Que de bruit, que de tapage, que de dénégations ! La bourse monte, l’or flambe ! Que se passe t’il ? C’est la faillite où bien seulement la fin anticipée du système. Les deux mon général! Enfin presque...
Un article de Robert Fisk le 6 Octobre dans «The Independant» a déclenché le tohu bohu en question comme si rien ni personne ne le savait, comme si tout le monde ignorait ce qui se disait pourtant déjà de ci de là, comme si nulle rumeur ne hantait les couloirs de toute sorte depuis déjà des mois. Face à cette demi tempête et aux dénégations de certains des intéressés (Arabie-Saoudite, Russie) Robert Fisk a récidivé hier en enfonçant le clou.
Car cette fois il ne s’agit plus de vagues bruits sans réels fondements, il s’agit d’un article dans un très sérieux journal britannique par un journaliste qui ne l’est pas moins.
De quoi s’agit-il?
Il s’agit de monnaie, il s’agit de pétrole, il s’agit d’or et il est question de se débarrasser du dollar par la même occasion. En clair il s’agit de remplacer le dollar comme monnaie de transaction pour le pétrole, et probablement le gaz, par un panier de monnaies composé du Yuan, du Yen, de l’Euro, de la future monnaie commune des pays du Golfe et... de l’or. On parle également d’y ajouter le Rouble. Qui sont ces révoltés du bounty ? La Chine, le Japon, la France, la Russie et l’Arabie Saoudite.
«In the most profound financial change in recent Middle East history, Gulf Arabs are planning – along with China, Russia, Japan and France – to end dollar dealings for oil, moving instead to a basket of currencies including the Japanese yen and Chinese yuan, the euro, gold and a new, unified currency planned for nations in the Gulf Co-operation Council, including Saudi Arabia, Abu Dhabi, Kuwait and Qatar.» (Sources: The Independant - Robert Fisk)
Les nations citées plus haut, auxquelles il faudrait ajouter le Brésil, ont fixé, parait-il, la date butoir à partir de laquelle toutes les transactions se feront à partir de cette nouvelle monnaie. Mais avant cette date nous ne voyons aucune raison pour que certains pays ne commencent pas à acheter du pétrole où du gaz dans la monnaie de leur choix où de celui du vendeur, que ce soit l’Euro, le Yen où même l’or puisqu’il semblerait que l’idée soit de faire de l’or la monnaie de transition en attendant celle qui est en gestation. D’où, selon certains, la flambée de l’or depuis quelques jours. A ce propos ce n’est certainement pas la seule raison. La crainte de l’inflation à long terme et de la dévalorisation du dollar par l’utilisation massive de la planche à billet sont plus certainement les causes réelles et structurelles de l’appréciation continue de l’or depuis une dizaine d’années, au-delà des crises actuelles et temporaires d’hystérie du marché. Pour en revenir à la date à laquelle les transactions se feront dans la nouvelle monnaie: 2018. Vous pourrez bien me dire: pff, on a le temps ! Mais il est tout de même prévu d’utiliser l’or en attendant, et si la situation évolue d’une manière désavantageuse pour les pays du Golfe, la Chine où de leurs petits camarades de jeu en dollars, il est douteux que ceux-ci acceptent de continuer à dépendre d’une monnaie dont la valeur se déprécie chaque jour un peu plus.
Si l’on se met à la place des pays du Golfe, où plus généralement des pays producteurs de pétrole, il est certain qu’échanger une matière première dont on sait qu’elle n’est pas renouvelable, c’est le moins qu’on puisse dire!, contre une monnaie qui perd de sa valeur tous les jours, il y a de quoi y réfléchir à deux fois. Demandons aux Chinois ce qu’ils pensent de leurs $ 2,3 trillions dont la valeur a chuté de €1,23 à €1,47 par rapport à l’Euro en six mois ? Et Abu Dhabi avec ses $900 milliards de réserves ? Sans parler de l’Arabie Saoudite, de la Russie où du Japon... L’exemple a déjà été donné: à l’exception des raisons politiques qui motivèrent en partie seulement sa décision, n’oublions pas que Saddam Hussein décida d’être payer en Euro plutôt qu’en dollar pour toutes les exportations de pétrole de l’Irak. Quelques mois après on sait ce qui lui arriva. L’Iran, à son tour, vient d’annoncer que ses réserves en devise étrangères désormais ne seraient plus en dollar mais en Euros. La différence aujourd’hui c’est que les USA n’ont plus les moyens ni financiers ni militaires pour envahir un autre pays, et encore moins un pays aussi important que l’Iran.
