment l’humanité a t’elle pu tout d’un coup édifier une société si complexe, un monde qui a transformé la planète au-delà de tout ce que l’on aurait pu imaginer il y a encore un siècle, voire un demi siècle ?
Ce développement économique, débuté avec la révolution thermo-industrielle vers 1850, n’a pu se produire que grâce au « travail » obtenu à partir de la combustion d’énergies fossiles : bois d’abord, charbon ensuite et surtout pétrole au XX ème siècle, sans parler du gaz naturel. Cependant l’utilisation massive du pétrole ne s’est véritablement produite qu’à partir de la fin de la seconde guerre mondiale ; c’est à partir de 1945 que le pétrole s’est révélé être l’énergie à la base de toute la « croissance » économique depuis soixante ans en raison de son état de combustible abondant, peu cher, facilement manipulable et transportable, et doté d’une intensité énergétique incomparable.
Ces qualités diverses mais uniques du pétrole sont donc à la base de tout le développement de l’humanité depuis 1945 et l’utilisation du pétrole et de ses dérivés s’étend largement au-delà de l’énergie proprement dite; pensons notamment aux matières plastiques où encore aux engrais... Le pétrole est ainsi devenu indispensable à notre monde contemporain et il est certain que sans son utilisation intensive et les possibilités multiples qu’elle autorise, jamais l’humanité n’aurait pu réaliser ce qu’elle a fait au cours du XX eme siècle, y compris ses découvertes scientifiques et leurs développements. C’est également à cause du pétrole que l’humanité a connu cet accroissement quantitatif redoutable qui fût le sien au cours du XX eme siècle.
Pour le dire dans une perspective à la Tainter, le pétrole a permis à notre monde contemporain de se complexifier d’une manière inouïe, jamais atteinte dans l’histoire de l’humanité, notamment en facilitant les capacités de transport bon marché d’un bout à l’autre de la planète. Or aujourd’hui nous en sommes arrivés à un point où le pétrole, jusqu’à maintenant bon marché et abondant, est devenu cher et est sur le point de devenir rare ; en conséquence encore beaucoup plus cher qu’il ne l’est déjà. Il ne s’agit pas de dire qu’il n’y a plus de pétrole ; pas encore. Il s’agit de dire d’une part que la demande de pétrole dépasse l’offre ; d’autre part que le pétrole coûte de plus en plus cher à extraire et qu’en conséquence il deviendra automatiquement de plus en plus cher à la pompe.
De ce fait, ce que l’on pourrait nommer le « miracle économique » de la seconde moitié du XX eme siècle est d’ores et déjà terminé.
C’est ainsi, chers lecteurs, que le chaos est destiné à s’amplifier par la conjonction de trois facteurs principaux :
- la pénurie énergétique en cours qui déstructure tout le système économique, notamment à cause de l’augmentation du coût du transport des marchandises, ce qui engendrera le chaos politique et social ;
- les conséquences environnementales que l’abondance énergétique antérieure a provoqué ;
- enfin l’accroissement insoutenable de la population mondiale, à l’origine directe des deux premiers facteurs et de tous les autres d’ailleurs.
Nous sommes entrés, chers lecteurs, dans une époque au cours de laquelle le chaos se répandra toujours plus profondément dans tous les recoins de la planète jusqu’à la crise terminale du système. Nous connaîtrons alors la pénurie générale de tout ce que nous tenons encore aujourd’hui pour un dû : énergie abondante, nourriture en surplus et diversifiée, matières premières à gogo.
Notre espèce aura alors réussi la prouesse de saccager la planète entière en moins d’un siècle et de compromettre sa propre survie par son comportement de prédateur criminel et irresponsable. Nous serons passés en cinquante ans de l’abondance la plus outrageuse, tout au moins pour une petite partie de l’humanité, à une pénurie généralisée.
Ceux qui s’en tireront le moins mal seront ceux qui pourront survivre en exploitant leurs ressources locales ; ceux qui dépendront d’un approvisionnement lointain pour survivre seront condamnés.
Mais pour le moment tout le monde est content à Cochon sur Terre, le meilleur des mondes.
