lundi 19 octobre 2009

Cochon sur Terre où la révolte quotidienne des élites.

Nous ne savons pas si c’est l’effet de la crise mais il est indéniable que notre monde immaculé de Cochon sur Terre se porte on ne peut mieux. Il faudrait même dire que Cochon sur Terre se porte à merveille. D’ailleurs nous en avons eu plusieurs preuves flagrantes depuis quelques semaines qui suffiront, nous en sommes convaincus, à dissiper les inquiétudes que certains auraient pu concevoir à ce sujet qui nous concerne tous: le moral de Cochon sur Terre.

Eh bien oui, la santé psychologique de Cochon sur Terre est excellente ! Jugez-en par vous-mêmes.

La preuve que nous nous portons merveilleusement bien nous fût donnée il y a quelques jours par l’annonce des profits des banques de Wall Street, ces mêmes établissements grâce auxquels le désastre nous tomba sur la tête et que les contribuables américains, plutôt chinois et japonais au stade où nous en sommes, sauvèrent de la disparition en injectant 12 trillions de dollars dans le système. A noter que ces banques qui reçurent cette somme astronomique n’en dépensèrent que $ 114 millions en lobbying pour la recevoir; on peut tout dire sauf que ce fut une mauvaise opération ; bien au contraire ce fût la plus profitable de toute leur histoire ! Et si les banques respirent, inutile de dire que le monde dans son ensemble est sauvé. JP Morgan Chase: $ 3.6 milliards de profits au troisième trimestre, Goldman Sachs: $ 3.190 milliards, ce qui devrait porter les bénéfices annuels à $ 16,7 milliards à partager entre les 37.100 employés du groupe dont seul un millier d’opérateurs du front office recevront 80% de cette somme (Sources: Guardian 16 Octobre 09).
On vous le dit tout va bien !

Les bourses montent, montent , montent ! Le Dow Jones a franchi les 10.000 points, le CAC 40 frôle les 3.900, c’est la reprise avec un grand R (plus de 63% de hausse pour le S&P en sept mois) car on n’a jamais vu une telle remontée des indices en si peu de temps. En fait tout se passe tellement bien que cela rappelle un peu le rebond qui suivit l’effondrement de Septembre 1929, c’est à dire la remontée de la bourse qui s’effectua après le Krach, sur une durée plus étendue que celui que nous venons de voir, avant de s'effondrer à nouveau pour atteindre un niveau équivalent à - 90% du sommet de l’été 1929.
Oui, oui, nous savons, l’histoire ne radote pas... Mais c’était juste pour vous distraire cher lecteur... Laissez-nous vous donner encore une petite information à propos de la santé de nos banques bien-aimées, et plus précisément de notre favorite à tous, Goldman Sachs.

Comme mentionné plus haut cette banque vertueuse a réussi l’exploit de faire $3.190 milliards de bénéfices au troisième trimestre. Comment a t’elle fait cela pourriez-vous vous demander, parce-que vous vous posez naturellement la question. Pour le savoir il faut décortiquer leurs résultats.
Voilà ce que l’on trouve:

- En ce qui concerne les activités de marchés leurs revenus sont passés de $ 2.7 milliards à $ 10.03.
- En ce qui concerne les activités de conseil et fusion/acquisition les revenus sont de $2.1.
Ce qui donne $12.4 milliards de chiffre d’affaire global pour ce troisième trimestre.

N’est-ce pas étonnant de faire 80% de son chiffre d’affaire dans la spéculation sur les marchés, les actions, les dérivés, les devises où les matières premières par exemple? Cela tombe bien puisque les marchés ont tellement monté... Ils ont eu le flair de profiter d’une remontée si naturelle des marchés, n’est-ce pas, des marchés qui se fondent naturellement sur la santé florissante de notre économie bien-aimée... Et puis avec les dollars prêtés gratuitement par le gouvernement US (taux zéro) à qui l’on reprête immédiatement ces mêmes sommes pour financer sa dette abyssale à des taux normaux cette fois (3,5%); où bien sommes colossales avec lesquelles on spécule sur les marchés pour en tirer le maximum de bénéfices le plus rapidement possible, où encore ces sommes acquises à taux zéro grâce au gouvernement US que l’on replace tranquillement dans d’autres monnaies (dollar australien par exemple) qui ont un taux plus avantageux (3.5%) que celle dans laquelle on emprunte, c’est à dire le US dollar. Tout cet argent prêté par les petits copains du gouvernement censé aller dans l’économie réelle...

