dimanche 24 avril 2011

Nair Chandran : voteriez-vous pour lui ?

Cette semaine Nair Chandran, fondateur de l’influent think tank « Global Institute for Tomorrow » a présenté à la Royal Society of Arts à Londres son livre intitulé :

« Consomptionomics : Asia role in reshaping capitalism and save the planet ».

Vous savez bien, chers lecteurs, que tout ce que cette malheureuse planète compte de gens « sérieux » a les regards rivés sur les chiffres 24h sur 24. Tous les chiffres bien sûr, tous sont importants, particulièrement lorsqu’ils sont trafiqués comme ceux du chômage où de l’inflation US. Cela dit il y a certains chiffres qui sont encore plus importants que d’autres ; nous voulons parler de ceux qui sont publiés par Beijing et dans une moindre mesure par New Delhi. Les chiffres de l’inflation annoncés par Beijing, par exemple, donnent des sueurs froides à nos brillants économistes et à nos moins brillants politiciens. Lorsque ces derniers sont à la hausse, comme c’est le cas depuis plusieurs mois en raison de la politique suicidaire de la Fed, et que Beijing remonte ses taux d'intérêts quatre où cinq fois d’affilé en six mois pour éviter la surchauffe de son économie, l’Occident est au bord de la crise de nerf, sans parler de la panique.
Pourquoi donc ?

Eh bien parce-que tout ce que notre monde pitoyable compte de « décideurs », qu’on les trouve dans les domaines de l’économie, des affaires où de la politique, qu’ils résident à Washington, Paris, Londres où Hong Kong, New Delhi où Beijing, tous ces apprentis-crétins sont la proie d’une superstition qui nous mènera droit en enfer. Un enfer sur terre créé de toute pièce par nous-mêmes, sur mesure naturellement. Inutile de vous rappeler, chers lecteurs, que cela chauffe déjà très sérieusement ici-bas, au propre comme au figuré, ce qui aura au moins l’avantage d’épargner à nombre d’entre nous, dont votre chroniqueur, un voyage devenu inutile à l’heure de notre mort.
Vous voyez de quoi nous voulons parler... Nous rôtirons donc sur place par souci légitime d’économie d’énergie. Seuls les autres voyageront mais comme par bonheur il y a peu d’élus il n’y aura probablement pas trop de dépenses énergétiques pour les transporter dans leur nouveau lieu de résidence.

Mais revenons à cette superstition, chers lecteurs ; celle-ci s’est donc répandue partout sur terre comme le choléra, on l’entend à tous bout de champ, on l'égrène comme les chapelets jadis en espérant que la superstition en question se réalisera. Elle consiste à croire, où à faire semblant pour certains, que le développement de la Chine, et accessoirement de l’Inde, nous sauvera tous de la faillite générale.
Pourquoi et comment cela ?
Cela consiste à croire, où à faire croire, que les deux milliards et demi de Chinois et d’Indiens pourront accéder au même « niveau de survie » que nous autres Européens, Américains du Nord où Japonais ; mais la bonne, l’excellente nouvelle, c’est qu’en 2050 ces populations auront doublés comme par magie ; inutile de vous dire, chers lecteurs, que l’idée de profiter de cinq milliards et demi de nouveaux consommateurs comme nous provoque des éjaculations précoces à nos chers « décideurs », sans parler des banquiers et autres hommes d’affaire. Imaginez-vous le pactole ! Ce qui signifie, chers lecteurs, que nous sommes sauvés et que notre merveilleux « niveau de survie » sera préservé, peut-être même amélioré !

Bon, eh bien il vaut mieux vous prévenir tout de suite, chers lecteurs et frères en consommation, cela n’arrivera pas. En réalité cela n’a même AUCUNE chance d’arriver. JAMAIS nous n’aurons la chance inestimable de partager notre niveau de survie avec cinq milliards et demi de Chinois et d’Indiens. Mettez-vous cela dans la tête : JAMAIS !

C’est ce que nous dit Nair Chandran dans son livre et il n’est franchement pas difficile de comprendre pourquoi. En revanche il est terriblement difficile de revenir à la réalité lorsqu’on est envoûté comme le sont nos oligarchies respectives par la course à la puissance et au « toujours plus ».
Là encore il s’agit de chiffres, toujours des chiffres ; il s’agit de matières premières qui ne sont pas renouvelables ; il s’agit aussi d’épuisement ultra rapide de ces mêmes ressources sans parler des dégâts probablement irréversibles causés au climat, à notre échelle de temps humaine en tout cas, et à l’environnement, destructions que cette fuite suicidaire de l’humanité dans la consommation entraîne avec elle.
Nair Chandran donne quelques exemples que nous connaissons tous mais qu’il est toujours extrêmement important de rappeler encore et toujours.

Ainsi aujourd’hui les Américains du Nord consomment 30 poulets par an et par personne pour un total annuel de neuf milliards par an ! En 2050, lorsque les Chinois auront l’honneur et l’avantage de survivre comme nous, c’est-à-dire lorsque chaque chinois mangera 30 poulets par an, il en faudra 120 milliards pour satisfaire cette orgie de volailles... Hummm, on s’en régale à l’avance...
En ce qui concerne le parc automobile, on compte aujourd’hui dans les pays de l’OCDE 750 véhicules à moteur pour 1000 habitants. En Chine on en compte seulement 150 et en Inde 30. Si l’on compte 750 véhicules à moteur en Chine et en Inde pour 1000 habitants en 2050, ces deux pays auront l’avantage de se partager un total de plus de trois milliards de véhicules à moteur ( Au secours ! ).

On surchauffe, chers lecteurs, on surchauffe !
Peut-être mais quel marchés prodigieux ! Quelles magnifiques perspectives économiques et financières, nous crient nos oligarchies, enthousiastes...
Êtes-vous rassurés, chers lecteurs, sur votre avenir radieux et celui de vos descendants ?