Et tout le monde le sait. Sauf eux apparemment.
Dans ces conditions pourquoi les autres pays producteurs de pétrole ne demanderaient-ils pas à être payer dans une autre devise que le dollar avant même que cette nouvelle monnaie d’échange ne soit crée si le dollar devait poursuivre sa chute; ce qui ne devrait pas manquer de se produire sur le moyen et long terme.
Dans ces conditions il faudrait s’attendre à ce que ce genre de décisions se fassent plus nombreuses d’ici les deux prochaines années. Mais il est certain que plus la situation du dollar se dégradera plus on s’en dégagera vite et plus sa valeur baissera rapidement. Sans parler de la politique de la Fed... C’est un cercle vicieux dont il sera très difficile de sortir. Et ce d’autant plus qu’il est lié à la situation interne des USA qui se dégrade elle aussi de manière inquiétante, quoi que puisse nous raconter « la-presse-aux-ordres » (pardonnez-moi cet oxymore).
Résumons donc un peu l’évolution de la situation depuis un an.
- Nous avons vu certains pays commercer entre eux pour la première fois en dehors du dollar, comme le Brésil et la Chine. A noter que ce ne sont pas des acteurs mineurs.
- Nous avons vus certains pays demander à de nombreuses reprises et avec de plus en plus d’insistance la création d’une nouvelle monnaie de référence mondiale remplaçant le dollar (Chine, Russie, Brésil, France etc...).
- Nous voyons également des pays (Arabie Saoudite, Brésil, Inde récemment, Abu Dhabi peut-être etc) se tourner résolument vers d’autres fournisseurs d’armement que les traditionnels USA. Vers la Russie et la France principalement.
- Nous voyons des alliances économiques et politiques nouvelles se former (BRIC, Brésil-France, Russie-Europe à travers la France et l’Allemagne malgré tout, Turquie-Russie où encore une nouvelle relation entre le Japon et la Chine, le Japon et le reste de l’Asie du SE, où encore, dans le futur peut-être, l’émergence d’un bloc de l’Asie du SE versus UE)...
- Nous voyons de fortes pressions s’exercer pour un nouvel organigramme du Conseil de Sécurité (soutien de la France pour l’entrée du Brésil au Conseil de Sécurité) et probablement une organisation différente du FMI.
Tout cela sur fond de crise économique et financière, où peut-être faudrait-il parler de dépression, plus profonde encore que celle de 1929. Car le fond de la scène n’est rien d’autre que l’écroulement du système crée par les accords de Bretton Woods en 1945 qui avaient permis aux USA d’obtenir la prééminence économique mondiale, grâce à la suprématie du dollar. Et c’est cette prépondérance qui est en train de disparaître sous nos yeux. Mais en même temps un nouvel ordre mondial est en train d’émerger, en espérant que cela ne soit pas un voeu pieu et n’aboutisse pas au chaos général. Au risque de nous répéter encore une fois, c’est un monde qui ne sera pas unipolaire et dont le seul bénéficiaire ne sera pas la Chine remplaçant les USA, contrairement à ce qu’on peut lire où entendre parfois; de toute manière cette dernière ne le souhaite pas et de plus elle n’en n’a pas les moyens. Ce sera donc un monde multipolaire, avec d’anciens et de nouveaux acteurs, leaders de différents blocs économiques et/où politiques; ce sera d’une certaine manière un retour à la normale. Ce qui signifie également la mort de la « globalisation ».
