jeudi 10 septembre 2009

La France, le Brésil et les rafales: quelle importance?

Effervescence dans la presse gauloise, cris de joie, cocoricos et tout le bataclan; pour un peu nous pourrions croire qu’une équipe de France de football où de rugby a gagné un match quelconque, où même une coupe du monde...

Même pas... Nous avons simplement vendu 36 rafales au Brésil, 50 hélicoptères, 4 sous-marins etc... bref un vulgaire accord de commerce à en croire les commentaires de nos médias de Cochon sur Terre, ensorcelés par les chiffres et les Euros sonnants et trébuchants. Nos cochons se réveillent comme Louis de Funes dans «la folie des grandeurs»; au son de l’or que son valet de chambre lui fait tinter dans les oreilles: «Il est l’or Monseignor, l’or de se réveiller» etc...

Et pourtant l’or, dans cette histoire n’a qu’un intérêt très secondaire.


En effet l’intérêt principal de cette affaire n’est pas la vente en elle-même ni les sommes que cela rapportera, bien que cela ne soit pas à négliger; non, c’est plutôt la portée politique de toute l’affaire et ce que cela révèle de la situation internationale d’aujourd’hui qui importe. En clair c’est un bon baromètre en ce qui concerne la manière dont les différents partenaires perçoivent la situation mondiale au delà des discours de circonstance.


Comme on sait, sous l’impulsion de leurs Présidents respectifs, la France et le Brésil ont entamé une lune de miel depuis plus d’un an maintenant, concrétisée par des contrats commerciaux et d’armement, divers accords et déclarations communes sur les questions internationales du moment, dont la régulation des marchés financiers, le changement climatique où encore la réorganisation des institutions internationales telles que le FMI où le Conseil de Sécurité des Nations Unies; c’est ainsi, par exemple, que la France s’est engagée à soutenir la candidature du Brésil au Conseil de Sécurité.


Il ne faudrait pas faire l’erreur, comme certains, de croire que tout cela n’a pas beaucoup de conséquence et ne concerne que deux puissances moyennes qui s’amusent dans l’arrière court que les grands leur ont laissé pour s’en débarrasser. Il s’agit là d’une vision du monde datant des années 90, voire antérieure de dix ans. Car cela implique non seulement que rien n’ait changé depuis la disparition de l’URSS mais surtout que la scène mondiale n’ait subi aucune modification majeure depuis l’an 2000. Cela implique également une cécité consternante par rapport à ce qui se déroule sous nos yeux en ce moment même.


Il semblerait au contraire que les dirigeants brésiliens et français aient pris acte de la situation internationale nouvelle et agissent en fonction de cela, comme le font la Russie, la Chine et peut-être comme le fera bientôt le Japon avec son nouveau gouvernement. Il ne serait pas ridicule d’affirmer que ces pays sont en train de se positionner en fonction de la nouvelle situation géostratégique qui se dessine. En d’autres termes nous serions en train de voir émerger sous nos yeux les configurations géostratégiques du siècle à venir, c’est à dire un nouvel ensemble de blocs continentaux destinés à remplacer à court terme l’ancien ordre bipolaire puis unipolaire qui remplaça le premier très temporairement.


C’est ainsi que le Brésil, de par sa richesse et son emplacement stratégique au centre de l’Amérique latine, parait destiné à jouer un rôle leader sur le continent sud-américain; c’est ainsi que la France, et ce contrairement à ce que l’on peut lire continuellement en France même, non seulement n’a pas de raison de ne pas jouer un rôle fondamental en Europe dans l’avenir mais a toutes les chances, si elle s’y prend bien, d’y avoir le rôle prépondérant. De même en ce qui concerne la Russie, la Chine où encore l’Inde. C’est ainsi que les acteurs du nouvel ordre multipolaire mondial commencent à se faire connaître, à se reconnaître mutuellement, à s’allier et à collaborer pour l’édification de ce monde nouveau qui est en train d’émerger sous nos yeux.


Vous pourriez nous dire qu’il manque quelqu’un dans toute cette énumération. Vraiment ? De qui voulez-vous parler ?

Ah, oui, oui, vous avez raison, mais nous ne l’avions pas oublié justement. Simplement nous ne savons pas quelle place accorder à ce pays dans le futur. Que va t’il devenir ? Survivra t’il tel quel où bien se décomposera t’il lui aussi comme l’URSS ? En réalité plus çà va moins nous pourrions nous aventurer à faire de pronostics sur l’avenir des USA. Comment savoir à quoi ressemblera ce pays dans cinq ans ? Existera t’il même encore dans les frontières où avec l’organisation politique qui sont les siennes aujourd’hui ? Nous n’en savons rien. En revanche plus le temps passe, plus nous sommes témoins de ce qui arrive ici même aux USA, plus nous devenons pessimistes quand à ce que l’avenir pourrait réserver à ce pays. Mais l’histoire n’étant pas déterminée...