Mais ce qui nous laisse presque admiratif, en tant qu’observateur aussi extérieur que possible à toute cette cochonnerie, c’est la manière dont ce chaos se propage à tous les coins de la planète en même temps, un peu comme lorsqu’un bâtiment se met soudain à s’embraser alors que rien ne laissait voir le feu qui couvait dans ses fondations ; tout juste quelques fumets à l’apparence très anodine.
Mais nous tous, chers lecteurs de la Chronique de Cochon sur Terre, nous savions bien ce qui se passait et c’est la raison pour laquelle nous ne sommes nullement surpris de ce qui est en train d’arriver sous nos yeux néanmoins fascinés. Et nous tenons les paris que ce qui vient sera encore plus passionnant et bouleversant que ce qui est déjà advenu.
Mais, de grâce, ne nous demandez pas de jouer au medium car, comme toujours dans les situations de profonds bouleversements, tout est toujours possible, tout est toujours ouvert, surtout ce que nous ne sommes pas en mesure d’imaginer.
Mais la question serait de savoir si c’est nous, pauvres humains, qui maîtrisons les événements où bien si, bien au contraire, nous ne sommes que les jouets de l’Histoire en action ? C’est une perspective historique dont le Comte de Maistre est le plus célèbre des théoriciens, un outil qui nous aide grandement à éclairer autant que faire se peut cette époque de bouleversement systémique dans laquelle nous sommes désormais entrés.
Et il est parfaitement vrai que la simple observation des événements quotidiens nous donne bien le sentiment que ceux-ci se produisent souverainement pour ainsi dire, tandis que les hommes courent après eux en tentant de les circonvenir en fonction de leurs superstitions du jour ; et dieu sait que celles de notre époque pathétique sont grotesques ! Superstitions qui sont souvent à l’origine du désastre mais que les hommes s’obstinent encore à prendre pour des remèdes. Pour être juste, les superstitions en question engendrèrent dans un premier temps des succès apparents, bien qu’à très court terme, ce qui explique pourquoi on s’y accroche tant, même lorsque ces remèdes se révèlent être ce qu’ils sont à long terme : du poison.
Les humains contemporains ressemblent aux pompiers qui courent d’un endroit à l’autre de la maison en feu en fonction des foyers d’incendie qui éclatent de manière tout à fait imprévisible. Le problème est que leurs lances à incendie ne déversent pas d’eau sur les flammes mais bien plutôt de l’essence, avec les conséquences que l’on imagine. Et ce n’est que lorsque les événements se calment que l’impression de régner selon leur volonté reprend possession des faibles humains, incorrigibles. Mais lorsque la tempête fait rage ils ne peuvent que répondre de leur mieux, c’est-à-dire mal, à ce qui les détruit et les bouleversent tout en étant les acteurs principaux de la catastrophe.
C’est le paradoxe de la marionnette : c’est un acteur non maître de ses faits et gestes.
Or, chers lecteurs, nous sommes entrés dans un temps de bouleversement systémique qui nous dépasse complètement, bien que sa cause première n’est rien d’autre que cette hubris déchaînée qui possède complètement nos pauvres cervelas depuis un siècle et demi environ.
Quel que soit l’horizon sur lequel nos yeux posent leur regard nous ne voyons que les marionnettes qui nous servent de gouvernants danser et tressauter en fonction des événements qui s’accumulent désormais de manière si pressante qu’ils semblent se chevaucher les uns les autres, leur télescopage sans mesure engendrant encore d’autres désastres dans une chaîne qui parait désormais sans fin. A tord d’ailleurs car il y a toujours une fin ; encore faut-il savoir à quoi elle ressemblera et ce qui y survivra.
Cela personne n’en sait rien.
