vendredi 4 septembre 2009

Du champs "géant" de Tiber, du Peak Oil et du virtualisme pathologique.

La compagnie pétrolière BP vient de nous faire un cadeau merveilleux qui a provoqué un soulagement général à Cochon sur Terre. En effet, d’après BP, un nouveau gisement de pétrole aurait été découvert dans le Golfe du Mexique, un gisement dit «géant» par la compagnie et repris et souligné en choeur par tous les cochons de Cochon sur Terre. Pensez-vous 4 milliards de barils ! 4 milliards de barils s’exclament les cochons en se tordant leurs pieds de cochons de joie à l’idée de pouvoir continuer à consommer en toute quiétude pour les millénaires à venir ! 4 milliards grognent-ils asphyxiés de bonheur, c’est énorme, c’est monumental, c’est ... bla bla bla ...


Enorme par rapport à quoi, bande de cochons ! Qu’est-ce que ce chiffre signifie réellement ? Combien de temps de votre misérable consommation ce chiffre couvre t’il ?

Ah, ben, euh ... Voilà la réponse des cochons, tout à leur joie stupide et ignorante, envoûté par des chiffres qui ne signifient rien par eux-mêmes. Mais les chiffres gardent toujours leur magie et leur capacité d’ensorceler les faibles d’esprit comme on le voit à nouveau par cet exemple. Et puis cela permet de se rassurer à bon compte.


Alors de quoi s’agit-il ?

Il s’agit de la découverte par la compagnie pétrolière BP d’un champs de pétrole (Tiber Field) soit disant «géant» dans le Golfe du Mexique contenant des réserves estimées à environ 4 milliards de barils. Ce champs est situé non loin du lieu d’une autre découverte, le Kashida Oil Field contenant 3 milliards de barils.

Pour rester dans le champs des découvertes récentes de pétrole dont on a abondamment parlé ces dernières années, mentionnons également celles qui ont été faîtes au large du Brésil (Tupi et Santos Fields) qui ont porté les réserves prouvées de pétrole de ce pays à 12 milliards de barils, certains disent 20 milliards. En Iran on a découvert récemment un champs de pétrole de 8,8 milliards de barils ainsi qu’au Vietnam un champs de 1,2 milliards de barils.

Alléluia c’est merveilleux crient les cochons.

Laissons-les grogner et voyons ce que cela signifie réellement.


Il faut d’abord savoir qu’en général on ne peut jamais récupérer tout le pétrole contenu dans un champs en raison de complications géologiques dont la technique, malgré de très réelles améliorations, ne peut pas venir à bout . Par conséquent le taux de récupération moyen est de 35%. Il y a des exceptions comme les champs de la Mer du Nord (Forties) où le taux de récupération a atteint 70%, mais cela reste rare. En ce qui concerne les découvertes mentionnées plus haut le taux sera très probablement de 30-35% ce qui veut dire par exemple que la fameuse, où fumeuse c’est selon, découverte de BP permettra au mieux de récupérer 1,4 milliards de barils. Qu’est-ce que cela représente ? A peine deux mois de la consommation des USA (20 millions de barils par jours - Sources: CIA)... où encore 19 jours de la consommation mondiale au rythme moyen de 2008 (A peu près 85 millions de barils par jours - Sources International Energy Agency).


A titre de comparaison le plus grand champs de pétrole jamais découvert sur la planète est celui de Gawar en Arabie Saoudite. Il fût découvert en 1948 et son exploitation débuta en 1951. Depuis lors il a produit en moyenne environ 5 millions de barils par jours jusqu’à aujourd’hui et il représente, d’après ce que l’on sait, entre 50% et 60% de la production totale de l’Arabie Saoudite, second producteur mondial après la Russie. Ce champs a déjà fourni de 1948 jusqu’à 2000 environ 60 milliards de barils. Désormais il semblerait, d’après Matthew Simmons (Sources: www.simmonsco-intl.com), que Gawar ait passé son Peak Oil en 2005, ce qui pourrait être une explication à la baisse de la production saoudienne observée depuis 2006.


