Tout le monde parle de l’interview donnée par le Président Egyptien Mohammed Morsi au New York Times publié la semaine dernière. Avec raison, certes. Car durant cet interview d’une heure et demi, le Président Egyptien confirma sans ambages ni circonvolutions la direction que nous pensions qu’il était en train de faire prendre à l’Egypte sur le plan international alors qu’il avait décidé de se rendre à Pékin puis à Téhéran, avant même d’aller faire une visite d’allégeance à Washington. C’était il y a un mois.
A la suite de cet entretien le doute n’est plus permis : le Président Égyptien entend bel et bien mener la politique étrangère de son son pays en fonction des intérêts de ce dernier et non pas en fonction de ceux des USA, d’Israël où de quiconque.
Voici quelques extraits de cet interview avec le New York Times dans lequel nous pouvons distinguer trois sujets principaux pour la question qui nous intéresse :
- les USA doivent respecter la souveraineté égyptienne, tout comme celle des pays du monde arabe en général, et apprendre à vivre avec des nations ne partageant pas les mêmes valeurs ni les mêmes coutumes, y compris lorsque ces dernières s’opposent aux leurs.
- les USA doivent comprendre qu’ils ne pourront plus gouverner l’Egypte, ni même d’autres pays arabes, par l’intermédiaire de gouvernants achetés pour ce faire.
- les USA ne pourront jamais rétablir des relations normales au Moyen-Orient, sans parler de la paix, s’ils n’appliquent pas intégralement les accords de camp David qui impliquaient un état palestinien indépendant ; sans cela les accords resteront caducs ce qui implique que l’Egypte n’a aucune obligation à les remplir.
“If you want to judge the performance of the Egyptian people by the standards of German or Chinese or American culture, then there is no room for judgment,” he said. “When the Egyptians decide something, probably it is not appropriate for the U.S. When the Americans decide something, this, of course, is not appropriate for Egypt.”
Arabs and Americans have “a shared objective, each to live free in their own land, according to their customs and values, in a fair and democratic fashion,” he said, adding that he hoped for “a harmonious, peaceful coexistence.”
“Successive American administrations essentially purchased with American taxpayer money the dislike, if not the hatred, of the peoples of the region,” he said, by backing dictatorial governments over popular opposition and supporting Israel over the Palestinians.
He said it was up to Washington to repair relations with the Arab world and to revitalize the alliance with Egypt, long a cornerstone of regional stability.
But he also argued that Americans “have a special responsibility” for the Palestinians because the United States had signed the 1978 Camp David accord. The agreement called for the withdrawal of Israeli troops from the West Bank and Gaza and for full Palestinian self-rule.
“As long as peace and justice are not fulfilled for the Palestinians, then the treaty remains unfulfilled,” he said.
If Washington is asking Egypt to honor its treaty with Israel, he said, Washington should also live up to its own Camp David commitment to Palestinian self-rule. He said the United States must respect the Arab world’s history and culture, even when that conflicts with Western values.(Sources : New-York Times - 22 Septembre 2012)
Arabs and Americans have “a shared objective, each to live free in their own land, according to their customs and values, in a fair and democratic fashion,” he said, adding that he hoped for “a harmonious, peaceful coexistence.”
“Successive American administrations essentially purchased with American taxpayer money the dislike, if not the hatred, of the peoples of the region,” he said, by backing dictatorial governments over popular opposition and supporting Israel over the Palestinians.
He said it was up to Washington to repair relations with the Arab world and to revitalize the alliance with Egypt, long a cornerstone of regional stability.
But he also argued that Americans “have a special responsibility” for the Palestinians because the United States had signed the 1978 Camp David accord. The agreement called for the withdrawal of Israeli troops from the West Bank and Gaza and for full Palestinian self-rule.
“As long as peace and justice are not fulfilled for the Palestinians, then the treaty remains unfulfilled,” he said.
If Washington is asking Egypt to honor its treaty with Israel, he said, Washington should also live up to its own Camp David commitment to Palestinian self-rule. He said the United States must respect the Arab world’s history and culture, even when that conflicts with Western values.(Sources : New-York Times - 22 Septembre 2012)
Morsi dénonce donc on ne peut plus clairement les trois piliers sur lesquels s’étaient bâtis la stratégie et le développement de l’influence US parmi les « élites » du Moyen-Orient et parallèlement le rejet et la haine des USA parmi les populations arabes :
- ingérence directe dans les affaires intérieures des pays concernés, c’est à dire non respect de leur souveraineté.
- soutien à des régimes corrompus et impopulaires, pour partie à cause de leur suivisme aveugle de la politique étrangère des USA tout autant que pour la mainmise des dirigeants sur les richesses de leurs pays soumis dans le même temps à une doctrine néo-libérale qui détruit les cadres socio-économiques traditionnels.