Il y a malgré tout quelques petits problèmes qui viennent gâcher ces réjouissances intempestives. Un parmi d’autres : pour faire rouler toutes ces satanées voitures il faudrait toute la production annuelle de l’OPEP d’aujourd’hui. Problème d’autant plus ennuyeux que la production de pétrole mondiale a commencé à décliner et qu’en 2050 il n’y aura probablement plus de pétrole sur la planète.

Nair Chandran dit aux asiatiques : cessez de rêver ! JAMAIS les asiatiques, qu’ils soient deux milliards et demi où six milliards dans quarante ans, JAMAIS toutes ces populations ne pourront « bénéficier » du niveau de survie actuel des Européens où des USA.
JAMAIS !
A partir de ce constat il s’adresse aux dirigeants asiatiques en les sommant de prendre leurs responsabilités car, affirme t’il avec raison, rien ne pourra être fait pour prévenir la catastrophe qui menace l’humanité si l’Asie ne fait rien ; où plus, si l’Asie ne prend pas la tête du mouvement pour sortir au plus vite de cette spirale de mort dans laquelle nous entraîne le système. Car les Européens et les Américains seuls ne pourront rien faire si l’Asie ne se décide pas à regarder la réalité en face ; encore une fois à cause des chiffres, démographiques ceux-là.

Alors quelle sont ses propositions ?
La plus importante de toutes, la première sans laquelle aucune des autres ne pourra voir le jour, c’est de rompre radicalement avec le modèle de société occidental :

« This require a rejection of the current model of consumption-led economic growth that thrives on under-pricing ecological, environmental and social externalities.
The dogmatic capitalist approach led by the West, with its emphasis on markets, technology and finance, will not deliver (...). With regard to the right to consume, do they allow Western-style freedoms, coupled with the under-pricing of externalities (which is at the heart of the current economic model) to flourish? Or do they demand strong government intervention to ensure a fairer and more sustainable future? If so, this will be a sharp departure from the conventional Western model ».
(Sources : Nair Chandran - The Banker - January 2011)

Rompre avec le modèle de société implique de réaliser qu’il faut placer des limites draconiennes à la consommation des matières premières non renouvelables et agir politiquement afin de les faire respecter. Il s’agit, selon lui, de refonder les politiques des états asiatiques selon trois principes centraux :

- Resources are constrained: economic activity must be subservient to maintaining the vitality of resources;
- Resource use must be equitable for current and future generations: collective welfare must take priority over individual rights;
- Resources must be repriced and productivity efforts should be focused on reducing use of resources and not of people, ie. using less material with more people working.
(Sources : Nair Chandran - The Banker - January 2011)

Certains commentateurs ont qualifié ces propositions de rupture radicale avec l’Occident. Tout dépend de ce que l’on entend par « Occident ».
Si ce terme recouvre le système de déstructuration généralisée exporté par les USA et l’Europe depuis soixante ans et nommé « société de consommation » : alors oui, c’est une rupture radicale avec ce système mais cela ne concerne pas exclusivement les Européens où les Américains puisque le monde entier s’est jeté à corps perdu dans cette course effrénée à la consommation (Asie y compris). En revanche si ce terme ne désigne qu’une entité géographique, Europe et Amérique du Nord : alors non.

Car il serait beaucoup plus pertinent de dire que cela constitue une rupture radicale avec la modernité et le système qu’elle a engendré, celui que nous connaissons aujourd’hui. Et dans cette perspective nous rejoignons en partie ceux qui ont vu dans ces mesures préconisées par Nair Chandran un retour aux politiques de développement traditionnelles, asiatiques en général et chinoises en particulier. En partie seulement car toutes les cultures traditionnelles, y compris en Occident, avaient ce sens des limites inhérentes à notre condition que, précisément, la modernité a rejeté en bloc. C’est pour cette raison que la société dans laquelle nous survivons aujourd’hui, fruit de la modernité et de ses superstitions dogmatiques mégalomanes dont nous subissons toujours l’emprise, peut être considérées comme une monstruosité historique ; c’est-à-dire comme une chose unique, extra-ordinaire, inhabituelle etc..., une déviation qui nous a mené dans une impasse de laquelle nous aurons le plus grand mal à nous extraire. Par conséquent, et toujours dans cette perspective, ces propositions de Nair Chandran sont un retour à une conception du monde traditionnelle qui permettrait de donner un cadre, et par conséquent des limites, au développement de chaque pays, de chaque civilisation et de l’humanité en général. Cela aurait également pour effet inévitable de renverser radicalement la notion de « développement » elle-même, c’est-à-dire de lui arracher à la fois son contenu matérialiste et son côté progressiste. Du même coup l’homme ne serait plus seulement une oie à gaver, opération suffisante pour le satisfaire pleinement, mais un être ayant d’autres aspirations que purement matérielles.

Quelle révolution des consciences !

Cela dit, ce que propose Nair Chandran n’est pas nouveau, loin s’en faut, pour les Européens où les Américains qui s'intéressent de près à cette question. Ceux qui sont familiers avec les travaux du brillant économiste Nicholas Georgescu-Roegen et de son école de pensée, qui a essaimé en Amérique du Nord et en Europe principalement, influençant profondément toute la pensée philosophique écologique, ceux-là le savent bien. Il y a bien d’autres penseurs mais c’est à notre avis le plus important et le plus profond, de loin. Les propositions de Nair Chandran, aussi pertinentes soient-elles, ne nous semblent pas encore assez suffisantes pour résoudre les problèmes auxquels nous faisons face, notamment en raison de ce qui nous parait essentiel dans toute cette question mais qui constitue toujours et partout LE tabou le plus intouchable : la surpopulation, dont pourtant tous les problèmes évoqués plus haut dérivent logiquement. Il nous semble aussi que les pensées écologiques, européennes particulièrement, vont encore plus loin dans la remise en cause du système (Nous ne parlerons pas ici de la « deep ecology » made in US qui ne relève pas de la même catégorie à notre avis). Nous pensons par exemple à l’école (notamment française) qui s’est construite autour du thème de la décroissance. Car, contrairement à ce que l’on ne nous dit pas, la pensée européenne sur cette question du remplacement du système actuel par un autre type de société, prenant en compte de manière centrale l’épuisement des ressources minérales et énergétiques, est extrêmement riches et fécondes. Malheureusement elle est tenue sous le boisseau par les tenants du système.

