mardi 20 avril 2010

Présidentielles 2012: Obama 42% - Ron Paul 41%. Le sondage Rasmussen où l’extension du domaine du désordre.

(Notes: tous les pourcentages indiqués dans ce post proviennent de l’enquête publiée par la société Rasmussen du 14 Avril 2010 à moins qu’une autre source ne soit spécifiquement indiquée).


A la Chronique de Cochon sur Terre nous soutenons depuis longtemps déjà qu’un changement majeur est en train de prendre place aux USA et qu’il pourrait se traduire à travers des événements tout à fait imprévisibles entraînant des bouleversements tels qu’ils pourraient remettre en cause l’existence de ce pays dans sa configuration géo-politique actuelle. 

Nous soutenons également que ce changement majeur aura des conséquences très importantes pour le monde étant donné que l’influence des USA telle qu’on la connaît aujourd’hui s’évanouira et que cela amènera les autres puissances, qui s’y préparent déjà pour les plus lucides d’entre elles, à combler les vides ainsi crées par cette disparition.

De plus nous soutenons également que les causes de ces changements majeurs non seulement ne viennent pas de l'extérieur des USA et ne se feront pas non plus d’un seul coup comme un coup de tonnerre dans un ciel serein. Les origines de ces transformations sont purement internes, américaines donc, et elles sont en ce moment même à l’oeuvre, cela depuis déjà de nombreuses années, même si la crise accélère cette tendance de manière impressionnante, à tel point que l’on ne peut que rester très prudent et très attentifs vis à vis des événements en se gardant bien d’en tirer des conclusions trop hâtives.


Le 14 Avril furent publiés les résultats d’un sondage Rasmussen. Tout en sachant à quel point il faut se méfier des sondages, en raison entre autre de la manière dont ils sont menés, et même si en l'occurrence la probité de Rasmussen n’est pas à mettre en cause, nous voulons commenter ce dernier qui nous semble extrêmement intéressant car il confirme à nouveau la vitesse à laquelle les mentalités et les esprits évoluent en profondeur aux USA, essentiellement dirons-nous depuis l’effondrement de Lehman Brothers le 15 Septembre 2008.

Sur quoi porte donc ce sondage ? En résumé il traite de la montée grandissante du mécontentement des américains vis à vis de l’establishment, c’est à dire de Washington et du Congrès particulièrement. En d’autre termes il révèle à quel point la légitimité supposée de l’establishment auprès de l’opinion américaine est en train de s’éroder à une vitesse spectaculaire. Et cette perte de légitimité se manifeste de manières très diverses, dans une grande confusion, sans qu’elle soit organisée où canalisée... En attente de ceux, celui où celle qui se montreront assez habiles pour le faire. S’ils viennent.


Que nous dit ce sondage ? 


Il nous révèle que si les élections présidentielles de 2012 avaient lieu aujourd’hui avec pour finalistes Obama contre le Rep. Ron Paul ils obtiendraient quasiment le même nombre de voix, c’est à dire 42% pour le président sortant et 41% pour Ron Paul. Le score d’Obama n’est pas vraiment surprenant et ne montre rien de particulier si ce n’est sa chute vertigineuse de popularité en si peu de temps. En revanche la surprise vient du score de Ron Paul, membre de la chambre des Représentants, enfant terrible du Parti Républicain (il serait plus juste de le définir comme un dissident du Parti, de la branche des " libertarian ") à tel point que nombre de Républicain pensent qu’il n’en n’est pas un, où plutôt qu’il n’est pas en accord avec les idées dominantes du Parti. On pourrait s’interroger légitimement de savoir de quoi on parle à ce sujet...


Au delà de ce score, très impressionnant si on le compare à celui que le même Ron Paul aurait obtenu en 2008, toujours d’après un sondage Rasmussen: 10% de tous les votants contre 41% aujourd’hui !

Mais la question principale est désormais de savoir qui voterait pour Ron Paul, quels sont ceux qui lui donneraient 42% des voix. D’où viennent-ils ? A quel côté du spectre politique appartiennent-ils ? Sont-ce des Républicains, des « extrémistes »  dangereux de l’extrême droite ainsi que les dépeignent les bien-pensants du Faubourg Saint-Germain et les membres de l’Establishment Washingtoniens, des néo-cons où des fous de dieu version protestante américaine ? 


