En dépit des cris d’enthousiasme et d’encouragement des intellos occidentaux en mal de sensations fortes ; en dépit des heurts entre manifestants pro-Moubarak et anti-Moubarak ; en dépit du fait que le pays est paralysé depuis 11 jours ; en dépit des tortillements frénétiques, embarrassés et maladroits des USA (comme des Européens) vis-à-vis de leur allié de trente ans dont ils cherchent désormais à se débarrasser tout en aménageant une transition militaire vers un nouveau régime sous contrôle... En dépit de toutes les négociations souterraines en cours, en dépit d’un éventuel changement de régime dans le calme, eh bien malgré tout cela la situation en Égypte est tout sauf prévisible. Personne n’a vu venir les événements d’aujourd’hui et bien peu ont la lucidité suffisante, et l’imagination, pour voir où tout cela risque de mener.
Car on a le tord de ne voir dans les causes de cette révolte qu’une affaire politique. Ce qui tient lieu de «pensée» dominante clame à tord et à travers qu’une fois le régime renversé tout ira pour le mieux dans le meilleur des mondes inimaginable. Changeons le régime et pfuitt, comme par magie, la situation deviendra idyllique instantanément.
Or c’est faux.
Car la politique n’a eu qu’un rôle très secondaire dans le déclenchement de cette histoire.
Si vous lisez nos journaux de désinformation officiels, sans parler des médias d’abrutissement subventionnés, vous pourrez aisément croire que les Tunisiens comme les Égyptiens, sans parler de ceux qui risquent de suivre leur exemple, se sont presque spontanément réveillés un beau jour pour se jeter dans la rue à seule fin de renverser des gouvernements vieux de trente années soudainement devenus insupportables à leurs yeux. Comme si en une nuit tous les Tunisiens et tous les Égyptiens s’étaient tout à coup rendu compte qu’ils vivaient sous des régimes qui ne facilitaient pas vraiment la liberté politique ; comme si en une nuit toutes ces populations maintenant dans les rues s’étaient réveillées soudain d’un long somnambulisme qui les avaient empêché jusqu’alors de se rendre compte de ce qui se passait dans leurs pays.
Eh bien, chers lecteurs, au risque de vous décevoir une fois de plus, nous vous devons la vérité : ce n’est pas l’amour de la liberté qui a jeté les gens dans la rue. En effet pourquoi hier plutôt qu’il y a trois où dix ans si c’était si insupportable que cela ? Nous ne sommes pas en train de vous dire que ces régimes étaient des exemples de décence politique ; nous ne sommes pas en train d’affirmer que ces régimes n’avaient pas de police secrète qui torturait ceux que les Américains leur livrait à défaut de le faire eux-mêmes ; non, pas du tout, mais il s’agit seulement de ne pas tomber dans le piège qui consisterait à gober ce que nos intellos de salon veulent nous faire accroire : qu’il s’agit uniquement d’une question de régime politique.
Non, la nature du régime politique n’est pas la cause de ces révoltes populaires dont nous parlons, ce n’est pas le facteur premier qui a déclenché la révolte, même s’il était sous-jacent depuis longtemps. Ce n’est qu’un des facteurs parmi d’autres mais certainement pas ni le premier ni le plus important.
La principale cause de toute cette agitation populaire n’est donc pas la liberté où la nature du régime mais quelque chose de beaucoup plus prosaïque ; oui c’est malheureusement beaucoup moins poétique, beaucoup moins idéologiquement correct, peut-être même un peu plouc, mais n’en déplaise à nos révolutionnaires de salon c’est pourtant une question vitale dans tous les sens du mot qui a mis le feu aux poudres.
En fait il s’agit d’argent.
Oui nous savons, chers lecteurs, c’est navrant et terriblement matérialiste pour les purs esprits désintéressés de nos bobos parisiens où new-yorkais, mais il n’en demeure pas moins que c’est ainsi.