Il y a désormais une prise de conscience de plus en plus aiguë au niveau des gouvernements comme de l’International Energy Agency (IEA) que la crise dite du «Peak oil» n’est probablement pas pour après-demain mais bien pour demain, voir aujourd’hui comme certains l’affirment depuis un certain temps déjà. En réalité le Peak Oil parait avoir été atteint l’année dernière (2008).

C’est ainsi que deux rapports officiels sont apparus coup sur coup l’année dernière, apportant des précisions sur ce fameux «Peak Oil». Nous voulons parler du rapport de l’IEA (Sources: www.iea.org) et de celui de la UK Industry Task Force on Peak Oil and Energy Security (Sources: www.peakoiltaskforce.net), tous deux datant de 2008.

Tout d’abord ces deux rapports admettent enfin que le monde doit désormais se préparer à faire face à une crise pétrolière due à une baisse structurelle de la production de pétrole. En d’autres termes la production de pétrole dans le monde a atteint son maximum et a commencé à diminuer. Ce qui veut dire que le fameux «Peak Oil» (comme déjà dit) pourrait réellement avoir été atteint en Juillet 2008.

L’IEA prévoir dans son rapport que la demande mondiale de pétrole pourrait s’élever à 106 millions de barils par jours en 2030, ce qui signifie qu’il faudrait découvrir six champs pétroliers de la taille de celui de Gawar, le plus grand champs de pétrole jamais découvert sur la planète afin d’y pourvoir, selon Fati Birol. Le problème est que l’IEA prévoit en même temps une diminution drastique de la production mondiale de pétrole commençant dés 2009 (85 millions de barils par jours) pour s'effondrer à 30 millions de barils par jours en 2030, alors que la demande, rappelons-le, sera censée être de 106 millions de barils par jours.


De son côté l’ITPOES souligne trois inquiétudes majeures:


  1. Le vitesse accélérée à laquelle les champs de pétrole se vident.

A ce propos il faut savoir que les découvertes annuelles de champs pétroliers ont déclinées depuis 1960. De plus la production a outrepassée les découvertes depuis 1984, ce qui signifie que depuis cette date le monde consomme plus de pétrole qu’il n’en découvre. C’est une situation insoutenable par excellence.

De plus l’IEA a réalisé une étude sur le terrain sur l’état des réserves de pétrole dans le monde, champs par champs, et est arrivée à la conclusion que le taux moyen de baisse de production des 800 plus grands champs de pétrole du monde s’élevait à 6,7% par an (Sources: World Energy Outlook 2008). A titre d’exemple le champs mexicain Canterell, le 3 ème où 4 ème plus important au monde, a vu sa production baisser de 16% en 2008.


  1. La lenteur à laquelle les rares nouveaux champs de pétrole découverts sont mis en exploitation (généralement 10 à 15 ans)


  1. Le manque flagrant d’investissements réalisés par l’industrie pétrolière dans son ensemble depuis quelques années.


A ce propos le géologue indépendant Colin Campbell a déclaré quand à lui:


«The whole world has now been seismically reached and picked over. Geological knowledge has improved enormously in the past 30 years and it is almost inconceivable now that major fields remain to be found».


Il est désormais à peu près avéré que l’on connaît au moins 95% des réserves mondiales de pétrole, sachant que les 5% qui restent ne pourront pas changer la donne en ce qui concerne le «Peak Oil» ni éviter le déclin de la production à partir de cette année (2008 - 2009). Cela pourrait expliquer la raison pour laquelle l’industrie pétrolière ait cessé d’investir massivement non seulement dans la prospection mais aussi dans l’amélioration des installations déjà existantes.


C’est ainsi que ces deux organisations, l’ITPOES et l’IEA, sans compter les nombreux géologues où experts indépendants, sont d’accord pour penser que 2014 pourrait être l’année au cours de laquelle la production de pétrole ne sera plus suffisante pour satisfaire la demande mondiale.