- soutien inconditionnel à Israël.
Ce faisant, Morsi se retrouve en phase avec les sentiments populaires répandus non seulement en Egypte mais aussi dans l’ensemble de la région. Et comme nous l’indiquions il y a quelques jours, il devra « coller » de plus en plus au sentiment de la rue, non seulement pour garder ce soutien populaire mais aussi pour couper l’herbe sous le pied des salafistes, financés par les saoudiens. Son absence de condamnation des incidents ayant eu lieu au Caire contre l’ambassade des USA est la meilleure des illustrations de ce schéma.
Mais il y eut pire que l’entretien du New York Times. Et de cela, la presstitute n’a pas parlé.
Nous voulons évoquer l’interview accordé à la télévision égyptienne par le Président Morsi Samedi dernier. Au cours de cet entretien le Président a clairement établi quel type de relation il voulait nouer avec l’Iran. Des relations normales, comme avec tout autre état légitime. Ce qui signifie que les relations diplomatiques avec rétablissement d’ambassade dans chacun des deux pays n’est plus éloignée. C’est ce que nous supputions déjà ici.
Morsi souligna qu’il était important pour l’Egypte d’avoir une « strong relationship » avec l’Iran qui est « a major player in the region that could have an active and supportive role in solving the syrian problem ».
A propos de sa proposition sur la Syrie et sa demande que l’Iran participe au quartette il affirma ceci : « I do not see the presence of iran as a problem, but it is a part of solving the syrian problem ». Il ajouta que la participation de l’Iran pour résoudre le problème syrien était « vital », que « Egypt do nto have significant problem with Iran, Egypt-Iran relationship is normal like with the rest of the world’s states ».
Quelle est la conséquence de cela ?
L’écroulement de toute la stratégie US et Saoudienne au Moyen-Orient.
Celle-ci consiste à projeter, et à créer, sur tout conflit au Moyen-Orient la lutte entre shiites et sunnites. Cela permet, notamment en Arabie Saoudite où à Bahrein, de camoufler les revendications politiques et économiques derrière ces conflits religieux. Cette politique délibérée d’exacerbation systématique des haines sectaires, en grande partie grâce au terrorisme, permettait de :
protéger l’Arabie Saoudite en particulier, et les pays du Golfe généralement, des retombées politiques du Printemps Arabe. Ce qui permet aux USA de maintenir leur hégémonie sur la région et ses sources d’énergie.
affaiblir l’Iran et réduire autant que faire se peut son influence grandissante dans la région. La destruction de la Syrie et de son régime allaouite, à la fois allié de l’Iran et du Hezbollah, constitue une étape majeure de ce plan, tout comme le morcellement de l’Irak et du Liban. C’est là que se rencontrent les intérêts stratégiques à la fois d’Israël et des Saoudiens, tous deux ayant intérêt à affaiblir les états les entourant : Irak et Syrie notamment.
Mais lorsque l’Egypte, le plus important pays arabe sunnite, et l’Iran, le plus grand état shiite, se tendent la main et s’entendent pour régler les problèmes de la région, toute la narrative du conflit irréductible entre sunnis et shiites clamée sur tous les toits par les saoudiens et les américains retombe comme un mauvais soufflé. A ce moment là, les revendications politiques, sociales et économiques qui furent mises sous le boisseau dans les pays du Golfe resurgiront avec d’autant plus de virulence qu’elles ne pourront plus être détournées de leur objectif par de fausses querelles entretenues artificiellement par des terroristes payés et armés pour ce faire.
Morsi apparait dés lors comme l’homme le plus dangereux pour l’hégémonie US sur la région, et par conséquent il constitue une menace pour le maintien au pouvoir des régimes du golfe, saoudiens notamment, instruments de ce contrôle US du Moyen-Orient. Dangereux non pas directement, non pas par la violence qu’il ne veut pas générer, mais au contraire par sa politique d’apaisement avec l’Iran ; car sa démarche s’oppose frontalement à la nécessaire politique de violence et d’affrontement systématique des USA et de leurs vassaux face à l’Iran, ceci afin de protéger leurs intérêts en instaurant le chaos par la déstructuration générale de la région et des états la constituant. Ce schéma fut appliqué avec succès en Libye. Dans cette optique la paix entre sunnites et shiites et l’échec de la tentative d’isolation de l’Iran par les Occidentaux, constituerait le pire des cauchemars pour les USA et les Saoudiens, tout comme pour Israël ; car cela amènerait une unification des musulmans du Moyen-Orient face à ce que, tous, considèrent comme les deux principales sources de problèmes dans la région : la question palestinienne et la présence des USA au Moyen-Orient.
Prochaine cible : la péninsule arabique et accessoirement la Jordanie.
Mais pour le moment tout le monde est content à Cochon sur Terre, le meilleur des mondes.
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