Sachant que la majorité des Égyptiens survit avec moins de $ 2 par jour, entassés dans les bidonvilles des grandes agglomérations ; sachant que 20% de cette population est au chômage et que 20% n’a qu’un travail partiel qui lui permet à peine de survivre, on peut imaginer sans peine les conséquences catastrophiques pour tous ces gens d’une augmentation même minime du coût de la vie.
Nous voulons parler ici, soyons concrets, des conséquences de l’inflation des prix des denrées alimentaires et de l’énergie sur un budget journalier de $ 2 par jour.
Car c’est bel et bien l’inflation qui a jeté les Égyptiens comme les Tunisiens dans les rues sans parler de ceux qui ne manqueront pas de suivre ailleurs. Evidemment c’est moins «glamour» que la liberté, la démocratie et tutti quanti, surtout lorsque tous ces beaux concepts sont vus à travers les lorgnettes dorées du faubourg Saint Germain où du Village de NY...
Quelques piqûres de rappel :
Pour rendre un peu moins insupportable à la population Égyptienne sa condition plus que précaire, l’état Égyptien subventionne lourdement deux domaines, également essentiels pour les 84 millions égyptiens qui s’entassent sur les bords et dans le delta du Nil (surface totale de 40.000 km carrés) créant la plus forte densité de peuplement au monde ( 2000 habitants / km carré). $ 2 par jour signifie que la plupart du revenu de plus de la moitié de la population Égyptienne est consacré à la nourriture (on est loin des 5% -10% comme aux USA où en Europe).
1) La nourriture est précisément l’un des postes les plus subventionnés par l’état Égyptien. L'Égypte importe environ 40% de ses besoins de nourriture y compris le blé dont il est le plus gros importateur du monde, étant obligé d’acheter sur le marché international environ 60% de ses besoins de cette denrée. Hors l’année dernière le prix du blé a doublé ce qui a entraîné une hausse importante du prix de cette céréale pour la population en dépit des subventions gouvernementales. Malheureusement, comme on sait, toutes les matières premières ont vu leurs prix augmenter d’une manière phénoménale. Une augmentation des prix que les Égyptiens ne peuvent pas assumer pas plus que leur gouvernement (nous verrons pourquoi plus bas).
2) Outre la nourriture le second domaine le plus lourdement subventionné par l’état Égyptien est l’énergie.
Les exportations égyptiennes de pétrole n’ont jamais été très importantes mais elles ont longtemps procuré un revenu suffisant au gouvernement pour lui permettre de payer les importations de nourriture et l’énergie (gaz naturel et pétrole) destinée au marché interne, le tout à des prix très largement subventionnés afin de les rendre abordables pour la population (D’après une étude des Nations-Unies le coût des subventions pour l’état Égyptien fut équivalent à 1,1% du GDP pour la nourriture et à 5,1% pour l’énergie au cours de la période 2009-2010). Cependant, depuis une dizaine d’année, la production de pétrole n’a pas cessé de décliner à tel point que depuis l’année dernière Égypte n’exporte pratiquement plus de pétrole ce qui a entraîne de facto un manque à gagner essentiel pour le pays.
C’est ainsi que la conjonction de la fin de ses revenus pétroliers avec les facteurs économiques que l'on sait et surtout le problème démographique initial (voir plus bas), tout cela a placé le gouvernement égyptien dans une situation inextricable que l‘on peut résumer de cette manière :
1) une population qui augmente de manière alarmante : 4 millions en 1800, 9,7 millions en 1900, 21 millions en 1950, 84 millions en 2011
2) ce qui implique des importations de nourritures massives en hausse constante puisque l'Égypte ne parvient plus à produire que 50% de ses besoins de nourriture (Alors que ce pays fût non seulement auto-suffisant mais exportateur de céréales pendant la plus grande partie de sa longue histoire notamment au cours de la période romaine dont il était le grenier à blé indispensable puisqu’il nourrissait Rome elle-même)
3) or les prix de ses denrées (soft comodities) s’envolent en raison de deux phénomènes concomitants :
- une demande nouvelle de nourriture qui explose, en provenance d’Asie notamment ;
- une offre qui se réduit due en partie aux mauvaises récoltes liées aux aléas climatiques
5) des revenus en forte diminution en raison de la fin des exportations de pétrole ce qui entraîne une baisse des subventions à la nourriture et à l’énergie pour la population qui, de ce fait, ne peut plus faire face à l’inflation qui n’est plus que partiellement compensée par les subsides du gouvernement.