Est-ce que par hasard ceci expliquerait cela? De quoi parlez-vous?
Oh, de la corrélation que l’on pourrait établir entre la hausse des marchés qui ne reposent sur rien de concret, surtout lorsqu’une économie basée sur la consommation des ménages à 70% a officieusement un taux de chômage de 20%; nous disions donc la corrélation entre les profits et l’activité frénétique de ces banques sur les marchés et la hausse de ces mêmes marchés ? Ce pourrait-il que l’activité de ces banques sur les marchés ait pu provoquer la hausse du Dow Jones ? Par exemple grâce à ces opérations gérées par ordinateur dont on a parlé il y a quelques mois lorsqu’un ex-employé de... Goldman Sachs est parti avec le programme ultra-secret en question...
C’est une simple question de rhétorique, bien sûr... Mais à part cela nous sommes tous rassurés, puisque Wall Street se porte bien nous nous portons solidairement à merveille tant il est vrai que ce qui est bon pour Wall Street l’est automatiquement pour le monde entier.

D’autre part, comme nous vous l’indiquions plus haut, nous avons eu d’autres preuves de la santé éblouissante de notre Cochon sur Terre bien aimé.

Par exemple nous avons eu droit à un concert de grognements vertueux, et par conséquent indignés, eh oui!, à propos de l’affaire Polanski. C’est à des occasions de ce genre que l’on peut prendre le pouls de la capacité d’indignation de nos braves cochons. Et là ils ne nous désappointèrent pas; bien au contraire nous fûmes comblés... En effet tous les cochons grognèrent d’indignation en apprenant que M. Polanski, cinéaste de son état, avait été arrêté par la police suisse à Zurich sur mandat d’arrêt International. Qu’a t’il donc fait ce brave homme ? Une simple broutille dans un moment de distraction, vraiment rien de plus. Il a juste forcé une fille de 13 ans à coucher avec lui après lui avoir fait boire de l’alcool et prendre des drogues pour amoindrir sa résistance. Franchement pas de quoi fouetter un chat ! Eh bien si, figurez-vous que les Suisses ont trouvé qu’il y avait de quoi s’agiter. Ceci dit ils ont mis le temps ! Oui, car toute cette histoire s’est produite il y a trente deux ans (1977), même si il y eut un arrangement financier entre le cinéaste et les parents de la «victime» (1979) et que l‘affaire ait été classée sans suite à cette époque... Mais la justice américaine, elle, n’a pas oublié puisqu’elle n’a jamais laissé le délai de prescription arriver à son terme.
Ce fût donc un concert d’indignation, qui contre les suisses, qui contre les américains etc... Ce fut essentiellement le fait que l’on ose s’en prendre à un membre de la secte des «artiste», qui, d’après les cochons, du fait même d’être un artiste devrait le protéger de tout tracas judiciaire; car le fait d’être un «artiste» devrait, d’après ces gens là, vous mettre hors la loi, oui oui, c’est à dire vous rendre intouchable. Un artiste c’est une icône, et comme toute icône c’est sacré, par conséquent intouchable. Voilà. Que le dit «artiste» ait violé une fille de 13 ans importe très peu à tous ces progressistes de bas étage, car cela faisait partie de son «AAAAAA.....Art», ce fût un moment fulgurant d’inspiration «crrrrrr......éatrice». Par conséquent, au nom de l’AAAAA......Art il fallait laisser M. Polanski jouiiiiiiir... en paix jusqu’à la fin de ses jours.
Mais cette affaire en entraîna une autre.

En protestant vent debout contre cette arrestation «épouvantable» le ministre de la culture français en a déclenché une contre lui...
Soudain, et sur dénonciation de Mme Marine Le Pen, le Ministre de la Culture s’est retrouvé accusée de pédophilie, d’être un adepte du tourisme sexuel etc... Bref toutes ces activités abominables, tant réprouvées au nom de la morale vertueuse des précités, y compris M. Mitterand lui-même. Bien entendu le PS s’est empressé de condamner des faits que tout le monde connaissait depuis 2005, année de la publication accompagnée de fanfares et louanges unanimes («livre courageux»!?) par les mêmes qui aujourd’hui se voilent la face d’horreur où qui détournent le regard avec gène... Cette affaire là se révéla pleine de rebondissements en tout genre, tragi-comique en tous les cas, mêlant les manipulations politiques les plus viles aux coassements indignés les plus grotesques et hypocrites. Démissionnera, démissionnera pas, telle fût la question à la réponse de laquelle la Cochonnerie Instituée fût suspendue pendant des jours. Et puis non. L'intéressé s’est expliqué à la télévision, un peu j’imagine (de manière plus civilisée pour qui nous prenez-vous ?) comme cela se passait en Chine pendant cette révolution culturelle qui fût si prisée par les mêmes cochons qui aujourd’hui sont indignés qu’on les traite si mal et de façon si méprisable. Outre la tragi-comédie de toute cette affaire, le plus absurde fut tout de même atteint lorsque l'intéressé se plaignit que tout cela faisait du tord à sa famille et à sa vieille «Maman», alors que lui-même avait étalé toute sa vie, frasques comprises, dans son livre qui se vendit à 250.000 exemplaires, ouvrage qui servit naturellement de support au scandale à retardement d’aujourd’hui.