Mais pour le moment le désordre s’étend inexorablement dans presque tous les coins de la planète, comme une traînée de poudre. Comme indiqué tout à l’heure ces foyers de désordre qui éclatent presque simultanément sur notre pauvre planète ont tous la même origine : l’implosion du système dans lequel nous survivons. L’humanité est dans une impasse, un sens unique dont nos gouvernants bien-aimés tentent de s’extraire en prenant les poisons pour des remèdes et surtout en croyant à tord que les problèmes auxquels nous faisons face aujourd’hui sont conjoncturels et non pas systémiques. D’où l’approfondissement toujours plus grand de la crise jusqu’à ce que mort s’en suive.
Mais mort de quoi au juste ?
Si l’on souscrit aux analyses classiques que l’on entend souvent, et qui ont certainement leur part de vérité, on nous répondra à cette question par des explications d’ordre économique, social où politique, mais des explications qui, aussi justes puissent elles être, ne parviennent pas à la racine du problème fondamental qui a engendré précisément toutes ces catastrophes pour aboutir à l’impasse mortelle dans laquelle se trouve l’humanité aujourd’hui.
Bien sûr les révoltes au Moyen-Orient sont dues à des problèmes économiques...
Bien sûr la situation des USA où de l’Europe et autre est due à un excès de dettes et donc à un problème d’insolvabilité générale.
Bien sûr les guerres d’Irak où d’Afghanistan, voire même de Libye, sont dues à une nécessité de se saisir des réserves de pétrole appartenant à ces pays afin de s’assurer de l’approvisionnement continu dont nos pays ont un besoin vital pour ne pas s'effondrer.
Bien sûr ces guerres pour le pétrole ne font que préfigurer celles à venir qui auront pour objet la mainmise sur toutes ces matières premières en voie de disparition que nous tenons toujours pour inépuisables.
Bien sûr ces guerres ne sont qu’un avant-goût de celles à venir qui auront pour but la possession des sources d’eau potable tout autour de la planète etc, etc...
Bien sûr ces guerres pour le pétrole sont les premières guerres que l’humanité contemporaine va mener pour sa survie ; ce sont les premières guerres préfigurant les nombreuses autres à venir qui seront encore beaucoup plus sanglantes que ces deux-là car il s’agira véritablement de vie où de mort pour les peuples impliqués. Et tout cela sera exacerbé par la modification du climat qui, apparemment, n’en n’est qu’à ses débuts.
Mort de quoi nous demandions-nous plus haut ?
Mort de l’ordre mondial tel que nous le connaissions depuis 1945.
Certes, vous le savez chers lecteurs, cette implosion du système s’est faite en deux temps : disparition de l’URSS d’abord puis effondrement en cours des USA. Ce qui signifie la fin de la tentative d’organisation globale de l’humanité, quelle que soit la forme de cette organisation d’ailleurs. Il se trouve que cette fameuse globalisation, économique et politique, est en train de prendre fin sous nos yeux. Car cette globalisation avait pour principal promoteur les USA dont la situation catastrophique ne leur permet plus de la défendre face à la montée de puissances régionales auxquelles ils ne peuvent plus résister.
Donc fragmentation du monde et apparition, où devrait-on dire réapparition, de puissances régionales, généralement les mêmes que celles qui avaient été reléguées au second plan par l’occidentalisation générale du monde : Chine, Inde, Turquie, Iran etc...
Mort du système économique que nous connaissions depuis 1945, instauré par les USA et leurs alliés. Système économique qui est en plein effondrement aujourd’hui et qui entraîne dans sa chute ceux qui le supportaient à bout de bras.
Système économique qui a engendré un accroissement suicidaire de l’espèce humaine, entraînant à son tour une accélération exponentielle de l’épuisement des matières premières, la destruction de l’environnement et une pollution sans cesse plus grande et parfois irréversible, à l’échelle humaine tout au moins, de la planète tout entière ; cela a désormais pour effet, apparemment en tout cas, une modification du climat à une échelle telle que la survie de l’espèce pourrait désormais être en question.
Nous en sommes probablement aujourd’hui, en tant qu’espèce et non en tant que civilisation, au même point que les habitants de l’île de Pâques lorsque leurs ressources commencèrent à ne plus être suffisantes pour nourrir tout le monde. La paix relative, la concorde relative et l’abondance qui maintenait les deux premières disparurent pour faire place à la guerre civile pour l’appropriation des ressources qui restaient. Ce furent des guerres pour la survie qui entraînèrent des destructions encore plus grandes accélérant de ce fait la disparition générale des habitants de l’île de Pâques.
