Oserons-nous vous l’avouer cher lecteur ?
Vous nous connaissez suffisamment pour savoir que nous répondrons à l’image de certains autres : « yes we can ». La différence est que nous le ferons vraiment.
En effet nous ne pouvons nous résoudre à vous cacher que nous sommes émerveillés, et cela de façon exponentielle, par le spectacle de Cochon sur Terre se débattant dans sa bauge. Eh oui, cher lecteur, qui l’eût cru ? A nos yeux ce spectacle commence à tenir du prodige ; plus ce dernier se développe en de multiples ramifications de plus en plus enchevêtrées les unes dans les autres, toutes plus contradictoires les unes que les autres, toutes finissant toujours immanquablement de manière grotesque, bref plus cela dure plus nous nous demandons s’il y aura une fin à tout ce cirque fascinant ; un prodige de grotesque empilé sur une montagne de ridicule le tout empaqueté dans l’infantilisme le plus sordide... Autant vous le dire, cher lecteur, nous en serions presque ensorcelés ; non, décidément, nous ne pouvons plus nous détacher du spectacle de plus en plus extravagant que nous offre si généreusement Cochon sur Terre. Nous en venons même à penser que nous pourrions être reconnaissants à tous ces pitres de nous distraire autant ; malheureusement c’est à leur corps défendant et nous ne pouvons donc pas les remercier des bons moments qu’ils nous donnent puisqu’ils ne le font pas exprès. Bien au contraire, s’ils savaient qu’ils nous distraient tant ils seraient furieux et horriblement vexés.
Car n’oubliez pas, cher lecteur, qu’un bipède qui se prend au sérieux est un des signes les plus infaillibles pour reconnaître un citoyen de Cochon sur Terre.
L’Irlande n’est donc pas en faillite, qu’on se le dise.
Le « tigre celtique », le pays que tout le monde avait coutume de citer en exemple au temps de la gloire de Cochon sur Terre, lorsqu’il fallait une preuve bien concrète pour nous mettre le nez dans notre ringardise pathétique, notre frilosité tragique de « pays vieux » qui ne se « bougeait » pas assez ; bref, dés qu’il fallait s’auto-critiquer l’Irlande nous servait de modèle. Le « tigre celtique » avait tout bon et nous avions tout faux. Dubaï également était un contre-exemple de choix sans parler de l’Angleterre sous le règne idyllique de Tony le va-t’en-Blair. Ceux-là nous étaient fourrés sous le nez toutes les fois qu’il s’agissait de nous faire honte de notre « immobilisme » criminel...
Nous en fûmes presque assommés !
Nous ne fûmes pas les seuls apparemment.
Car aujourd’hui le « tigre celtique » gît à terre, la langue pendante, un peu blanche parait-il, couché sur le dos, les pattes en croix, anéanti. On va bientôt lui faire la peau semble t’il. Heureusement pour lui, le commerce des peaux de tigre est interdit, notamment par l’Union Européenne et le FMI qui se sont tout à coup découvert un amour des bêtes des plus touchant. Cela dit ce ne sont pas les seuls car l’Allemagne et la Grande-Bretagne se sont tout à coup trouvés une passion telle pour les tigres en voie de disparition pour cause de noyade financière que ces deux pays sont prêts à passer à la caisse ! C’est dire l’étendue de cette soudaine passion réellement toute neuve !
Car souvenez-vous, cher lecteur, qu’il y a à peine quelques mois de cela, lors de la tragi-comédie grecque, la Grande-Bretagne avait refusé hautement de participer à un quelconque plan de sauvetage que ce soit et ce pays avait également ignoré dédaigneusement le plan mirifique de l’UE destiné à sauver du désastre tout pays européen un peu plus nécessiteux que d’habitude. Quant à l’Allemagne, que de supplications il fallut pour lui faire accepter de renflouer la Grèce et de participer au plan de soutien aux pays en voie de noyade financière !
Eh bien curieusement, cher lecteur, aujourd’hui ces deux récalcitrants non seulement sont montés au créneau pour sauver la peau du tigre irlandais mais en plus ils fulminent de fureur face aux réactions pour le moins sans enthousiasme des irlandais eux-mêmes qui menaçaient de refuser toute aide d’où qu’elle vienne il y a encore quelques jours de cela ; ils n’en n’avaient pas besoin, argumentaient-ils ; de plus d’autres Irlandais se récrient d’indignation face à ce qu’ils voient comme un abandon inacceptable de leur souveraineté nationale au cas où ce qu’ils voient comme les oukases de l’UE et du FMI serait acceptés en échange du bel et bon argent fraîchement imprimé pour la circonstance qui permettrait, parait-il, au système bancaire irlandais de ne pas s’effondrer lamentablement dans la poussière des chantiers de construction arrêtés pour cause de crise immobilière précisément.
