Jeudi dernier on apprit que les évaluations successives données par BP et la Maison Blanche à propos de l’ampleur de la fuite de pétrole qui s’écoule dans le Golfe du Mexique depuis plus d’un mois et demi étaient proprement ridicules, pour ne pas dire délibérément mensongères. Il n’y a à ce sujet pas beaucoup de solutions : soit ignorance crasse de ce qui se passe (pour la Maison Blanche qui a peu de moyens de savoir quoi que ce soit sinon à travers BP), soit désinformation délibérée afin d’échapper à un lynchage médiatique, avec des conséquences économiques pour BP et politiques pour Obama et son parti.
Soit les deux...
Désormais les estimations de la fuite varient entre 3,6 millions de litres et 6,5 millions de litres par jour pour les plus optimistes, c’est-à-dire l’équivalent de 30.000 à 50.000 barils par jour. En comparaison le naufrage de l’Exxon Valdez en 1989 n’avait déversé «que» 35 millions de litres de pétrole dans la baie du Prince William alors que nous en sommes déjà au bas mot à 107 millions de litres dans le Golfe du Mexique; en sachant qu’il reste encore trois mois avant que les deux puits censés permettre le colmatage de la fuite puissent être forés aux alentours du mois d’Août voire Septembre, en croisant les doigts et les oreilles afin que cela fonctionne plus efficacement que les précédentes solutions miraculeuses qu’on nous a présenté jusque là.
Et encore ces estimations-là ne sont rien si on prend en compte celles qui sont encore plus apocalyptiques que les précédentes :
Some scientists, among them Ira Leifer of the government-sponsored Flow Rate Technical Group (FRTG), believe that BP’s decision to cut the riser pipe in order to siphon off a portion of the oil may have actually made the spill far worse. The well could feasibly release as many as 10 million gallons per day, according to a worst-case scenario revealed in paperwork BP submitted for each of its two relief wells.
(Sources: WSWS - 12.06.2010)
La vérité est que la situation est franchement dramatique ; car en réalité l’Administration US n’a aucun moyen de faire quoi que ce soit pour arrêter cette fuite et les USA sont entièrement dépendants du savoir-faire de BP dans ce domaine pour endiguer la catastrophe au plus vite, c’est-à-dire dans trois mois au bas mot.
Le Président quant à lui s’est soudain trouvé l’otage d’un besoin pressant, politiquement bien entendu; il s’agissait de montrer au public américain qu’il était « in charge », comme il l’a dit lui-même, alors qu’on pensait que la dernière opération de secours montée par BP pour stopper la fuite il y a quelques semaines était en train de fonctionner. Manque de chance, comme on sait, ce fût un échec. Son pressant besoin de rattrapage médiatique et politique s’est donc retournée violemment contre Obama et son équipe de manipulateurs en herbe qui se trouvent désormais « in charge » d’une situation hors de contrôle et à laquelle ils ne connaissent rien.
L’establishment US tente désormais de détourner la fureur de leurs électeurs bien-aimés contre lui, de manière anarchique comme il se doit, sans aucune coordination, chacun y allant de son couplet de la plus vile démagogie contre BP, c’est-à-dire l’étranger, voire l’ancien pouvoir colonial et bla bla bla... On ne recule devant rien et il est fort possible que cela aille de plus en plus loin au fur et à mesure que la situation s’aggravera, ce qu’elle ne peut manquer de faire. Obama s’est illustré à ce jeu d’une manière plus lamentable que les autres, c’est dire ! par l’utilisation du terme « British Petroleum » pour nommer BP, alors que ce n’est plus le nom utilisé par BP lui-même depuis huit ans, cette société anglaise malfaisante par la seule et unique faute de qui ce désastre est arrivé, sans parler de ces attaques contre le pdg lui-même ; cela a fait déborder le vase et a déclenché la fureur des Britanniques.
Voici des extraits de la lettre ouverte à Obama de John Napier, chairman du groupe d’assurance anglais RSA, qui trahit bien l’état d’esprit des Britanniques face aux attaques US de plus en plus violentes à l’égard de BP:
There is a sense here that these attacks are being made because BP is British.