Ce qui ne signifie pas qu’il n’y aura plus de pétrole mais pas assez; ce qui signifie en revanche que les prix se retrouveront au plafond.

Ce qui signifie également que notre monde divin de Cochon sur Terre, modèle inégalable pour l’univers tout entier, se retrouve en voie de disparition à très court terme si rien n’est fait pour s’adapter à cette nouvelle donne; ce qui veut dire que notre société de consommation bien aimée risque bien de se retrouver cul par dessus tête par un sevrage intempestif de pétrole, ce breuvage qui fût si bon marché et si abondant durant tout un siècle. En effet l’énergie fossile chère ne signifie pas seulement l’énergie utilisée telle qu’on l’utilise dans les transports où le chauffage; cela aura des répercussions sur la production et la disponibilité de tous les produits innombrables fabriqués à base de pétrole (plus de 300.000 parait-il), sans compter l’utilisation abondante qui en est faite à travers l’agriculture (pesticide, engrais), la pêche, la chimie, la production d'électricité, les produits fabriqués avec du pétrole comme les plastiques, le ciment, le goudron etc...


La fin de l’ère de l’énergie quasiment gratuite et sans fin (théoriquement) signale le retour aux fondamentaux comme on dit en économie. Cela signifie la fin de la parenthèse historique au cours de laquelle l’humanité avait cru pouvoir s’affranchir de sa condition. Cela aura trois conséquences majeures avec toutes les implications innombrables qu’elles supposent: 1) la fin de la société de consommation, c’est à dire du gaspillage à tout crin, au profit de plus de sobriété, 2) la mort de son dernier avatar en date, ce qui fût appelé brièvement la globalisation au profit de la relocalisation et 3) une décomplexification radicale du monde.


1) Les priorités seront renversées et, ironiquement, nous retrouverons les mêmes que celles que nos ancêtres avaient eue pendant des millénaires. C’est ainsi que la production de nourriture redeviendra une priorité, entraînant à sa suite un nouveau transfert de main d’oeuvre des villes vers les champs. Dans le même élan il faudra réapprendre de nombreux métiers tombés récemment en désuétude, rendant vie à un artisanat que l’on croyait en voie de disparition, afin de remplacer une désindustrialisation au moins partielle dans le meilleur des cas.

Nous entendons déjà les cochons hurler de rire et ceux qui crient au ringard qui veut la désindustrialisation générale; quelle régression ! Mais nous ne voulons rien; nous nous contentons d’imaginer ce que sera un monde dans lequel le pétrole sera une denrée rare et chère, c’est à dire une société où il ne sera plus question de gaspiller quoi que ce soit; où en tout cas pas à l’échelle criminelle qui fût celle de votre société de consommation car, bande de cochons, il ne s’agira pas uniquement du pétrole mais également des matières premières en général. Eh oui, ces matériaux si peu chers et utilisés comme s’ils étaient inépuisables sont eux aussi sujets à un peak: le peak gold par exemple qui n’est pas très loin, où le peak uranium etc... Eh oui, car votre monde ridicule de Cochon sur Terre a réussi à épuiser une très grande partie des réserves naturelles de la planète en 50 ans. Et il serait légitime de se demander si le résultat en valait la chandelle comme on dit. A priori non étant donné l’impasse dans laquelle se trouve l’humanité. Et dans un tel cas l’industrialisation que nous connaissons ne sera plus qu’un rêve de dément.

Peut-être que votre chroniqueur fantasme mais vous serez bien d’accord avec nous pour affirmer que les grands investisseurs, ces hommes d’affaires si réalistes que vous prisez tant, pas des rêveurs eux, sont avisés et savent ce qu’ils font lorsqu’il s’agit d’argent, non ? Alors expliquez-nous pourquoi les plus grands investisseurs de la planète déboursent des sommes colossales pour investir dans les matières premières où dans les terres arables tout autour de la planète ? S’ils pensaient que la valeur de ces biens ne monteraient pas dans le futur proche pensez-vous qu’ils en achèteraient autant qu’ils peuvent ?

