Dans notre post du 13 Août 2012, nous nous demandions si le nouveau président égyptien accepterait de se rendre à Téhéran à la fin du mois pour le sommet des pays non alignés au cous duquel l’Egypte passerait la présidence à l’Iran.
Le vice-président iranien lui-même s’était déplacé au Caire afin de remettre au président Morsi l’invitation du président iranien en main propre, procédure tout à fait exceptionnelle. La présidence égyptienne avait réservé sa réponse.
Entre temps eurent lieu les attentats dans le Sinaï, dont beaucoup ont accusé le Mossad d’en être à l’origine, suivis de près par le « coup » au cours duquel Morsi renvoya dans leurs foyers les chefs de la junte et quelques autres ministres détenant des postes clés. Dans la foulée il rendit à la présidence les pouvoirs que les militaires lui avaient enlevé juste avant sa prise de fonction. Désormais le président égyptien détient quasiment les mêmes pouvoirs que Moubarak en son temps.
Mais il semblerait de plus en plus probable, pour ne pas dire certain, que si Morsi détient les mêmes pouvoirs que moubarak, il n’en fera pas le même usage. Nous parlons en terme de politique étrangère. Car autant Moubarak ne bougeait pas le petit doigt sans la permission des USA et d’Israël, autant il semble que Morsi soit en train d’affranchir l’Egypte de cette tutelle très lourdement ressentie par la population égyptienne.
Contrairement à notre prudence à propos du « coup » au cours duquel Morsi se débarrassa des militaires, prudence qui nous faisait nous demander si cela n’avait pas été commis avec la tacite approbation des USA, il semblerait bien que tel ne fût pas le cas. Bien au contraire, il semblerait que les USA furent totalement pris par surprise, tout comme Israël. Ce qui rend d’autant plus grotesque la visite au Caire de la Secrétaire d’état de la Clique des Vertueux Innocents (CVI, voire lexique), Tata Killary Clinton soit même, pour donner leur feuille de route aux militaires et à Morsi le mois dernier ; tout comme celle de Panetta qui repartit du Caire en se vantant que tout était « under control ».
Effectivement.
Depuis, il semblerait que tout soit devenu totalement « out of control » et qu’un blues extrême règne à Washington, sans parler de Tel Aviv. Normal personne n’a rien vu venir apparemment.
Morsi a pris le pouvoir et n’en fait plus qu’à sa tête sans demander ce qu’il faut faire à quiconque, c’est à dire à la puissance tutélaire en place depuis Sadate : les USA.
Juste avant la réunion d’urgence de l’OIC (Organisation of Islamic Cooperation) à la Mecque pour parler de la crise syrienne, notre allié l’Emir du Qatar vint au Caire pour essayer ce qu'il sait le mieux faire : corrompre l’Egypte en lui donnant $ 2 milliards, comme par hasard juste avant la conférence de la Mecque. Il tenta de mettre Morsi dans la poche des RBT comme cela s’était fait par le passé durant quarante ans avec Moubarak.
Eh bien, non, cela ne marcha pas du tout comme prévu.
Certes Morsi commença par dire dans son discours à la Mecque que le temps était venu pour un changement de régime à Damas au moyen d'une transition. Jusque là tout allait bien. Mais cela ne dura pas longtemps car Morsi continua d’une manière tout à fait inattendue. En effet il donna sa solution pour résoudre la crise syrienne :
1 ) cesser le feu général
2) une solution musulmane
3) création d’un groupe de contact pour résoudre la crise syrienne et provoquer une réconciliation par des voies pacifiques.
Mais la vraie bombe, et la véritable cause du blues de Washington, ce furent les pays auxquels pensaient Morsi pour résoudre la crise syrienne : Turquie, Arabie Saoudite, Egypte et Iran.
Non seulement les USA n’étaient pas inclus dans la liste, mais en plus Morsi demandait la participation de l’Iran ! Non seulement il propose une solution purement régionale mais en plus une solution pacifique qui ferait cesser l’hostilité entre sunnites et shiites savamment entretenue et attisée par Israël, les USA et les Saoudiens depuis des décennies, bien que chacun pour des raisons différentes. Morsi proposait l’inverse : la réconciliation et la paix générale au Moyen-Orient entre sunnites et shiites.
Bref il a rejeté entièrement la stratégie de la « division pour régner » employée par les USA et ses vassaux : Israël, Qatar, Arabie Saoudite.