Ceci dit les trois propositions citées plus haut, celles autour desquelles devraient être axées toute politique d’Etat, selon Nair Chandran, nous paraissent tout à fait pertinentes et souhaitables, y compris chez nous bien sûr. Nous pensons simplement que si ces dernières étaient engagées un jour elles entraîneront des remises en cause beaucoup plus importantes encore, notamment un changement de régime politique en raison des faiblesses structurelles de nos "démocraties", occidentales notamment, qui les empêcheraient d’engager des politiques aussi impopulaires sur une très longue durée. Nair Chandran préconise des Etats autoritaires, ayant certainement à l’esprit le modèle de Singapour dont il est originaire ; petit rappel : autoritaire ne veut pas forcément dire totalitaire ni dictatorial.

Nous croyons en revanche que, contrairement à ce que dit Nair Chandran, l’Europe et les USA auront un rôle fondamental à jouer dans ce bouleversement, s’il vient. Car si l’Europe et les USA sont déjà en train de barboter joyeusement dans la mélasse du consumérisme à outrance, le mécontentement grandit partout, les doutes augmentent et la remise en question du système devient une possibilité diffuse dans les esprits, même si pour le moment personne ne sait encore très bien par quoi remplacer tout çà et encore moins comment cela pourrait se produire. Pourtant nous ne serions même pas surpris outre mesure que le signal déclenchant le fameux changement ne survienne pas soudainement des USA eux-mêmes, à l’ombre de cette crise qui s’aggrave et s’approfondit en déstabilisant le régime en place. Certes cela relève de la géomancie dans laquelle nous ne sommes pas particulièrement versés mais c’est une possibilité qui ne saurait être écartée légèrement, aussi surprenant que cela puisse sembler à première vue. En revanche la seule chose que nous puissions néanmoins affirmer c’est que nous sommes, nous autres européens où américains, suffisamment dégrisés au fond de nous pour être un peu plus ouverts au changement, même si l’inconnu nous fait peur ; en tout cas plus ouverts a priori que ceux pour qui cette folie est encore toute neuve, voire encore un rêve rempli d’une ferveur enthousiaste.
Nous verrons.

En résumé, Nair Chandran propose un programme politique d’envergure à l’Asie, un chemin difficile et dangereux mais dont, en vérité, l’humanité ne peut pas se permettre de faire l’économie sous peine de voir des catastrophes s’abattre sur elle qui pourraient bien la faire disparaître corps et bien. Ce que propose Chandran pourrait également s’appliquer fort bien à l’Europe et aux USA ; cela constituerait même un véritable programme politique reposant sur une vision du monde comme nous en avons parlé lors de notre dernier post à propos du soit-disant programme du PS français (cela dit nous ne miserions pas non plus une bille sur le « programme » de l’UMP à venir, ni d’aucun autre parti de notre connaissance à vrai dire).
Comparez, chers lecteurs, et pesez ces trois phrases de Chandran à l’aune des trente propositions du PS...Vous vous apercevrez que trente ne valent pas trois et que ce n’est pas celui qu’on croit qui pèse le plus lourd ; de loin ! Et vous comprendrez, chers lecteurs, pourquoi les « programmes politiques » qu’on nous propose en Occident sont indigents et ne répondent en rien ni de près ni de loin aux questions fondamentales de notre époque. Relisez encore les trois phrases de Chandran et gardez les bien en mémoire lorsque vous écouterez nos pathétiques politiciens annoner leurs propositions.

Mais la question la plus essentielle, chers lecteurs, est la suivante :
Si par miracle nous avions soudain un homme qui apparaissait dans le ciel politique français en se présentant aux élections de 2012 avec pour programme ces trois points :

Resources are constrained:
1) economic activity must be subservient to maintaining the vitality of resources;
Resource use must be equitable for current and future generations:
2) collective welfare must take priority over individual rights;
Resources must be repriced and productivity efforts should be focused on :
3) reducing use of resources and not of people, ie. using less material with more people working.

Sauteriez-vous le pas ?

Voteriez-vous pour lui ?

Tout le reste n'est que littérature.

Pendant ce temps-là tout le monde est content à Cochon sur Terre, le meilleur des mondes.

dimanche 17 avril 2011

Un programme nous est né, loué soit le PS, nous sommes sauvés !

Comme vous le savez chers lecteurs la nouvelle la plus importante du siècle fût trompetée par tous les médias de désinformation de Cochon sur Terre avec des accents lyriques échevelés. Il faut avouer qu’il y avait de quoi être étonné puisqu’on nous affirmait que le Parti Socialiste avait accouché d’un programme ! Politique par dessus le marché, sans jeu de mot bien sûr... Quelle nouvelle, en effet ! Votre chroniqueur en resta abasourdi pendant une bonne semaine, d’où le retard de ce post, car il nous a fallu du temps pour nous remettre de ce traumatisme.
Mais rassurez-vous, chers lecteurs, nous avons pris le soin de lire les « trente propositions », éminemment consensuelles comme de bien entendu ; nous fûmes donc immédiatement rassurés. Nous aurions dû nous en douter, certes, mais cette petite mascarade nous a fait comprendre que nous étions encore un eu trop optimistes. Comme quoi il est très difficile d’extirper l’optimisme conseillé et obligatoire asséné par nos « dear leaders » nuit et jour.