Le plus comique c’est que les mêmes qui s’indignent aujourd’hui contre un abandon de souveraineté n’ont jamais bronché lorsqu’il s’agissait d’ingurgiter avec voracité les sommes énormes reçues de l’UE pendant de longues années ; cette manne, à notre connaissance, n’a jamais provoqué de problème de conscience quant à une éventuelle atteinte à la souveraineté nationale, sans parler d’honneur et encore moins de fierté évidemment puisque, comme vous le savez, cher lecteur, la fierté est un attribut indispensable de tout citoyen de Cochon sur Terre. Vous ne pouvez d’ailleurs pas ouvrir un journal de désinformation à Cochon sur Terre sans apprendre à quel point tout le monde est fier de tout et n’importe quoi ; c’est-à-dire à quel point tout le monde est fier d’être un citoyen de Cochon sur Terre, le meilleur des mondes (vous connaissez cela...).
Il y a quelques jours donc l’Irlande était en faillite mais n’avait pas besoin d’argent ; rien que de très logique. Changement de ton depuis Dimanche soir : les Irlandais ne sont pas en faillite mais ont besoin d’argent.
Car ces derniers ont finalement accepté une petite obole de l’UE et du FMI d’à peu près € 70-90 milliards, uniquement pour faire plaisir aux prêteurs et leur permettre ainsi de mieux dormir la nuit bien entendu. Car le gouvernement Irlandais insiste lourdement pour que le monde entier sache bien qu’ils ne sont pas du tout en faillite ; non, ils ont juste besoin très temporairement d’un fond de trésorerie des plus minime.
Etonnant ?
En réalité non. Si le gouvernement irlandais a refusé de demander officiellement des prêts à l’UE depuis une semaine, une des raisons serait qu’il s’agissait pour lui de créer une situation intenable pour les autres pays à risque de l’UE (Portugal et Espagne) en faisant monter leurs taux de financement sur les marchés. Ce pari aurait permis aux Irlandais d’arriver finalement à la table des négociations en position de force et de pouvoir se permettre de ne pas accepter toutes les exigences d’une UE et d’un FMI paniqués à l’idée que la crise irlandaise ne se répande à tous les PIGS. C’est ainsi que, semble t’il, les Irlandais sauvèrent leur taux d’imposition sur les sociétés à 12,5% (pour combien de temps ?) alors que de nombreux membres de l’UE voulaient le voir relever à cette occasion, à commencer par la France et l’Allemagne. Ce serait donc par ce stratagème que les Irlandais obtinrent de leurs créditeurs des conditions plus souples que s’ils avaient demandé de l’aide sans autre.
Ceci dit cher lecteur, ne vous y trompez pas svp ; vous avez parfaitement compris que la situation n’est pas grave du tout puisqu’il ne s’agit absolument pas d’un problème de dette mais d’un problème très passager de liquidité. Alors vous voyez bien qu’il n’y a pas de quoi paniquer, et encore moins de s’affoler... Un malencontreux problème infinitésimal de liquidité, un peu comme celui que les banques US ont connu en Septembre 2008. Avouez qu’il n’y a franchement pas de quoi en faire une montagne, surtout que deux ans après ce problème passager toutes les banques US, anglaises et compagnie se trouvent dans une situation financière idyllique et que la reprise tant espérée nous a déjà montré de quel bois elle se chauffait. A noter que tout cela est en parfait accord avec les prédictions de nos gourous illuminés préférés, Bernanke, Geithner et tuti quanti.
Pourtant il y a des attitudes incompréhensibles.
Par exemple celle des Allemands et des Anglais. Pourquoi sont-ils si paniqués à l’idée que le tigre celtique puisse passer de vie à trépas ? Etant donné qu’ils étaient prêts à payer vous pouvez imaginer, cher lecteur, l’étendue de la panique qui les a saisi, surtout les Anglais dont la situation n’est probablement pas meilleure que celle des Irlandais et qui pourraient fort bien se retrouver prochainement en première ligne sur la liste des candidats au défaut de payement. Pourtant, depuis Dimanche soir, ces derniers vont payer « royalement » environ € 8 milliards pour aider les banques irlandaises, milliards imprimés probablement tout spécialement pour la circonstance.
