Quelle semaine ! Cela faisait longtemps que Cochon sur Terre n’avait pas vécu cinq jours aussi chargés en événements. Entre les élections en Angleterre, la crise de la dette grecque, le krach boursier de Jeudi soir, les élections allemandes ce we, sans oublier les problèmes qui se profilent au Japon à propos de la base US de Futemma à Okinawa, nous avons été servis.
Mais si cela nous a tenu en haleine pendant plusieurs jours, il serait étonnant que cela ne se poursuive pas. De plus cela paraissait un spectacle fait pour nous, sur mesure, c’est-à-dire suffisamment varié pour nous éviter cet ennui qui revient toujours si vite nous torturer jusqu’à ce que folie s’en suive ; ce qui ne manque bien évidemment jamais d’arriver.
Selon nos dirigeants bien-aimés le rêve azoté auquel nous nous sommes shootés au cours des deux dernières décennies, celui au cours duquel nous avons eu droit à l’orgasme économique sans équivalent que vous savez; eh bien selon nos gouvernants chéris toutes ces merveilles doivent être imputées à (oui, oui c’est cela), à la globalisation bien évidemment. Eh oui c’est comme çà, cela fait partie du lexique à apprendre par coeur pour tout membre de l’establishment ; et non seulement il faut l’apprendre mais il faut surtout ne pas oublier de le répéter en boucle, comme un mantra, à tout heure du jour et de la nuit pour bien s’en persuader.
Et nous avec.
Manque de pot aujourd’hui il semblerait que notre « globalisation » adorée ait désormais des conséquences que nos dirigeants bien-aimés n’avaient pas entrevu. En effet il apparaît que l'interconnexion économique de toutes les régions de la planète, résultat direct de la fameuse « globalisation », eh bien il semblerait que cela puisse également devenir la cause de sérieux effets de dominos ultra-rapides à capacités de destructions massives.
Les événements de cette semaine furent-ils le commencement de cette décente aux enfers que certains attendaient depuis quelques temps, c’est à dire la première illustration de cette chute des dominos ? Nous n’en savons rien, ici à la Chronique de Cochon sur Terre, mais il est en revanche fort probable que les secousses de cette semaine ne font qu’en annoncer d’autres auprès desquelles celles qui viennent de nous secouer n’auront qu’une note de 2 où 3 sur l’échelle de Richter.
Faisons donc un bref tour d’horizon de cette semaine fort distrayante.
La Grèce.
Tout d’abord nous eûmes droit à la tragédie grecque et à ses multiples rebondissements, psychodrames et compagnie, tout cela pour aboutir au déblocage conditionnel par les Européens (si riches de dettes eux aussi !) de fonds encore plus importants que ce qui était prévu au départ, ce qui est le clair indicateur que la situation du pays est bien plus catastrophique que ce que l’on nous disait. Il faut bien comprendre deux points à propos de cette affaire de prêts à la Grèce :
- Premièrement les conditions dont sont assorties ces prêts sont draconiennes et qu’elles risquent d’être refusées par la population. De plus, et même si elles avaient été acceptées par les grecs avec enthousiasme, il est plus que probable que cela ne suffira pas à empêcher la Grèce de faire faillite en raison des dettes supplémentaires dont elle se charge et des objectifs de réduction du déficit considérés comme utopiques si on prend en compte la croissance nécessaire pour ce faire.
- Deuxièmement ces prêts si généreux sont conditionnés à la stricte observance par les grecs des conditions imposées par leurs créditeurs. Si l’une d’entre elle venaient à être outrepassées le processus de prêts cesserait immédiatement. Il y a donc de fortes chances pour que ces € 150 milliards ne soient pas versés intégralement, voire pas du tout si la population continue à se répandre dans les rues en situation de quasi émeute comme c’est le cas depuis plusieurs jours.
Que se passera t’il à ce moment-là ?
Apparemment certains parlementaires allemands et français y ont déjà réfléchi. L’idée serait de sortir les pays en difficulté de la zone euro en attendant qu’ils se remettent sur pied...
A bon entendeur salut.
L’Euro, le dollar et l’or.
Toute cette histoire a provoqué la chute de l’Euro et une remontée néanmoins limitée du dollar. En revanche l’or a continué sa hausse contrairement à ce que beaucoup pensaient en raison de la corrélation traditionnelle entre l’or et le dollar. Cette fois cela n’a pas joué et cette anomalie cache probablement un danger autrement plus grand que la Grèce, même s’il est de même nature. Qu’est-ce à dire ?
Pour la première fois le dollar n’a pas vraiment joué son rôle de valeur refuge, où pour être plus exact pas autant que d’habitude. En effet l’or, l’or physique en plus ce qui souligne la méfiance grandissante des investisseurs vis-à-vis du papier, l’or donc a joué ce rôle au moins autant que le dollar. Ce qui signifie que les investisseurs sont en train de prendre conscience (enfin!) du danger que représente l’état des finances catastrophique des états en général, et plus particulièrement du Royaume-Uni et des USA. C’est important de souligner ce point en raison du second sujet d'intérêt de cette semaine. Nous voulons parler des élections en Angleterre.