Nous n’allons pas prendre la peine de vous décrire ce qui est nommé de manière tout à fait abusive « programme du PS » puisque vous pouvez en prendre connaissance par vous-mêmes en allant directement sur le site de la branche PS de notre parti de gouvernement national UMPS (www.parti-socialiste.fr/projet). Pour ne pas faire de jaloux et pour rester consensuel vous pouvez également consulter le site de l’autre branche du parti (l’UMP) à cette adresse : (www.lemouvementpopulaiere.fr). C’est d’ailleurs à cette occasion que nous avons pris connaissance de la signification du sigle UMP : Union pour un Mouvement Populaire. Cela nous a laissé un peu songeur. Mais cela nous a réconforté néanmoins puisque cette dénomination, pour le moins baroque, accrédite le fait que nous n’avons qu’un seul parti politique en France, tout comme chez nos voisins d’ailleurs, sans parler des USA. Il n’y a donc aucune opposition nulle part, ce que la lecture du soit-disant « programme du PS » a confirmé largement.

Nous voilà donc bien rassurés car nous avions cru, un très bref instant, avoir raté un événement aussi sensationnel que l’apparition spontanée d’une véritable opposition politique, dotée d’une vision du monde en bonne et due forme et proposant un programme construit selon celle-ci ; au lieu de çà on est allé à la pêche afin de savoir ce que les électeurs capricieux veulent entendre afin de ratisser le plus large possible pour gagner les prochaines élections. D’où le fameux « consensus » qui n’est rien d’autre que le terme politiquement correct pour désigner le plus bas commun dénominateur.

C’est d’ailleurs ce que le PS a fait. Et on peut dire qu’ils y ont travaillé puisque de leur propre aveu il a fallu deux ans pour accoucher de ces trente propositions que l’on qualifie au parti de « projet le plus ambitieux depuis celui de 1981 ».
Rien n’est plus rassurant pour l’avenir à l’aune du résultat de l’application du dit programme !

Pour en revenir aux trente propositions du PS, aucune ne contient ne serait-ce que l’embryon d’une idée qui n’ait pas été vu et resucée (en dépit de la proposition de pénaliser les clients des prostituées) depuis deux siècles ; aucune qui ne contienne l’amorce d’une superstition nouvelle divergeant quelque peu de celles qui ont envoûtées le genre humain depuis deux où trois siècles et qui nous ont plongé dans la situation catastrophique dans laquelle l’humanité se trouve aujourd’hui.
En bref ce n’est pas un programme politique puisqu’il n’est soutenu par aucune vision du monde à part celle qui consiste à considérer l’homme comme un animal n’ayant que des besoins matériels à assouvir pour être parfaitement satisfait, besoins matériels qu’il s’agit d’augmenter toujours plus puisque aucuns d’entre eux ne peut suffire à satisfaire quoi que ce soit d’essentiel chez un être humain digne de ce qualificatif. C’est pourtant là tout ce qui tient lieu de programme politique à tous nos partis de gouvernement quels qu’ils soient. Ces « besoins », créés à partir de rien si ce n’est une publicité agressive, sont indispensables au maintien en vie d’un système économique qui ne peut subsister qu’en s’étendant toujours plus, d’abord géographiquement puis, lorsque les marchés sont à maturité selon le jargon consacré, dans tous les domaines de l’existence individuelle et familiale, jusque là préservés. C’est de cette manière que l’on en est arrivée à la marchandisation généralisée de l’existence, à la transformation de tous en consommateurs et que la consommation est devenu l’unique horizon du citoyen de Cochon sur Terre. Tout cela s’est toujours immanquablement accompagné d’un accroissement toujours plus envahissant des prérogatives des Etats aux dépends des individus et de leur liberté par le biais d’une centralisation toujours plus grande et étouffante, créant ainsi une société toujours plus complexe et vulnérable.

Lisez donc les trente propositions des camarades socialo-capitalisto-verdâtres et tutti quanti, chers lecteurs. Vous verrez qu’aucune de ces propositions, qui s’étalent dans tous les sens et dans n’importe quel domaine pour racoler tous les électeurs possibles et inimaginables, y compris les « tout-petits » qu’il faut impérativement placer sous contrôle d’Etat dés l’âge de deux ans pour leur « épanouissement », aucune donc ne peut se réaliser sans un accroissement des prérogatives de l’Etat, ce qui signifie automatiquement un appauvrissement de votre propre liberté. Car, cher lecteur, tout accroissement de l’Etat ne peut se faire qu’à vos dépends puisque cela vous enlève systématiquement une de vos prérogatives ; or ces prérogatives ne sont rien d’autres que des pans de votre liberté que l’on vous supprime puisque votre responsabilité est diminuée en proportion.

Chaque fois que l’Etat prend une de vos responsabilités à sa charge il vous enchaîne un peu plus.

Les socialistes donc, fidèles à leurs dogmes éculés sous-tendus par une compréhension de la nature de l’être humain d’une indigence à faire fuir n’importe quel primate doté d’un cervelas de capacité moyenne, le PS donc propose toujours plus de chaînes, toujours plus de « prise en charge » de toute la population, de la naissance jusqu’à la mort incluse, toujours plus de déresponsabilisation individuelle, toujours plus de nivellement général, toujours plus de collectivisme et toujours moins d’autonomie, toujours moins d’indépendance individuelle, le tout au nom du Bien, du confort et de nos trop fameux droits.

