lundi 3 août 2009

Santa-Fe (NM), le 1 Août 2009

Je dois vous dire qu’il n’y a rien à écrire sur le trajet qui mène de la Nouvelle-Orléans à l’agglomération de Shreveport, située tout à fait au Nord-Est de l’Etat de Louisiane, à la frontière avec le Texas. Pourtant le trajet est long, très long même, très monotone puisqu’il n’y a pas de variations, très vert, de la végétation partout tout le long de la route, s’étendant à perte de vue; j’imaginais très bien dans les marais bordant la route les cousins des longs serpents noirâtres que j’avais déjà eu l’occasion de voir en Louisiane il y a quelques années de cela, n’attendant que l’occasion de se jeter avec voracité sur l’automobiliste assommé dont la voiture se serait précipitée accidentellement moteur en avant dans les dits marais. Pour tout dire cette route est ennuyeuse au possible !


En revanche l’agglomération de Shreveport est divertissante en comparaison. En effet c’est si effroyable que c’en est drôle. Enfin cinq minutes, pas plus, sinon on court le risque d’une dépression si avancée que le suicide parait la seule médecine acceptable, sinon possible. Je sais que je me répète mais je ne suis pas responsable du fait que toutes les agglomérations que j’ai pu traverser dans ce pays non seulement se ressemblent toutes mais ont toutes été ravagées, voire anéanties, de la même manière ! On aurait pu au moins espérer un peu d’imagination dans la catastrophe mais non ! Même le désastre est conformiste...

Là encore il faut imaginer un réseau extrêmement dense d’autoroutes extrêmement larges sur lesquels peuvent circuler de front dans chaque direction au moins six poids lourds. La beauté de la chose c’est qu’il n’y a pas une autoroute mais plusieurs, peut-être cinq ou six, arrivant de toutes les directions et se croisant dans tous les sens au moyen d’un savant enchevêtrement de ponts et de bretelles tournoyant sur elles-mêmes comme des danseuses de ballet. En béton malheureusement. Ceci dit on ne se perd pas car la signalisation est très bien faîte. Et ce réseau de routes, après l’avoir totalement encerclée, pénètre l’agglomération jusqu’à son coeur, sans aucune considération de pudeur, comme une armée victorieuse prend possession d’une ville vaincue.

Je suis arrivé là vers huit heures du soir. Il faisait déjà nuit et je mourrai de faim car je n’avais pas déjeuné. Je cherchai donc un restaurant à peu près digne de ce nom et suivant mes réflexes d’Européen incorrigible je me suis une fois de plus imaginé que peut-être, par un miracle inattendu, il y aurait un restaurant au milieu de l’amoncellement monstrueux de buildings atroces, de parkings gigantesques et de terrains vagues qui se nomme downtown. Après avoir tourné pendant un certain temps dans ce quartier sinistre sans avoir vu la moindre lumière indiquant le restaurant salvateur, et sans avoir pu me renseigner auprès de quiconque, je me suis résolu à aller me coucher en attendant des jours meilleurs pour me nourrir. C’est ainsi que je recommande fortement à tous ceux qui doivent perdre du poids de venir passer quelques semaines aux USA; c’est formidable de ce point de vue à la seule condition, mais indispensable celle là, qu’il faut détester absolument les fast food au point de ne pouvoir y entrer. A cette condition on peut maigrir assez rapidement lorsque l’on voyage dans le centre de ce pays.


De Shreveport à Fort Worth il n’y a rien de plus à dire que précédemment. La route n’est pas très longue; deux heures à peu près en suivant les vitesses réglementaires, ce qui est horriblement dangereux car il y a de quoi s’endormir à cette allure d’escargot à force de suivre des routes qui n’en finissent pas, bordées néanmoins par de vastes étendues de prairies et d’arbres; car contrairement à ce qu’on pourrait imaginer le Texas n’est pas uniquement constitué de sable sous lequel se trouvait du pétrole (il n’y en a presque plus). Loin de là ! La partie aride ne se trouve qu’à l’Ouest et au Sud-Ouest de l’Etat tandis que le reste est assez verdoyant et de ce fait utilisé pour l’élevage.

Dallas et Fort Worth ne forment quasiment qu’une seule et même agglomération même si elles sont administrativement bien distinctes. Là encore même scénario que partout ailleurs avec les malls, les autoroutes etc... L’avantage est qu’ici il y a un aéroport pour agrémenter l’ensemble, un aéroport qui plus est international, c’est à dire très grand avec tous les avantages qui en découlent, y compris les avions qui décollent et atterrissent sans cesse.

A Fort Worth il y a notamment le très beau musée d’Art Moderne que l’on doit à l’architecte japonais Tadeo Ando. Un seul bémol : le bâtiment mériterait d’être vu avec plus de recul qu’il n’y en a ; il n’est quasiment pas visible de loin et il faut se trouver sur le parking l’entourant pour se rendre compte qu’il est bien là.


De Fort Worth à Amarillo (Texas), là encore c’est plutôt une expérience à éviter. La route 287 est très longue et très déprimante car on traverse encore une quantité de villages abandonnés qui se succèdent les uns les autres au milieu d’un paysage désertique, le tout saupoudré de carcasses de voitures, tracteurs et autres engins; tout cela dans des proportions bien sûr énormes, complètement envahi par la rouille et les quelques plantes qui parviennent à pousser dans ce climat. Les anciens silos sont également en voie de désintégration tout comme les vastes bâtiments qui leur tiennent encore compagnie, par loyauté pure car il n’y a vraiment pas de quoi s’attarder dans les parages. Pour combien de temps est la seule question avant l’écroulement général, qui lui est assuré. Cela dit on peut imaginer sans peine cette région jadis agricole mais surtout une région d’élevage bien que nettement moins riche que celle se situant entre Shreveport et Dallas. Aujourd’hui, entre Fort Worth et Amarillo c’est quasiment le désert, au propre comme au figuré, et ce sur des centaines de kilomètres.


En revanche lorsque l’on quitte Amarillo par l’Interstate 40 en direction d’Albuquerque, capitale du Nouveau-Mexique, le paysage change graduellement pour devenir franchement superbe, bien que très peu habité en raison du climat. Se succèdent sur des centaines de miles des étendues à perte de vue, ondulées comme les tôles, couvertes de petites plantes touffues de couleur vert de gris qui se disputent âprement le terrain avec les cailloux. On traverse fréquemment des rios asséchés et dans ces paysages invraisemblables on s’imagine sans aucune peine les scènes de films de cow boys et de chicanos à chapeaux à larges bords se poursuivant à cheval en se tirant dessus. Ils sont sous nos yeux. Et parfois on a la chance d’avoir à subir un orage si fort qu’il fait soudain nuit en plein jour et que des trombes d’eau nous tombent dessus pendant vingt minutes à tel point que les essuie-glace ont le plus grand mal à vous aider à y voir clair; et tout à coup c’est à nouveau la lumière et le soleil, comme si rien ne s’était produit, à part le ciel noir abandonné derrière soi.

C’est le Nouveau-Mexique.


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