If you compare the damage inflicted on the economies of the western world by polluted securities from the irresponsible, unchecked greed and avarice of leading USA international banks, there has not been the same personalised response in or from countries beyond the US.
Perhaps a case of double standards?
Et plus loin il ajoute:
The immediate issues are very challenging but are best solved working together in a more Statesman like way.
The leak may take time to fix, and it will be, but Afghanistan and Iraq will take much longer.
We can all agree that the first and absolute priority is to stem the leak. Perhaps the second one is to ensure the reputation of the Presidency outside the USA is seen as objective, balanced, able and capable of taking the heat when under pressure.
We liked the Obama we saw at your election, can we have more of it please.
(Sources: Open letter to Président Obama by John Napier, chairman of RSA Group)
Jusqu’à maintenant le gouvernement anglais a eu la louable sagesse de ne pas ajouter d’huile sur le feu, bien au contraire. Mais désormais accusé d’abandonner BP, désormais accusé de laisser l'intérêt national attaquer sans réagir etc, combien de temps le gouvernement anglais pourra-t’il tenir cette ligne de conduite face à la pression de l’opinion publique ?
Anger is mounting in the City that Obama has singled out BP rather than US contractors such as Halliburton for criticism. There is also concern that Cameron has not defended the British company more robustly.
(Sources: The Guardian - 12.06.2010)
That the spill could infect the "special relationship" became clear early yesterday when the Mayor of London, Boris Johnson, aired his concerns in a radio interview. "I do think there's something slightly worrying about the anti-British rhetoric that seems to be permeating from America," he said.
"It starts to become a matter of national concern if a great British company is being continually beaten up on the international airwaves."
Traditionally, BP stock accounts for 12 to 13 per cent of dividend payouts in Britain and many retirement funds depend on it to retain value. "You attack the dividend and you are attacking millions of British pensioners," said Tom Watson, a Labour MP who plans to table a motion in the Commons supporting BP.
(Sources: The Independant - 12.06.2010)
Aujourd’hui le véritable problème sont d’une part la perte de 40% de la valeur capitalistique de BP depuis le début de la crise et d’autre part les dividendes que BP risque de ne pas verser à ses actionnaires à cause des attaques du Président US ; tout ceci affectera directement une partie de la population anglaise puisque les principaux actionnaires de BP sont les fonds de pension Britanniques mais aussi US (ce qui rend encore plus pathétique l’utilisation du terme British Petroleum par Obama).
Demain le problème sera la survie de BP, la plus grosse société cotée à la bourse de Londres représentant à elle seule 12% de tous les dividendes distribués par les sociétés anglaises; il ne faut pas être clairvoyant pour imaginer les conséquences financières que provoquerait pour le Royaume-Uni la mise sur le carreau de BP en raison des poursuites judiciaires engagées aux USA, le tout accouplé à la situation merveilleusement saine des banques anglaises comme du Trésor Britannique; nous voyons d’ici le feu d’artifice que cela déclencherait !
Désormais nous pouvons nous demander combien de temps il faudra au gouvernement anglais pour comprendre que l’establishment US voudra la peau de BP de manière de plus en plus hystérique au fur et à mesure que la situation s’aggravera et que leur panique augmentera en proportion, sans tenir aucun compte des intérêts anglais qui, aujourd’hui, apparaissent en complète opposition avec ceux des sénateurs et des représentants US ayant à faire face aux élections de Novembre ; sans parler de l'intérêt d’Obama dont la réélection apparaît de plus en plus illusoire. Faudra t'il la faillite du géant du pétrole, fleuron de la bourse de Londres à la plus grosse capitalisation boursière, et la ruine de millions de retraités pour que le gouvernement anglais sorte du mirage des «special relationship» ?
Le recours à cette recette archi-banale et éprouvée, vieille comme Cochon sur Terre, qui consiste à désigner un bouc-émissaire extérieur pour renforcer la cohésion menacée d’un groupe, trahit la panique légitime des dirigeants US face à cette colère populaire qui monte et qu’ils semblent incapables d’arrêter. Cette peur est d’autant plus grande qu’elle se greffe sur la constatation de plus en plus limpide que les plans de relance et autres TARP n’ont rien relancé du tout, bien au contraire.