Eh bien non. D’après ce sondage les 41% de Ron Paul ne proviennent pas en majorité du parti républicain. Il suffit d’ailleurs pour s’en convaincre de voir les réactions ulcérées de bien des républicains face à la popularité grandissantes du Représentant, certains d’entre eux l’accusant de détruire l’unité du parti, ce qui est vrai mais pas de la façon dont ils l’envisagent comme nous le verrons.


  • En effet les électeurs votant pour Obama viendraient à 79% du parti démocrate mais « seulement » 66% des républicains voteraient pour Ron Paul. 
  • D’autre part 95% de la classe politique voterait pour Obama s’il avait pour adversaire Ron Paul à des présidentielles tandis que 58% du « mainstream voters » se prononcerait en faveur de Ron Paul. 
  • Pour enfoncer le clou 47% des votants non affiliés à un parti donneraient leurs voix à Ron Paul contre 28% pour Obama...


N’est-ce pas étonnant ! Ce qui est d’autant plus intéressant c’est que la popularité et l'intérêt grandissant pour Ron Paul dans l’opinion publique américaine va de pair avec la progression toujours plus grande de l’influence du Tea Party Movement dans le pays tout entier, cela malgré son absence de cohésion, la nébuleuse d’opinions diverses qui se contredisent, voire pourraient être antagonistes, et le manque de direction. 

S’agirait-il dés lors créer de un lien entre ceci et cela ?

C’est à dire relier cette absence de direction du Tea Party Movement, qui n’est toujours qu’une mouvance aux contours indéfini et sans programmes véritablement concret, relier donc cette nébuleuse qui s’agrandit au fur et à mesure que le mécontentement augmente dans la population avec la popularité croissante de Ron Paul ? En fin de compte ces deux développements parallèles finiront-ils par se rejoindre pour engendrer un mouvement dont le représentant serait ... Ron Paul ?


En tout cas, sans le dire expressément, l’institut de sondage Rasmussen, lui, a fait le lien entre les deux puisque si une partie du sondage porte sur Ron Paul l’autre porte bien sur le Tea Party Movement ET Ron Paul. Qu’on en juge.


  • D’abord 24% des votants se considère comme membre du Tea party Movement ! Chiffre considérable, en augmentation de 8 points par rapport au mois dernier, à mettre en parallèle au mécontentement général.
  • 96% de ces même votants pensent que le pays est trop taxé.
  • 94% de ces même votants font plus confiance au jugement de la population US que celui de l’oligarchie politique et économique.
  • 48% de tous les votants se sentent plus proches d’un membre du Tea Party Movement que ne pourrait l’être Obama contre 44%.
  • 39% de tous les votants ont une opinion favorable de Ron Paul contre 30% et 32% sans opinion.


Il ne faut pas perdre de vue qu’en 2008 Ron Paul n’était crédité que de 10% des voix au cas où il aurait été le nominé du Parti Républicain contre Obama. La progression est spectaculaire. Le plus intéressant de tout cela est que Ron Paul, bien qu’il soit membre du Congrès depuis des années, non seulement n’est pas assimilé à l’establishment washingtonien par les électeurs en général mais n’est pas non plus assimilé à un républicain, où plutôt à l’image déformée que l’on se fait aujourd’hui d’un républicain après le passage traumatisant de Bush Jr, Cheney, néo-cons et compagnie. D’ailleurs 75% des électeurs républicains jugent que les membres du Congrès sous étiquettes républicaines ne sont plus sur la même longueur d’onde que leurs électeurs.

Ce qui mérite attention est que les deux principales mesures que n’a cessé de prôner Ron Paul depuis des années, en particulier lors de ces nombreuses interventions au Congrès, sont devenues soudain les préoccupations majeures des américains dans leurs ensemble, à savoir:



  • Budget fédéral équilibré
  • Opposition constante à toute intervention militaire extérieure.


Ainsi le résume Justin Raimondo:


Paul has consistently emphasized two themes that successfully capture the sentiments of the average American voter, and address the top two issues on their minds: 1) Fiscal sanity, and 2) A non-interventionist foreign policy. As regards the first point, Ron is the foremost opponent of government spending in Congress, and has earned the sobriquet "Dr. No" many times over. But of course practically all Republicans at least pay lip service to this ideal, although none that I know of lives up to it like Dr. Paul. However, it’s the second point – opposition to imperialism, and especially opposition to our crazed post-9/11 foreign policy of perpetual war – that is the key. (Sources: www.antiwar.com)


Or ces deux thèmes sont les plus petits communs dénominateurs des Tea Partiers. Ce sont ces deux sujets qui réunissent le plus sûrement les membres de cette nébuleuse qui, par ailleurs, proviennent souvent d’horizons très divers voir opposés.