Nous en sommes là en tant qu’espèce, à l’échelle de la planète par conséquent. L’ordre mondial plus où moins établi est en train de s’effondrer pour cause de disparition progressive de la puissance des promoteurs de cet ordre précisément ; apparition de graves problèmes d’approvisionnement non seulement en matières premières mais désormais en denrées alimentaires. Tout cela entraînant une compétition de plus en plus exacerbée entre les différents acteurs pour ces ressources en voie de disparition dont tout le monde a besoin pour survivre, ce qui aboutira immanquablement à des guerres pour la survie.
Car après des années d’abondance théorique pour tous, l’humanité doit faire face à la pénurie généralisée de ce qu’elle avait appris à considérer comme inépuisable et naturel : énergie, matières premières, denrées alimentaires. Pendant quarante où cinquante ans l’humanité s’était habituée à considérer tout cela comme un dû inépuisable et très bon marché ; aujourd’hui elle doit faire face à la pénurie générale engendrant des coûts insupportables.
La vérité est qu’il n’y a désormais plus assez pour tout le monde : plus assez d’énergie, plus assez de matières premières, plus assez de nourriture.
Il ne pourra désormais y avoir qu’un peu pour quelques-uns, jusqu’au jour où il n’y aura plus rien pour personne.
Mais pour le moment la question est de savoir qui seront ces quelques-uns et comment ils se répartiront ce qui reste.
Cela se réglera par les armes.
L’Afghanistan, l’Irak où la libye ne sont que les prémisses de ce qui vient, comme déjà dit, nous le savons, mais il est bon de le répéter. A noter cependant que ces actions militaires n’ont fait qu’augmenter considérablement l’extension généralisée du chaos puisqu’elles sabotent l’ordre établi depuis 1945; de ce fait elles font disparaître les quelques illusions que l’on aurait pu entretenir sur une réponse unifiée de l’humanité à ces problèmes qui menacent désormais sa survie en tant qu’espèce.
A noter également que ceux qui furent les promoteurs de cet ordre post-1945 sont les mêmes que ceux qui sont en train de déstructurer ce même monde par leur non-respect des règles qu’ils avaient édicté en leur temps. C’est pourquoi il sera difficile d’éviter que d’autres à l’avenir n’agissent de la même manière pour s’approprier les richesses du voisin qui leur manqueront.
De l’eau par exemple, des céréales où des métaux, eux aussi en voie d’épuisement.
L’extension générale du chaos se produit au fur et à mesure que les structures du système établies après 1945 implosent.
Néanmoins leur effondrement reflète un mal beaucoup plus grave, un mal qui a touché presque toutes les civilisations qui nous ont précédé mais qui aujourd’hui nous touche tous en tant qu’espèce. Ce mal a été théorisé par Joseph Tainter, anthropologue et historien américain, qui s’est intéressé aux raisons pour lesquelles des civilisations pouvaient disparaître si rapidement après avoir atteint leur apogée.
En gros il s’agit ici de la « complexité » qu’une société donnée utilise pour résoudre les problèmes auxquels elle doit faire face au cours de son existence. Il se trouve que ce surcroît de complexité permet à la société en question de résoudre les problèmes temporairement ; mais il arrive un moment à partir duquel tout accroissement de complexité non seulement ne parvient plus à résoudre le problème dont il est censé venir à bout mais devient une charge pour la société en question. Et c’est à ce moment que l’écroulement débute et s’achève généralement en un laps de temps très court (plusieurs dizaines d’années).
Toute complexité engendre une certaine fragilité, en conséquence plus une société est complexe plus elle se révèle vulnérable à un incident qui peut engendrer une réaction en chaîne et entraîner la ruine de la société en question.