Pourquoi tant de générosité lorsque l’on est soit même au bord de la banqueroute ?
Tout simplement parce-que si le système bancaire irlandais s’effondrait cela aurait des conséquences catastrophiques sur les systèmes bancaires anglais (en partie nationalisé et dont la banque la plus exposée en Irlande est RBS) et allemand. Car les banques anglaises et allemandes ont à elles seules des créances sur les banques irlandaises qui sont plus importantes que le PIB de l’Irlande, c’est-à-dire entre € 450 milliards et € 500 milliards d’euros soit € 224 milliards pour les Anglais (Sources: Bank of International Settlement) et € 206 milliards pour les Allemands (Sources: Bundesbank). Le montant total des créances des banques étrangères sur les banques irlandaises se monte lui à 320 % du PIB de l’Irlande, les banques françaises et US détenant chacune des créances d’environ € 57 milliards (Sources: Bank of International Settlement).
Voilà, cher lecteur, la vérité ; tout le monde se tient par le menton et si l’un se casse la figure les autres suivront immanquablement. Pourtant tout le monde s’obstine à sauver ceux par qui le désastre est arrivé ; les banques. Tous les plans qui furent mis en application jusqu’à aujourd’hui (des USA à l’Irlande en passant par la Grèce et la GB), tous n’ont eu pour but que le sauvetage des banques dont l’avidité sans limite (sans qu’elles soient les seules responsables puisqu’il s’agissait bien d’une hystérie collective) a créé la situation de faillite générale actuelle. Le problème est qu’en renflouant ces banques à fond perdu on ne fait que prolonger une situation artificielle en maintenant en vie des établissements qui auraient dû être abandonnés à leur sort au lieu de mettre en péril les finances publiques à leur profit.
Au lieu de restructurer ces dettes et de couper les branches pourries on maintient sous perfusion des banques croulant déjà sous les dettes en leur prêtant de l’argent qu’elles ne pourront jamais rembourser. Et nous ne parlerons pas des Etats dans la même situation... Plutôt étrange comme aide : à ceux qui meurent d’avoir trop de dettes on leur propose de faire encore plus de dettes pour s’en sortir...
Comme si les dettes n’étaient pas LE principal problème de toute la crise que nous connaissons depuis le départ ! Pourtant on continue à agir comme si les dettes n’étaient pas le problème mais la solution.
Pourtant tous nos gourous s’obstinent encore aveuglément à croire (car ils ne pensent pas) que le système qui consistait à faire fonctionner une économie à coup de dettes toujours plus grandes pourrait durer éternellement. Comme si les dettes pouvaient monter jusqu’au ciel sans aucun inconvénient, simplement en remboursant de temps en temps les intérêts sans penser au capital ; comme si Dame Croissance serait toujours là pour soutenir cette folle fuite en avant, ce délire irresponsable consistant à croire que tout irait toujours pour le mieux dans le meilleur des mondes possible « ad vitam aeternam ». Et pourtant c’est exactement l'expérience qui fût tenté par une humanité en délire et nos gourous illuminés tentent toujours désespérément de sauver le Titanic alors que celui-ci a déjà heurté de plein fouet l’iceberg de dettes qui l’enverra par le fond en moins de temps qu’il n’en faudra pour l’évacuer, bien qu’il soit réputé insubmersible. Car il s’agit désormais, au cas où quelque chose puisse encore être épargné, non plus de faire plus de dettes pour sauver un système déjà mort mais de se désendetter, qu’il s’agisse des ménages, des entreprises où des Etats. Nos gourous illuminés ne savent pas encore que leur époque de gloire est passée et que nous sommes désormais entrés dans l’ère de la réduction des dépenses (ah ah ah). Le problème est qu’ils n’ont jamais compris la signification de ce terme sans parler de « vivre selon ses moyens ». Car ils ne savent pas encore qu’il n’existe pas de «free lunch».
