vendredi 27 novembre 2015

Syrie, Turquie, Russie et bla bla bla... Pendant ce temps là, à Téhéran....

Pendant des mois, avant, pendant et après la signature de l'accord sur le nucléaire iranien, nous avons pu entendre les inévitables "experts" gloser sur les conséquences de cet accord pour l'avenir du Moyen-Orient, de l'Iran, des USA et de l'Occident, les relations internationales, les changements géo-politiques que cela impliquait etc, etc... ad nauseam... Bref, tout cela pour arriver à la conclusion que c'était l'amorce d'un changement, comme d'habitude, d'importance "historique", dont le grand bénéficiaire serait... roulez tambours... les USA, bien évidemment. Et le grand perdant, retenez votre respiration... la Russie, ou plutôt Poutine (puisque c'est toujours à sa personne que tout revient).


Pour en arriver à cette conclusion, il fallait partir du principe que les Iraniens n'avaient qu'une seule envie depuis que la Perse existe ( 3.000 ans +) :  se précipiter dans nos bras avec reconnaissance afin que nous les aidions à se convertir de toute urgence à notre "mode de vie", et ainsi devenir nos clones parfaits, c'est à dire des citoyens-consommateurs fiers de l'être. 


Ce programme de conte de fée impliquait seulement que les Iraniens soient soudain devenus amnésiques, oubliant 35 ans d'hostilité et de guerre larvée oscillant entre les sanctions pour un programme nucléaire inexistant, le soutien à une guerre d'agression de 8 ans contre eux par un Saddam Hussein qui n'hésita pas à utiliser des armes chimiques contre les troupes iraniennes, le soutien par les USA aux pires groupes terroristes agissant en Iran (le MEK notamment), l'assassinat par Israël de scientifiques iraniens en Iran, sans parler de l'avion de ligne remplis de pèlerins abattus par les USA, etc, etc... 


Nous ne sommes pas en train de vous dire que le régime iranien  est un régime politique parfait, ni qu'il n'a pas, lui aussi, eu recours à des moyens "non orthodoxe" pour avancer ses intérêts, là n'est pas la question. Ce que nous voulons expliquer, c'est qu'il fallait un certain degré d'inconscience et de méconnaissance psychologique, sans parler du manque de réalisme politique, pour penser que les Iraniens oublieraient du jour au lendemain 35 ans de relations hostiles avec les Occidentaux pour se jeter dans leurs bras après la signature de l'accord nucléaire de Juillet dernier. Et ce d'autant moins lorsque l'on sait que l'Iran est candidat à l'entrée dans la SCO (Shanghai Cooperation Organisation) et souhaiterait faire partie du fameux projet chinois de la "nouvelle  route de la soie" etc...


Pour conclure, l'accord nucléaire signé avec l'Iran était une grande victoire pour les USA et les Occidentaux, et une défaite pour la Russie puisque ces deux derniers pays avaient des intérêts divergents, voire opposés, dans le domaine pétrolier, gazier, économique en général, sans parler des soit-disant divergences de vues sur la Syrie que les Occidentaux, dans leur infinie sagesse, tentaient d'exploiter selon leurs intérêts, etc, etc...


Bien, bien, bien...


Lundi dernier pourtant, le Président Poutine était en visite à Téhéran, officiellement pour assister à la réunion du GECF, l'équivalent de l'OPEP pour le gaz.
Mais à cette occasion, le Président russe rencontra le Suprême Leader, l'Ayatollah Khamenei, pendant deux heures, puis le le Président Rouhani.Ces deux rencontres furent consacrées bien entendu à la situation en Syrie mais aussi à un renforcement considérable des relations économiques entre les deux pays, et notamment industrielles, énergétiques et militaires. 

Convergences diplomatiques.

Le meeting avec le Guide Suprême fut apparemment consacré principalement à la situation syrienne. Il en ressort que les deux pays partagent la même vision géo-stratégique sur le Moyen-Orient et la nécessité absolue d'en maintenir la stabilité, gravement remise en cause par la politique des USA et de leurs alliés, promoteurs directs ou indirects du fléau du terroriste islamiste, dont l'IS en particulier.


1) La Russie et l'Iran semblent bien décidés à empêcher la réalisation par les USA et leurs alliés de leurs plans de destruction du Moyen-Orient tel qu'il existe :


“The Americans have a long-term plot and are trying to dominate Syria and then the whole region ... This is a threat to all countries, especially Russia and Iran,” 

2) La Russie et l'Iran sont conscients que les Occidentaux sont en train de tenter d'atteindre leurs objectifs en Syrie par des moyens diplomatiques, après avoir échoué à les obtenir par les moyens "militaires". Plutôt lire "terroristes" dans ce cas.