En revanche, ce qui est certain c’est que l’apparition de ce monde multipolaire est en train de se faire en dépit des USA. Non seulement en dépit de ce pays mais également en fonction de la perception par les autres de son affaiblissement réel où supposé. En réalité le supposé semble bien en deçà de la réalité. Mais plus la réalité apparaîtra aux yeux des nouveaux acteurs internationaux plus ils s’enhardiront sur la scène mondiale. Cela nous réserve un avenir plein de surprises et d'intérêt... non, l’histoire n’est pas terminée; en tout cas pas tant qu’il y aura encore un homme digne de ce nom sur cette planète.


En ce qui concerne la France cet accord (les Rafales) avec le Brésil, même s’il n’est pas concrétisé dans l’avenir, renforce encore notre supposition évoquée à propos de l’entrée de notre pays dans l’OTAN. C’est à dire que le Président de la République a compris que l’affaiblissement des USA, pour ne pas dire autre chose, était un événement d’une importance géostratégique majeure qui allait bouleverser de fond en comble l’équilibre mondial. Il ne faudrait d’ailleurs pas dire un événement mais bien plutôt l’Evénement avec un grand E. Si l’on se place à la lumière de cette hypothèse, et ce malgré les dérapages et les emballements que l’on connaît, la politique extérieure et européenne du Président prend un sens plutôt convaincant et même assez brillant. Et nous ne voyons aucune raison valable, à part une sclérose cérébrale avancée, de ne pas accorder au Président ce genre de qualificatif si et seulement si notre supposition se révèle juste. Néanmoins cette hypothèse semblerait se confirmer au fur et à mesure que les mois passent et que la crise se développe. C’est ainsi que nous pouvons observer les actes et les déclarations des représentants de la France en contradiction formelle avec les belles paroles destinées aux USA, le renforcement notre amitié avec eux, notre alliance éternelle, ce qui d’ailleurs n’est pas forcément contradictoire... Et pendant ce temps là nous agissons non pas contre eux mais en dépit d’eux, sans eux, en clair comme si nous n’avions pas besoin d’eux dans la plus pure tradition de notre pays. Et c’est bien là la question essentielle qui tourmentent les deux alliés principaux des USA, l’Europe et le Japon, sans parler des pays du BRIC et du reste du monde pour qui les comportements d’alcoolique des USA constitue un danger pour la stabilité du monde...


La réponse vient d’elle-même, fournie par le spectacle de la faiblesse de plus en plus visible des USA, notamment leur impuissance militaire mise en relief par les situations tout à la fois tragique et grand guignolesque de l'Irak et de l'Afghanistan. Encore une fois plus cette impotence se révélera au grand jour, plus les anciens alliés (Europe, Japon) se détacheront d’une alliance devenue inutile et encombrante; où plutôt plus vite ils reprendront leur indépendance. L‘Europe est en train de prendre cette voie, guidée par la France et, plus timidement, par l’Allemagne en dépit des beaux discours officiels; il est fort probable également que le Japon lui aussi prendra le tournant avec son nouveau gouvernement, si l’on tient compte des déclarations de Hotoyama avant les élections.


Comme nous l’avons déjà soutenu les USA se retrouveront de plus en plus isolés sur la scène politique internationale et les relations entre la France, et l’Europe, et le Brésil ne sont qu’une pierre de plus à l’édifice qui est en train de se construire en dehors des USA dans tous les domaines, que cela concerne le remplacement du dollar, le Conseil de Sécurité où encore la régulation des marchés financiers etc...

Cela signifie également la fin de ce que l’on a appelé la globalisation, comme l’a clairement déclaré le futur premier ministre du Japon:


« (...) the era of US-led globalism is coming to an end and that we are moving away from a unipolar world toward an era of multipolarity.»

Voilà ce que signifient ces contrats: la construction d’un monde multipolaire, sous nos yeux, ordonné autour de blocs géographiques, économiques et politiques, qui s’élève au fur et à mesure de l’affaiblissement des USA qui impliquera l’abandon d’une grande partie des quelques 800 bases dont ils disposent à travers le monde, sans parler de l’Irak où de l’Afghanistan. Malgré tout ces derniers pourraient parfaitement avoir un rôle de grande puissance parmi d’autres s’ils avaient le courage et la lucidité d’abandonner leurs rêves hégémoniques dont ils n’ont de toute manière pas les moyens. Mais cela les obligerait à réaliser que le monde n’a plus besoin d’eux alors que, bien au contraire, ce sont eux qui ont besoin du monde pour survivre. Vaste psychodrame en perspective qui a probablement déjà débuté.


La France et le Brésil, tout comme la Chine et la Russie, sont les pionniers et les précurseurs du nouvel ordre mondial destiné à remplacer celui qui s’était mis en place en 1945. Et contrairement à ce que certains croyaient cela ne pouvait se produire qu’avec la disparition des DEUX ex-superpuissances et leur réintégration dans le club des grandes puissances parmi les autres.

Nous sommes en train d'assister à la régression de la seconde superpuissance au rang de puissance régionale comme les autres à mois que...

La France et le Brésil, eux, en ont pris acte.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

test bravo on aime la pepiniere