Le Royaume de Sa Gracieuses Majesté est sans dessus dessous. Enfin c’est en tout cas ce qu’affirment nos médias de désinformation préférés. Car il paraîtrait que le Royaume-Uni serait en train de faire une expérience politique hors du commun, inouïe, comme on en a rarement vu; en bref une expérience politique qui nous prouve une fois encore, comme si cela était nécessaire, comme si nous ne savions pas à quel point nous sommes chanceux de survivre sous un régime aussi parfait en tout point, un régime aussi « tolérant » de ce qui est comme lui et bla bla bla... En bref un régime aussi immaculé que celui qui est le nôtre, un régime si pur et démocratique qu’il laisse à ses plus acharnés opposants la possibilité de se faire élire afin de faire de ce régime exemplaire de désinteressement de la chair à démocrates vertueux.
Bref Monsieur Nicholas Clegg, la nouvelle coqueluche des médias de désinformation, est l’attraction du jour au Royaume-Uni, et ce probablement jusqu’aux élections législatives du 6 mai. Bien sûr sa fulgurante ascension dans les sondages au lendemain de son premier débat télévisé avec M. Brown et le leader de l’opposition M. Cameron est étonnante pour le moins. Et le second débat de jeudi dernier confirma cette soudaine place proéminente au beau milieu de la scène politique britannique alors que l’on n’attendait personne d’autre que l’habituel dispute de marionnettes entre Tory et Labour.
Eh bien non. Désormais il semblerait qu’il y ait un troisième homme, un intrus invité par les électeurs sans que personne ne s’y attende, c’est à dire ceux qu’on avait oublié, où plutôt dont on avait oublié qu’ils pouvaient parfois provoquer des surprises aux partis institués. Comme en France lors du référendum sur la constitution européenne ; où en Hollande et ailleurs. Bien entendu on sait comment la Sacro Sainte volonté des peuples souverains fut respectée à la lettre, sans parler de l’esprit, le mauvais bien sûr.
Donc les Britanniques ont introduit le jeune leader des Dem-Lib dans l’arène politique en le propulsant, selon les sondages, au coude à coude avec les deux autres.
Mais pour quelles raisons un quasi inconnu jusqu’au débat télévisé du 15 Avril est-il soudain projeté en une nuit au premier rang de l’arène politique ? La réponse est simple. D’après les médias de désinformations c’est parce que M. Nicholas Clegg envoie un «stark message of change» aux électeurs.
Clegg has argued that Britain's "special relationship" with the United States is outmoded, that Britain can no longer afford to be the world's No. 2 policeman. He has called for the nation to consider reducing its nuclear deterrent and warned against "saber-rattling" on Iran.
(...)Though the leaders of Clegg's party have harshly criticized the handling of the war in Afghanistan, where Britain maintains the highest number of troops after the United States, they describe themselves as "critical supporters" of the effort and have not called for an immediate withdrawal.
In a speech Tuesday, Clegg bluntly called Britain's "linchpin" relationship with the United States a Cold War relic and said the invasion of Iraq was "illegal." He praised Obama, and his more internationalist stance, but maintained that both nations should rethink their priorities.
(Sources: Washington Post - 22 Avril 2010)
Ainsi il semblerait que l’ardeur de M. Clegg pour un « stark message of change » soit la cause de cet engouement des électeurs pour lui. Des électeurs et des médias de désinformation. Et il semblerait que cet engouement pour le changement, d’après ces derniers, toucherait des secteurs aussi variés que le nucléaire, les relations soit-disant « spéciales » avec les USA, les relations avec l’Europe, la question de l’Iran où encore l’invasion de l’Irak que M. Clegg qualifie avec raison d’« illégale ». D’aucun se sont empressés de le décrire, avec une originalité de la pensée qui est tout à leur honneur, d’Obama britannique. D’autres encore, où les mêmes, à propos de la question du remplacement des Trident, se sont précipités pour affirmer que M. Clegg était anti-nucléaire, comme Obama (ça promet...), etc, etc...
Qu’en est-il au juste de ce nouvel homme amateur de « changement radical » ?
Nous pouvons dire avec une certaine sérénité que jusqu’à présent rien dans ce qu’a déclaré M. Clegg au cours des débats télévisés ne peut faire penser d’une manière où d’une autre qu’il va procéder à des changements spectaculaires s’il lui arrivait de gagner les élections, ce qui est hautement improbable étant donné la nature éminemment démocratique du processus électoral anglais. Il lui faudrait 40% des voix pour prendre le pouvoir alors qu’il n’est crédité pour le moment que de 30 - 34% des voix contre 20% avant le premier débat. Ce qui est déjà un tour de force remarquable, certes, mais qui pourrait bien n’être que le reflet de la volonté des électeurs de montrer leur mécontentement envers les deux partis traditionnels plutôt qu’un attachement aux discours soit disant « novateurs » des Lib-Dem représentés par M. Clegg.
Car qu’y a t’il de véritablement nouveau dans le discours de M. Clegg ? Qu’a t’il dit qui puisse susciter cet espoir de changements aussi bouleversants que le laisse entendre les médias de désinformation ?