En revanche Téhéran ne cacha pas sa satisfaction puisque c’est précisément ce que l’Iran propose depuis le début de la crise, tout comme les russes et les chinois. Curieusement la presstitute ne parla pas de cela à Ankara, Londres, Washington où Riyadh ; silence assourdissant.
Mais il y a pire encore.
Le président égyptien a annoncé qu’il se rendrait à Téhéran pour assister à la conférence des pays non alignés (120 pays). Nous parions que les relations entre les deux pays s’en trouveront grandement renforcées, et peut-être même, à moyen terme, rétablies comme elles l’étaient avant la révolution iranienne. Gageons également que le président égyptien sera reçu par le président iranien mais aussi par le Guide Suprême, l’Ayatollah Khamenei.
Trente chefs d’état se rendront à Téhéran dont le Secrétaire général de l’ONU qui, cerise sur le gâteau, annonça que l’Iran devait faire partie de toute solution à la question syrienne, ce qui ne manqua pas de faire s’étrangler de fureur les USA, Israël et compagnie. Evidemment il est tout de même difficile d’affirmer après cela que l’Iran est un pays isolé, seul contre la « communauté internationale », comme le répètent à l’envi les RBT (voire lexique).
De plus, avant de se rendre à Téhéran, le président égyptien se rendra à ... Pékin. Il y restera quelques jours d’où il ira à Téhéran directement.
La question syrienne sera à l’ordre du jour, certes et ce d’autant plus que les positions des deux pays sont quasiment identiques, tout comme avec celles de la Russie. Mais il y sera également question, fort probablement, de coopération économique et tutti quanti, manière aussi de se dégager de la tutelle financière des USA et de ses vassaux qataris où Saoudiens. A suivre.
Tout ceci constitue objectivement une volonté très nette de redéployer les relations internationales égyptiennes et de retrouver l’indépendance perdue du pays depuis pratiquement quarante ans. Il est évident que ce changement de paradigme de la politique étrangère égyptienne est un événement dont on ne peut sous estimer l’importance pour l’évolution du Moyen-Orient.
Quelles pourraient être les conséquences de ce changement ?
1) d’abord il souligne une fois de plus l’effondrement de l’influence US dans cette région du monde, écroulement que la crise syrienne n’a pas arrangé, bien au contraire ; sans parler de la question palestinienne.
2) la renaissance de l’Egypte en tant que nation indépendante, si cela dure évidemment, consacrera enfin l’importance de l’Iran en tant qu’acteur incontournable dans la région, ce que les USA, Israël et les Saoudiens ont tout fait depuis 1980 pour éviter.
3) La question palestinienne pourrait revenir sur le devant de la scène, au grand déplaisir des USA et d’Israël car cela ne pourra se produire que contre leurs intérêts, ceux d’Israël en tout cas. Et ce, d’autant plus que cette question qui habite tant les populations du monde arabe, notamment en Egypte, si elle était à nouveau mise au premier plan des préoccupations politiques de la région par l’action d’un pouvoir politique arabe comme l’Egypte, cette question et son défenseur obtiendraient immédiatement l'adésion de toute la population du monde arabe ce qui forcerait les gouvernements arabes sous obédience US à agir en faveur des Palestiniens au risque de se voir renverser. Apparemment Morsi a commencé à tenir ce rôle à la conférence de La Mecque. Ce rôle avait été tenté par Erdogan en son temps avec un succès certain jusqu'à ce qu'il se discrédite entièrement par son attitude suicidaire dans la crise Syrienne.
Les perdants d’une évolution durable de la politique étrangère en Egypte, telle que décrite, seraient bien sûr les USA en premier lieu, mais aussi Israël et la Turquie. Mais les plus menacés seraient, à notre avis, nos grands alliés les monarchies du Golfe, notamment l’Arabie Saoudite. Nous ne pleurerons pas sur leur sort.
Les gagnants d’une évolution de ce type sont l’Iran (elle l'est déjà à notre avis) et à plus long terme les Palestiniens. Mais le chemin pour ces derniers risque d’être encore long et douloureux.
Nous en saurons plus à l’issue du voyage du président Morsi en Chine puis à Téhéran.
Mais pour le moment, tout le monde est content à Cochon sur Terre, le meilleur des mondes.
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