Nous assistons donc à la redite de ce qui s’est déjà passé avec la Grèce : on soigne le mal par le mal en espérant que cela marchera. Et l’on a l’intention de poursuivre dans cette voie suicidaire avec le Portugal, voire l’Espagne... Le prochain sur la liste parait être le Portugal malgré les assurances de son gouvernement que personne ne prend très au sérieux. Il suffit de voir monter les taux d'intérêts pour s’en convaincre. S’il est le prochain le Portugal sera aussi le dernier car les suivants seront beaucoup trop gros pour être sauvés. Et cela commence par l’Espagne qui représente 12% du PIB de l’UE, c’est-à-dire le double de l’Irlande et de la Grèce et dont les besoins de financement se monteraient à € 500 milliards (à titre de comparaison le budget de la France, seconde économie de l’UE, était en 2009 d’à peu près € 400 milliards)... Inutile de vous faire un dessin, cher lecteur, pour vous faire comprendre que cela n’arrivera pas. Et que se passera t’il lorsque ce sera au tour de la Grande-Bretagne, même s’il n’incombe pas aux membres de la zone Euro de faire quoi que ce soit pour l’aider ? Que se passera t’il lorsque ce seront les USA qui auront les problèmes de financement qui leur pendent au nez ? Où le Japon ? Mais nous pouvons tout aussi bien se poser la même question pour la France.
C’est pourquoi circulent déjà dans les couloirs des chancelleries européennes, notamment entre Berlin et Paris, des murmures à consonances désagréables, des mots très grossiers, des phrases iconoclastes, bref des propos que ne tiennent pas des gens bien élevés.
Qu’est-ce à dire ?
Des mots comme « rééchelonnement » ; des mots comme « restructuration de la dette» ; des expressions atroces comme « faire payer les créditeurs », au moins en partie. Quelle pourrait bien être la signification de tout cela ? Eh bien en clair cela signifie que personne n’étant capable de payer ses dettes il n’y aura pas d’autres solutions que de faire défaut sur sa dette d’une manière où d’une autre. Comme l’Argentine il y a quelques années. Et selon les bruits en provenance de Berlin l’idée de faire payer les créanciers au moins en partie, c’est-à-dire leur faire abandonner une partie de leurs créances au profit du débiteur, cette idée a de grandes chances de devenir une règle de base même si pour le moment on nous assure que tout cela n’est que pure fantasmagorie.
La vérité crue est que les dettes empilées follement pendant des années ne seront jamais remboursées car personne n’en n’a les moyens.
Ce seront des temps difficiles car il faudra que nos politiciens bien-aimés tout comme chaque citoyen de Cochon sur Terre, il faudra alors que tout ce beau monde qui a survécu pendant des décennies avec de l’argent qui n’existait pas, c’est-à-dire de l‘argent magique, réapprenne à vivre selon ses moyens, avec de l’argent sonnant et trébuchant. Cela sera dur car il y aura beaucoup moins d’argent. Et cela sera d’autant plus dur qu’ils devront soudain prendre conscience que l’existence ne se déroule pas dans un grand parc d’attraction, un Disney Land à l’échelle planétaire, un mall où l’on peut acheter tout ce que l’on veut sans en avoir besoin et sans même avoir l’argent pour payer.
Cela signifiera également que la fin de l’argent à gogo pour rien scellera la fin des promesses électorales impossible à tenir, la fin de l’illusion collective que le paradis sur terre se trouve au coin de la rue. Allez poussons l’insanité jusqu’à faire preuve d’optimisme : peut-être cela obligera-t’il les politiciens de service à se montrer plus courageux et aux électeurs à se montrer moins stupides.
Regardez bien autour de vous, cher lecteur, regardez bien le monde dans lequel vous avez survécu jusqu’à aujourd’hui.
Regardez le bien car il s’en va.
Regardez le bien car il est mort.
Regardez autour de vous et demandez vous quelle forme prendra celui qui vient.
Regardez et demandez-vous si vous pouvez contribuer au monde qui vient sans vous accrocher à celui qui s’en va.
Enfin regardez au-dedans de vous afin de savoir si le monde que vous portez en vous aura de l’amitié pour le monde qui est en train d’émerger au-dehors.
Ce dernier point n’est pas une nécessité. C’est d’autant moins une obligation que ce qui vient ne sera pas forcément meilleur que ce qui s’en va. Ce sera peut-être pire.
Mais de toute manière chacun devra faire ses préparatifs... de départ.
Mais pour le moment tout le monde est content à Cochon sur Terre, le meilleur des mondes.