Pourquoi le gouvernement chinois investi t’il massivement lui aussi de la même manière que ces hommes d’affaire si ces biens étaient destinés à rester si abondant et bon marché.

Où encore pourquoi de nombreux gouvernements autour du monde ont cessé de vendre leur or et se sont-ils soudain mis à en acheter ?


2) Une autre conséquence de la fin de l’ère du pétrole bon marché sera la relocalisation du marché et des échanges, c’est à dire, enfin!, la mort de la globalisation. Pas de panique ce n’est qu’un constat de décès, elle l’est déjà. En revanche, si nous parvenons à contrôler au mieux les événements qui s’annoncent, cela signifierait que les échanges économiques pourraient se faire à nouveau dans leur vaste majorité au sein d’entités géographiques, économiques, et/où politique plus vastes que celles de l’Etat-Nation, comme l’UE, l’Amérique du Nord où l’Amérique du Sud, l’ASEAN etc...

Mais en tous les cas nous serons condamnés à devenir de plus en plus autonomes, que ce soit au niveau strictement local, régional où encore continental si tout va bien.


3) L’autre conséquence majeure sera la nécessité de décomplexifier nos sociétés qui ne pourront plus supporter, financièrement entre autre, le fardeau des usines à gaz, où à pétrole, que sont devenus nos états respectifs à force de centralisation excessives. Car localisation signifie également simplification des structures et responsabilités locales accrues. Ce qui ne veut pas dire anarchie où disparition du pouvoir régalien. Car nos sociétés hautement complexes, ces sociétés dites développées, sont les plus menacées par cette ère du pétrole cher et rare; en effet ce sont celles dont la survie économique repose le plus sur l’abondance de l’énergie peu chère; que celle-ci disparaisse brutalement sans anticipation et leur stabilité politique volerait en éclat.

Pour éviter un désastre il faudrait une prise de conscience générale du danger, où tout au moins de la part de nos gouvernants bien aimés, afin d’établir d’urgence des stratégies d’anticipation, et donc de sortie de cette dépendance, non seulement du pétrole mais aussi des matières premières. Cela ne signifierait pas s’en passer totalement mais s’en désaccoutumer partiellement, volontairement et progressivement bien qu’à un rythme soutenu. Cela impliquerait nécessairement l'abandon de notre modèle de société actuel qui, de toute manière, n'est pas viable, pour une société moins complexe et plus autosuffisante au sein d'une entité économique et/où politique, comme déjà mentionnée plus haut. A cette condition seulement le choc inévitable pourrait être atténué. C’est en vérité une politique de désintoxication dont nous avons besoin; le problème est que nos gouvernements bien-aimés sont les plus intoxiqués de tous ... Et, pour être juste, qui aujourd’hui dans le public de Cochon sur Terre accepterait une telle politique et ses implications ? Pratiquement personne; il suffit de regarder quelles sont les questions qui soulèvent le plus l’inquiétude et l'intérêt des cochons pour s’en convaincre.


Alors désastre sans précédent, apocalypse telle que nous l’annoncent de nombreux commentateurs à travers le web où des livres pas forcément dénués d'intérêts ? La vérité est que l’on ne sait pas. Et comment le pourrions-nous ? L’histoire n’étant pas déterminée, ni dans un sens ni dans l’autre, la catastrophe peut éventuellement être évitée mais aussi ne pas l’être, même si la majorité des cochons ne veut pas et ne peut pas imaginer cette dernière éventualité, par bêtise et par ignorance.

Certes ce ne serait pas la première fois dans l'histoire qu'une civilisation (sic) s'effondrerait; la différence est qu’aujourd’hui il ne s’agit pas d’une civilisation mais de l’humanité prise dans son ensemble. Et on peut dire sans exagérer que c’est plutôt mal parti étant donné le virtualisme pathologique dans lequel nous nous sommes internés, comme le montre une fois encore l’exemple du champs soit disant «géant» de Tiber.


Mais pour le moment tout le monde est content à Cochon sur Terre, le meilleur des mondes.



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