Aujourd’hui, pourtant, la démagogie ne semble pas avoir vraiment pris aux USA ; où plutôt cela n’a pas détourné la colère des électeurs contre le Congrès et l’Administration, sans parler d’Obama qui est au plus bas dans les sondages. Il semblerait plutôt que cette affaire, qui démontre une fois de plus l’inaptitude tragique de Washington à répondre efficacement à une situation d’urgence intérieure, il semblerait donc que cette affaire ne fasse que renforcer la rage des Américains contre le gouvernement central et le Congrès plutôt que contre l’Angleterre per se. Et s’ils sont furieux contre BP, et ils le sont vraiment et feront tout pour avoir sa peau, il nous semble que les Américains le sont de la même manière qu’ils l’auraient été contre Chevron où tout autre société US ; les Américains ne sont pas furieux contre BP parce-que c’est une société anglaise, contrairement à ce que pensent les Anglais, mais parce-qu’elle représente le « corporate power » que les Américains identifient avec raison au gouvernement central, au Congrès et aux lobbyies, c’est-à-dire le système légal de corruption généralisé qui infecte la politique des USA. C’est pourquoi il n’est pas dit que les deux autres sociétés américaines qui sont impliquées au moins autant que BP dans la catastrophe, Halliburton et Transocean, s’en sortent sans perdre de plumes. Au train où vont les choses ce serait même étonnant que ce soit le cas.
Il nous semble donc que la manœuvre indigne d’Obama et consort pour diriger la colère des électeurs bien-aimés contre la société anglaise BP afin d’éviter une catastrophe électorale en Novembre ait échoué. Nous prenons les paris qu’elle fera long feu car l’establishment américain n’a toujours pas pris conscience de la gravité et de la profondeur de la colère de ses électeurs bien-aimés contre eux ; contre eux en tant que représentants du centre par opposition au local, c’est-à-dire l’état fédéral versus l’état fédéré, mais aussi contre eux en tant que serviteurs corrompus du « corporate power ». Il faut leur rendre cette justice néanmoins que, pour ces intoxiqués à leur propre propagande, cette dernière hypothèse est tout simplement inimaginable tant ils sont persuadés que l’américan dream se limite à la possibilité de gagner le maximum d’argent de n’importe quelle manière. Ils ont tord. Ils ont tord car ce mythe, qui consiste à affirmer que n’importe qui peut faire fortune aux USA, est récent et reste plus superficiel qu’on ne pourrait le croire au premier abord dans la psychologie collective, surtout si l’on se contente de regarder la télévision où de flâner à NY où à LA.
Car ils ont oubliés, ces membres de l’establishment, que l’Amérique reste avant tout le symbole de l’indépendance politique (la guerre d’indépendance et non pas la révolution) et de la liberté individuelle, quels que soient les avatars que ces expressions ont subi depuis, sans parler de leur réalité dans le pays du Homeland Security... La glorification du développement économique à outrance et à n’importe quel prix, c’est à dire au prix de la liberté individuelle et de l’indépendance politique le plus souvent, n’est venu que bien plus tard ; et il ne faudrait pas oublier la résistance qu’a rencontré ce soit-disant développement économique tout au long de son extension à travers le pays jusqu’au début des années 70, progression qui s’apparente, pour le visiteur, beaucoup plus à la politique de la terre brûlée des colonnes de Sherman qu’à n’importe quoi d’autre. Ces messieurs-dames à la petite semaine de Washington n’ont pas réalisé non plus que cette colère de la population s’alimente de nouveau à la source d’une lente prise de conscience de la malignité du système en général, c’est-à-dire du système économique tant vanté qui a ruiné le pays. Remarquons que cela parait assez naturel car ce n’est certainement pas l’establishment washingtonien qui a subi la dégradation de son pouvoir d’achat depuis trente ans, bien au contraire ; en revanche le bon peuple d’électeurs bien aimés, c’est une autre histoire !