Les élections anglaises.
Comme anticipé les résultats des élections furent indécis, ne donnant aucune majorité à aucun parti. Les Anglais se retrouvent donc avec un «hung parliament» pour la première fois depuis les années 70. Et la situation est probablement pire qu’à cette époque où elle n’était déjà pas brillante ; une situation nécessitant des décisions rapides et fermes pour d’une part ne pas effrayer les marchés qui sont déjà assez nerveux comme cela, et d’autre part tenter de sauver le pays de la banqueroute. Malheureusement il semble qu’un Parlement dans lequel ne se trouve aucune majorité suffisamment stable pour prendre les mesures qu’imposent la situation, il semblerait que ce soit bien là la pire des situation. Et ce d’autant plus qu’à l’intérieur même des partis se font jour de fortes divergences d’opinions ce qui ne pourra aboutir qu’à ralentir encore un peu plus les prises de décisions puisque les leaders, tories et lib-dem notamment, risquent de se retrouver désavoués par leur base chaque fois qu’ils seront tentés par un compromis pour faire aboutir une tentative d’alliance gouvernementale, où même un simple projet de loi par exemple. Ralentir le processus où le paralyser complètement.
Le spectacle auquel nous assistons depuis Samedi, tant chez les Tories que chez les Lib-Dem, pourrait donc nous donner un avant-goût de ce que risque de devenir la situation hebdomadaire d’un gouvernement sans majorité, incapable de faire passer la moindre loi sans d’interminables négociations non seulement avec les autres partis mais avec ses propres troupes. Aujourd’hui déjà les bases elles-mêmes pressent leurs leaders à ne pas faire de compromis. C’est ainsi que Nick clegg insiste sur quatre questions jugées non négociables par les Lib-Dem:
- Une reforme électorale pour donner une plus juste répartition des sièges aux petits partis (Lib-Dem: 23% des voix et 57 sièges / Tories: 36% voix et 306 sièges / Labour: 28% voix et 258 sièges).
- L’abrogation de l'impôt sur le revenu payé par les 3.6 millions personnes ayant les revenus les plus bas.
- Le démantèlement des grandes banques en de plus petites entités.
- La réduction des effectifs dans les salles de classe.
Il est peu probable que ces quatre questions puissent avoir l’accord des deux autres partis. Et c’est de cette manière que l’effet Nick Clegg pourrait devenir à la fois une conséquence de la crise tout autant qu’une une cause majeure de l’aggravation de la crise. Car s’il n’est pas possible de donner à l’Angleterre un gouvernement stable et fort au moment où ce pays en a le plus pressant besoin, celui-ci se retrouvera à la merci de la peur grandissante des marchés sur ses capacités à surmonter ses problèmes budgétaires à côté desquels ceux de la Grèce paraîtront minables. Et c’est là que nous retrouvons notre question à propos du dollar car si les doutes grandissants des investisseurs sur la dette de l’Angleterre se concrétisaient par une chute majeure de la livre-sterling et non seulement une fuite hors des bonds du Trésor mais un refus d’y souscrire, il est assuré que dans la foulée le même phénomène se propagerait sur la dette US et les bonds du Trésor US.
Ce jour-là nous regretterons la Grèce, ce «piece of cake»...
Les élections allemandes.
La première victime collatérale de l’affaire grecque est la chancelière allemande et sa coalition qui a perdu les élections régionales du Rhin-Nord-Westphalie ce we, ce qui fait perdre à la CDU la majorité qu’elle détenait jusque là au Bundesrat. Cela devrait avoir pour conséquence de réduire fortement les espoirs de la coalition au pouvoir de faire passer les réformes qu’ils avaient en projet, sur la santé notamment mais aussi à propos des réductions d'impôts où de la prolongation de la durée de vie des centrales nucléaires allemandes.
De plus on pourrait parier que l’Allemagne ne fournira plus un Euros à quiconque au cas où un autre pays de la zone Euro ait besoin d’aide, sans compter que le premier prétexte pourrait-être saisi pour annuler sa contribution au plan de sauvetage de la Grèce.
Le gouvernement japonais menacé par Okinawa.
