Il y a un an Cochon sur Terre croyait au Père Obama; de toutes ses forces, avec toute la ferveur hystérique dont il est capable, auréolé de son habituelle et trop fameuse tolérance qui tolère tout du moment que cela lui ressemble en tous points. En bref Cochon sur Terre se réjouissait bruyamment en proclamant à la face de l’univers qu’on allait voir ce qu’on allait voir et que Cochon sur Terre deviendrait ainsi, et à nouveau, et encore, comme seuls le XIX et le XX siècles avaient pu nous le promettre, avec ces mêmes susurrements et ces mêmes mots d’ordre que l’on nous braille dans les oreilles depuis un siècle et demi, ceux là-même qui ont engendré tous les désastres dans lesquels nous pataugeons aujourd’hui: mais il y a an, cette fois c’était sûr, le paradis était sur le point de nous tomber sur la gueule, ici sur terre, sans que nous ayons besoin de remuer le petit doigt pour monter jusqu’au ciel. Il faut bien avouer que cela aurait constitué un progrès considérable et très appréciable par ces temps de raréfaction énergétique.
Il y a un an, donc, le nouveau Président des USA prenait ses fonctions en grande pompe, applaudi par Cochon sur Terre en entier qui s’était mis sur son trente et un pour l’occasion. Cela nous valut des dithyrambes et un lyrisme ébouriffant dont le grotesque avait du mal à masquer les névroses et les pathologies qui en étaient la cause directe. Nous ne reviendrons pas sur ce point mais nous ne pouvons résister au plaisir de rappeler que les soucoupes volantes qui apparurent dans le ciel de Washington alors que le nouveau Président était investi dans ses fonctions ne sont pas revenues depuis lors. Peut-être ces extra-terrestres de service sont-ils pudiques...
Nous étions donc à l’aube d’une ère nouvelle au cours de laquelle les USA se conformeraient en tous points aux rêves les plus divaguants de tous les cochons de la planète, et particulièrement ceux des gourous de salons parisiens, progressistes naturellement, qui croyaient pouvoir ressusciter à travers cet événement la gloire qui leur était due mais qui leur fût refusée tout au long de leur existence de révolutionnaires en chambre. Les bêlements assourdissants que poussa le troupeau ovin habituel condamna toute manifestation du scepticisme le plus minimal à l’occultation quasi absolue où bien alors aux gémonies. Du haut de leur tolérance immanente nos gourous toujours progressistes, en mal d'espérance et de sensations fortes (pour eux en tout cas), mais surtout d’imagination, décrétèrent l'avènement d’un âge de lumière.
Ce qui permettait de prédire l’âge de lumière en question ne reposait certainement pas sur le programme du candidat qui différait peu de celui de ses concurrents, républicain comme démocrates, à l’exception de celui de Ron Paul. D’ailleurs ce n’est pas sur cela que ses groupies se focalisèrent.
On s’attacha à souligner deux points plus où moins discrètement: le premier fût la nécessité de changer les choses après les années «atroces» des deux présidences Busch. Là-dessus on ajouta un autre point à consonance raciste qui sous-entendait que le candidat étant «afro-américain» il ne pouvait qu’être beaucoup mieux qu’un candidat blanc, homme où femme. De là s’élaborèrent des rumeurs sur la personnalité remarquable du candidat en question, sur son intelligence inouïe, sur son brio, son charisme, son sourire etc, etc... Mais le débat ne porta que bien peu sur son programme. Y en avait-il un digne de ce nom ?
En réalité chacun des groupies du candidat, que ce soit aux USA où en Europe, lui attribuèrent ses propres fantasmes en étant persuadé que le malheureux futur Président n’aurait de cesse une fois au pouvoir que de faire appliquer immédiatement tous les désirs de chacun des ses consommateurs-électeurs.
Mais au bout d’un an force est de constater un paradoxe pour le moins ironique; aucun des groupies n’est satisfait du candidat porté au pinacle il y a un an seulement, alors que ses ennemis les plus acharnés, pas forcément pour les bonnes raisons, sont peut-être ceux qui en sont le plus secrètement satisfaits.
Effectivement on peut dire qu’après 365 jours au pouvoir, ces mêmes 365 jours que cochon sur terre avaient décrété à l’avance si prometteurs, on peut affirmer que le bilan du Président est assez déplorable. Nous ne reviendrons pas sur ce qui fût fait et ce qui ne fût pas fait, sur les promesses non réalisées et la politique suivie qui s’identifie tant à celle de son prédécesseur, au point que de nombreux commentateurs ont du se rendre à l’évidence, enfin !; la politique des USA, que ce soit à l’extérieur où à l’intérieur, reste toujours la même qu’elle que soit l’administration au pouvoir, malgré quelques belles paroles et une attitudes en apparence plus «cool»...
Ce suivisme, ce conformisme, cet alignement sur la politique et les désirs généraux du système, tout cela finit par ouvrir lentement les yeux de certains des plus fidèles groupies qui, désormais, sont peut-être ceux qui sont les plus critiques envers le Président sous les ricanements des républicains qui sont, aujourd’hui en tout cas, en bonne voie pour renvoyer les démocrates dans les cordes aux élections de Novembre. A moins que... mais c’est une autre histoire.