Cela dit ils ne sont pas les seuls, loin de là. Leurs collègues de parti, ceux de la branche UMP, ne font pas autre chose. Eux non plus ne cessent pas d’empiéter sur ce qui reste de liberté et d’autonomie individuelle, eux non plus ne se privent jamais pour accroître toujours plus les prérogatives de l’Etat aux dépends des individus, eux non plus n’ont de cesse d’accroître la collectivisation générale. Mais ils le font d’une autre manière que leurs collègues du PS ; ils le font sous le manteau de la propriété privée, de la sécurité où de la « libre entreprise ». Malheureusement c’est une propriété privée qui a entraîné une concentration de la propriété et de la richesse qui, aux limites extrêmes du processus, ne diffère pas beaucoup du collectivisme d’Etat tel qu’on en a vu les brillants résultats en URSS par exemple. Nous parlons dans la perspective du salarié et non des actionnaires. Quelle différence y a t’il entre le salarié d’une compagnie d’Etat et le salarié d’une multinationale qui emploie des dizaines de milliers de personnes ? Vous pourrez toujours nous dire qu’il y a une variante de salaire (à vérifier), une variante de sécurité de l’emploi (humm) etc... Certes. Mais qu’y a t’il comme différence en termes d’indépendance ? Qu’y a t ‘il comme différence en terme d’autonomie individuelle ? Qu’y a t ‘il comme différence en terme de responsabilité personnelle ? Et sur quelle genre de société cela débouche t’il à part une société de clones que l’irresponsabilité érigée en dogme a transformé en enfants gâtés et capricieux ?

Ces deux approches basées sur les même prémisses « philosophiques », si l’on ose dire, la soit-disant socialiste et la libérale, ont fusionné. De nos jours il est quasiment impossible de les distinguer à part quelques nuances érigées en positions irréductibles, fondamentales et j’en passe, tout cela afin de faire croire à une vie politique dynamique, en vérité inexistante. Car les fondements du système sont bel et bien acceptés et défendus par tout le monde et personne ne vient les remettre en cause.
Donc tout va bien et vous aurez toujours plus d'argent, toujours plus de soins, toujours plus de sécurité, toujours plus, toujours plus et encore plus que jamais... Car vous y avez droit... à condition que vous votiez pour nous.

La seule « idée » commune à tous ces soit disant "programmes" c'est que l’on veut nous faire croire qu'il est possible de prolonger l’existence d’un système moribond comme si de rien n’était; comme si on pouvait encore se permettre de dépenser des milliards qui n’existent pas, comme si nos Etats surendettés n’étaient pas déjà au bord de la cessation de paiement, comme si l’activité économique était en train de repartir comme « avant » alors que plus jamais rien ne sera « comme avant »

Autant faire du bouche-à-bouche à un cadavre en voie de décomposition !

En revanche jamais personne ne s’aviserait de demander si le système lui-même ne constituerait pas un danger majeur pour l’avenir de notre espèce à court terme. Personne ne s’aviserait de demander si l’acharnement mis par tous les gouvernements de la planète à remettre en selle les banques n’équivalait pas à nous faire ingurgiter en guise de remède le poison qui a failli nous faire passer de vie à trépas. Personne ne s’avise non plus de demander comment nous ferons dans trente ans lorsqu’il n’y aura plus de pétrole sur la planète, où encore lorsque les principales matières premières qui nous servent actuellement pour la fabrication des gadgets dont nous sommes si friands seront épuisées. Et nous n’aborderons pas les problèmes posés par le changement climatique ni les pollutions multiples qu’entraîne notre économie basée sur la consommation effrénée de tout et n’importe quoi etc etc.

Il est possible que personne ne se pose ce genre de question car nous tenons tous pour un droit intangible et indiscutable l’énergie illimitée et bon marché grâce à laquelle le processus de l’industrialisation a pu avoir lieu et dont le développement exponentiel a abouti au système dans lequel nous survivons péniblement aujourd’hui ; peut-être aussi parce que nous tenons tous pour acquis que si notre civilisation n’est certes pas la seule à être née et à s’être développée elle est en revanche l’unique à être immortelle ; peut être aussi parce que nous croyons tous que la technologie va nous sauver du désastre imminent, cette superstition ultime à laquelle nous nous raccrochons avec l’énergie du désespoir pressentant que c’est la dernière qui nous reste...
Peut être, peut être...

En attendant, ce merveilleux « programme le plus ambitieux depuis 1981 » reflète parfaitement la médiocrité et l’indigence de ceux qui nous gouverne, de quelque bord qu’ils se prétendent être, car celui d’en face ne sera pas moins pathétique. Ces propositions ne contiennent rien, comme les cervelas qui ont eu l’outrecuidance de les faire passer pour un programme politique. Mais, réflexion faîte, ils eurent raison puisque cela fût accepté comme tel par nous tous. Ce qui montre, s’il en était encore besoin, à quel point la chose politique n’a plus grand chose à voir avec la préservation du bien commun ; elle est devenu un simple moyen de satisfaire les très médiocres ambitions des petites marionnettes qui nous gouvernent en flattant outrageusement les « désirs » tout aussi mesquins de ces autres marionnettes qui votent pour elles.

Un jour viendra, prochain en toute probabilité, où tout ce théâtre d'ombres sera balayé par le grand vent de l’histoire.

Mais pour le moment tout le monde est content à Cochon sur Terre, le meilleur des mondes.

mercredi 6 avril 2011

Un Dimanche matin, les fleurons de notre monde et du whisky

Ce matin (Dimanche) votre chroniqueur a eu l’honneur et l’avantage de vérifier par lui-même de visu la supériorité incontestable de notre « civilisation » sur tout ce qui vécut avant nous, tout ce qui existe encore aujourd’hui en dépit de nous et tout ce qui survivra après nous ; en admettant qu'il subsiste quoi que ce soit après notre disparition, ce qui est loin d’être gagné.