C’est peut-être pour cette raison qu’ils sont en colère... Sait-on jamais, l’être humain est si imprévisible...
Cette crise, désormais au moins autant politique qu’écologique, est donc emblématique de la crise systémique générale et de l’impasse dans lequel Cochon sur terre se retrouve. Elle souligne les contradictions inhérentes et insoutenables entre le développement économique à outrance et ses conséquences politiques d’une part, et la protection de l’environnement d’autre part, impliquant la survie où non de notre espèce divine. De même elle souligne la dépendance du monde entier au pétrole, et au-delà au pillage systématique de la planète tout entière pour des profits à très courts termes, sans tenir aucun compte des générations censées nous succéder. Implicitement elle remet en question le système économique sur lequel repose l’organisation de nos sociétés d’aujourd’hui qui n’a été rendu possible que par l’abondance d’une source d’énergie à très bas coût. Désormais cette énergie est en voie disparition et en conséquence le coût du baril de pétrole ne pourra plus que se propulser de plus en plus haut, mettant à bas du même coup le système en entier ainsi que notre fameuse «way of life». Car à l’heure qu’il est (10h35 AM), et contrairement à ce que l’on peut nous raconter, il n’y a aucune autre source d’énergie disponible pour remplacer le pétrole et perpétuer notre course au suicide collectif.
Mais rassurez-vous, cher lecteur, il nous reste encore de très nombreuses manière d’y parvenir (nous parlons de notre suicide collectif) et nous restons toujours aussi optimistes à la Chronique de Cochon sur Terre quant à notre réussite totale à ce sujet, avec où sans pétrole...
Mais ne soyez pas trop tristes nous n’en n’avons pas encore fini avec le pétrole, n’en doutez pas. D’ailleurs, si vous en vouliez une preuve de plus, le moratoire de six mois pour les 33 nouveaux permis de forages dans le Golfe du Mexique (et non pas pour tous les forages existants !) annoncé en fanfare par Obama, mesure destinée à démontrer au bon peuple à quel point ils avaient un « leader in charge », et bien ce moratoire risque d’avoir la vie courte.
At a Senate Energy and Natural Resources Committee hearing held Wednesday, Democratic Senator Mary Landrieu of Louisiana, a leading oil industry “asset,” demanded that Secretary of the Interior Ken Salazar lift the moratorium, absurdly declaring that if it “lasts much longer than a few months, it could potentially wreak economic havoc on this region that exceeds the havoc wreaked” by the BP spill.
In fact, the moratorium, which the media falsely presents as a total ban on offshore drilling, affects only 33 new drilling operations, not those already underway. Whatever job losses result from Obama’s token measure are dwarfed by those in the region’s fishing and tourism industry—losses that will likely be counted in the hundreds of thousands and may never be recouped.
In response, Salazar made clear that the committee Obama appointed to investigate the spill has no intention of stopping new deep-sea drilling operations. Its goal is to “press the pause button…not the stop button,” Salazar said. “It’s a pause button so that we can make sure that we move forward with OCS [outer continental shelf] drilling—so that it can be done in a way that is protective of people and protective of the environment as well,” Salazar added.
(Sourcs: WSWS - 12.06.2010)
Vous voyez, cher lecteur, qu’on ne perd pas de temps au pays du «business as usual». D’ailleurs nous pouvons être certains que le «pause button» qui durera six mois, peut-être même moins, permettra sans aucun doute possible et inimaginable de régler absolument tous les problèmes de sécurité que peuvent poser les forages en haute mer. Il est évident comme 2+2 = 5 que tous les enseignements de l’explosion du Deep Water Horizon seront non seulement tirés d’ici quelques mois, mais enregistrés, compris et intégrés de A à Z, et bien évidemment mis en application dans la foulée. C’est ainsi que dans six mois nous pourrons allègrement forer en haute mer de nouveaux puits avec toutes les mesures de sécurité imaginables que nous aura enseignés cette affaire... regrettable n’est-ce pas, mais il faut bien survivre !
