mardi 10 septembre 2013

Syrie : Bons baisers de Russie !

Le Président Putin et Serguei Lavrov viennent de sauver la mise, et la face, du Prix Nobel de la Paix « va-t’en guerre », comme de juste dans notre monde merveilleux, paradisiaque et scintillant, où toute parole désarticulée par un de nos dirigeants bien-aimé doit être interprétée comme son exact contraire. C’est ainsi que Prix Nobel de la Paix ne peut pas ne pas être rattaché à bombardements humanitaires, drones, Afghanistan, Yemen, Libye, Syrie, terrorisme, Al Qaeda notre meilleur allié etc, etc... la liste est trop longue pour être récitée.

Tout cela pour dire que les Russes ont pris au mot l’inénarrable Kerry-botox. Il n’a pas fallu plus de deux heures pour que l’insignifiant Kerry-botox se fasse coiffer au poteau par Sergueï Lavrov. 

La Syrie accepte donc de remettre ses armes chimiques à des inspecteurs internationaux qui auront pour mission de les détruire ; dans la foulée, la Syrie va signer la convention de Genève de 1922 interdisant les dites armes chimiques. A noter que ni Israël, ni les USA ne l’ont signé. Mais c’est un détail insignifiant, naturellement.

Certains commentateurs parlent « d’échec et mat » à propos de la position d’Obama. Ce n’est pas sûr, pourtant, car il n’est pas certain que les Russes aient voulu mettre le Prix Nobel de la Paix dans cette position. Ils sont plus subtils que cela. Ils lui ont, bien au contraire, offert une porte de sortie de l’impasse dans laquelle il s’était mis tout seul. Et ils lui permettent de sauver la face, ce qui signifie que cette initiative permet au prix Nobel de la Paix de ne pas sortir de cette affaire syrienne plus affaibli qu’il ne l’est déjà. Vous pourrez toujours nous dire que les dégâts sont déjà faits ; c’est vrai mais au moins il n’y en aura pas de plus grave. Du moins il faut l'espérer.

Car cette initiative russe pourrait éviter au Prix Nobel de la Paix une retentissante défaite au Congrès, avec un affaiblissement proportionnel, tant il était certain que ce dernier aurait refusé de voter la guerre, où en tout cas la Chambre des Représentants, voir même le Sénat ; de même, en admettant qu’il soit tout de même allé jouer à la guerre sans l’autorisation du Congrès (ce dont nous doutons), il aurait eu à faire face à d’énormes complications de politiques intérieures tout au long des trois années qui lui restent, sans parler d’une éventuelle procédure d’impeachment. 

Surtout, cela permet de masquer l’isolement jamais vu auparavant des USA sur le plan international ; car « la guerre » n’est soutenue par personne à part les Israéliens, les Saoudiens, les Qataris, les Turcs, c’est à dire les habituels suspects d’attaques au gaz attribuées au gouvernement syrien (pour les trois derniers cités). Ah, si, pardon il y a aussi les Français (voir l'article de Corto). Autant dire bien peu de monde. 
En conséquence, les russes lui offrent un cadeau inestimable.

Mais la reconnaissance n’est pas l’apanage des faibles. La vanité, oui. Et par vanité, donc par faiblesse, on est prêt à toutes les folies.

Nous verrons ce soir, lors de son adresse à la nation US, si le Prix Nobel de la Paix saura saisir cette chance envoyée par les russes où non.

En revanche, il y a une chose que les russes ne peuvent pas contrer, si tant est qu’ils le veuillent : c’est le mouvement d’opposition à la guerre et aux interventions extérieures qui grandit de façon désormais difficile à occulter par la presstitute. Tea Party, Occupy Wall street d’abord, comme en avant garde ; puis l’affaire Snowden a lancé le pavé dans la mare du Congrès, comme on l’a vu lors du vote raté de quelques voix en Juillet. Désormais ce mouvement a des représentants au sein même du Congrès, composé à la fois de Démocrates et de Républicains et il est en train de s’organiser très sérieusement, même si ce n’est pas délibéré pour le moment, en mouvement d’opposition au parti unique ; cela ira t’il jusqu’à former un nouveau parti politique ? A voir. La dernière fois que c’est arrivé aux USA, c’était lors de la fondation du Parti Républicain en 1854 par des membres rebelles des partis démocrates et whig. Ce mouvement d’aujourd’hui, lui aussi, regroupe un grand nombre de sous mouvances venant de tous les horizons politiques mais qui se retrouvent toutes désormais sous la bannière anti-guerre. Il y a dans cette mouvance  une tendance de plus en plus forte à l’isolationnisme, venant plutôt de sa partie républicaine. C’est aussi un mouvement anti-lobbys, notamment contre le complexe militaro-industriel et les guerres, anti-Wall Street (banksters et compagnie) etc... 

Bref c’est un mouvement anti-système se trouvant désormais au sein même du système, voir pour la plupart de ses membres, et particulièrement ceux du congrès, appartenant à ce système lui-même. La croissance de cette opposition va t’elle faire exploser toute la machine-système ? Nous verrons. Mais nous pouvons désormais voir que toute nouvelle affaire (Snowden-NSA, Syrie etc) et toute nouvelle crise (sans parler de la situation économique) ne fait que le renforcer ; plus il se renforce, plus il devient visible et plus il attire de nouveaux partisans. Le tout face à des apparatchiks complètement autistes que la panique rend de plus en plus maladroits face à cette marée montante de la contestation.

Gageons donc que cette nouvelle affaire de Syrie et ses rebondissements, quels qu’ils soient, ne feront que renforcer considérablement les opposants dont nous venons de parler, augmentant encore la paralysie générale de Washington et par là même l’impopularité du centre par rapport aux états fédérés. Et par contrecoup cela ne fait qu'accélérer l’implosion générale du système à laquelle nous sommes en train d’assister.

Mais pour le moment tout le monde est content à Cochon sur Terre, le meilleur des mondes.







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