Sur l’Afghanistan il n’y a guère de différences que rhétoriques.
Clegg, who is now widely touted as the candidate of “change”, expanded on the Liberal Democrats’ manifesto pledge to be a “critical supporter” of the Afghan conflict. “The principle of the reason why we went into Afghanistan, why I supported our mission in Afghanistan, unlike the illegal invasion of Iraq, is to keep us safe,” he asserted. “So from that principle if we need to do that again we should."
Cameron had proclaimed “the ongoing operations in Afghanistan” were “vital to our national security. The strategy which has been in place since the end of last year is, I believe, broadly the right one; we must give it the necessary time and support to succeed.”
Brown spoke of Britain’s “clear strategy”, his raising the defence budget by 10 percent since 1997, and declared that “Labour’s commitment to supporting our forces in Afghanistan, and to defence and national security more widely, is non-negotiable.”
(Source: www.wsws.com)
Autant pour le Soudan, le Yemen et le reste, c’est-à-dire tous les endroits de la planète et de l’univers que l’imagination débridée des lobbyistes du complexe militaro-industriel et des stratèges en chambre du Pentagone jugeront soudain menaçants pour notre « sacro sainte sécurité » (SSS). Le mythe de l’Occident assiégé de toute part par des hordes de terroristes assoiffés de sang, bombes atomiques entre les dents est repris par les trois leaders, y compris le nouvel homme du changement à la mode, avec une unité touchante.
A ce propos d’ailleurs, celui de notre SSS (Sacro Sainte Sécurité), un peu d’encre a coulé sur le parquet lorsque les médias de désinformation ont affirmé que M. Clegg était un anti-nucléaire affirmé et convaincu à cause de sa position sur les Trident. Or M. Clegg n’a jamais dit qu’il voulait supprimer la force nucléaire britannique. Il a posé simplement la question de savoir s’il fallait remplacer les actuels Trident par d’autres sous-marins où s’il fallait se contenter de lanceurs d’engins nucléaires basés à terre. Mais la question centrale derrière tout cela était de savoir comment réduire les coûts sans affecter la capacité nucléaire britannique. Donc sur cette question non plus rien de nouveau sous le soleil à part le fait que cela permit aux deux autres pantins désarticulés de brandir notre SSS (Sacro Sainte Sécurité) gravement menacée par la Corée du Nord et l’Iran bien sûr. Heureusement que ces deux pays existent encore pour justifier les programmes d’armement de plus en plus délirant du Pentagone et de ses sous-traitants jusqu’à pomper plus de 25% du budget fédéral en armement uniquement (voir à ce sujet le discours de l’Ambassadeur Freeman dans notre post du 18 Avril 2010).
En ce qui concerne l’Europe, où parait-il M. Clegg est partisan d’une adoption de l’euro par la Grande-Bretagne, d’une part il n’en n’a pas soufflé mot au cours des débats télévisés, d’autre part il n’y a heureusement plus aucune chance que cela aboutisse jamais en raison de la crise qui met déjà sérieusement à mal les institutions européennes et la monnaie unique rien qu’avec la petite Grèce. Inutile de dire que l’intégration d’un pays encore plus ruiné et beaucoup plus important que la Grèce au sein de l’Euro-zone n’est pas pour demain. Et ce d’autant moins que nos amis allemands, bien plus lucides que les français, se montrent terriblement réticents à l’idée de verser quelque Euros que ce soit aux grecs. Alors pour les anglais...
A propos de l’immigration la position de M. Clegg s’est adaptée depuis son succès du premier débat télévisé. En effet lors du second débat Jeudi dernier M.Clegg déclara que son parti, en cas de victoire, réintroduirait les contrôles de sortie de territoire et que les immigrés seraient acceptés dans les endroits où on avait besoin d’eux uniquement si they “play by the rules, pay their taxes, [and] speak English”.
Là non plus rien de bien différent du discours officiel habituel des deux partis de gouvernement traditionnels.
Quant à l’amnistie concernant les immigrés illégaux se trouvant sur le territoire britannique (très impopulaire) que M. Clegg avait évoqué avant son succès télévisé il n’en n’a plus été question ; et il est fort probable qu’il n’en sera plus fait état jusqu’au jour d’après le scrutin. Voire à jamais enterrée.
En ce qui concerne les soit disant « special relationships » avec les USA si prisées par l’establishment anglais, M. Clegg a effectivement tenu un discours officiellement différent de celui qui se tenait habituellement jusque là puisqu’il a déclaré dans un discours mardi dernier :
"I think it's sometimes rather embarrassing the way Conservative and Labor politicians talk in this kind of slavish way about the special relationship," Clegg said. "If you speak to hard-nosed folk in Washington, they think it's a good relationship but it's not the special relationship." He later added, "They are moving on, why on earth don't we?"