Et cela d’autant plus que cette explosion et l’enchaînement de désastres qu’elle engendra n’avait jamais été imaginée par quiconque avant qu’elle ne se produise de l’aveu même des responsables...
Mais pour l’instant tout roule (au pétrole naturellement) à Cochon sur Terre, le meilleur des mondes.
Soit les deux...
Désormais les estimations de la fuite varient entre 3,6 millions de litres et 6,5 millions de litres par jour pour les plus optimistes, c’est-à-dire l’équivalent de 30.000 à 50.000 barils par jour. En comparaison le naufrage de l’Exxon Valdez en 1989 n’avait déversé «que» 35 millions de litres de pétrole dans la baie du Prince William alors que nous en sommes déjà au bas mot à 107 millions de litres dans le Golfe du Mexique; en sachant qu’il reste encore trois mois avant que les deux puits censés permettre le colmatage de la fuite puissent être forés aux alentours du mois d’Août voire Septembre, en croisant les doigts et les oreilles afin que cela fonctionne plus efficacement que les précédentes solutions miraculeuses qu’on nous a présenté jusque là.
Et encore ces estimations-là ne sont rien si on prend en compte celles qui sont encore plus apocalyptiques que les précédentes :
Some scientists, among them Ira Leifer of the government-sponsored Flow Rate Technical Group (FRTG), believe that BP’s decision to cut the riser pipe in order to siphon off a portion of the oil may have actually made the spill far worse. The well could feasibly release as many as 10 million gallons per day, according to a worst-case scenario revealed in paperwork BP submitted for each of its two relief wells.
(Sources: WSWS - 12.06.2010)
La vérité est que la situation est franchement dramatique ; car en réalité l’Administration US n’a aucun moyen de faire quoi que ce soit pour arrêter cette fuite et les USA sont entièrement dépendants du savoir-faire de BP dans ce domaine pour endiguer la catastrophe au plus vite, c’est-à-dire dans trois mois au bas mot.
Le Président quant à lui s’est soudain trouvé l’otage d’un besoin pressant, politiquement bien entendu; il s’agissait de montrer au public américain qu’il était « in charge », comme il l’a dit lui-même, alors qu’on pensait que la dernière opération de secours montée par BP pour stopper la fuite il y a quelques semaines était en train de fonctionner. Manque de chance, comme on sait, ce fût un échec. Son pressant besoin de rattrapage médiatique et politique s’est donc retournée violemment contre Obama et son équipe de manipulateurs en herbe qui se trouvent désormais « in charge » d’une situation hors de contrôle et à laquelle ils ne connaissent rien.
L’establishment US tente désormais de détourner la fureur de leurs électeurs bien-aimés contre lui, de manière anarchique comme il se doit, sans aucune coordination, chacun y allant de son couplet de la plus vile démagogie contre BP, c’est-à-dire l’étranger, voire l’ancien pouvoir colonial et bla bla bla... On ne recule devant rien et il est fort possible que cela aille de plus en plus loin au fur et à mesure que la situation s’aggravera, ce qu’elle ne peut manquer de faire. Obama s’est illustré à ce jeu d’une manière plus lamentable que les autres, c’est dire ! par l’utilisation du terme « British Petroleum » pour nommer BP, alors que ce n’est plus le nom utilisé par BP lui-même depuis huit ans, cette société anglaise malfaisante par la seule et unique faute de qui ce désastre est arrivé, sans parler de ces attaques contre le pdg lui-même ; cela a fait déborder le vase et a déclenché la fureur des Britanniques.
Voici des extraits de la lettre ouverte à Obama de John Napier, chairman du groupe d’assurance anglais RSA, qui trahit bien l’état d’esprit des Britanniques face aux attaques US de plus en plus violentes à l’égard de BP:
There is a sense here that these attacks are being made because BP is British.
If you compare the damage inflicted on the economies of the western world by polluted securities from the irresponsible, unchecked greed and avarice of leading USA international banks, there has not been the same personalised response in or from countries beyond the US.
Perhaps a case of double standards?