Bref votre correspondant s’est heurté tout à fait involontairement, croyez-le bien chers lecteurs, aux spécimens les plus représentatifs de notre monde de Cochon sur Terre, nous voulons dire ceux qui représentent l’achèvement ultime de notre espèce immaculée : le touriste.
Il y en avait beaucoup ; imaginez-vous deux cars pleins, par conséquent au moins une centaine. Donc une masse de touristes puisque ces êtres-là ne se déplacent qu’en troupeaux. Ils sont d’ailleurs sociologiquement programmés pour cela. Ils étaient répartis en plusieurs groupes, au moins six apparemment puisque votre chroniqueur a repéré un panneau portant le numéro six, tenu à bout de bras par une « souteneuse touristique » qui rassemblait ainsi la part du troupeau qui lui était assignée ; cette dernière la suivait le plus docilement du monde, en toute confiance, sans aucune volonté de savoir où on les menait ; la destination aurait bien pu être l’abattoir qu’ils n’en auraient peut-être pas été plus placides que çà. Mais ce n’était pas leur jour. Tous affichaient ce même air béat et niais qui est leur marque de fabrique, cet air qui se transforme si vite en grimaces transpirant la cruauté la plus impitoyable au cas où ils sentiraient leur gamelle menacée.

Mais il fallut d’abord que le troupeau entreprenne de descendre des cars, ces wagons à marchandise humaine. Comme ces gens là n’ont pas l’habitude d’utiliser leurs jambes, il fallut ajouter un marchepied en bois (avec dessus en moquette verte) afin que l’écart entre la marche du car et le sol ne soit pas trop important (au moins 20 cm, de quoi se tuer !) ; et puis il fallait à tout prix éviter un effort par trop inhabituel à ces êtres si délicats, exercice qui auraient pu les traumatiser pour longtemps, nécessitant l’habituelle panoplie de souteneurs psychologiques et de séances intensives de soins affectifs, aggravant encore le déficit de la sécurité sociale ; sans parler des cascades de procès. Cela dit n’ayons garde d’occulter une autre raison à toutes ces manoeuvres : l’embonpoint chronique qui est devenu un « droit », parmi tant d’autres ; « surpoids » donc ne permettant plus l’utilisation, naguère quotidienne pour leurs ancêtres lointains, de ces membres (aucun jeux de mots svp... quoi que...) qui se sont développés au cours de millénaires d’évolution en fonction des besoins de l’espèce. C’est bien pour cette raison qu’aujourd’hui ils sont en voie d’atrophie accélérée chez ceux dont nous parlons.

Bref cette masse de bipèdes en voie de bibendumisation, rutilants, bien astiqués, dignes représentants de notre classe moyenne en voie de disparition rapide, fleurons de notre « civilisation » moribonde, bref ces prototypes créés de toute pièce par notre monde innommable s’apprêtaient à traverser une rue par un dimanche matin des plus calme.
Quelle aventure, chers lecteurs, quelle folie, quelle inconscience ! Mais rassurez-vous tout était prévu afin que cette odyssée extraordinaire leur laisse à la fois un souvenir mémorable et ne finisse pas en tragédie grecque. En effet les « souteneuses touristiques » qui les accompagnaient s’occupèrent, en vrai « pros » qu’elles étaient, de régler le trafic afin de sauver la survie de leurs protégés, permettant ainsi à ces héros de gagner le trottoir d’en face « en toute sécurité » ; ces derniers firent preuve d’une prudence de sioux, certains se tenant par la main, probablement afin de se donner du courage pour affronter cette épreuve ; avant de se jeter sur le macadam, tous jetèrent de longs regards apeurés sur l’horizon, démontrant par là à quel point leur instinct de conservation s’était bien conservé depuis l’acquisition de la position verticale par nos ancêtres... Mais aucun danger majeur n’apparut, même pas une bicyclette. Ne riez pas chers lecteurs, car cela suffirait amplement pour constituer un péril mortel ! A noter au passage la pertinence de notre sacro-saint fétiche du « principe de précaution » qui consiste à nous apprendre à être terrorisé en permanence afin de développer toujours plus notre « instinct de sécurité »... En attendant, grâce à ce dernier désormais érigé en dogme incontournable de notre meilleur des mondes innommable, aucune perte ne fût à déplorer au cours de cette traversée mémorable ; il n’y eut aucune victime. Quel exploit, cher lecteur, lorsqu’on pense à toutes les innombrables victimes potentielles (en réalité la population tout entière) dont le rêve le plus cher est qu’on leur reconnaisse ce statut envié entre tous, cet horizon indépassable pour tout citoyen de Cochon sur Terre !

Une fois sauvé sur le trottoir d’en face, ce troupeau d’âge et de revenus moyens mais à l’égotisme très, très élevé (un peu comme les radiations nucléaires de Fukushima : 100.000 fois plus hautes que la moyenne), ce bétail touristique fut donc dirigé vers le lieu pour lequel ils avaient spécialement fait 10.000 km en avion, cet endroit particulièrement typique du pays dans lequel ils se trouvaient et grâce auquel ils pourraient apprécier véritablement cette « altérité » dont nous sommes si friands à Cochon sur Terre.
Votre chroniqueur put ainsi apprécier le changement qui s’opéra sur les faces porcines de tous les membres du groupe lorsqu’ils se rendirent compte de ce qui les attendaient. Ce furent surtout les lueurs qui jaillirent de tous ces petits yeux enfoncés dans leurs orbites qui trahirent le plus l’excitation qui les assaillit à la vue de l’endroit en question. Des lueurs dans lesquelles se disputaient l’envie tout autant que l’instinct de compétition stimulé par la présence du voisin chez lequel exactement les mêmes sentiments se développaient en moins de temps qu’il n’en faut pour l’écrire.