Vous nous connaissez suffisamment pour savoir que nous répondrons à l’image de certains autres : « yes we can ». La différence est que nous le ferons vraiment.
En effet nous ne pouvons nous résoudre à vous cacher que nous sommes émerveillés, et cela de façon exponentielle, par le spectacle de Cochon sur Terre se débattant dans sa bauge. Eh oui, cher lecteur, qui l’eût cru ? A nos yeux ce spectacle commence à tenir du prodige ; plus ce dernier se développe en de multiples ramifications de plus en plus enchevêtrées les unes dans les autres, toutes plus contradictoires les unes que les autres, toutes finissant toujours immanquablement de manière grotesque, bref plus cela dure plus nous nous demandons s’il y aura une fin à tout ce cirque fascinant ; un prodige de grotesque empilé sur une montagne de ridicule le tout empaqueté dans l’infantilisme le plus sordide... Autant vous le dire, cher lecteur, nous en serions presque ensorcelés ; non, décidément, nous ne pouvons plus nous détacher du spectacle de plus en plus extravagant que nous offre si généreusement Cochon sur Terre. Nous en venons même à penser que nous pourrions être reconnaissants à tous ces pitres de nous distraire autant ; malheureusement c’est à leur corps défendant et nous ne pouvons donc pas les remercier des bons moments qu’ils nous donnent puisqu’ils ne le font pas exprès. Bien au contraire, s’ils savaient qu’ils nous distraient tant ils seraient furieux et horriblement vexés.
Car n’oubliez pas, cher lecteur, qu’un bipède qui se prend au sérieux est un des signes les plus infaillibles pour reconnaître un citoyen de Cochon sur Terre.
L’Irlande n’est donc pas en faillite, qu’on se le dise.
Le « tigre celtique », le pays que tout le monde avait coutume de citer en exemple au temps de la gloire de Cochon sur Terre, lorsqu’il fallait une preuve bien concrète pour nous mettre le nez dans notre ringardise pathétique, notre frilosité tragique de « pays vieux » qui ne se « bougeait » pas assez ; bref, dés qu’il fallait s’auto-critiquer l’Irlande nous servait de modèle. Le « tigre celtique » avait tout bon et nous avions tout faux. Dubaï également était un contre-exemple de choix sans parler de l’Angleterre sous le règne idyllique de Tony le va-t’en-Blair. Ceux-là nous étaient fourrés sous le nez toutes les fois qu’il s’agissait de nous faire honte de notre « immobilisme » criminel...
Nous en fûmes presque assommés !
Nous ne fûmes pas les seuls apparemment.
Car aujourd’hui le « tigre celtique » gît à terre, la langue pendante, un peu blanche parait-il, couché sur le dos, les pattes en croix, anéanti. On va bientôt lui faire la peau semble t’il. Heureusement pour lui, le commerce des peaux de tigre est interdit, notamment par l’Union Européenne et le FMI qui se sont tout à coup découvert un amour des bêtes des plus touchant. Cela dit ce ne sont pas les seuls car l’Allemagne et la Grande-Bretagne se sont tout à coup trouvés une passion telle pour les tigres en voie de disparition pour cause de noyade financière que ces deux pays sont prêts à passer à la caisse ! C’est dire l’étendue de cette soudaine passion réellement toute neuve !
Car souvenez-vous, cher lecteur, qu’il y a à peine quelques mois de cela, lors de la tragi-comédie grecque, la Grande-Bretagne avait refusé hautement de participer à un quelconque plan de sauvetage que ce soit et ce pays avait également ignoré dédaigneusement le plan mirifique de l’UE destiné à sauver du désastre tout pays européen un peu plus nécessiteux que d’habitude. Quant à l’Allemagne, que de supplications il fallut pour lui faire accepter de renflouer la Grèce et de participer au plan de soutien aux pays en voie de noyade financière !
Eh bien curieusement, cher lecteur, aujourd’hui ces deux récalcitrants non seulement sont montés au créneau pour sauver la peau du tigre irlandais mais en plus ils fulminent de fureur face aux réactions pour le moins sans enthousiasme des irlandais eux-mêmes qui menaçaient de refuser toute aide d’où qu’elle vienne il y a encore quelques jours de cela ; ils n’en n’avaient pas besoin, argumentaient-ils ; de plus d’autres Irlandais se récrient d’indignation face à ce qu’ils voient comme un abandon inacceptable de leur souveraineté nationale au cas où ce qu’ils voient comme les oukases de l’UE et du FMI serait acceptés en échange du bel et bon argent fraîchement imprimé pour la circonstance qui permettrait, parait-il, au système bancaire irlandais de ne pas s’effondrer lamentablement dans la poussière des chantiers de construction arrêtés pour cause de crise immobilière précisément.