Et plus loin il ajoute:
The immediate issues are very challenging but are best solved working together in a more Statesman like way.
The leak may take time to fix, and it will be, but Afghanistan and Iraq will take much longer.
We can all agree that the first and absolute priority is to stem the leak. Perhaps the second one is to ensure the reputation of the Presidency outside the USA is seen as objective, balanced, able and capable of taking the heat when under pressure.
We liked the Obama we saw at your election, can we have more of it please.
(Sources: Open letter to Président Obama by John Napier, chairman of RSA Group)
Jusqu’à maintenant le gouvernement anglais a eu la louable sagesse de ne pas ajouter d’huile sur le feu, bien au contraire. Mais désormais accusé d’abandonner BP, désormais accusé de laisser l'intérêt national attaquer sans réagir etc, combien de temps le gouvernement anglais pourra-t’il tenir cette ligne de conduite face à la pression de l’opinion publique ?
Anger is mounting in the City that Obama has singled out BP rather than US contractors such as Halliburton for criticism. There is also concern that Cameron has not defended the British company more robustly.
(Sources: The Guardian - 12.06.2010)
That the spill could infect the "special relationship" became clear early yesterday when the Mayor of London, Boris Johnson, aired his concerns in a radio interview. "I do think there's something slightly worrying about the anti-British rhetoric that seems to be permeating from America," he said.
"It starts to become a matter of national concern if a great British company is being continually beaten up on the international airwaves."
Traditionally, BP stock accounts for 12 to 13 per cent of dividend payouts in Britain and many retirement funds depend on it to retain value. "You attack the dividend and you are attacking millions of British pensioners," said Tom Watson, a Labour MP who plans to table a motion in the Commons supporting BP.
(Sources: The Independant - 12.06.2010)
Aujourd’hui le véritable problème sont d’une part la perte de 40% de la valeur capitalistique de BP depuis le début de la crise et d’autre part les dividendes que BP risque de ne pas verser à ses actionnaires à cause des attaques du Président US ; tout ceci affectera directement une partie de la population anglaise puisque les principaux actionnaires de BP sont les fonds de pension Britanniques mais aussi US (ce qui rend encore plus pathétique l’utilisation du terme British Petroleum par Obama).
Demain le problème sera la survie de BP, la plus grosse société cotée à la bourse de Londres représentant à elle seule 12% de tous les dividendes distribués par les sociétés anglaises; il ne faut pas être clairvoyant pour imaginer les conséquences financières que provoquerait pour le Royaume-Uni la mise sur le carreau de BP en raison des poursuites judiciaires engagées aux USA, le tout accouplé à la situation merveilleusement saine des banques anglaises comme du Trésor Britannique; nous voyons d’ici le feu d’artifice que cela déclencherait !
Désormais nous pouvons nous demander combien de temps il faudra au gouvernement anglais pour comprendre que l’establishment US voudra la peau de BP de manière de plus en plus hystérique au fur et à mesure que la situation s’aggravera et que leur panique augmentera en proportion, sans tenir aucun compte des intérêts anglais qui, aujourd’hui, apparaissent en complète opposition avec ceux des sénateurs et des représentants US ayant à faire face aux élections de Novembre ; sans parler de l'intérêt d’Obama dont la réélection apparaît de plus en plus illusoire. Faudra t'il la faillite du géant du pétrole, fleuron de la bourse de Londres à la plus grosse capitalisation boursière, et la ruine de millions de retraités pour que le gouvernement anglais sorte du mirage des «special relationship» ?
Le recours à cette recette archi-banale et éprouvée, vieille comme Cochon sur Terre, qui consiste à désigner un bouc-émissaire extérieur pour renforcer la cohésion menacée d’un groupe, trahit la panique légitime des dirigeants US face à cette colère populaire qui monte et qu’ils semblent incapables d’arrêter. Cette peur est d’autant plus grande qu’elle se greffe sur la constatation de plus en plus limpide que les plans de relance et autres TARP n’ont rien relancé du tout, bien au contraire.