C’est le moins que l’on puisse dire ! Et c’est en même temps une critique non voilée de Tony Blair et de toute sa politique d’alignement systématique sur les délires US. Mais même sur cette question, et c’est tout à son crédit, M. Clegg ne se démarque pas tant que cela d’un nombre grandissant de membres de l’establishment britannique, même si cette évolution importante de la vision anglaise des relations américano-britannique n’a pas été publiée au grand jour. En revanche on sait qu’elle fait depuis un certain temps déjà l’objet de fortes révisions du côté anglais, remises en cause que l’attitude extrêmement désinvolte de l’administration Obama vis-à-vis du soit-disant allié privilégié, comme sur la question des Malouines l’a montré dernièrement par exemple, n’a pas contribué à en adoucir la radicalité déchirante. Cela se traduirait, et la pression terrible de la crise ne fera qu’en accentuer la nécessité, par un engagement plus approfondi du Royaume-Uni vers l’Europe au détriment de ceux, usés, les liant encore aux USA. Car la vérité est que la «special relationship» a vécu.
Donc là non plus pas de révision extravagante dans la manière de penser par rapport à celle de l’establishment politique britannique même si Nicholas Clegg dit tout haut ce que de nombreux membres de l’establishment pensaient tout bas jusqu’à maintenant.
En revanche le seul point où le chef des Lib-Dem se démarque véritablement des deux autres partis concerne la guerre d’Irak. Il a qualifié cette guerre, comme déjà dit plus haut, d'illégale et a déclaré que ce fût une grande faute d’avoir envahi ce pays. En revanche il n’a rien dit de ce qu’il ferait s’il était porté au pouvoir le 6 Mai à ce propos. Il n’a pas dit s’il retirerait les troupes britanniques d’Irak et encore moins dans quels délais.
Obama, Hatoyama et maintenant Nicholas Clegg. Tous les trois furent présentés aux électeurs comme des « hommes de changement », des hommes qui ne feraient pas les mêmes erreurs que les précédents ; en bref des hommes qui ne seraient pas prisonniers du système puisqu’on allait jusqu’à dire qu’ils n’en faisaient pas partie. Bien entendu c’était faux pour les deux premiers et cela l’est tout autant pour le troisième.
D’autre part lorsque l’on voit le résultat des quelques mois d’exercice du pouvoir par Hatoyama et d’un peu plus d’une année par Obama, on ne peut pas dire que les résultats soient à la hauteur des hystéries et des espoirs déclenchés avant leurs élections respectives. Nous pouvons même affirmer que jusqu’à maintenant c’est le «business as usual» qui prédomine largement malgré les effets d’annonces que l’on nous sert régulièrement pour des raisons purement électorales. Or dans le cas de Nick Clegg nous pouvons observer les mêmes symptômes que pour Obama et Hatoyama : même frénésie enthousiaste, mêmes espoirs fabriqués de toute pièce de manière tout à fait irrationnelle, même prédictions d’un avenir radieux grâce à un « changement » dont on ne sait pas trop ce qu’il devrait recouvrir mais dont on soupçonne qu’il est désiré tout autant qu’il est craint. C’est en tout cas de cette manière que le décrit le chef du parti écossais SNP Alex Salmond :
He said: "It was billed as a historic event, but what we got was three Westminster politicians looking the same, sounding the same and saying nothing of relevance to Scotland."
(Source : The Scotsman - 23.04.10)
A part la mention de l’Ecosse que nous pourrions remplacer par UK nous souscrivons à cette opinion. Mais pour le moment il n’est pas sûr du tout que Nicholas Clegg puisse accéder au pouvoir. On donne plutôt les Torries gagnant sans obtenir de majorité, suivis des Lib-Dem puis du Labour (Sources: Sunday Times du 25.04.2010). En revanche il devient plus que probable que son parti servira d’arbitre dans un Parlement sans majorité, c’est à dire ce que l’on appelle un «hung parliament». En conséquence il y a de sérieuses possibilités qu’il soit amené à participer à un gouvernement de coalition, que ce soit avec le Labour où les Tory, et qu’il devra composer sur des questions où il règne déjà un certain consensus parmi les factions en cause. Chacun des trois leaders s’est d’ailleurs empressé d’évoquer cette possibilité et d’affirmer que son devoir serait d’accepter de participer à un gouvernement de coalition...
Le problème est que cette éventualité d’un gouvernement de coalition, et ce quelle que soit la composition de cette dernière, n’a rien pour rassurer les marchés et d’aucun anticipe déjà une chute vertigineuse de la livre sterling couronnée (sans jeu de mot) par un défaut de payement de la Grande-Bretagne d’ici la fin de l’année. Car, nous disent ces oiseaux de mauvais augure, peut-être un peu plus perspicaces que les autres, un gouvernement de coalition empêchera de prendre les mesures radicales nécessaires à la remise en ordre non seulement des finances du pays mais du pays lui-même d’ailleurs, saccagé par les politiques complètement nihilistes suivies depuis de trop longues années.
Nous verrons donc mais il ne faut pas avoir trop d’espoirs en ce qui concerne le réformisme auto-proclamé de M. Nick Clegg, et ce d’autant moins que celui qu’il cite le plus reste M. Obama...
1 commentaire:
http://www.securitytechnologyjournal.com/
Cochon qui s'en dédie,
Honni soit qui mal y cochonne.
Groiiink!
Enregistrer un commentaire