Le plus comique c’est que les mêmes qui s’indignent aujourd’hui contre un abandon de souveraineté n’ont jamais bronché lorsqu’il s’agissait d’ingurgiter avec voracité les sommes énormes reçues de l’UE pendant de longues années ; cette manne, à notre connaissance, n’a jamais provoqué de problème de conscience quant à une éventuelle atteinte à la souveraineté nationale, sans parler d’honneur et encore moins de fierté évidemment puisque, comme vous le savez, cher lecteur, la fierté est un attribut indispensable de tout citoyen de Cochon sur Terre. Vous ne pouvez d’ailleurs pas ouvrir un journal de désinformation à Cochon sur Terre sans apprendre à quel point tout le monde est fier de tout et n’importe quoi ; c’est-à-dire à quel point tout le monde est fier d’être un citoyen de Cochon sur Terre, le meilleur des mondes (vous connaissez cela...).
Il y a quelques jours donc l’Irlande était en faillite mais n’avait pas besoin d’argent ; rien que de très logique. Changement de ton depuis Dimanche soir : les Irlandais ne sont pas en faillite mais ont besoin d’argent.
Car ces derniers ont finalement accepté une petite obole de l’UE et du FMI d’à peu près € 70-90 milliards, uniquement pour faire plaisir aux prêteurs et leur permettre ainsi de mieux dormir la nuit bien entendu. Car le gouvernement Irlandais insiste lourdement pour que le monde entier sache bien qu’ils ne sont pas du tout en faillite ; non, ils ont juste besoin très temporairement d’un fond de trésorerie des plus minime.
Etonnant ?
En réalité non. Si le gouvernement irlandais a refusé de demander officiellement des prêts à l’UE depuis une semaine, une des raisons serait qu’il s’agissait pour lui de créer une situation intenable pour les autres pays à risque de l’UE (Portugal et Espagne) en faisant monter leurs taux de financement sur les marchés. Ce pari aurait permis aux Irlandais d’arriver finalement à la table des négociations en position de force et de pouvoir se permettre de ne pas accepter toutes les exigences d’une UE et d’un FMI paniqués à l’idée que la crise irlandaise ne se répande à tous les PIGS. C’est ainsi que, semble t’il, les Irlandais sauvèrent leur taux d’imposition sur les sociétés à 12,5% (pour combien de temps ?) alors que de nombreux membres de l’UE voulaient le voir relever à cette occasion, à commencer par la France et l’Allemagne. Ce serait donc par ce stratagème que les Irlandais obtinrent de leurs créditeurs des conditions plus souples que s’ils avaient demandé de l’aide sans autre.
Ceci dit cher lecteur, ne vous y trompez pas svp ; vous avez parfaitement compris que la situation n’est pas grave du tout puisqu’il ne s’agit absolument pas d’un problème de dette mais d’un problème très passager de liquidité. Alors vous voyez bien qu’il n’y a pas de quoi paniquer, et encore moins de s’affoler... Un malencontreux problème infinitésimal de liquidité, un peu comme celui que les banques US ont connu en Septembre 2008. Avouez qu’il n’y a franchement pas de quoi en faire une montagne, surtout que deux ans après ce problème passager toutes les banques US, anglaises et compagnie se trouvent dans une situation financière idyllique et que la reprise tant espérée nous a déjà montré de quel bois elle se chauffait. A noter que tout cela est en parfait accord avec les prédictions de nos gourous illuminés préférés, Bernanke, Geithner et tuti quanti.
Pourtant il y a des attitudes incompréhensibles.
Par exemple celle des Allemands et des Anglais. Pourquoi sont-ils si paniqués à l’idée que le tigre celtique puisse passer de vie à trépas ? Etant donné qu’ils étaient prêts à payer vous pouvez imaginer, cher lecteur, l’étendue de la panique qui les a saisi, surtout les Anglais dont la situation n’est probablement pas meilleure que celle des Irlandais et qui pourraient fort bien se retrouver prochainement en première ligne sur la liste des candidats au défaut de payement. Pourtant, depuis Dimanche soir, ces derniers vont payer « royalement » environ € 8 milliards pour aider les banques irlandaises, milliards imprimés probablement tout spécialement pour la circonstance.