Aussitôt le troupeau se rua à travers les portes grandes ouvertes, pressant à qui mieux mieux, bousculant sans gène si çà n’avançait pas assez vite, saisissant au passage tout ce qui se présentait, ayant le réflexe d’attraper tout ce dont le voisin de devant se saisissait, quitte à le rejeter n’importe où par la suite si cela ne convenait pas etc... Bref ils étaient dans un de ces magasins caractéristiques de Cochon sur Terre, une sorte de supermarché du souvenirs, gorgés de pacotilles fabriqués en Chine destinées à rappeler à ces êtres sans mémoires qu’ils s’étaient déplacés dans tel pays, tel jour de telle année de leur survie misérable ; colifichets destinés à leur faire croire qu’ils avaient voyagé alors qu’ils n’avaient fait que se remuer l’arrière train, puisque le pays dans lequel ils s’étaient déplacés ressemblait désormais quasiment en tout point à celui d’où ils venaient eux-mêmes ; gadget dont la fonction serait de leur faire croire qu’ils avaient vécu où plutôt qu’ils n’avaient pas survécu en vain. Cette « expédition » dans ce bazar de pacotille resterait la meilleure « expérience » et le plus beau souvenir de leur déplacement à 10.000 km de chez eux.

A ce point-là de son observation votre chroniqueur n’eut pas le courage de rester plus longtemps à observer les comportements indécents de ses congénères en proie à ces convulsions d’achat si encouragées par notre société immaculée.
Après un solide double whisky avalé d’un trait pour se remettre de ce spectacle pathétique si représentatif de notre civilisation en voie d’extinction, votre chroniqueur passa devant un kiosque à journaux où son regard accrocha les quelques joyeux titres qui se disputaient la une et qui justifient si bien l’optimisme obligatoire de notre société de droits, paritaire, tolérante, bonne, pacifique, généreuse et surtout libre bien entendu : Libye, Fukushima, Afghanistan, déficit budgétaire, pollution, famine...
Une lumière s’alluma dans notre cervelas découragé : tous ces événements relatés dans les journaux, toutes les folies suicidaires déployées par notre triste époque n’avaient au fond pas d’autres causes que la satisfaction impérative des caprices sans cesse grandissants et toujours plus puérils des citoyens de Cochon sur Terre ; caprices érigés en droits sacrés et intangibles, indiscutables et inaliénables par des politiciens veules et corrompus ; des politiciens incompétents produits par un système en pleine déliquescence ; décadence elle-même due à une démagogie de plus en plus échevelée élevée au rang de politique pour plaire au citoyen électeur, dont ceux qui venaient de traverser la rue constituaient un bon échantillon.

Pendant ce temps-là tout le monde est content à Cochon sur Terre, le meilleur des mondes.

samedi 2 avril 2011

Libye, où la décadence de la politique étrangère de la France.

Chers lecteurs de la Chronique de Cochon sur Terre, nous reproduisons ici intégralement un article remarquable de Dmitri Babitch paru le 1 er Avril 2011 dans le quotidien russe RIA Novosti.

L'auteur s'attarde au rôle du tragique BHL dans cette histoire aberrante. Il faut néanmoins souligner avec insistance que le pseudo philosophe n'aurait jamais pu faire quoi que ce soit s'il n'avait eu l'oreille et l'ego attentifs du Président lui-même. Comme nous l'avions souligné dans notre dernier post sur la Libye, cette guerre, voulue mordicus par notre napoléon élyséen de pacotille, ne fût déclenchée que pour des raisons dans lesquelles l'intérêt de la France n'a aucune part. Bien au contraire pourrions-nous ajouter, comme l'avenir ne manquera pas de le démontrer.

Cette guerre n'a aucune raison d'être à part une tentative de rehausser une côte de popularité au plus bas et permettre ainsi au candidat Sarkozy d'aborder la campagne électorale pour les présidentielles de 2012 dans de meilleures conditions. Cela dit il semblerait que ce calcul n'ait absolument pas pris dans l'opinion, la ficelle étant probablement trop grosse et les Français se sentant incurablement lassés de l'agitation de leur Président dont le comportement leur apparait toujours, malgré ses efforts, comme relevant plus du show-biz commercial que de l'homme d'Etat. D'ailleurs, si tel n'était pas le cas, il est évident que le dit BHL n'aurait pas eu la possibilité d'appeler Sarkozy sur son portable de Benghazy pour lui vendre sa salade avariée en lui faisant miroiter "un coup" fumeux. En l'occurrence ce fameux "coup" se révélera fumeux et fumant.

Et tant pis pour nous qui payerons les pots cassés, au propre comme au figuré.


Comment BHL a poussé la France à s'engager dans le conflit libyen (Publié originellement par Dmitri Babitch dans RIA Novosti le 01.04.2011).

L’homme qui pratiquement à lui seul a réussi à convaincre le président français Nicolas Sarkozy de reconnaître le gouvernement "alternatif" de la Libye, exhortait à la fin des années 1990 l’Occident à reconnaître le "président" tchétchène Aslan Maskhadov et son "premier ministre" Chamil Bassaïev. Après les événements de Tskhinvali (conflit russo-géorgien d'août 2008, ndlr), il qualifiait également Mikhaïl Saakachvili d'"homme le plus hostile à la guerre" qu’on puisse jamais rencontrer. Tous ces faits invitent à se poser la question suivante: sur quelles informations et en provenance de quelles sources l’opération militaire internationale en Libye se base-t-elle?

Le nom de cet homme, de l’informateur de Sarkozy, est Bernard-Henri Lévy, BHL pour les intimes. Il signe ses articles, comme son ami et collègue André Glucksmann, "Bernard-Henri Lévy, le philosophe."