De plus ces deux thèmes sont intrinsèquement liés l’un à l’autre. En effet il serait impossible de réduire les déficits fédéraux et de revenir à un équilibre budgétaire sans renoncer à l’empire, c’est à dire aux bases militaires à travers le monde, ce qui signifie renoncer à la politique de la force qui est celle des USA depuis bien longtemps, et plus particulièrement depuis 09.11. Mais même cela serait notoirement insuffisant. En effet dans cette optique de réduction drastique de tout déficit fédéral des coupes spectaculaires dans le budget militaire ne pourraient pas être évitées surtout lorsque l’on connaît le véritable montant de ce dernier. 


Only a bit over sixty percent of our military spending is in the Department of Defense budget, with the rest hidden like Easter eggs in the nooks and crannies of other federal departments and agencies' budgets. If you put it all together, however, defense-related spending comes to about $1.2 trillion, or about eight percent of our GDP. That is quite a bit more than the figure usually cited, which is the mere $685 billion (or 4.6 percent of GDP) of our official defense budget. Altogether, we spend more on military power than the rest of the world — friend or foe — combined. (This way we can be sure we can defeat everyone in the world if they all gang up on us. Don't laugh! If we are sufficiently obnoxious, we might just drive them to it.) No one questions this level of spending or asks what it is for. Politicians just tell us it is short of what we require. We have embraced the cult of the warrior. The defense budget is its totem. (Sources: Amb. Chas W. Freeman speech to the foreign affairs retirees  of Northern Virginia - Arlington, Virginia - 24.03.2010)


Cette situation extraordinaire, dénoncée depuis des années par nombre d’américains lucides comme étant catastrophique pour les USA, notamment le fardeau des guerres qui ne se terminent jamais et qui ne font qu’alourdir un peu plus la facture globale du budget de la guerre pour le plus grand et le seul profit du lobby militaro-industriel, cette situation donc devra cesser un jour, un jour qui se rapproche de plus en plus rapidement, qu’on le veuille où non. De ce fait le parti des anti-war pourra se targuer d’avoir eu raison envers et contre tous, et Ron Paul se situera, et se situe déjà, comme leur leader incontesté et incontestable. 

N’est-il pas un des très rares à avoir dénoncé et à avoir voté contre la guerre en Irak, et ce depuis le début ? N’est-il pas un des seuls membres du Congrès à dénoncer les budgets extravagants du Pentagone votés chaque année sans un murmure, à part le sien ? N’est-il pas encore le seul où l’un des seuls à dénoncer sans se lasser la politique de la FED, les bailouts des petits copains de Wall Street et tout le reste ? N’est-il pas un des seuls à s’opposer sans cesse aux demandes de crédits incessantes du gouvernement fédéral ?


Or  après avoir été dans la solitude quasi complète pendant des années, après avoir essuyé un mépris condescendant de la part de l’establishment, républicains comme démocrates d’ailleurs, à chacune de ses interventions au Congrès, bref après avoir passé pour l’empêcheur de tourner en rond un peu à côté, le voilà soudain qui se trouve en complet accord avec une population de plus en plus furieuse contre l’oligarchie au pouvoir. Voilà que tout à coup Ron Paul le mal-aimé semble apparaître aux yeux d’une partie grandissante des américains comme le seul à avoir dénoncé les pratiques anciennes votées par tout le monde et annoncé les conséquences de toute ces folies. Or aujourd’hui le résultat prédit par Ron Paul est là, à notre porte, voire dans la maison. Du coup il sort de l’ombre avec l’auréole du prophète au-dessus de la tête.  