Comme l’a montré la réaction de la candidate démocrate battue aux élections du Massachusetts il semblerait que les démocrates eux-mêmes commencent à ruer dans les brancards, c’est à dire à rendre l’Administration et le président responsables de leur défaite présente, et probablement à venir. C’est effectivement une manière de tenter de sauver son siège qui risque d'entraîner une poussée de fièvre extrémiste afin de montrer à ses électeurs combien on sait se démarquer de l’Administration et de son Président de plus en plus impopulaires, sans tenir plus aucun compte des affiliations partisanes, comme tendrait à le prouver la montée en puissance du mouvement «tea party». Une population désabusée vis à vis de l’establishment, une population qui avait cru, où fait semblant de croire une dernière fois, que l’élection d’Obama changerait tout ce qui n’allait pas parce-qu’on leur avait fait croire que ce dernier ne faisait pas parti de la même bande que ceux dont on voulait se débarrasser. Aujourd’hui l’échec sur toute la ligne du Président et de son Administration risque de laisser la voie libre non seulement aux extrêmes de toutes catégories mais aussi à l’émergence d’une autre forme de contestation politique ne rentrant plus dans le cadre du bicéphalisme institutionnalisé. En bref une contestation extérieure à l’oligarchie au pouvoir.
Cette forme de contestation extérieure aux cercles du pouvoir de l’oligarchie américaine tendrait naturellement à terme à remettre en cause la source de ce pouvoir lui-même, c’est à dire les institutions. Et nous ne pouvons pas passer sous silence le jugement rendu par la Cour Suprême il y a quelques jours seulement, à une faible majorité de 4 sur 5, permettant aux candidats aux élections de faire financer leurs campagnes par les entreprises sans aucunes limites. Cela a déjà provoqué un grand mouvement de contestation et de fureur parmi la population puisque c’est la reconnaissance officielle que non seulement les politiciens sont entre les mains des lobbys, ce qui est vrai, mais aussi que la politique des USA est faite en fonction de ces intérêts particuliers au détriment de l'intérêt général. Inutile de souligner que cela n’a fait qu’alimenter encore un peu plus la vague de colère qu’avaient déjà provoqué les fameux «bailouts», ainsi que la sensation grandissante parmi la population que l’on cherche à sauver le système au détriment des citoyens eux-mêmes; c’est ainsi que ce même système est perçu de plus en plus nettement, quoi que difficilement, comme non réformable à mesure que l’on prend conscience de l’incapacité du Président non seulement de changer quoi que ce soit mais de son alignement complet sur le système lui-même. Et cette prise de conscience se fait sur un fond de désastre économique, de chômage grandissant, de pauvreté de plus en plus insoutenable (30% des USA sont sous le seuil de pauvreté d’après le rapport du Brookings Institute de Lundi dernier), de paralysie et de pagaille en accroissement, de déficits budgétaires chroniques des Etats fédérés comme de l’Etat fédéral lui-même; les conséquences de tout cela deviennent de plus en plus dramatiques au point que certains à Washington s’inquiètent pour la stabilité intérieure du pays.
Encore une fois, et au risque de nous répéter, le mouvement «tea party» est un symptôme important de ce désabusement général qui fait place progressivement à de la colère pure et simple. Robert Reich qualifie fort bien ce mouvement du «tea party» qu’il nomme le «I am mad as hell party» puisqu’il rassemble tous ceux qui sont furieux contre l’establishment washingtonien, démocrate comme républicain, toutes tendances confondues, mouvance offrant peu de prises pour le moment aux tentatives de récupérations par les partis politiques traditionnels. Même si ces gens du «Mad as hell party» viennent d’horizons divers, même s’ils ne sont pas d’accord entre eux politiquement, ils se retrouvent au sein de ce mouvement par leur seule colère contre l’establishment, colère qui finit par évoluer contre le système lui-même. C’est probablement cela le plus important: à savoir que l’échec d’Obama, le «yes we can» jeté aux oubliettes de l’histoire, en bref l’espoir que quelque chose pouvait être fait pour réformer ce qui ne marchait pas, où plutôt ce qui empêchait supposément les choses de fonctionner idéalement dans le meilleur des mondes US, cet échec engendre dans les esprits une lente remise en cause du système lui-même au milieu du désordre général qui s'accroît en raison, entre autre, de l’incapacité du Président à s’imposer et à donner une direction claire à sa politique. Mais pour ce faire il aurait encore fallu qu’il sache ce qu’il voulait, c’est à dire, en terme politique, avoir un programme; mais ce dernier faisait cruellement défaut depuis le départ. C’est aujourd’hui seulement que les cochons s’en aperçoivent; désormais c’est trop tard.
Le Président est nu; certes il est désormais déconsidéré tant sur le plan national que sur le plan international, mais il n’est pas le seul, loin s’en faut. Le système américain lui-même se retrouve dénudé; le système américain tant vanté et emmailloté si soigneusement par sa propre propagande depuis des décennies dans des habits de paillettes scintillantes, ce système de rêve ne fait désormais plus guère illusion, tant à l'intérieur qu’à l'extérieur; l’»american dream» est mort. Et l’échec d’Obama, c’est à dire son alignement complet sur les dogmes du système, sa poursuite de la politique de Busch enrobée de discours qui ne font plus aucune impression si ce n’est un agacement grandissant, cet échec donc a soudain servi de révélateur. Cette mort longuement occultée ne peut plus désormais être cachée; c’est un peu comme si le cadavre de la grand mère dont on niait le décès depuis des années pour toucher sa retraite frauduleusement sortait du placard sans prévenir tandis que l’inspecteur de la Sécurité Sociale est en visite dans la maisonnée. L'effondrement du mythe Obama a fait sortir les américains et le monde de leur ensorcellement; la pression des événements, la pression des crises qui se succèdent les unes aux autres en s’accumulant de plus en plus rapidement feront le reste.
La nudité du Président ne fait que refléter celle du système tout entier.
Mais pour le moment tout le monde est content à Cochon sur Terre, le meilleur des mondes.