Il est désormais plus que probable que les événements d'Égypte risquent de n’être qu’un prélude à ce qui va se produire de plus en plus fréquemment dans les prochaines années tout autour de la planète. En effet une population mondiale qui s'accroît toujours plus, des populations nouvelles qui accèdent à des niveaux de vie auxquels elles ne pouvaient que rêver auparavant (notamment les BRIC) ce qui implique une demande explosive de céréales et de viande en particulier, une offre de produits agricoles qui se réduit en raison de problèmes climatiques mais aussi de terres arables qui disparaissent pour loger des populations en expansion (Chine, Égypte par exemple), tout cela tire désormais les prix des denrées alimentaires inexorablement vers le haut ce qui créera des situations politiques et sociales explosives et potentiellement catastrophiques.
L'Égypte est à cet égard le triste et parfait exemple qui conjugue tous ces facteurs comme un cas d’école créé tout exprès pour les besoins de la démonstration.
Cette raréfaction des produits agricoles, et conséquemment la hausse de plus en plus violente de leurs prix, entraînera une «compétition» de plus en plus féroce entre les pays importateurs de nourriture, et notamment de céréales. «Compétition» est le terme édulcoré pour désigner une guerre véritable dont l’enjeu est tout simplement la vie où la mort pour des millions d’individus qui sont désormais menacés par le spectre de la famine (rappelez-vous 2008 chers lecteurs) bien que la plupart n’en soient pas encore conscients.
Ces pays importateurs se divisent en deux groupes qui ne se définissent pas par leur localisation géographique. En effet c’est beaucoup plus « vulgaire » que cela : d’un côté il y a les pays qui ont les moyens de payer et de l’autre ceux qui ne les ont pas. L'Égypte ne le peut pas, d’où ce qui s’y passe aujourd’hui. La Tunisie non plus. Mais à ce groupe nous pouvons ajouter l’Algérie, la Jordanie, la Syrie et le Pakistan (à ne pas oublier ô combien), tous importateurs de nourriture et dépourvus de pétrole pour les payer au prix fort. Dans ces pays-là il est presque inéluctable que les famines à venir entraîneront des bouleversements politiques importants, voire des guerres si les dirigeants successifs quels qu’ils soient ne parviennent pas à résoudre ces problèmes; et on ne voit pas très bien comment ils le pourraient.
En face nous avons les pays riches qui peuvent payer leurs importations de nourritures au prix fort : les monarchies du Golfe, l'Arabie Saoudite, la Libye, la Chine, l’Inde, le Japon etc... Tant que leurs gouvernements auront les moyens de payer leur nourriture il est probable qu’il n’y aura pas trop de tensions politiques où sociales. En revanche si un jour l’un d’entre eux, pour une raison où une autre, se retrouvait à court de trésorerie, des émeutes se déclencheraient certainement entraînant la chute du régime en place.
Nous en sommes là aujourd’hui en Égypte. Mais le changement de régime qui s’annonce ne changera rien aux problèmes de fond qui menacent le pays car le nouveau gouvernement, quel qu’il soit, se trouvera toujours avec à une population en expansion qu’il ne pourra plus nourrir et à laquelle il ne pourra pas plus donner de travail étant donné qu’une large partie des industries qui employaient de nombreux Égyptiens s’est délocalisée en ... Chine ; et ne parlons pas de tous les problèmes «annexes», si l’on peut dire : c’est-à-dire la pollution, le manque d’eau potable, les problèmes sanitaires dus notamment à l’absence d’infrastructures urbaines comme le tout à l’égout etc... sans compter ces maladies que nous avions soit-disant «éradiquées», choléra par exemple, qui réapparaissent de manière inquiétante.