Mais il y a une autre question beaucoup plus intéressante dans toute cette histoire, une question qui nous intéresse au premier chef, nous autres français et par ricochet Européens. En effet nous ne pouvons nous empêcher de remarquer, à travers la brève liste (ci-dessus) des événements importants survenus depuis une année et ayant un rôle dans le processus de déglobalisation en cours, que la France se retrouve à chaque fois dans le camp des conjurés; dans le camp de l’histoire en marche, pourrait-on dire avec Hégel (même si nous ne croyons pas du tout à un quelconque déterminisme historique quel qu’il soit). En effet il est frappant de constater que notre pays se retrouve au premier rang dans toutes les initiatives qui contribuent à l’émergence d’un nouvel ordre mondial. Nous pouvons constater que la France, seule dans ce cas dans l’UE, et donc de facto aux yeux des autres partenaires représentant de cette même UE, reléguant du même coup au rôle de marionnette la Commission Européenne (qui ne mérite pas beaucoup plus), nous pouvons donc remarquer que la France mène sa barque de manière extraordinairement indépendante à l’égard des USA et de l’UE, sans proclamations intempestives où tonitruantes, ménageant la chèvre US en apparence mais s’engageant résolument dans la direction du choux (pour en croquer une part?), qui parait être celle de l’avenir. Et si c’est le cas cette politique lui permettra d’autant plus de conserver un rôle majeur dans le futur qu’il n’y aura plus de super-puissance et qu’elle aura pris une part active à l’édification de l’ordre mondial nouvelle manière, ce qui n’avait pas été le cas en 1945. N’en déplaise à tous les prédicateurs professionnels d’apocalypse... Ce qui ne nous empêche pas d’utiliser soigneusement le conditionnel malgré tout car nous ne pouvons jamais savoir ce que nos dirigeants bien-aimés peuvent inventer pour saboter nos meilleurs atouts.
L’article de Fisk est d’autant plus intéressant qu’il révèle l’existence de négociations secrètes depuis deux ans maintenant auxquelles la France serait partie prenante. Jusqu’à aujourd’hui nous aurions pu continuer à soutenir que la politique extérieure française apparaissait contradictoire, sans direction véritable, oscillant entre le monde ancien, dont elle faisait partie, et le monde en train d’émerger, dont on pouvait supposer qu’elle avait des vélléitées d’en être. Désormais il est difficile d’affirmer pareille hypothèse. Si la France a participé à ses discussions et à ses négociations, sans faire de bruit, il est désormais presque impossible de nier qu’il n’y a pas de politique extérieure française s’appuyant sur une vision plutôt claire de ce qui est en train de se produire sous nos yeux: la disparition des USA en tant que super-puissance (le reste relève de la voyance bien que les interrogations soient de plus en plus légitimes en ce qui concerne l’avenir de l’Union US telle qu’elle existe actuellement), comme nous nous l’étions demandé ici même plusieurs fois (Voir article «La France, le Brésil et les rafales» par exemple). Une politique extérieure gaulliste, bref traditionnellement française dans le meilleurs sens du terme, bien que plus discrète dans ses manifestations d’indépendance vis à vis des USA. Probablement pour mieux manoeuvrer en coulisse, comme semble le dévoiler apparemment ces deux articles de Fisk.
Voilà ce que se demande William Engdahl aujourd’hui (8 Octobre) sur le rôle de la France et de l’Allemagne dans cette affaire (qui par ailleurs confirme les articles de Fisk grâce à ses propres sources). A noter qu’il ne fait aucun doute pour lui non plus que le naufrage est bel et bien en train de se produire sous nos yeux.
«What is not clear is what the potential response of Germany and France, the two pivot powers within the European Union, will be. If they decide to cast their lot with oil producing and consuming countries, they open their doors to vast new trade and investment potentials from the countries of Eurasia. If they cringe from that and decide to remain with the British pound and US dollar, they will inevitably sink along as the dollar Titanic sinks.» (Sources: William Engdahl)
Qu’il se rassure il semble que le choix soit clairement fait dans la bonne direction; de plus il parait avoir oublié que ni la France ni l’Allemagne n’ont quoi que ce soit à faire avec la Livre anglaise où le dollar; nous avons l’Euros, qui serait lui-même inclus dans le panier de devises dont il est question plus haut. Par ailleurs n’oublions pas la collaboration soutenue que la France entretient avec les pays du Golfe (Voyage en Arabie Saoudite du Président français prochainement, éventuel contrat avec Abu Dhabi pour 60 Rafales), avec la Russie (contrat éventuel sur les porte-hélicoptères Mistral entre autre) et l’Asie. A prendre en compte également les relations que l’Allemagne entretient elle aussi avec la Russie et les pays d’Asie. Mais contrairement à ce que dit William Engdahl il ne s’agit pas uniquement de relations économiques mais bien de relations politiques et stratégiques, relations que ces contrats militaires de la France avec ces divers pays soutiennent et alimentent considérablement; de ce point de vue là il ne faudrait surtout pas sous-estimer l’importance fondamentale des capacités et des qualités exceptionnelles de la France dans le domaine de l’armement, bien au contraire, ce qui fait de la France le partenaire naturel vers qui ces Etats se tournent lorsque les USA évacuent les lieux où lorsqu’ils refusent un transfert de technologie dans la bonne tradition paranoïaque du Pentagone (exemple: Brésil et Inde pour les F18).