Pourquoi tant de générosité lorsque l’on est soit même au bord de la banqueroute ?
Tout simplement parce-que si le système bancaire irlandais s’effondrait cela aurait des conséquences catastrophiques sur les systèmes bancaires anglais (en partie nationalisé et dont la banque la plus exposée en Irlande est RBS) et allemand. Car les banques anglaises et allemandes ont à elles seules des créances sur les banques irlandaises qui sont plus importantes que le PIB de l’Irlande, c’est-à-dire entre € 450 milliards et € 500 milliards d’euros soit € 224 milliards pour les Anglais (Sources: Bank of International Settlement) et € 206 milliards pour les Allemands (Sources: Bundesbank). Le montant total des créances des banques étrangères sur les banques irlandaises se monte lui à 320 % du PIB de l’Irlande, les banques françaises et US détenant chacune des créances d’environ € 57 milliards (Sources: Bank of International Settlement).
Voilà, cher lecteur, la vérité ; tout le monde se tient par le menton et si l’un se casse la figure les autres suivront immanquablement. Pourtant tout le monde s’obstine à sauver ceux par qui le désastre est arrivé ; les banques. Tous les plans qui furent mis en application jusqu’à aujourd’hui (des USA à l’Irlande en passant par la Grèce et la GB), tous n’ont eu pour but que le sauvetage des banques dont l’avidité sans limite (sans qu’elles soient les seules responsables puisqu’il s’agissait bien d’une hystérie collective) a créé la situation de faillite générale actuelle. Le problème est qu’en renflouant ces banques à fond perdu on ne fait que prolonger une situation artificielle en maintenant en vie des établissements qui auraient dû être abandonnés à leur sort au lieu de mettre en péril les finances publiques à leur profit.
Au lieu de restructurer ces dettes et de couper les branches pourries on maintient sous perfusion des banques croulant déjà sous les dettes en leur prêtant de l’argent qu’elles ne pourront jamais rembourser. Et nous ne parlerons pas des Etats dans la même situation... Plutôt étrange comme aide : à ceux qui meurent d’avoir trop de dettes on leur propose de faire encore plus de dettes pour s’en sortir...
Comme si les dettes n’étaient pas LE principal problème de toute la crise que nous connaissons depuis le départ ! Pourtant on continue à agir comme si les dettes n’étaient pas le problème mais la solution.
Pourtant tous nos gourous s’obstinent encore aveuglément à croire (car ils ne pensent pas) que le système qui consistait à faire fonctionner une économie à coup de dettes toujours plus grandes pourrait durer éternellement. Comme si les dettes pouvaient monter jusqu’au ciel sans aucun inconvénient, simplement en remboursant de temps en temps les intérêts sans penser au capital ; comme si Dame Croissance serait toujours là pour soutenir cette folle fuite en avant, ce délire irresponsable consistant à croire que tout irait toujours pour le mieux dans le meilleur des mondes possible « ad vitam aeternam ». Et pourtant c’est exactement l'expérience qui fût tenté par une humanité en délire et nos gourous illuminés tentent toujours désespérément de sauver le Titanic alors que celui-ci a déjà heurté de plein fouet l’iceberg de dettes qui l’enverra par le fond en moins de temps qu’il n’en faudra pour l’évacuer, bien qu’il soit réputé insubmersible. Car il s’agit désormais, au cas où quelque chose puisse encore être épargné, non plus de faire plus de dettes pour sauver un système déjà mort mais de se désendetter, qu’il s’agisse des ménages, des entreprises où des Etats. Nos gourous illuminés ne savent pas encore que leur époque de gloire est passée et que nous sommes désormais entrés dans l’ère de la réduction des dépenses (ah ah ah). Le problème est qu’ils n’ont jamais compris la signification de ce terme sans parler de « vivre selon ses moyens ». Car ils ne savent pas encore qu’il n’existe pas de «free lunch».