En vérité la situation Égyptienne est un concentré de la situation à laquelle est confrontée l’humanité dans son ensemble.
C’est pourquoi à plus où moins long terme nous serons tous des Égyptiens.
Mais pour le moment tout le monde se réjouit à Cochon sur Terre, le meilleur des mondes.
Car on a le tord de ne voir dans les causes de cette révolte qu’une affaire politique. Ce qui tient lieu de «pensée» dominante clame à tord et à travers qu’une fois le régime renversé tout ira pour le mieux dans le meilleur des mondes inimaginable. Changeons le régime et pfuitt, comme par magie, la situation deviendra idyllique instantanément.
Or c’est faux.
Car la politique n’a eu qu’un rôle très secondaire dans le déclenchement de cette histoire.
Si vous lisez nos journaux de désinformation officiels, sans parler des médias d’abrutissement subventionnés, vous pourrez aisément croire que les Tunisiens comme les Égyptiens, sans parler de ceux qui risquent de suivre leur exemple, se sont presque spontanément réveillés un beau jour pour se jeter dans la rue à seule fin de renverser des gouvernements vieux de trente années soudainement devenus insupportables à leurs yeux. Comme si en une nuit tous les Tunisiens et tous les Égyptiens s’étaient tout à coup rendu compte qu’ils vivaient sous des régimes qui ne facilitaient pas vraiment la liberté politique ; comme si en une nuit toutes ces populations maintenant dans les rues s’étaient réveillées soudain d’un long somnambulisme qui les avaient empêché jusqu’alors de se rendre compte de ce qui se passait dans leurs pays.
Eh bien, chers lecteurs, au risque de vous décevoir une fois de plus, nous vous devons la vérité : ce n’est pas l’amour de la liberté qui a jeté les gens dans la rue. En effet pourquoi hier plutôt qu’il y a trois où dix ans si c’était si insupportable que cela ? Nous ne sommes pas en train de vous dire que ces régimes étaient des exemples de décence politique ; nous ne sommes pas en train d’affirmer que ces régimes n’avaient pas de police secrète qui torturait ceux que les Américains leur livrait à défaut de le faire eux-mêmes ; non, pas du tout, mais il s’agit seulement de ne pas tomber dans le piège qui consisterait à gober ce que nos intellos de salon veulent nous faire accroire : qu’il s’agit uniquement d’une question de régime politique.
Non, la nature du régime politique n’est pas la cause de ces révoltes populaires dont nous parlons, ce n’est pas le facteur premier qui a déclenché la révolte, même s’il était sous-jacent depuis longtemps. Ce n’est qu’un des facteurs parmi d’autres mais certainement pas ni le premier ni le plus important.
La principale cause de toute cette agitation populaire n’est donc pas la liberté où la nature du régime mais quelque chose de beaucoup plus prosaïque ; oui c’est malheureusement beaucoup moins poétique, beaucoup moins idéologiquement correct, peut-être même un peu plouc, mais n’en déplaise à nos révolutionnaires de salon c’est pourtant une question vitale dans tous les sens du mot qui a mis le feu aux poudres.
En fait il s’agit d’argent.
Oui nous savons, chers lecteurs, c’est navrant et terriblement matérialiste pour les purs esprits désintéressés de nos bobos parisiens où new-yorkais, mais il n’en demeure pas moins que c’est ainsi.
Sachant que la majorité des Égyptiens survit avec moins de $ 2 par jour, entassés dans les bidonvilles des grandes agglomérations ; sachant que 20% de cette population est au chômage et que 20% n’a qu’un travail partiel qui lui permet à peine de survivre, on peut imaginer sans peine les conséquences catastrophiques pour tous ces gens d’une augmentation même minime du coût de la vie.
Nous voulons parler ici, soyons concrets, des conséquences de l’inflation des prix des denrées alimentaires et de l’énergie sur un budget journalier de $ 2 par jour.