Une autre petite cochonnerie qui n’a rien à voir, elle, avec des histoires de sexe. On respire ! Mais enfin c’est une petite histoire assez divertissante malgré tout pour être notée et qui rappellera à nos descendants, s’il y en a, à quel point nous nous amusions au temps béni de la Cochonnerie Instituée. Il s’agit ici de la candidature du fils du Président de la République à la présidence de l’Epad après avoir intégré son conseil d’administration en démissionnant après arrangement avec l'intéressé l’un de ses administrateurs. En effet ne peut être élu Président de l’Epad qu’un de ses administrateurs. Qu’à cela ne tienne ! On en a démissionné un en lui accordant un siège au Conseil Economique et Social en attendant un siège de Sénateur en 2011.
Quel tollé ! On s’en donne à coeur joie, qui sur le web, qui dans les médias de désinformation ! Bref partout on on peut on entend parler de cette affaire du fils de Président propulsé à 23 ans (excusez de l’âge avancé!) à ce poste où il sera élu, après avoir été projeté à 22 ans au Conseil Général des Hauts de Seine... Les affaires de famille fonctionnent plutôt bien dans les DEMOCRATIES occidentales dont la France et l’Amérique sont de bons exemples d’oligarchies, qu’elles soient de droite où de gauche, ce qui revient exactement au même de toute manière. Le plus drôle dans toute ces histoires est de voir combien ces oligarques savent se montrer indignés lorsqu’un fils de Président africain, où autre, succède à son père... Mais aux USA cela n’arrive jamais peut-être ? Non, car chez nous pays vertueux et au-dessus de tout soupçon par définition, ce n’est pas du tout la même chose: nous sommes ELUS... La belle affaire !
Dans celle qui nous occupe justement il est vrai que l’âge du prétendant est tout de même un peu dérangeant, et nombreux sont les hommes politiques de droite qui se montrent enragés lorsqu’ils sont en petit comité. Quant à la soit disant opposition elle s’en donne autant qu’elle peut, tirant à boulets rouges sur le Président et son fils, avec autant de raisons que de mauvaise foi si on se souvient de ce qui se passait sous François Mitterand... même si l’ancien Président était suffisamment habile pour rester discret dans le népotisme qu’il pratiquait lui aussi, comme d’autres avant lui, et ce à tous les échelons de l’Etat. Le problème aujourd’hui est qu’il faut bien admettre que c’est tout de même un peu voyant et très exagéré. Si le prétendant avait eu dix où quinze ans de plus avec une carrière derrière lui, soit; mais dans ce cas la ficelle nous étrangle; elle est décidément trop grosse pour pouvoir l’avaler.

Le lien entre toutes ces affaires c’est ce que Christopher Lasch avait appelé «la révolte des élites» caractérisée par «l’arrogance haineuse», l’égoïsme, la préservation des intérêts particuliers au détriment du bien commun, le mépris de la gent cultureuse à la «culture intellectuelle autarcique et auto-référentielle, provinciale à sa manière« pour tous ceux qui ne partagent pas ses préjugés et ses superstitions, c’est à dire «ceux qui ne sont pas dans le coup», ceux qui ne vivent pas « leur enfermement dans le monde humainement rétréci de l'Economie comme une noble aventure, 'cosmopolite', alors que chaque jour devient plus manifeste leur incapacité dramatique (celle des élites) à comprendre ceux qui ne leur ressemblent pas : en premier lieu, les gens ordinaires de leur propre pays » (Jean-Claude Michéa - Introduction à la dernière édition du Livre de Christopher Lasch chez Flammarion, collection Champs 2007). De toute manière ces élites n’ont plus de pays puisqu’ils sont pluriels, pluralistes où adhérents de la globalisation, qu’elle soit économique, financière où cultureuse.

En conclusion laissons une fois encore la parole à Lasch:

«Il fut un temps où ce qui était supposé menacer l'ordre social et les traditions civilisatrices de la culture occidentale, c'était la Révolte des masses. De nos jours, cependant, il semble bien que la principale menace provienne non des masses, mais de ceux qui sont au sommet de la hiérarchie.»

Mais pour le moment tout le monde est content à Cochon sur Terre, le meilleur des mondes.

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