Or, pour en revenir à nos moutons contemporains, sur quoi s’est donc bâtie le développement extraordinaire de notre monde moderne ? Comment l’humanité a t’elle pu tout d’un coup édifier une société si complexe, un monde qui a transformé la planète au-delà de tout ce que l’on aurait pu imaginer il y a encore un siècle, voire un demi siècle ?
Ce développement économique, débuté avec la révolution thermo-industrielle vers 1850, n’a pu se produire que grâce au « travail » obtenu à partir de la combustion d’énergies fossiles : bois d’abord, charbon ensuite et surtout pétrole au XX ème siècle, sans parler du gaz naturel. Cependant l’utilisation massive du pétrole ne s’est véritablement produite qu’à partir de la fin de la seconde guerre mondiale ; c’est à partir de 1945 que le pétrole s’est révélé être l’énergie à la base de toute la « croissance » économique depuis soixante ans en raison de son état de combustible abondant, peu cher, facilement manipulable et transportable, et doté d’une intensité énergétique incomparable.
Ces qualités diverses mais uniques du pétrole sont donc à la base de tout le développement de l’humanité depuis 1945 et l’utilisation du pétrole et de ses dérivés s’étend largement au-delà de l’énergie proprement dite; pensons notamment aux matières plastiques où encore aux engrais... Le pétrole est ainsi devenu indispensable à notre monde contemporain et il est certain que sans son utilisation intensive et les possibilités multiples qu’elle autorise, jamais l’humanité n’aurait pu réaliser ce qu’elle a fait au cours du XX eme siècle, y compris ses découvertes scientifiques et leurs développements. C’est également à cause du pétrole que l’humanité a connu cet accroissement quantitatif redoutable qui fût le sien au cours du XX eme siècle.
Pour le dire dans une perspective à la Tainter, le pétrole a permis à notre monde contemporain de se complexifier d’une manière inouïe, jamais atteinte dans l’histoire de l’humanité, notamment en facilitant les capacités de transport bon marché d’un bout à l’autre de la planète. Or aujourd’hui nous en sommes arrivés à un point où le pétrole, jusqu’à maintenant bon marché et abondant, est devenu cher et est sur le point de devenir rare ; en conséquence encore beaucoup plus cher qu’il ne l’est déjà. Il ne s’agit pas de dire qu’il n’y a plus de pétrole ; pas encore. Il s’agit de dire d’une part que la demande de pétrole dépasse l’offre ; d’autre part que le pétrole coûte de plus en plus cher à extraire et qu’en conséquence il deviendra automatiquement de plus en plus cher à la pompe.
De ce fait, ce que l’on pourrait nommer le « miracle économique » de la seconde moitié du XX eme siècle est d’ores et déjà terminé.
C’est ainsi, chers lecteurs, que le chaos est destiné à s’amplifier par la conjonction de trois facteurs principaux :
- la pénurie énergétique en cours qui déstructure tout le système économique, notamment à cause de l’augmentation du coût du transport des marchandises, ce qui engendrera le chaos politique et social ;
- les conséquences environnementales que l’abondance énergétique antérieure a provoqué ;
- enfin l’accroissement insoutenable de la population mondiale, à l’origine directe des deux premiers facteurs et de tous les autres d’ailleurs.
Nous sommes entrés, chers lecteurs, dans une époque au cours de laquelle le chaos se répandra toujours plus profondément dans tous les recoins de la planète jusqu’à la crise terminale du système. Nous connaîtrons alors la pénurie générale de tout ce que nous tenons encore aujourd’hui pour un dû : énergie abondante, nourriture en surplus et diversifiée, matières premières à gogo.
Notre espèce aura alors réussi la prouesse de saccager la planète entière en moins d’un siècle et de compromettre sa propre survie par son comportement de prédateur criminel et irresponsable. Nous serons passés en cinquante ans de l’abondance la plus outrageuse, tout au moins pour une petite partie de l’humanité, à une pénurie généralisée.
Ceux qui s’en tireront le moins mal seront ceux qui pourront survivre en exploitant leurs ressources locales ; ceux qui dépendront d’un approvisionnement lointain pour survivre seront condamnés.
Mais pour le moment tout le monde est content à Cochon sur Terre, le meilleur des mondes.