“The United States is now trying to achieve its failed military objectives in Syria by political means,” 


3) La Russie et l'Iran réitèrent une fois de plus que l'avenir de la Syrie n'appartient pas aux Occidentaux ou à qui que ce soit d'autre, mais aux Syriens eux-mêmes à qui il appartient d'élire eux-mêmes leurs dirigeants sans que personne ne leur impose qui peut se présenter aux élections ou non, comprendre le Président Assad.

“Any decision on Syria should be implemented with the consent of the Syrian people and rulers,” Khamenei’s press service quoted him as saying. The United States has no right to ignore the voice of the Syrian people.”

Ces déclarations communes de la Russie et de l'Iran signifient la mort de l'espoir que pouvait encore entretenir Obama et consort : à savoir que la Russie finirait par se rallier à la position US de chasser Assad de son poste pour imposer quelqu'un d'autre, choisi bien évidemment par qui de droit, parmi une opposition dite "modérée", pourtant inexistante.

Convergences économiques, industrielles et énergétiques.

Depuis plusieurs semaines, de hauts représentants du gouvernements russe se succédèrent à Téhéran pour y mettre au point de multiples accords économiques et industriels entre les deux pays. Mais, la semaine dernière, ce fut le fameux Dmitry Rogozin qui se déplaça en personne en Iran pour organiser au plus haut échelon ces nouveaux liens stratégiques en train de se mettre rapidement en place entre les deux pays et préparer la venue du chef de l'Etat russe.

Reprenons brièvement ce qui fut conclu entre la Russie et l'Iran depuis quelques semaines :

- Décret présidentiel russe levant l'interdiction de livrer à l'Iran des équipements et des technologies servant à enrichir l'uranium destiné au domaine médical.

- Prêt de USD 5 milliards de l'Etat russe à l'Etat iranien.

- Achat par l'Iran de SSJ 100, le Sukhoi Superjet 100, transport de passager moyen courrier, et éventuelle construction d'une usine d'assemblage d'une partie des pièces nécessaires à la construction de l'avion. Projet d'achat de 100 avions.

- Création d'une banque irano-usse afin de financer des projets économiques entre les deux pays.

- Accords de coopération et d'achat d'équipement satellites et du fameux système GLONASS de géo-localistaion.

- Achat du nouvel avion de transport militaire russe Ilyuchine IL - 76MD-90A

- Signature de 35 projets prioritaires dans les domaines de l'énergie (gaz, pétrole et nucléaire), les équipements portuaires, l'électrification de chemins de fer ainsi que dans les biotechnologies, les produits pharmaceutiques etc...

- Etablissement d'une zone de libre échange en Iran pour l'Union Economique Eurasiatique.

- Enfin, pour couronner le tout, fut annoncé par l'ambassadeur d'Iran à Moscou le 9 Novembre dernier, Mehdi Sanaei, le début de la livraison du fameux système de missile sol-air S 300 PMU 2, sa dernière version la plus moderne. La livraison sera achevée en Mars 2016.

L'Iran et la Russie deviennent des partenaires stratégiques.

Il est bien évident que le Kremlin a bien compris que l'Iran était en train de redevenir non seulement la puissance économique majeure du Moyen-Orient mais aussi et surtout le pays le plus important pour le maintien de la sécurité et de la stabilité dans cette région. Ce qui en fait un pays stratégiquement essentiel pour la Russie. A l'appui de cela, n'oublions pas non plus le soutien de cette dernière à l'adhésion de l'Iran à l'SCO (Shanghai Cooperation Organisation) et à la participation de l'Iran au projet de la "nouvelle route de la soie". 

Soyons-en convaincus, la visite du Président russe Lundi à Téhéran fera date. Elle marque officiellement le début d'une relation nouvelle entre ces deux pays, une relation stratégique destinée de ce fait à s'amplifier et à s'approfondir avec le temps avec l'adhésion future de l'Iran à la SCO et au projet de la "nouvelle route de la soie". C'est également un changement géo-stratégique majeur pour toute la région, dont les signes étaient pourtant apparents en dépit des espoirs hors de la réalité de certains, confirmés par l'Ayatollah Khamenei lui-même dans des termes on ne peut plus clairs :

“Apart from the nuclear problem, we are not going to hold bilateral negotiations with the Americans on any issues, including the Syrian crisis, Unwillingness [by Washington] to accept Russia’s growing influence in the region and in the international arena affects all the US decisions and actions concerning Syrian question.”

A bon entendeur, salut.

Mais pour le moment tout le monde est content à Cochon sur Terre,le meilleur des mondes.

 

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