Nous assistons donc à la redite de ce qui s’est déjà passé avec la Grèce : on soigne le mal par le mal en espérant que cela marchera. Et l’on a l’intention de poursuivre dans cette voie suicidaire avec le Portugal, voire l’Espagne... Le prochain sur la liste parait être le Portugal malgré les assurances de son gouvernement que personne ne prend très au sérieux. Il suffit de voir monter les taux d'intérêts pour s’en convaincre. S’il est le prochain le Portugal sera aussi le dernier car les suivants seront beaucoup trop gros pour être sauvés. Et cela commence par l’Espagne qui représente 12% du PIB de l’UE, c’est-à-dire le double de l’Irlande et de la Grèce et dont les besoins de financement se monteraient à € 500 milliards (à titre de comparaison le budget de la France, seconde économie de l’UE, était en 2009 d’à peu près € 400 milliards)... Inutile de vous faire un dessin, cher lecteur, pour vous faire comprendre que cela n’arrivera pas. Et que se passera t’il lorsque ce sera au tour de la Grande-Bretagne, même s’il n’incombe pas aux membres de la zone Euro de faire quoi que ce soit pour l’aider ? Que se passera t’il lorsque ce seront les USA qui auront les problèmes de financement qui leur pendent au nez ? Où le Japon ? Mais nous pouvons tout aussi bien se poser la même question pour la France.
C’est pourquoi circulent déjà dans les couloirs des chancelleries européennes, notamment entre Berlin et Paris, des murmures à consonances désagréables, des mots très grossiers, des phrases iconoclastes, bref des propos que ne tiennent pas des gens bien élevés.
Qu’est-ce à dire ?
Des mots comme « rééchelonnement » ; des mots comme « restructuration de la dette» ; des expressions atroces comme « faire payer les créditeurs », au moins en partie. Quelle pourrait bien être la signification de tout cela ? Eh bien en clair cela signifie que personne n’étant capable de payer ses dettes il n’y aura pas d’autres solutions que de faire défaut sur sa dette d’une manière où d’une autre. Comme l’Argentine il y a quelques années. Et selon les bruits en provenance de Berlin l’idée de faire payer les créanciers au moins en partie, c’est-à-dire leur faire abandonner une partie de leurs créances au profit du débiteur, cette idée a de grandes chances de devenir une règle de base même si pour le moment on nous assure que tout cela n’est que pure fantasmagorie.
La vérité crue est que les dettes empilées follement pendant des années ne seront jamais remboursées car personne n’en n’a les moyens.
Ce seront des temps difficiles car il faudra que nos politiciens bien-aimés tout comme chaque citoyen de Cochon sur Terre, il faudra alors que tout ce beau monde qui a survécu pendant des décennies avec de l’argent qui n’existait pas, c’est-à-dire de l‘argent magique, réapprenne à vivre selon ses moyens, avec de l’argent sonnant et trébuchant. Cela sera dur car il y aura beaucoup moins d’argent. Et cela sera d’autant plus dur qu’ils devront soudain prendre conscience que l’existence ne se déroule pas dans un grand parc d’attraction, un Disney Land à l’échelle planétaire, un mall où l’on peut acheter tout ce que l’on veut sans en avoir besoin et sans même avoir l’argent pour payer.
Cela signifiera également que la fin de l’argent à gogo pour rien scellera la fin des promesses électorales impossible à tenir, la fin de l’illusion collective que le paradis sur terre se trouve au coin de la rue. Allez poussons l’insanité jusqu’à faire preuve d’optimisme : peut-être cela obligera-t’il les politiciens de service à se montrer plus courageux et aux électeurs à se montrer moins stupides.
Regardez bien autour de vous, cher lecteur, regardez bien le monde dans lequel vous avez survécu jusqu’à aujourd’hui.
Regardez le bien car il s’en va.
Regardez le bien car il est mort.
Regardez autour de vous et demandez vous quelle forme prendra celui qui vient.
Regardez et demandez-vous si vous pouvez contribuer au monde qui vient sans vous accrocher à celui qui s’en va.
Enfin regardez au-dedans de vous afin de savoir si le monde que vous portez en vous aura de l’amitié pour le monde qui est en train d’émerger au-dehors.
Ce dernier point n’est pas une nécessité. C’est d’autant moins une obligation que ce qui vient ne sera pas forcément meilleur que ce qui s’en va. Ce sera peut-être pire.
Mais de toute manière chacun devra faire ses préparatifs... de départ.
Mais pour le moment tout le monde est content à Cochon sur Terre, le meilleur des mondes.
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