Car c’est bel et bien l’inflation qui a jeté les Égyptiens comme les Tunisiens dans les rues sans parler de ceux qui ne manqueront pas de suivre ailleurs. Evidemment c’est moins «glamour» que la liberté, la démocratie et tutti quanti, surtout lorsque tous ces beaux concepts sont vus à travers les lorgnettes dorées du faubourg Saint Germain où du Village de NY...
Quelques piqûres de rappel :
Pour rendre un peu moins insupportable à la population Égyptienne sa condition plus que précaire, l’état Égyptien subventionne lourdement deux domaines, également essentiels pour les 84 millions égyptiens qui s’entassent sur les bords et dans le delta du Nil (surface totale de 40.000 km carrés) créant la plus forte densité de peuplement au monde ( 2000 habitants / km carré). $ 2 par jour signifie que la plupart du revenu de plus de la moitié de la population Égyptienne est consacré à la nourriture (on est loin des 5% -10% comme aux USA où en Europe).
1) La nourriture est précisément l’un des postes les plus subventionnés par l’état Égyptien. L'Égypte importe environ 40% de ses besoins de nourriture y compris le blé dont il est le plus gros importateur du monde, étant obligé d’acheter sur le marché international environ 60% de ses besoins de cette denrée. Hors l’année dernière le prix du blé a doublé ce qui a entraîné une hausse importante du prix de cette céréale pour la population en dépit des subventions gouvernementales. Malheureusement, comme on sait, toutes les matières premières ont vu leurs prix augmenter d’une manière phénoménale. Une augmentation des prix que les Égyptiens ne peuvent pas assumer pas plus que leur gouvernement (nous verrons pourquoi plus bas).
2) Outre la nourriture le second domaine le plus lourdement subventionné par l’état Égyptien est l’énergie.
Les exportations égyptiennes de pétrole n’ont jamais été très importantes mais elles ont longtemps procuré un revenu suffisant au gouvernement pour lui permettre de payer les importations de nourriture et l’énergie (gaz naturel et pétrole) destinée au marché interne, le tout à des prix très largement subventionnés afin de les rendre abordables pour la population (D’après une étude des Nations-Unies le coût des subventions pour l’état Égyptien fut équivalent à 1,1% du GDP pour la nourriture et à 5,1% pour l’énergie au cours de la période 2009-2010). Cependant, depuis une dizaine d’année, la production de pétrole n’a pas cessé de décliner à tel point que depuis l’année dernière Égypte n’exporte pratiquement plus de pétrole ce qui a entraîne de facto un manque à gagner essentiel pour le pays.
C’est ainsi que la conjonction de la fin de ses revenus pétroliers avec les facteurs économiques que l'on sait et surtout le problème démographique initial (voir plus bas), tout cela a placé le gouvernement égyptien dans une situation inextricable que l‘on peut résumer de cette manière :
1) une population qui augmente de manière alarmante : 4 millions en 1800, 9,7 millions en 1900, 21 millions en 1950, 84 millions en 2011
2) ce qui implique des importations de nourritures massives en hausse constante puisque l'Égypte ne parvient plus à produire que 50% de ses besoins de nourriture (Alors que ce pays fût non seulement auto-suffisant mais exportateur de céréales pendant la plus grande partie de sa longue histoire notamment au cours de la période romaine dont il était le grenier à blé indispensable puisqu’il nourrissait Rome elle-même)
3) or les prix de ses denrées (soft comodities) s’envolent en raison de deux phénomènes concomitants :
- une demande nouvelle de nourriture qui explose, en provenance d’Asie notamment ;
- une offre qui se réduit due en partie aux mauvaises récoltes liées aux aléas climatiques
5) des revenus en forte diminution en raison de la fin des exportations de pétrole ce qui entraîne une baisse des subventions à la nourriture et à l’énergie pour la population qui, de ce fait, ne peut plus faire face à l’inflation qui n’est plus que partiellement compensée par les subsides du gouvernement.