Aujourd’hui, pourtant, la démagogie ne semble pas avoir vraiment pris aux USA ; où plutôt cela n’a pas détourné la colère des électeurs contre le Congrès et l’Administration, sans parler d’Obama qui est au plus bas dans les sondages. Il semblerait plutôt que cette affaire, qui démontre une fois de plus l’inaptitude tragique de Washington à répondre efficacement à une situation d’urgence intérieure, il semblerait donc que cette affaire ne fasse que renforcer la rage des Américains contre le gouvernement central et le Congrès plutôt que contre l’Angleterre per se. Et s’ils sont furieux contre BP, et ils le sont vraiment et feront tout pour avoir sa peau, il nous semble que les Américains le sont de la même manière qu’ils l’auraient été contre Chevron où tout autre société US ; les Américains ne sont pas furieux contre BP parce-que c’est une société anglaise, contrairement à ce que pensent les Anglais, mais parce-qu’elle représente le « corporate power » que les Américains identifient avec raison au gouvernement central, au Congrès et aux lobbyies, c’est-à-dire le système légal de corruption généralisé qui infecte la politique des USA. C’est pourquoi il n’est pas dit que les deux autres sociétés américaines qui sont impliquées au moins autant que BP dans la catastrophe, Halliburton et Transocean, s’en sortent sans perdre de plumes. Au train où vont les choses ce serait même étonnant que ce soit le cas.
Il nous semble donc que la manœuvre indigne d’Obama et consort pour diriger la colère des électeurs bien-aimés contre la société anglaise BP afin d’éviter une catastrophe électorale en Novembre ait échoué. Nous prenons les paris qu’elle fera long feu car l’establishment américain n’a toujours pas pris conscience de la gravité et de la profondeur de la colère de ses électeurs bien-aimés contre eux ; contre eux en tant que représentants du centre par opposition au local, c’est-à-dire l’état fédéral versus l’état fédéré, mais aussi contre eux en tant que serviteurs corrompus du « corporate power ». Il faut leur rendre cette justice néanmoins que, pour ces intoxiqués à leur propre propagande, cette dernière hypothèse est tout simplement inimaginable tant ils sont persuadés que l’américan dream se limite à la possibilité de gagner le maximum d’argent de n’importe quelle manière. Ils ont tord. Ils ont tord car ce mythe, qui consiste à affirmer que n’importe qui peut faire fortune aux USA, est récent et reste plus superficiel qu’on ne pourrait le croire au premier abord dans la psychologie collective, surtout si l’on se contente de regarder la télévision où de flâner à NY où à LA.
Car ils ont oubliés, ces membres de l’establishment, que l’Amérique reste avant tout le symbole de l’indépendance politique (la guerre d’indépendance et non pas la révolution) et de la liberté individuelle, quels que soient les avatars que ces expressions ont subi depuis, sans parler de leur réalité dans le pays du Homeland Security... La glorification du développement économique à outrance et à n’importe quel prix, c’est à dire au prix de la liberté individuelle et de l’indépendance politique le plus souvent, n’est venu que bien plus tard ; et il ne faudrait pas oublier la résistance qu’a rencontré ce soit-disant développement économique tout au long de son extension à travers le pays jusqu’au début des années 70, progression qui s’apparente, pour le visiteur, beaucoup plus à la politique de la terre brûlée des colonnes de Sherman qu’à n’importe quoi d’autre. Ces messieurs-dames à la petite semaine de Washington n’ont pas réalisé non plus que cette colère de la population s’alimente de nouveau à la source d’une lente prise de conscience de la malignité du système en général, c’est-à-dire du système économique tant vanté qui a ruiné le pays. Remarquons que cela parait assez naturel car ce n’est certainement pas l’establishment washingtonien qui a subi la dégradation de son pouvoir d’achat depuis trente ans, bien au contraire ; en revanche le bon peuple d’électeurs bien aimés, c’est une autre histoire !
C’est peut-être pour cette raison qu’ils sont en colère... Sait-on jamais, l’être humain est si imprévisible...