Ce qui nous amène à revenir à ce que nous avons déjà souligné à plusieurs reprises ici même. A savoir que le monde se transforme sous nos yeux (nous nous répétons nous le savons), et que cette mutation a l’air de se faire de plus en plus rapidement au fur et à mesure que les acteurs prennent conscience de ce qui se passe. C’est à dire la disparition des USA en tant que super-puissance, non seulement due à la crise financière dans laquelle ils sont en train de se noyer, mais aussi aux problèmes intérieurs grandissants auxquels ils sont confrontés, tout à la fois révélés et engendrés par cette crise. Ces problèmes internes qui s’exacerbent en boucle paralysent à leur tour toutes leurs actions sur le front extérieur qui sombrent dans la confusion et l’incohérence, sans aucune stratégie globale bien entendu.
«... il ne faudrait pas écarter l’hypothèse selon laquelle, en cas de résistance désespérée de ces derniers (les USA), une décision ne soit prise sans eux par les autres pays unanimes pour ce faire. Une décision sans eux, et contre eux par définition, mais surtout en faveur du reste du monde.» (G8: la France et le dollar).
C’est ce que nous avions écrit le 10 juillet dernier lors de la déclaration du Président Français à propos de la nécessité d’une nouvelle monnaie de référence mondiale, par conséquent d’un anti-dollar. A l’aune des ces deux articles de Robert Fisk nous avons désormais une preuve de plus que les nations les plus lucides (on ne voit d’ailleurs plus très bien lesquelles ne le sont plus parmi les acteurs importants sur la scène mondiale) se préparent de plus en plus activement, à la fois ensemble et séparément, à la fois officiellement et officieusement, à préparer l’inévitable: la chute finale de la dernière super-puissance, en espérant que cela se produise aussi pacifiquement que celle de l’URSS.
A noter et à garder en mémoire pour l’avenir: le Japon lui aussi parait se trouver au premier rang de ceux qui négocieraient la fin du dollar comme monnaie de transaction pour l’énergie. Cela relève du bon sens de la part du gouvernement nippon mais c’est à mettre en parallèle avec les déclarations officielles d’amitié et de loyauté constamment entendue de la part de ces mêmes japonais. Il est à supposer qu’avec le nouveau gouvernement cette tendance ne fera que s’accentuer de plus en plus ouvertement le tout saupoudré de serments d’amitié à tirer des larmes de crocodiles aux plus cyniques. A ce propos nous verrons dans les prochains mois comment la question des bases US d’Okinawa sera abordée et renégociée face à l’opposition déterminée des Américains. Il est bien possible que ce problème de la présence des GI à Okinawa constitue un test pour les relations futures des deux pays et qu’il ne découle sur une grave pierre d’achoppement qui pourrait avoir des conséquences très négatives sur l’attitude du Japon vis à vis des USA dans l’avenir.
Cet article de Robert Fisk révèle tout à coup la solitude dans laquelle se trouve les USA, puisque même le dernier des «alliés», le Japon, semble se détacher résolument du géant à terre. Il apparaît que le monde entier agit désormais sans trop se préoccuper de celui-ci, gémissant sur le sol, en proie à une crise d’épilepsie incontrôlable (sans qu’il soit nécessaire de parler de complot), en dépit des embrassades de façade à la Pittsburgh et autres G8, en dépit des grands discours et des litanies de l’amitié éternelle et bla bla bla... Il apparaît désormais que les grandes puissances ont enregistrées le décès du système et pris acte de l'effondrement en cours de son principal bénéficiaire, la dernière super-puissance. Et plus cela deviendra visible plus le monde agira ouvertement, sans gène ni crainte. Nous pourrions même ajouter que ces agissements pourraient servir de critères pour déterminer de l’état du patient. Il y a d’ores et déjà aucuns espoirs de rémission.
Aujourd’hui nous pouvons constater que la cadence s'accélère au rythme même de la dégradation de la situation générale des USA, non seulement économique mais aussi politique et sociale. Ces derniers sont tellement préoccupés par leurs crises intérieures qui s'exacerbent toujours plus qu’ils ne prennent même plus la peine de réagir aux attaques contre le dollar et leur ex-suprématie. Mais s’ils le voulaient le pourraient-ils ?
On connaît la réponse.
Les mois qui viennent risquent donc d’apporter leur lot de surprises pour ceux qui s’imaginent encore que tout est sous contrôle et que rien n’a changé malgré cette « crise comme les autres » dont on viendra à bout « comme les autres»...