Il est désormais plus que probable que les événements d'Égypte risquent de n’être qu’un prélude à ce qui va se produire de plus en plus fréquemment dans les prochaines années tout autour de la planète. En effet une population mondiale qui s'accroît toujours plus, des populations nouvelles qui accèdent à des niveaux de vie auxquels elles ne pouvaient que rêver auparavant (notamment les BRIC) ce qui implique une demande explosive de céréales et de viande en particulier, une offre de produits agricoles qui se réduit en raison de problèmes climatiques mais aussi de terres arables qui disparaissent pour loger des populations en expansion (Chine, Égypte par exemple), tout cela tire désormais les prix des denrées alimentaires inexorablement vers le haut ce qui créera des situations politiques et sociales explosives et potentiellement catastrophiques.
L'Égypte est à cet égard le triste et parfait exemple qui conjugue tous ces facteurs comme un cas d’école créé tout exprès pour les besoins de la démonstration.
Cette raréfaction des produits agricoles, et conséquemment la hausse de plus en plus violente de leurs prix, entraînera une «compétition» de plus en plus féroce entre les pays importateurs de nourriture, et notamment de céréales. «Compétition» est le terme édulcoré pour désigner une guerre véritable dont l’enjeu est tout simplement la vie où la mort pour des millions d’individus qui sont désormais menacés par le spectre de la famine (rappelez-vous 2008 chers lecteurs) bien que la plupart n’en soient pas encore conscients.
Ces pays importateurs se divisent en deux groupes qui ne se définissent pas par leur localisation géographique. En effet c’est beaucoup plus « vulgaire » que cela : d’un côté il y a les pays qui ont les moyens de payer et de l’autre ceux qui ne les ont pas. L'Égypte ne le peut pas, d’où ce qui s’y passe aujourd’hui. La Tunisie non plus. Mais à ce groupe nous pouvons ajouter l’Algérie, la Jordanie, la Syrie et le Pakistan (à ne pas oublier ô combien), tous importateurs de nourriture et dépourvus de pétrole pour les payer au prix fort. Dans ces pays-là il est presque inéluctable que les famines à venir entraîneront des bouleversements politiques importants, voire des guerres si les dirigeants successifs quels qu’ils soient ne parviennent pas à résoudre ces problèmes; et on ne voit pas très bien comment ils le pourraient.
En face nous avons les pays riches qui peuvent payer leurs importations de nourritures au prix fort : les monarchies du Golfe, l'Arabie Saoudite, la Libye, la Chine, l’Inde, le Japon etc... Tant que leurs gouvernements auront les moyens de payer leur nourriture il est probable qu’il n’y aura pas trop de tensions politiques où sociales. En revanche si un jour l’un d’entre eux, pour une raison où une autre, se retrouvait à court de trésorerie, des émeutes se déclencheraient certainement entraînant la chute du régime en place.
Nous en sommes là aujourd’hui en Égypte. Mais le changement de régime qui s’annonce ne changera rien aux problèmes de fond qui menacent le pays car le nouveau gouvernement, quel qu’il soit, se trouvera toujours avec à une population en expansion qu’il ne pourra plus nourrir et à laquelle il ne pourra pas plus donner de travail étant donné qu’une large partie des industries qui employaient de nombreux Égyptiens s’est délocalisée en ... Chine ; et ne parlons pas de tous les problèmes «annexes», si l’on peut dire : c’est-à-dire la pollution, le manque d’eau potable, les problèmes sanitaires dus notamment à l’absence d’infrastructures urbaines comme le tout à l’égout etc... sans compter ces maladies que nous avions soit-disant «éradiquées», choléra par exemple, qui réapparaissent de manière inquiétante.
En vérité la situation Égyptienne est un concentré de la situation à laquelle est confrontée l’humanité dans son ensemble.
C’est pourquoi à plus où moins long terme nous serons tous des Égyptiens.
Mais pour le moment tout le monde se réjouit à Cochon sur Terre, le meilleur des mondes.
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