Cette crise, désormais au moins autant politique qu’écologique, est donc emblématique de la crise systémique générale et de l’impasse dans lequel Cochon sur terre se retrouve. Elle souligne les contradictions inhérentes et insoutenables entre le développement économique à outrance et ses conséquences politiques d’une part, et la protection de l’environnement d’autre part, impliquant la survie où non de notre espèce divine. De même elle souligne la dépendance du monde entier au pétrole, et au-delà au pillage systématique de la planète tout entière pour des profits à très courts termes, sans tenir aucun compte des générations censées nous succéder. Implicitement elle remet en question le système économique sur lequel repose l’organisation de nos sociétés d’aujourd’hui qui n’a été rendu possible que par l’abondance d’une source d’énergie à très bas coût. Désormais cette énergie est en voie disparition et en conséquence le coût du baril de pétrole ne pourra plus que se propulser de plus en plus haut, mettant à bas du même coup le système en entier ainsi que notre fameuse «way of life». Car à l’heure qu’il est (10h35 AM), et contrairement à ce que l’on peut nous raconter, il n’y a aucune autre source d’énergie disponible pour remplacer le pétrole et perpétuer notre course au suicide collectif.
Mais rassurez-vous, cher lecteur, il nous reste encore de très nombreuses manière d’y parvenir (nous parlons de notre suicide collectif) et nous restons toujours aussi optimistes à la Chronique de Cochon sur Terre quant à notre réussite totale à ce sujet, avec où sans pétrole...
Mais ne soyez pas trop tristes nous n’en n’avons pas encore fini avec le pétrole, n’en doutez pas. D’ailleurs, si vous en vouliez une preuve de plus, le moratoire de six mois pour les 33 nouveaux permis de forages dans le Golfe du Mexique (et non pas pour tous les forages existants !) annoncé en fanfare par Obama, mesure destinée à démontrer au bon peuple à quel point ils avaient un « leader in charge », et bien ce moratoire risque d’avoir la vie courte.
At a Senate Energy and Natural Resources Committee hearing held Wednesday, Democratic Senator Mary Landrieu of Louisiana, a leading oil industry “asset,” demanded that Secretary of the Interior Ken Salazar lift the moratorium, absurdly declaring that if it “lasts much longer than a few months, it could potentially wreak economic havoc on this region that exceeds the havoc wreaked” by the BP spill.
In fact, the moratorium, which the media falsely presents as a total ban on offshore drilling, affects only 33 new drilling operations, not those already underway. Whatever job losses result from Obama’s token measure are dwarfed by those in the region’s fishing and tourism industry—losses that will likely be counted in the hundreds of thousands and may never be recouped.
In response, Salazar made clear that the committee Obama appointed to investigate the spill has no intention of stopping new deep-sea drilling operations. Its goal is to “press the pause button…not the stop button,” Salazar said. “It’s a pause button so that we can make sure that we move forward with OCS [outer continental shelf] drilling—so that it can be done in a way that is protective of people and protective of the environment as well,” Salazar added.
(Sourcs: WSWS - 12.06.2010)
Vous voyez, cher lecteur, qu’on ne perd pas de temps au pays du «business as usual». D’ailleurs nous pouvons être certains que le «pause button» qui durera six mois, peut-être même moins, permettra sans aucun doute possible et inimaginable de régler absolument tous les problèmes de sécurité que peuvent poser les forages en haute mer. Il est évident comme 2+2 = 5 que tous les enseignements de l’explosion du Deep Water Horizon seront non seulement tirés d’ici quelques mois, mais enregistrés, compris et intégrés de A à Z, et bien évidemment mis en application dans la foulée. C’est ainsi que dans six mois nous pourrons allègrement forer en haute mer de nouveaux puits avec toutes les mesures de sécurité imaginables que nous aura enseignés cette affaire... regrettable n’est-ce pas, mais il faut bien survivre !
Et cela d’autant plus que cette explosion et l’enchaînement de désastres qu’elle engendra n’avait jamais été imaginée par quiconque avant qu’elle ne se produise de l’aveu même des responsables...
Mais pour l’instant tout roule (au pétrole naturellement) à Cochon sur Terre, le meilleur des mondes.