Un article de Robert Fisk le 6 Octobre dans «The Independant» a déclenché le tohu bohu en question comme si rien ni personne ne le savait, comme si tout le monde ignorait ce qui se disait pourtant déjà de ci de là, comme si nulle rumeur ne hantait les couloirs de toute sorte depuis déjà des mois. Face à cette demi tempête et aux dénégations de certains des intéressés (Arabie-Saoudite, Russie) Robert Fisk a récidivé hier en enfonçant le clou.
Car cette fois il ne s’agit plus de vagues bruits sans réels fondements, il s’agit d’un article dans un très sérieux journal britannique par un journaliste qui ne l’est pas moins.
De quoi s’agit-il?
Il s’agit de monnaie, il s’agit de pétrole, il s’agit d’or et il est question de se débarrasser du dollar par la même occasion. En clair il s’agit de remplacer le dollar comme monnaie de transaction pour le pétrole, et probablement le gaz, par un panier de monnaies composé du Yuan, du Yen, de l’Euro, de la future monnaie commune des pays du Golfe et... de l’or. On parle également d’y ajouter le Rouble. Qui sont ces révoltés du bounty ? La Chine, le Japon, la France, la Russie et l’Arabie Saoudite.
«In the most profound financial change in recent Middle East history, Gulf Arabs are planning – along with China, Russia, Japan and France – to end dollar dealings for oil, moving instead to a basket of currencies including the Japanese yen and Chinese yuan, the euro, gold and a new, unified currency planned for nations in the Gulf Co-operation Council, including Saudi Arabia, Abu Dhabi, Kuwait and Qatar.» (Sources: The Independant - Robert Fisk)
Les nations citées plus haut, auxquelles il faudrait ajouter le Brésil, ont fixé, parait-il, la date butoir à partir de laquelle toutes les transactions se feront à partir de cette nouvelle monnaie. Mais avant cette date nous ne voyons aucune raison pour que certains pays ne commencent pas à acheter du pétrole où du gaz dans la monnaie de leur choix où de celui du vendeur, que ce soit l’Euro, le Yen où même l’or puisqu’il semblerait que l’idée soit de faire de l’or la monnaie de transition en attendant celle qui est en gestation. D’où, selon certains, la flambée de l’or depuis quelques jours. A ce propos ce n’est certainement pas la seule raison. La crainte de l’inflation à long terme et de la dévalorisation du dollar par l’utilisation massive de la planche à billet sont plus certainement les causes réelles et structurelles de l’appréciation continue de l’or depuis une dizaine d’années, au-delà des crises actuelles et temporaires d’hystérie du marché. Pour en revenir à la date à laquelle les transactions se feront dans la nouvelle monnaie: 2018. Vous pourrez bien me dire: pff, on a le temps ! Mais il est tout de même prévu d’utiliser l’or en attendant, et si la situation évolue d’une manière désavantageuse pour les pays du Golfe, la Chine où de leurs petits camarades de jeu en dollars, il est douteux que ceux-ci acceptent de continuer à dépendre d’une monnaie dont la valeur se déprécie chaque jour un peu plus.
Si l’on se met à la place des pays du Golfe, où plus généralement des pays producteurs de pétrole, il est certain qu’échanger une matière première dont on sait qu’elle n’est pas renouvelable, c’est le moins qu’on puisse dire!, contre une monnaie qui perd de sa valeur tous les jours, il y a de quoi y réfléchir à deux fois. Demandons aux Chinois ce qu’ils pensent de leurs $ 2,3 trillions dont la valeur a chuté de €1,23 à €1,47 par rapport à l’Euro en six mois ? Et Abu Dhabi avec ses $900 milliards de réserves ? Sans parler de l’Arabie Saoudite, de la Russie où du Japon... L’exemple a déjà été donné: à l’exception des raisons politiques qui motivèrent en partie seulement sa décision, n’oublions pas que Saddam Hussein décida d’être payer en Euro plutôt qu’en dollar pour toutes les exportations de pétrole de l’Irak. Quelques mois après on sait ce qui lui arriva. L’Iran, à son tour, vient d’annoncer que ses réserves en devise étrangères désormais ne seraient plus en dollar mais en Euros. La différence aujourd’hui c’est que les USA n’ont plus les moyens ni financiers ni militaires pour envahir un autre pays, et encore moins un pays aussi important que l’Iran.
Et tout le monde le sait. Sauf eux apparemment.
Dans ces conditions pourquoi les autres pays producteurs de pétrole ne demanderaient-ils pas à être payer dans une autre devise que le dollar avant même que cette nouvelle monnaie d’échange ne soit crée si le dollar devait poursuivre sa chute; ce qui ne devrait pas manquer de se produire sur le moyen et long terme.
Dans ces conditions il faudrait s’attendre à ce que ce genre de décisions se fassent plus nombreuses d’ici les deux prochaines années. Mais il est certain que plus la situation du dollar se dégradera plus on s’en dégagera vite et plus sa valeur baissera rapidement. Sans parler de la politique de la Fed... C’est un cercle vicieux dont il sera très difficile de sortir. Et ce d’autant plus qu’il est lié à la situation interne des USA qui se dégrade elle aussi de manière inquiétante, quoi que puisse nous raconter « la-presse-aux-ordres » (pardonnez-moi cet oxymore).
Résumons donc un peu l’évolution de la situation depuis un an.
- Nous avons vu certains pays commercer entre eux pour la première fois en dehors du dollar, comme le Brésil et la Chine. A noter que ce ne sont pas des acteurs mineurs.
- Nous avons vus certains pays demander à de nombreuses reprises et avec de plus en plus d’insistance la création d’une nouvelle monnaie de référence mondiale remplaçant le dollar (Chine, Russie, Brésil, France etc...).
- Nous voyons également des pays (Arabie Saoudite, Brésil, Inde récemment, Abu Dhabi peut-être etc) se tourner résolument vers d’autres fournisseurs d’armement que les traditionnels USA. Vers la Russie et la France principalement.
- Nous voyons des alliances économiques et politiques nouvelles se former (BRIC, Brésil-France, Russie-Europe à travers la France et l’Allemagne malgré tout, Turquie-Russie où encore une nouvelle relation entre le Japon et la Chine, le Japon et le reste de l’Asie du SE, où encore, dans le futur peut-être, l’émergence d’un bloc de l’Asie du SE versus UE)...
- Nous voyons de fortes pressions s’exercer pour un nouvel organigramme du Conseil de Sécurité (soutien de la France pour l’entrée du Brésil au Conseil de Sécurité) et probablement une organisation différente du FMI.
Tout cela sur fond de crise économique et financière, où peut-être faudrait-il parler de dépression, plus profonde encore que celle de 1929. Car le fond de la scène n’est rien d’autre que l’écroulement du système crée par les accords de Bretton Woods en 1945 qui avaient permis aux USA d’obtenir la prééminence économique mondiale, grâce à la suprématie du dollar. Et c’est cette prépondérance qui est en train de disparaître sous nos yeux. Mais en même temps un nouvel ordre mondial est en train d’émerger, en espérant que cela ne soit pas un voeu pieu et n’aboutisse pas au chaos général. Au risque de nous répéter encore une fois, c’est un monde qui ne sera pas unipolaire et dont le seul bénéficiaire ne sera pas la Chine remplaçant les USA, contrairement à ce qu’on peut lire où entendre parfois; de toute manière cette dernière ne le souhaite pas et de plus elle n’en n’a pas les moyens. Ce sera donc un monde multipolaire, avec d’anciens et de nouveaux acteurs, leaders de différents blocs économiques et/où politiques; ce sera d’une certaine manière un retour à la normale. Ce qui signifie également la mort de la « globalisation ».
Mais il y a une autre question beaucoup plus intéressante dans toute cette histoire, une question qui nous intéresse au premier chef, nous autres français et par ricochet Européens. En effet nous ne pouvons nous empêcher de remarquer, à travers la brève liste (ci-dessus) des événements importants survenus depuis une année et ayant un rôle dans le processus de déglobalisation en cours, que la France se retrouve à chaque fois dans le camp des conjurés; dans le camp de l’histoire en marche, pourrait-on dire avec Hégel (même si nous ne croyons pas du tout à un quelconque déterminisme historique quel qu’il soit). En effet il est frappant de constater que notre pays se retrouve au premier rang dans toutes les initiatives qui contribuent à l’émergence d’un nouvel ordre mondial. Nous pouvons constater que la France, seule dans ce cas dans l’UE, et donc de facto aux yeux des autres partenaires représentant de cette même UE, reléguant du même coup au rôle de marionnette la Commission Européenne (qui ne mérite pas beaucoup plus), nous pouvons donc remarquer que la France mène sa barque de manière extraordinairement indépendante à l’égard des USA et de l’UE, sans proclamations intempestives où tonitruantes, ménageant la chèvre US en apparence mais s’engageant résolument dans la direction du choux (pour en croquer une part?), qui parait être celle de l’avenir. Et si c’est le cas cette politique lui permettra d’autant plus de conserver un rôle majeur dans le futur qu’il n’y aura plus de super-puissance et qu’elle aura pris une part active à l’édification de l’ordre mondial nouvelle manière, ce qui n’avait pas été le cas en 1945. N’en déplaise à tous les prédicateurs professionnels d’apocalypse... Ce qui ne nous empêche pas d’utiliser soigneusement le conditionnel malgré tout car nous ne pouvons jamais savoir ce que nos dirigeants bien-aimés peuvent inventer pour saboter nos meilleurs atouts.
L’article de Fisk est d’autant plus intéressant qu’il révèle l’existence de négociations secrètes depuis deux ans maintenant auxquelles la France serait partie prenante. Jusqu’à aujourd’hui nous aurions pu continuer à soutenir que la politique extérieure française apparaissait contradictoire, sans direction véritable, oscillant entre le monde ancien, dont elle faisait partie, et le monde en train d’émerger, dont on pouvait supposer qu’elle avait des vélléitées d’en être. Désormais il est difficile d’affirmer pareille hypothèse. Si la France a participé à ses discussions et à ses négociations, sans faire de bruit, il est désormais presque impossible de nier qu’il n’y a pas de politique extérieure française s’appuyant sur une vision plutôt claire de ce qui est en train de se produire sous nos yeux: la disparition des USA en tant que super-puissance (le reste relève de la voyance bien que les interrogations soient de plus en plus légitimes en ce qui concerne l’avenir de l’Union US telle qu’elle existe actuellement), comme nous nous l’étions demandé ici même plusieurs fois (Voir article «La France, le Brésil et les rafales» par exemple). Une politique extérieure gaulliste, bref traditionnellement française dans le meilleurs sens du terme, bien que plus discrète dans ses manifestations d’indépendance vis à vis des USA. Probablement pour mieux manoeuvrer en coulisse, comme semble le dévoiler apparemment ces deux articles de Fisk.
Voilà ce que se demande William Engdahl aujourd’hui (8 Octobre) sur le rôle de la France et de l’Allemagne dans cette affaire (qui par ailleurs confirme les articles de Fisk grâce à ses propres sources). A noter qu’il ne fait aucun doute pour lui non plus que le naufrage est bel et bien en train de se produire sous nos yeux.
«What is not clear is what the potential response of Germany and France, the two pivot powers within the European Union, will be. If they decide to cast their lot with oil producing and consuming countries, they open their doors to vast new trade and investment potentials from the countries of Eurasia. If they cringe from that and decide to remain with the British pound and US dollar, they will inevitably sink along as the dollar Titanic sinks.» (Sources: William Engdahl)
Qu’il se rassure il semble que le choix soit clairement fait dans la bonne direction; de plus il parait avoir oublié que ni la France ni l’Allemagne n’ont quoi que ce soit à faire avec la Livre anglaise où le dollar; nous avons l’Euros, qui serait lui-même inclus dans le panier de devises dont il est question plus haut. Par ailleurs n’oublions pas la collaboration soutenue que la France entretient avec les pays du Golfe (Voyage en Arabie Saoudite du Président français prochainement, éventuel contrat avec Abu Dhabi pour 60 Rafales), avec la Russie (contrat éventuel sur les porte-hélicoptères Mistral entre autre) et l’Asie. A prendre en compte également les relations que l’Allemagne entretient elle aussi avec la Russie et les pays d’Asie. Mais contrairement à ce que dit William Engdahl il ne s’agit pas uniquement de relations économiques mais bien de relations politiques et stratégiques, relations que ces contrats militaires de la France avec ces divers pays soutiennent et alimentent considérablement; de ce point de vue là il ne faudrait surtout pas sous-estimer l’importance fondamentale des capacités et des qualités exceptionnelles de la France dans le domaine de l’armement, bien au contraire, ce qui fait de la France le partenaire naturel vers qui ces Etats se tournent lorsque les USA évacuent les lieux où lorsqu’ils refusent un transfert de technologie dans la bonne tradition paranoïaque du Pentagone (exemple: Brésil et Inde pour les F18).
Ce qui nous amène à revenir à ce que nous avons déjà souligné à plusieurs reprises ici même. A savoir que le monde se transforme sous nos yeux (nous nous répétons nous le savons), et que cette mutation a l’air de se faire de plus en plus rapidement au fur et à mesure que les acteurs prennent conscience de ce qui se passe. C’est à dire la disparition des USA en tant que super-puissance, non seulement due à la crise financière dans laquelle ils sont en train de se noyer, mais aussi aux problèmes intérieurs grandissants auxquels ils sont confrontés, tout à la fois révélés et engendrés par cette crise. Ces problèmes internes qui s’exacerbent en boucle paralysent à leur tour toutes leurs actions sur le front extérieur qui sombrent dans la confusion et l’incohérence, sans aucune stratégie globale bien entendu.
«... il ne faudrait pas écarter l’hypothèse selon laquelle, en cas de résistance désespérée de ces derniers (les USA), une décision ne soit prise sans eux par les autres pays unanimes pour ce faire. Une décision sans eux, et contre eux par définition, mais surtout en faveur du reste du monde.» (G8: la France et le dollar).
C’est ce que nous avions écrit le 10 juillet dernier lors de la déclaration du Président Français à propos de la nécessité d’une nouvelle monnaie de référence mondiale, par conséquent d’un anti-dollar. A l’aune des ces deux articles de Robert Fisk nous avons désormais une preuve de plus que les nations les plus lucides (on ne voit d’ailleurs plus très bien lesquelles ne le sont plus parmi les acteurs importants sur la scène mondiale) se préparent de plus en plus activement, à la fois ensemble et séparément, à la fois officiellement et officieusement, à préparer l’inévitable: la chute finale de la dernière super-puissance, en espérant que cela se produise aussi pacifiquement que celle de l’URSS.
A noter et à garder en mémoire pour l’avenir: le Japon lui aussi parait se trouver au premier rang de ceux qui négocieraient la fin du dollar comme monnaie de transaction pour l’énergie. Cela relève du bon sens de la part du gouvernement nippon mais c’est à mettre en parallèle avec les déclarations officielles d’amitié et de loyauté constamment entendue de la part de ces mêmes japonais. Il est à supposer qu’avec le nouveau gouvernement cette tendance ne fera que s’accentuer de plus en plus ouvertement le tout saupoudré de serments d’amitié à tirer des larmes de crocodiles aux plus cyniques. A ce propos nous verrons dans les prochains mois comment la question des bases US d’Okinawa sera abordée et renégociée face à l’opposition déterminée des Américains. Il est bien possible que ce problème de la présence des GI à Okinawa constitue un test pour les relations futures des deux pays et qu’il ne découle sur une grave pierre d’achoppement qui pourrait avoir des conséquences très négatives sur l’attitude du Japon vis à vis des USA dans l’avenir.
Cet article de Robert Fisk révèle tout à coup la solitude dans laquelle se trouve les USA, puisque même le dernier des «alliés», le Japon, semble se détacher résolument du géant à terre. Il apparaît que le monde entier agit désormais sans trop se préoccuper de celui-ci, gémissant sur le sol, en proie à une crise d’épilepsie incontrôlable (sans qu’il soit nécessaire de parler de complot), en dépit des embrassades de façade à la Pittsburgh et autres G8, en dépit des grands discours et des litanies de l’amitié éternelle et bla bla bla... Il apparaît désormais que les grandes puissances ont enregistrées le décès du système et pris acte de l'effondrement en cours de son principal bénéficiaire, la dernière super-puissance. Et plus cela deviendra visible plus le monde agira ouvertement, sans gène ni crainte. Nous pourrions même ajouter que ces agissements pourraient servir de critères pour déterminer de l’état du patient. Il y a d’ores et déjà aucuns espoirs de rémission.
Aujourd’hui nous pouvons constater que la cadence s'accélère au rythme même de la dégradation de la situation générale des USA, non seulement économique mais aussi politique et sociale. Ces derniers sont tellement préoccupés par leurs crises intérieures qui s'exacerbent toujours plus qu’ils ne prennent même plus la peine de réagir aux attaques contre le dollar et leur ex-suprématie. Mais s’ils le voulaient le pourraient-ils ?
On connaît la réponse.
Les mois qui viennent risquent donc d’apporter leur lot de surprises pour ceux qui s’imaginent encore que tout est sous contrôle et que rien n’a changé malgré cette « crise comme les autres » dont on viendra à bout « comme les autres»...
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