De l’autre côté de la planète M. Hatoyama, un des ex-futur réformateur de la bande des trois (comprenant Obama et Nick Clegg), le premier japonais donc est sérieusement menacé de perdre le pouvoir en raison d’une de ses nombreuses promesses électorales non tenues. Cette fois il s’agit de la base de l’armée de l’air US de Futemma sur l’ile d’Okinawa et de l’accord signé en 2006 entre les USA et le précédent gouvernement japonais. Lors de sa campagne M. Hatoyama avait promis de renégocier l’accord passé en 2006 afin de relocaliser la base dans une autre partie de l'île et de déménager 8.000 soldats US à Guam, c’est-à-dire hors du Japon. Désormais au pouvoir le Premier Ministre s’avère incapable de régler ce problème, en soit mineur mais hautement symbolique, qui a causé la semaine dernière des manifestations de 100.000 personnes et dont le pays entier attend un règlement. Un sondage récent a indiqué que 60% des Japonais pensent que Hatoyama devrait démissionner s’il n’est pas parvenu à trouver une solution avant le 31 Mai, date qu’il avait lui-même établie comme butoir pour le règlement de cette affaire. De plus son parti a de grandes chances de perdre les élections à venir en Juillet à la Chambre Haute, en partie à cause de cette affaire.
Quoi qu’il en soit de Hatoyama, qu’il démissionne à la fin du mois où pas, cette affaire risque de devenir majeure dans les semaines qui viennent au point de faire prendre un tournant important aux relations entre le Japon et les USA. En effet ces derniers se montrent intransigeants vis-à-vis du gouvernement Japonais alors qu’ils ont tout à y perdre. Car de toute manière cette affaire se fera aux détriments de leurs intérêts s’ils ne savent pas lâcher du lest à cette occasion afin de mieux préserver le reste de leurs implantations au Japon en permettant à Hatoyama de garder la tête haute face à ses électeurs. Si Hatoyama démissionne sur cette question on peut être assuré que son remplaçant se devra d’être plus radical que jamais, et ce d’autant plus que la population ne tolérera plus de complaisance à ce sujet. Et il est possible que la question de la présence des troupes US sur le territoire Japonais soit posée officiellement et ne devienne un jour prochain une question majeure de la politique intérieure japonaise. Cela n'aurait d'ailleurs rien de surprenant étant donné cette présence militaire US au Japon fait déjà l’objet de nombreuses interrogations officieusement.
Car au Japon comme en Europe où ailleurs (voir l'Europe et les missiles nucléaires US), le réseau des bases US est de plus en plus contesté par les populations qui en supportent la présence avec toutes les nuisances que cela engendre. On ne voit plus que ces dernières étant donné que l’utilité de ces bases est de plus en plus sujette à caution. En effet on ne manque pas de souligner à raison que cette présence militaire fût mise en place pour répondre à une situation géo-politique spécifique (c’est-à-dire l'après guerre) qui ne correspond plus du tout à la situation actuelle étant donné que la menace de l’époque a disparu. Et avec celle-ci la pertinence de la présence de milliers de soldats US et de leur matériel sur le territoire de nations souveraines qui n’ont plus besoin d’être protégé de quiconque par qui que ce soit.
A noter que cette question est soulevée également aux USA, depuis bien longtemps par le Représentant Ron Paul, mais qu’elle commence à être reprise par d’autres, notamment par la nébuleuse du Tea Party et autre anti-war movements. Sans parler bien évidemment de la question budgétaire et du déficit qui forcera certainement les militaires à mettre la clé sous la porte, c’est-à-dire à rapatrier les troupes US et à abandonner une très large majorité des bases US à travers le monde, si ce n’est toutes.
En résumé l’impression que laisse cette folle semaine est qu’il y a eu une soudaine accélération de la crise systémique dans laquelle Cochon sur Terre se débat de manière si comique depuis de nombreuses années, mais avec un rythme plus soutenu depuis 2008 bien sûr. Il semblerait donc que le jeu de domino sur lequel Cochon sur Terre s’est périlleusement élevé ne soit désormais menacé d’écroulement général puisque la chute de l’un des éléments entraîne systématiquement à sa suite tous les autres, précipitant l’édifice entier à terre.
Mais le plus drôle de tout cela reste le comportement de nos dirigeants bien-aimés que nous payons (très cher d’ailleurs) pour nous distraire le plus possible. Fidèles à eux-mêmes ils agissent tous avec le plus grand sérieux, lesté de cet aveuglément qui leur sied si bien et qui trahit la très grave sclérose cérébrale doublée de l’absence totale de compréhension de la situation générale qui est leur lot à tous. C’est ainsi qu’ils s’obstinent toujours à prendre le mal pour le bien, qu’ils s’acharnent contre vents et marées à administrer le poison comme si c’était le remède le plus efficace pour remettre sur pied sur qui est déjà mort; en bref ils s’agitent frénétiquement pour ressusciter un cadavre, opération après laquelle, selon eux, tout sera censé redevenir comme « avant ».
« Avant », c’est-à-dire le bon vieux temps de l’orgasme économique.
Nous vous avions bien prévenu : ce sont tous des cochons !
Pendant ce temps-là tout le monde est content à Cochon sur Terre, le meilleur des mondes.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire