lundi 14 octobre 2013

USA : événement mineur au sein d'un changement historique majeur.

Il est possible que le Congrès, dans sa légendaire sagesse, évite un défaut au gouvernement des USA, puisqu’il semblerait que les négociations aient repris entre les deux branches (démocrates et républicains) de l’oligarchie US.
Il reste à peine cinq jours avant la date fatidique qui fera s’écrouler le ciel sur notre tête à tous, événement à côté duquel le déluge biblique paraitra un vulgaire débordement de lavabo : les journaleux et la presstitute se tordent les mains depuis des semaines, faisant le boulot qui leur est prescrit : alimenter la peur chez les « bien-pensant », c’est à dire les 99%, puisque c’est la technique préférée de nos gouvernements bien-aimés pour nous tenir en laisse. Il faut d’ailleurs bien avouer que cela fonctionne à merveille ; ils auraient donc bien tord de ne pas le faire et ils ne s’en privent pas le moins du monde ; ne reçoivent-ils pas le soutien enthousiaste de leurs populations qui ne rêvent que « sécurité », toujours et encore...

Donc, les populations du monde entier sont supposées se trouver au bord de la crise de nerf, se demandant si le monde de strass et paillette dans lequel elles survivent avec délice va évitera cette catastrophe imminente qui nous menace. Le suspens est au plus haut, chers lecteurs, et nous ne doutons pas que les boites de Prozac se vendent par millions pour atténuer l’angoisse qui étreint nos pauvres cervelas desséchés par le manque d’utilisation.

Défaut où pas défaut, telle est la question.

Pour tout vous dire, chers lecteurs, nous nous en foutons totalement car il ne se passera rien, qu’il y ait défaut où pas. D’abord, il y a plusieurs moyens d’éviter un défaut réel sur la dette au moins sur le court terme. Si le plafond de la dette n’était pas relevé d’ici quatre jours, il y aurait toujours la solution de ne payer les intérêts de la dette qu’aux créditeurs étrangers et de faire attendre les créditeurs domestiques, qui représentent plus de 60% de la dette. Il y aurait encore la possibilité de faire marcher la planche à billets où encore pour Obama de déclarer l’état d’urgence et de relever le plafond de la dette manu militari. Mais cela déclencherait une crise politique sans précédent, et pour cette raison c’est hautement improbable, sauf si l’impasse se révélait trop longue.

Pour notre part nous pensons que tout cela sera résolu et qu’il n’y aura pas de crise   réelle immédiate car les conséquences seraient beaucoup trop graves pour l’oligarchie au pouvoir, même s’il ne faut pas sous-estimer la force montante des « nouveaux venus » opposants au système au sein même du Congrès. Mais il est encore un peu tôt pour eux apparemment  pour faire dérailler toute la machinerie gouvernementale, sans parler du système lui-même.

Cela dit, il est intéressant de savoir un peu de quoi on parle car même si on repousse le plafond de la dette une fois de plus à une date ultérieure, bien que se rapprochant inéluctablement des limites, il arrivera bien un jour où on ne pourra plus ne rien faire. Car la situation réelle est encore bien pire que celle dont on nous rebat les oreilles depuis des semaines.

Tout le monde est censé savoir que la dette des USA est de USD 17 trillions, où encore USD 17.000 milliards. Ce qu’on nous dit moins c’est que cela ne représente que la dette du gouvernement fédéral des USA et n’est pas du tout un reflet exact de la dette générale du pays qui comprend la dette fédérale, certes, mais aussi la dette des états fédérés, des villes, des countys, les dettes des particuliers et des entreprises, les dettes des banques et autres institutions financières, sans parler des obligations des autorités fédérales et locales vis à vis  de la Sécurité Sociale... 

Si on prend en compte tout cela, les chiffres sont très différents... 

Il existe plusieurs estimations de cette dette totale du pays, entre les estimations en provenance d’organismes officiels et celles en provenance de chercheurs, économistes où organismes indépendants. Ces estimations varient entre USD 41 trillions, soit USD 41.000 milliards (organismes officiels) et USD 60-70 trillions , soit USD 60-70.000 milliards (estimations indépendantes).

En date du 23 Septembre 2013, le rapport de la FED (tous les 4 mois) sur l’état de la dette du pays  se divisait comme tel par ordre d’importance (rapport ici) :

  • Dette publique : USD 17.000 milliards
  • Dette du secteur financier : USD 13.910 milliards
  • Dette des entreprises : USD 13.100 milliards
  • Dette des ménages : USD 12.970 milliards
  • Dette des états fédérés et des institutions locales : USD 3.100 milliards

Ce qui signifie donc que la dette totale des USA calculée par la FED est égale à 250% du PIB pour un total de USD 41.000 milliards.

Selon le US Debt Clock, plutôt bien fait, la dette globale s’élève à USD 60.000 milliards, soit 377 % du PIB. Vous pouvez aller sur leur site ici pour y voir les détails de cette dette.

Certains annoncent la dette des USA à USD 70.000 milliards (Département d’économie de l’Université de Californie par Professeur James Hamilton, Août 2013), soit 440 % du PIB.

Mais d’autres encore affirment que toutes ces dettes, aussi énormes soient-elles, ne prennent en compte que les dettes comptabilisées, c’est à dire les dettes officielles. En effet ces dettes ne comptent pas les obligations dues par l’Etat Fédéral et les autorités locales en terme de « social liabilities » où Sécurité Sociale. 

C’est Laurence Kotlikoff (Laurence J. Kotlikoff is a William Fairfield Warren Professor at Boston University, a Professor of Economics at Boston University, a Fellow of the American Academy of Arts and Sciences, a Fellow of the Econometric Society, a Research Associate of the National Bureau of Economic Research, and President of Economic Security Planning, Inc., a company specializing in financial planning software.) qui nous en parle le mieux. 
Selon lui, si on intègre les obligations sociales des autorités fédérales et locales US, la dette globale des USA serait de USD 220.000 milliards.

Quelques extraits ci-dessous de sa récente interview (ici) avec Hugo Scott-Gall :

- The US is arguably in worst fiscal shape than any other developed country. But Greece, the UK, and Japan are close runner ups. As mentioned, our fiscal gap is 10% of the present value of our future GDP. In Germany it’s around 5%, while Canada, Australia and New Zealand are close to zero. Even Italy's long-term fiscal gap is just half of the US’s, yet Italian government bonds sell at a much lower price than US government bonds simply because people don't understand the pension reforms that Italy has rolled out or that Italy has much better control of its healthcare spending.

- Our country is broke. It’s not broke in 50 years or 30 years or 10 years. It’s broke today. Six decades of take as you go has led us to a precipice. 

- I estimate the US fiscal gap at US$200 tn, 17 times the reported US$12 tn in official debt in the hands of the public. And this incorporates this year’s tax increases and spending sequestration. What would it take to come up with US$200 tn in present value? The answer is tax hikes or spending cuts, or a combination of the two, amounting to 10 percent of GDP, starting immediately and continuing indefinitely. To do so via spending cuts, alone, would require an immediate and permanent 36% cut in all non-interest spending. To do so via tax hikes, alone, would need an immediate and permanent 55% increase in all federal taxes. Hence, a description of the fiscal adjustments made over the last year could be “too little too late.” In terms of generational accounting, were we to leave our kids and future descendants to cover the entire fiscal gap, they’d face tax rates over their lifetimes around twice as high as those we face.

A partir de ces chiffres et de ces données, on peut comprendre facilement que le psychodrame qui se joue aujourd’hui à Washington n’a en réalité aucune importance. La vraie question est de comprendre que le système dans le quel nous survivons est mort ; c’est un mort-vivant. En effet, les chiffres de la dette US que nous avons vus ci-dessus, quels que soient ceux que nous prenions, c’est à dire des plus élevés au plus bas, prouvent que les USA sont ruinés et qu’ils ne pourront jamais payer leur dette. Le problème est qu’ils ne sont pas les seuls. Quasiment tous les pays occidentaux sont dans le même état : insolvables. 

Tous ces pays occidentaux fonctionnent chaque année depuis trente ans en empruntant 20 à 30 % de ce qu’ils dépensent. Parler de dépenses en fonction de ce qu’elles représentent par rapport au PIB n’a aucun sens, sans compter que cette notion même de PIB est très sujette à caution. Lorsqu’on parle de déficit, on ne peut le comparer que par rapport aux revenus, tout le reste n’étant qu’enfumage. Et la vérité c’est que tous nos états occidentaux sont en déficit budgétaire de 20 à 30 % par an par rapport à leurs revenus. C’est aussi simple que cela. C’est d’ailleurs aussi pour une des raisons pour esquelle que le système n’est pas viable et que le niveau de vie des Occidentaux (y compris les japonais) va  baisser d’au moins 30 % dans les années qui viennent.

Selon le professeur Kotlikoff, pour remédier à cette situation catastrophique il faudrait, aux USA mais c’est presque la même chose partout ailleurs : 
  • soit couper toutes les dépenses étatiques de 36 % (hors remboursements), 
  • soit une combinaison de dépenses étatiques rognées et de hausse d’impôts pour le même montant, 
  • soit une hausse d’impôts seule de 55 %.
Si on prend en compte l’état de pauvreté déjà catastrophique d’une grande partie de la population US, dont 50 millions dépendent des food stamps pour survivre, sans parler de la majorité qui sont ce que l’on nomment ces « working poors » dont le niveau de vie a baissé inexorablement depuis trois décennies, on ne voit pas très bien comment tout cela peut finir de manière ordonnée où contrôlée. En revanche, on voit très bien que des hausses d’impôts où des baisses des dépenses de l’Etat sont impossible sans provoquer des problèmes sociaux. Pourtant ces baisses des dépenses étatiques arriveront bien un jour, mais elles ne seront ni volontaires ni ne nécessiteront le cirque washingtonien auquel on assiste en ce moment. 

Probablement parce que tout cela aura cessé d’exister. En tout cas dans sa forme actuelle. Car nous sommes en train d’assister à l’implosion de tout le système mis en place depuis la fin de la seconde guerre mondiale (et bien plus encore mais c’est une autre histoire), ce système qui n'a pu survivre que par l’accumulation de dettes toujours moins remboursables. Aujourd’hui nous nous trouvons dos au mur. Peut-être sera t’il encore possible de repousser une fois encore la sentence inéluctable mais désormais les jours du système sont comptés, quoi qu’on fasse.

Et ce ne sont pas les pantins de Washington, où d’ailleurs, qui pourront y changer quoi que ce soi. Même s’ils le voulaient. Car la situation est désormais complètement hors de contrôle et ils ne peuvent plus que tenter maladroitement de ralentir l’inéluctable effondrement. La peur nous taraude et nous empêche de prendre les décisions nécessaires, non pas pour éviter l’implosion de notre monde, mais bien plutôt pour assurer sa suite et la naissance d’autre chose. Aujourd’hui, c’est à chacun de nous individuellement qu’il revient de s’assurer de son avenir car l’Etat maternel et toutes ses promesses sur lequel on nous avait appris à compter pour tous nos besoins aura disparu d’ici peu. Ce qui se produit en ce moment aux USA n’est qu’un épisode mineur d’un changement historique majeur dont le processus est en cours.

Mais pour le moment tout le monde est content à Cochon sur Terre, le meilleur des mondes.

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