BHL est millionnaire, et il a accordé un entretien aux journalistes du magazine allemand Spiegel dans sa résidence permanente de l’hôtel parisien Raphaël en présence d’un valet. Ses jugements sont comme toujours péremptoires et sans appel: "Vous avez un mauvais ministre des affaires étrangères et il vous faut s’en debarasser... Et l'Allemagne aura beaucoup de mal à satisfaire son ambition légitime d'avoir un siège permanent au conseil de sécurité de l'ONU".

On pourrait croire entendre le seigneur de l’Univers, et non pas un modeste "activiste de la diplomatie populaire qui n’a aucun pouvoir, à l’exception de celui que lui donne la conscience" (c’est ainsi que BHL s’est modestement décrit lors d’une conférence en ligne avec les lecteurs du quotidien Le Monde). Mais le problème est précisément dû au fait que l’influence de BHL sur la politique mondiale au cours des dernières semaines a été plus importante que celle des 27 ministres des Affaires étrangères de l’Union européenne réunis.

En se rendant début mars à Benghazi, Lévy appelle Sarkozy et propose au président de la république de rencontrer personnellement les dirigeants du Conseil national de transition (CNT) qui luttent contre Kadhafi. Sarkozy donne immédiatement le feu vert à la visite de ces messieurs accompagnés par Lévy à Paris, sans même prendre la peine de prévenir son propre ministre des Affaires étrangères Alain Juppé. Le 10 mars, Sarkozy annonce personnellement la reconnaissance du CNT par la France en tant que gouvernement légitime de la Libye. Juppé a été pris au dépourvu par cette décision.

"C'est la première fois dans l'histoire de la Ve République qu'une décision majeure de politique étrangère est annoncée par... des personnalités étrangères !", s'étrangle dans Le Monde un diplomate français qui a souhaité garder l’anonymat.

Le fait est que les diplomates français sont arrivés en Libye quelques jours après Lévy. Et les Libyens ont expliqué aux diplomates qu’une personnalité bien plus importante qu’eux, "l’homme du président", était déjà venu et qu’il avait accompagné les dirigeants des rebelles à Paris. "Tu mesures que leur arrive, c'est un acte politique majeur ? ", lui demande Bernard-Henri Lévy. Ces phrases de Lévy ont accompagné la discussion avec Sarkozy et ont beaucoup impressionné les Libyens. Seul un philosophe du calibre de Lévy ou de Glucksmann peut se permettre de tutoyer le président français.

"J’ai seulement proposé au président d’accueillir les représentants de la Libye libre", dit modestement Lévy aujourd’hui, depuis que sa "proposition" a provoqué un nouveau cycle de guerre civile en Libye avec l’implication des puissances européennes. Rappelons que de la même manière en 1999, après l’attaque contre le Daguestan par Chamil Bassaïev, Lévy avait recommandé à l’Occident de reconnaître l’autorité de Maskhadov en Tchétchénie.

Le reconnaître afin de contrarier le régime russe "stalino-hitlérien" (sa propre expression!). Il ne reste plus qu’à regretter qu’à l’époque les Français n’aient pas apprécié à sa juste valeur la proposition de Lévy et ne l’aient pas envoyé de l'hôtel Raphaël dans un établissement plus adapté pour des auteurs d'idées de ce genre. Probablement, Alain Juppé, qui a rencontré le philosophe hyperactif pendant son premier mandat à la tête du ministère des Affaires étrangères en 1993-1995, aurait même accepté de l’accompagner. A l’époque, après s’être rendu à Sarajevo, Lévy exigeait des pays de l’OTAN qu'ils bombardent sans attendre les positions serbes en sabotant ainsi les actions des diplomates français et allemands, qualifiées à l’époque de "plan Kinkel-Juppé", qui cherchaient un règlement politique du conflit.

En regardant les images de l’opposition libyenne à la télévision et en voyant ces "cavaliers" du XXIe siècle avec des mitrailleuses sur des pick-up japonais, d’autres protégés de Lévy viennent à l’esprit. Les combattants tchétchènes, les moujahids afghans (la mention du nom de Massoud dans l’appel téléphonique de Benghazi n’est pas un hasard), les miliciens bosniaques d’Alija Izetbegovic. Et le tout dernier: Mikhaïl Saakachvili. Voici ce qu’a écrit Lévy à son sujet le 20 août 2008 dans Le Monde: "Il est francophile et francophone. Féru de philosophie. Démocrate. Européen. Libéral au double sens, américain et européen, du mot. De tous les grands résistants que j'aurai rencontrés dans ma vie, de tous les Massoud ou Izetbegovic dont il m'a été donné de prendre la défense, il est le plus évidemment étranger à l'univers de la guerre, à ses rites, ses emblèmes, sa culture - mais il fait face."

Personnellement, les emblèmes de la guerre sont probablement étrangers à BHL, mais il ne dédaigne pas de déclencher des guerres. L’algorithme est toujours le même: il faut d’abord trouver un conflit, suivi de "l’hystérie pour la défense des droits de l’homme", puis un règlement militaire (et seulement militaire, jusqu’à l’anéantissement total de l’ennemi!).

"Allez fouiller dans mon inconscient!", a lancé avec mépris Lévy aux lecteurs du Monde, lorsqu’ils ont osé supposer que l’amour pour les combattants était proche des complexes étudiés par Freud. Ou peut-être les Etats-Unis, l’Union européenne et surtout la France devraient fouiller dans leur propre subconscient: pourquoi de telles personnes forgent-elle l’opinion publique et sont-elles considérées comme la "conscience de l’Europe"? Et cela vaut-il la peine de les écouter? Ainsi que les interlocuteurs recommandés par messieurs Lévy et Glucksmann en Russie, au Kosovo, en Libye…

Les opinions de l'auteur exprimées dans cet article correspondent en tous points à celle de la rédaction de la Chronique de Cochon sur Terre.