Ce sondage nous permet de confirmer plusieurs points:

  • Le rejet de l’oligarchie au pouvoir se fait de plus en plus intense et se radicalise au fur et à mesure que la crise perdure où s'accroît.
  • Ce rejet a besoin d’être canalisé sous peine d’exploser et de devenir incontrôlable. Pour ce faire il faut que ce rejet, cristallisé principalement et pour le moment dans le Tea Party Movement, s’incarne dans un leader sous peine d’exploser dans l’anarchie la plus complète avec des conséquences très préoccupantes pour la stabilité et  la pérennité du pays tel qu’il est constitué aujourd’hui.
  • Il semblerai que Ron Paul pourrait devenir cette incarnation tant recherchée de ce rejet global du système qui se caractérise pour le moment et principalement par le refus d’un Etat fédéral interventionniste allant de pair avec une orthodoxie budgétaire stricte et un abandon des politiques dîtes «wilsoniennes» d’interventions militaristes tout azimuts.


Maintenant Ron Paul acceptera t’il de devenir le leader de ce mouvement grandissant d’opposition au régime washingtonien si la place lui était offerte ? Rien n’est moins sûr d’après ses propres dires. De plus il ne faudrait pas croire que l’establishment restera sans réagir. Nous pouvons même dire qu’il a déjà commencé en la personne du chef du FBI Robert Mueller qui a déclaré au cours de son audition au Congrès le 15 Avril dernier que la menace terroriste interne, c’est à dire née aux USA et fomentée par des américains, était désormais aussi préoccupante que celle venant de l'extérieure.  


“home-grown and lone-wolf extremists” now represent as serious a threat as Al Qaeda and its affiliates,

An FBI spokesman said Friday that Mueller was referring to right-wing extremist groups and anti-government militias, as well as American Islamists, in his testimony to the Senate committee that must approve the FBI’s $8.3 billion budget.

The White House was careful to emphasize that the threat of external terrorism remained acute but senior officials are privately confident that military operations in Afghanistan are going well and putting Al Qaeda on the back foot.

Few people in Washington are as confident about the domestic threat. 

(Sources: Fox News - 17 Avril 2010)


Cà promet !

Inutile de préciser que le terme «anti-government» peut-être employé d’une manière particulièrement large, ainsi que le permettent les lois de Busch Jr, non seulement jamais abolies ni même amendées mais utilisées au maximum de leur potentiel liberticide par l’actuelle administration au détriment des citoyens américains eux-mêmes. C’est ainsi que le qualificatif de «right wing extremists» utilisé par tous les caciques du régime en place à Washington sert aussi bien à dénoncer les terroristes que des opposants politiques, particulièrement les libertariens membres du Tea Party Movement, sans parler des «tenth amendment restorationists», des «regionalists» où des «secessionists» etc, bref tous ceux qui veulent une limitation du pouvoir central comme prévue par le dixième amendement. A noter que cette interprétation du fameux dixième amendement fût déjà la cause de la guerre de Sécession. Or cela redevient le point commun des revendications de toutes sortes qui fusent à travers le pays.


Alors Ron Paul deviendra t’il le représentant du Tea Party Movement ? Sera t’il présent à la prochaine présidentielle en 2012 ? Personne n’en sait rien.

En revanche ce sondage nous confirme à nouveau si besoin était que le désordre général grandit de manière endémique et que le ressentiment de la population contre l’establishment  pourrait se transformer plus radicalement encore si la crise s’aggravait; ce qu’elle ne manquera pas de faire. Et si l’establishment, qui commence à paniquer apparemment, réagit en traitant de «terroristes» les citoyens américains qui s’opposent de plus en plus fortement à eux, cela risque de mal tourner. Car si l’histoire ne se répète pas, l’homme, lui, n’apprend pas grand chose des expériences du passé et a tendance à réagir toujours de la même manière...


Mais pour le moment tout le monde est content à Cochon sur Terre, le meilleur des mondes.

1 commentaire:

allolaterre a dit…

Bonjour,
je viens de lire votre dernier article. J'ai pris le temps de venir plusieurs fois sur votre blog, mais jamais d'y glisser un petit commentaire. J'ai beaucoup appris sur l'ambiance politique aux US.
Nous nous sommes rencontrés dans un magasin d'alimentation à San Francisco, il y a un peu moins d'un an. J'étais en vacances avec ma fille et mon mari, nous cherchions un magasin bio - en bon Français que nous sommes, nous avions parlé durant une bonne heure entre salades et sauces.
Nous retournons cet été dans le Colorado, c'est dire si nous aimons les US.
Bonne continuation pour vos articles.
PS : au fait, j'espère que votre projet de livre sur les US se concrétise.
A+
Sabine